Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE XII

LA PREMIÈRE
ET LA SECONDE CRÉATION

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« Ce sont ici les origines des cieux et de la terre, lorsqu'ils furent créés, au jour que l'Éternel Dieu fit les cieux et la terre. » (Gen. II, 4).


Dieu avait donc créé le monde. La Genèse nous raconte les créations successives ; l'Évangile de saint Jean nous dit comment et par qui Dieu les fit. « Au commencement était la Parole ; la Parole était avec Dieu ; et la Parole était Dieu. Toutes choses furent faites par elle, et sans elle pas une chose ne fut faite de ce qui a été fait. » (Jean I, 1, 3.) Jésus-Christ, le Fils, la seconde personne de la Trinité, la Parole, prononça ce qu'Il voyait dans le Père. Il le dit, et cela fut. Qu'y avait-il avant que le monde fût ? Dieu et son grand Nom qu'Il voulait révéler, qui devait être sanctifié. L'énonciation de ce nom infini par le Fils, voilà la création. Chaque être est l'expression visible d'une pensée de Dieu. Et il y a encore des gens qui nient que Dieu se soit révélé à l'homme ! Qu'est-ce donc que la création tout entière, sinon la révélation du Créateur, comme l'oeuvre d'un artiste celle de sa pensée ? Qui a peint la fleur, dessiné le papillon et le scarabée, et donné à chaque plante les formes toujours nouvelles, toujours élégantes de ses feuilles ?

Ce penser divin est aussi une loi, la loi de l'univers. Comment en serait-il autrement de la pensée absolument juste et sage d'un Dieu ? Nous parlons des lois de la nature : qui est cette nature, et comment peut-elle se donner à elle-même des lois ? Le gland s'est-il imposé les lois en vertu desquelles il deviendra un chêne ? Non ; la loi suppose un législateur qui la dicte ; une loi qui se ferait elle-même serait une absurdité aussi grande qu'un amour sans un être aimant ni aimé, qu'une volonté sans personne qui veuille. Quand Dieu prononce en une Parole divine le mot de « plante », cette Parole contient toutes les lois qui régissent ce végétal et qui lui donnent sa vie, sa forme et sa beauté, son utilité et son but. De même notre corps est la réalisation, l'application de lois innombrables. Nous ne pouvons pas faire un pas, mouvoir un doigt, voir et entendre, ou manger un morceau de pain, parler ou penser sans accomplir des lois immuables, inexorables. Nous sommes des lois vivantes, et, aussi loin que les soleils brillent, il n'y a pas un atome de matière qui n'existe en vertu de lois divines et qui n'en soit la représentation.

Le principe fondamental de ces lois c'est le bien car Dieu est le bien suprême. Une loi qui n'a pas le bien pour but et Dieu comme objet final est une loi injuste, inique. Ces lois de la création sont vraies ; comment les pensées de Dieu ne le seraient-elles pas ? Et parce que, comme le disait Platon, « la beauté est la splendeur du vrai » et que la Bible nous prêche un Dieu de beauté, toutes ces lois produisent la beauté. Sans loi il n'y a que le chaos absurde et laid. Ce sont les lois de la lumière qui produisent le monde magnifique des couleurs, les nuances délicates des fleurs, et, dans les airs, les palais d'or et de pourpre du soleil couchant. Ce sont les lois du son qui produisent la musique et l'harmonie des êtres et des choses, du vent qui résonne comme l'orgue à travers la forêt, du ruisseau qui murmure et enchante l'aveugle, du tonnerre de la cataracte, et la beauté des mélodies de Mozart, de Beethoven et de Bach. Ce sont les lois si simples de la cristallisation autour de trois axes qui produisent un monde de beaux cristaux, le diamant, le rubis et l'émeraude ; et, par le développement selon deux axes, des centaines de coquillages variés et toujours élégants. C'est la loi unique de la disposition des feuilles autour de la tige qui produit l'architecture si individuelle du chêne et du sapin, du saule et du palmier. Ce que nous admirons dans la nature, c'est toujours - que nous le sachions ou non - la loi et la force. Ainsi le magnifique Niagara mugissant, c'est la loi de l'attraction combinée avec les lois de l'eau, et la force, égale à celle que produirait la combustion de 50.000 millions de kilos de houille. La loi, c'est l'idée première, divine ; c'est la beauté.

Le principe fondamental de la loi est le nombre, qui est aussi le Logos divin, Dieu. Le grand Un, insaisissable à la créature, s'est manifesté dans le Fils, la deuxième, et dans l'Esprit Saint, la troisième personne de la Trinité divine. De là toute la logique mathématique de l'univers. Ce n'est pas ici le lieu d'exposer la métaphysique biblique du nombre. Mais remarquons qu'il est à la base de toutes les lois que nous venons de citer et que nous appelons « lois de la nature ». L'atome, le cristal, la plante, l'animal, l'homme obéissent aux lois des nombres, par exemple à la loi profonde et mystérieuse de la symétrie. Un quart des plantes connues sont des crucifères, régies, comme les quadrupèdes, par le nombre 4 ; d'autres, comme le montre si bien la belle fleur de l'iris, par le nombre 3. Pas une des 400,000 espèces de scarabées, dont la forme et la vie ne soient réglées par le nombre 3 ou 6. Le corps humain aussi est un cristal symétrique à droite et à gauche, dissymétrique par en haut et par en bas, par devant et par derrière. Nos arts reposent sur le nombre. La musique est l'expression, par le son, de lois numériques ; l'architecture nous montre le nombre ; de même la chimie et la physique et toutes nos connaissances de la matière sont basées sur lui.

Ces pensées de Dieu, ces lois divines, ne sont pas, comme les lois humaines, des formules stériles et inorganiques ; elles renferment des semences de vie d'où peut sortir l'infini. Ainsi le grand Un contient en germe toutes les mathématiques ; l'a, b, c, toutes les langues du monde, et d'autres encore ; la loi de l'attraction, celles des rapports de tous les esprits entre eux ; celle de la nutrition existe à divers degrés pour tous les êtres, car Dieu seul ne se nourrit pas.

Une propriété belle aussi de la loi divine, c'est que toute loi plus haute contient la loi inférieure en paraissant la transgresser, et la développe avec plus de liberté. C'est ainsi que la loi de la pesanteur domine le règne minéral, quoique le cristal s'efforce de s'en affranchir. La plante s'en sert en paraissant la transgresser, quand le sapin, le palmier s'élèvent à 65 mètres de hauteur. La plante a besoin d'un point fixe pour prendre racine ; l'animal, le coursier agile et l'aigle qui plane ne subissent plus cette loi. De même le corps ressuscité sera l'accomplissement et la perfection de toutes les lois de l'espace et du temps, de la matière, de la force et de la mécanique qui régissent maintenant notre corps imparfait.

Plus la loi est haute, plus grande est la liberté. La plante est plus libre que le cristal ; l'animal que la plante ; l'homme que l'animal ; et l'ange que l'homme. Déjà, sur la terre, l'artiste le plus grand et le plus libre à la fois est celui qui, comme Phidias ou Michel-Ange, Raphaël ou Mozart, connaît le mieux les lois de son art ; pour lui elles ne sont pas, comme pour l'homme ordinaire, des entraves mais bien des moyens d'action. - Et Dieu, de qui émane sans cesse la loi éternelle, est la liberté même.

Parce que Dieu est un seul Dieu, parce que dans son penser absolument unique et harmonieux, Il a créé la matière et l'esprit, il n'y a qu'une loi ; et les mêmes lois valent également pour la matière et pour l'esprit, comme la Bible nous l'enseigne, et comme Christ nous le montre dans ses paraboles, par exemple dans celle du semeur. Voilà ce que ne comprennent pas nombre d'esprits superficiels, qui s'imaginent que notre âme, son amour et sa haine, sa volonté et sa connaissance, la formation de ses idées et ses sensations, ses douleurs et ses joies ne sont soumises à aucune loi, mais qu'elles se condensent ou se dissipent, ou flottent ça et là à leur propre gré, comme un nuage au hasard des vents et des circonstances. Quelle fausse et indigne conception de ce que Dieu a créé de plus haut sur la terre ! Ne voient-ils donc pas que la pensée, ce qu'il y a de plus libre en l'homme, n'existe que par et selon les lois inexorables de la logique ?

Nous avons dit plus haut que toutes les lois de l'univers veulent le bien. « Observe ma loi », dit Dieu à son peuple, « car c'est là ta vie ». Il n'y a pas d'autre sagesse pour la créature que de chercher à observer partout les lois divines de la matière et de l'esprit. La sagesse et le bonheur suprême seraient de les connaître et de les observer toutes entièrement, comme le dit Salomon dans un magnifique chapitre des Proverbes. Les transgresser c'est folie, démence, suicide. « Car les gages du péché, c'est la mort » (Rom. VI, 23). Le malheur, la malédiction des individus, des peuples et des empires, de l'humanité tout entière, c'est son mépris de la loi du Créateur, et l'idée insensée, dans son fol orgueil, qu'elle peut en imaginer de nouvelles et de meilleures.

Et Dieu eut achevé au septième jour son oeuvre, et il se reposa au septième jour de toute son oeuvre. Et Dieu bénit le septième jour, et le sanctifia ; car en ce jour il se reposa de toute son oeuvre que Dieu avait créée en la faisant. (Gen. II, 2,3.) « Quand Dieu eut fait l'homme, » dit un géologue, « il se reposa. Nous sommes les témoins de ce repos. La Providence laisse dormir les grands agents physiques ; nous sommes dans une période géologique de tranquillité. »

Comment un Dieu se repose-t-il ? je n'en sais rien. Comment comprendrais-je, moi, pauvre créature finie, le travail ou le repos de la divinité ? Mais je vois ici l'origine d'une grande loi de la création, de l'alternance du travail et du repos, de l'expansion et de la concentration. C'est ainsi qu'aucune planète ne se meut dans un cercle où tous les rayons sont égaux, mais dans des ellipses plus ou moins allongées ; tantôt elles augmentent de vitesse en se rapprochant du soleil, tantôt elles diminuent en s'éloignant de lui. Ainsi le soleil a ses périodes de repos et de plus grande activité, indiquées par le maximum de ses taches ; même son diamètre, d'après le Dr Poor et d'autres observateurs, diminue et augmente régulièrement. Ainsi la nature se repose en hiver pour se réveiller au printemps ; l'homme et des millions de créatures passent alternativement du sommeil à l'état de veille. Et tout cela parce qu'il y a en Dieu des alternances de travail et de repos.

Dieu nous révèle ici que, puisqu'Il bénit le septième jour, le sanctifie, et en fait un jour de fête pour son peuple parce qu'Il s'est reposé Lui-même ce jour-là, le repos est dans la Divinité encore plus grand, plus beau, plus élevé et plus saint que le travail de la création. Quelle pensée étonnante et mystérieuse !

Et, à nous aussi, Dieu promet un repos, « de notre travail sur la terre que Dieu a maudite ». Un jour un voyageur, chargé d'ans et de chagrins arriva, sur une colline au bord d'un lac, près d'un vieux clocher gris. Il poussa la porte de l'enclos désert, s'assit sur une tombe et, la tête dans ses mains, se laissa aller à ses amères pensées, lorsque son regard tomba sur une pierre, où il lut en lettres frustes : « Ici repose en Dieu X. » ; consolé, il reprit son sac et son bâton et continua d'un pied plus ferme son voyage. - Oui, pauvre âme fatiguée, mon frère, toi aussi tu te reposeras un jour du bruit et de la fièvre de la vie. Une autre génération viendra, et, persuadée elle aussi qu'elle seule est sage et puissante et que le monde lui appartient, elle bâtira et plantera, vendra et achètera, se mariera et donnera en mariage, poursuivra à grands cris ses illusions et ses fantômes, et remplira la terre de son agitation et de sa vanité. Mais toi, tu te reposeras, à l'abri de tous les maux, dans le Dieu auquel tu as cru, plus doucement, plus paisiblement que jamais enfant sur le sein de sa mère. Dieu l'a promis aux siens : « Toi, Daniel, va jusqu'à ta fin et tu te reposeras et tu ressusciteras pour ton héritage à la fin des jours » (Dan. XII, 13). - « Il y a encore un repos pour le peuple de Dieu. »

Dieu avait donc achevé sa création et l'avait donnée à l'homme. Nous savons ce qu'Adam en fit ; comment, séduit par la femme et le serpent, il voulut s'élever jusqu'à la connaissance divine du bien et du mal ; comment il tomba et comment le chérubin, à l'épée flamboyante, le chassa du jardin que Dieu avait planté pour lui. Là commence l'histoire de l'humanité sur la terre. Qu'a-t-elle fait de cette terre et de la création que Dieu lui a donnée ? A-t-elle trouvé, a-t-elle même cherché dans cette création le Créateur ? Que lui répondra-t-elle quand, au jour du jugement, Il lui demandera compte de l'emploi de son oeuvre, du talent qu'Il lui a confié ?

Qu'avez-vous fait de ma création ? demandera Dieu aux peuples et aux individus. Je vous ai donné la lumière, et des yeux pour la voir. Vous vous en êtes servis pour la convoitise des yeux ; vous avez souillé le rayon lumineux, et il porte à travers l'espace les images de votre vanité et de votre folie. Je vous ai donné l'air et le son, et la voix pour me louer et pour vous dire l'un à l'autre des paroles de bonté et de consolation. Mais de votre terre, de vos capitales montent jour et nuit vers moi, comme la fumée de l'abîme, des millions de blasphèmes et de malédictions, des paroles de colère et d'envie, d'orgueil et de luxure, de mépris et de menace, et les plaintes des malheureux opprimés. - Je vous ai donné la terre, ses pierres et ses métaux. Qu'en avez-vous fait ? Vous y auriez tous place, mais vous vous égorgez les uns les autres pour quelques arpents de terrain. Vous bâtissez des palais inutiles pour votre orgueil ; des forteresses pour la guerre contre vos frères ; des prisons pour votre prochain. Avec le fer vous vous forgez des armes, des canons, des vaisseaux pour le carnage. Vous frappez mon or à votre image, et puis vous vendez vos âmes pour ces morceaux de métal et pour des trésors que la rouille dévore et que les larrons dérobent. - J'ai commandé à ma plante de vous nourrir et de vous vêtir ; vous vous étourdissez avec le vin, l'alcool, le haschisch et l'opium ; vous inventez des modes ridicules pour parer votre corps mortel.

Je vous ai établis maîtres et seigneurs sur les animaux. Était-ce pour les maltraiter, pour trouver plaisir à les tuer et à en détruire des espèces entières afin de vous orner de plumes ou d'ivoire ? - Je vous avais bénis pour que vous multipliiez et remplissiez la terre et viviez en paix sur elle. 0 hommes, qu'avez-vous fait de vos frères ? La voix de leur sang crie jusqu'à moi Ah ! l'histoire de l'humanité est une histoire de sang et de larmes, une suite de guerres impitoyables, de massacres et de destructions, de villes incendiées et de peuples exterminés. De barbares conquérants, Attila et ses fils, Alaric, Genséric et ses Vandales, ont fait périr sans pitié des millions de créatures humaines. Des centaines de cruels tyrans dans l'Inde et dans la Chine, à Carthage et à Rome, en Russie et en Afrique, Cortez au Mexique et Pizarre au Pérou, des races de pirates et de brigands ont inventé d'atroces supplices, des tortures affreuses pour leurs semblables. Et l'inquisition, la guerre de Trente ans, celles de Napoléon et dernièrement la guerre entre la Russie et le Japon ! - L'homme a abreuvé la terre du sang de l'homme ; et Dieu lui avait dit : Tu aimeras ton prochain comme toi-même !

Est-ce là toute la dette, la coulpe immense de l'humanité ? Non ! Celle qui dépasse toutes les autres et dont elles découlent, c'est son mépris, sa haine du Dieu qui lui avait commandé : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de toute ta pensée ; car c'est là ta vie ! » Où est le Dieu des nations qui leur ait jamais donné une loi si sublime ? Je suis votre Créateur et veux être votre Père, dit Dieu à ses créatures ; mais elles crient : Non, ce monde s'est fait lui-même ; nous descendons de la cellule et du singe et nous ne voulons pas de père ! - Il leur dit : Je vous donne ma Parole pour vous guider à travers la vie ! - Ouvrage de prêtres menteurs, superstitions ! disent les incrédules - Je vous donne mon Fils pour qu'il porte votre péché ! Ils répondent : Ce n'est pas vrai ; tu n'as pas de fils, et il ne peut pas devenir homme ! - Touché de leurs maux, Il leur fait cette promesse : Je veux vous prendre à moi dans mon ciel et y essuyer toutes larmes de vos yeux. Mais les hommes refusent : Nous ne voulons pas de ton ciel, nous préférons tomber, avec les soleils qui s'éteignent, dans la nuit éternelle ! - N'est-ce pas justice qu'un jour « le Seigneur vienne, au milieu de ses saintes myriades, pour convaincre pleinement tous les pécheurs impies des paroles dures qu'ils ont prononcées contre lui ? » (Jude 15.)

Et pourtant ce Dieu de miséricorde fait, depuis 6000 ans, « lever son soleil sur les méchants et les bons, et envoie sa pluie sur les justes et les injustes ». Et non seulement Il prend soin des corps de ces pécheurs, mais Il voudrait sauver leurs âmes. Il leur envoie « des prophètes, des sages et des scribes ». « Il leur envoya encore un autre serviteur, et celui-là ils le tuèrent et plusieurs autres, battant les uns et tuant les autres ». Mais sa patience n'est pas encore lassée. « Ayant un fils unique et bien-aimé, il le leur envoya, lui aussi, le dernier, disant : Ils auront du respect pour mon fils. Mais ces vignerons dirent entre eux : Celui-ci est l'héritier ; venez, tuons-le et l'héritage sera à nous. Et l'ayant pris, ils le tuèrent et le jetèrent hors de la vigne. » (Marc XII, 6-8.) - Comment ce Dieu, en voyant périr dans les tourments sur la croix son Fils bien-aimé, n'a-t-il pas fendu les cieux, saisi ses foudres, et réduit en poussière cette misérable terre et cette humanité plus misérable encore ? Depuis deux mille ans l'Agneau. de Dieu, qui porte le péché du monde, se rassemble pour prix de ses souffrances « de toutes nations et tribus et peuples et langues, une grande foule », son Église. Quand la dernière âme « élue en Christ avant la fondation du monde » (Eph. I, 4) aura été sauvée, alors les destins d'un monde coupable s'accompliront.

Que fera alors Dieu de sa création ? Cette terre, souillée par l'homme, trempée de sang et de larmes, poussière de corps morts, entourée d'une atmosphère chargée de blasphèmes, avec tous ses êtres rongés par le péché et la mort - un tel monde n'est pas digne de vivre éternellement. La Bible nous le dit : Il périra par le feu. « Les cieux passeront avec un bruit sifflant, les éléments embrasés seront dissous, et la terre et ses oeuvres qui sont en elle, seront brûlées entièrement. » (2 Pierre III, 10.) « Les peuples travaillent pour le feu. » (Habacuc II, 13.)

Mais Dieu renonce-t-il pour cela à son plan de création ? Jamais. « Il n'est pas homme pour mentir, ni fils d'homme pour se repentir, » et ni l'homme, ni l'enfer tout entier ne l'empêcheront d'accomplir ses décrets. « Le ciel et la terre passeront devant la face de celui qui est assis sur le grand trône blanc, mais alors Lui, le Tout-Puissant, prononcera la grande parole déjà confiée aux prophètes comme fin et but définitif du plan de Dieu à travers les siècles : Voici, je crée de nouveaux cieux et une nouvelle terre, et on ne se souviendra plus de ceux qui ont précédé, et ils ne monteront plus au coeur » (Esaïe 65, 17). La Révélation de Jésus-Christ, « qu'il a envoyée par son ange a son serviteur Jean » nous décrit cette nouvelle création, son admirable correspondance avec l'ancienne qu'elle remplace, et la dernière page de la Bible nous répète la première dans une plus haute harmonie.

Il est triste que bien des chrétiens n'osent pas croire pleinement, joyeusement à ces magnifiques déclarations. Par pauvreté d'esprit et par faiblesse de foi, ils spiritualisent les réalités éternelles, et se figurent la vie future comme quelque chose de nébuleux, de vague, d'incompréhensible et d'insaisissable, alors que le Christ est ressuscité en force et en gloire. Pourquoi douter que le Dieu, qui par sa parole puissante a fait sortir du chaos la terre que nous habitons et ses milliers de créatures, puisse faire sortir, des éléments de cette même terre dissous mais non anéantis par le feu de sa colère, une terre nouvelle, aussi véritable et réelle que la présente. Une création reconstruite pour l'éternité, et préservée désormais de tout mal et de toute souillure, ne sera-t-elle pas autrement glorieuse, et en même temps plus réelle et plus substantielle que notre demeure actuelle et périssable. « Si ce qui devait prendre fin a eu de la gloire, combien ce qui demeure sera-t-il plus glorieux ? » (Il Cor. III, 11.) Mais on fait des promesses de Dieu des images poétiques ou de fades allégories. « Les rues d'or pur de la nouvelle Jérusalem » (Apoc. XXI, 21), me disait un théologien, « sont la prédication de l'évangile (!) » ; et un autre m'écrivait : Des fleurs au paradis, allons donc ! (Voir Ap. XXII, 2). - S'il doit s'y trouver des fruits et des feuilles, pourquoi pas des fleurs ? Ces esprits étroits ne comprennent pas la parole décisive : « De nouveaux cieux et une nouvelle terre. » La distinction subsiste donc entre les cieux et la terre ; ce n'est pas sur le soleil ou les étoiles ou dans un ciel immatériel, hors de l'espace et du temps, que « les nations rachetées marcheront à la lumière de l'Agneau de Dieu » (Apoc. XXI, 24) ; mais sur une nouvelle terre purifiée et faite d'une matière céleste, indestructible, et faisant partie de nouveaux cieux, comme l'ancienne fait partie des cieux d'à présent. C'est sur cette terre, est-il écrit, que descendra du ciel « parée comme une épouse ornée pour son mari, » la nouvelle Jérusalem gigantesque (Apoc. XXI, 16), étincelante de la lumière divine et de pierres précieuses et éternelles, « tabernacle de Dieu avec les hommes où Il habitera avec eux ». « Les cieux des cieux sont à Jéhova ; mais la terre il l'a donnée aux fils des hommes. » (Ps. CXV, 16.) « Bienheureux les débonnaires ; car ils hériteront la terre » (Matth. V, 5).

D'autres chrétiens ont bien un Sauveur pour leur usage personnel, et c'est l'essentiel ; mais ils ne connaissent pas assez Celui auquel est donné toute puissance dans le ciel et sur la terre ; qui porte toutes choses par sa parole puissante ; qui est la lumière du monde, de son histoire et de sa politique, de son commerce et de son industrie, de ses arts et de ses sciences. Trop préoccupés de leur petite personne et de leurs petites expériences spirituelles, ils n'entendent pas « les soupirs de la création tout entière en travail jusqu'à maintenant, qui attend la révélation des fils de Dieu, » comme dit l'apôtre. « Car la création a été assujettie à la vanité, (non de sa volonté, mais à cause de celui qui l'a assujettie) dans l'espérance que la création elle-même aussi sera affranchie de la servitude de la corruption, pour jouir de la liberté de la gloire des enfants de Dieu ! » (Rom. VIII, 19-22.) Ils ne se réjouissent pas d'entendre un jour « toutes les créatures qui sont dans le ciel et sur la terre, et au-dessous de la terre, et sur la mer et toutes les choses qui y sont, dire : « A celui qui est assis sur le trône et à l'Agneau soient la louange et l'honneur et la gloire et la force aux éternités des éternités. Amen ! » (Apoc. V, 13).

La Bible nous révèle avec une clarté absolue une matière céleste, bien plus réelle que celle que nous voyons ici-bas. Elle révèle des espaces divers, une terre et une ville céleste et « plusieurs demeures dans la maison de mon Père ». Elle parle aussi de temps célestes de siècles des siècles, immenses jours de la Divinité ; Dieu est même appelé « le Roi des éternités » (Basileus tôn aiônôn. 1 Tim. I, 17) ; et nulle part elle ne connaît l'éternité en dehors du temps, dont parlent des chrétiens, peut-être induits en erreur par une traduction inexacte d'Apocalypse X, 6. Un peu d'attention suffit à le démontrer, puisqu'après la trompette du septième ange, le temps, loin d'être aboli, se montre dans les mille ans cinq fois répétés du chapitre XX ; et que, même sur la nouvelle terre, l'arbre de vie produit son fruit chaque mois. La Bible enseigne donc une nouvelle, magnifique et éternelle création, mais Dieu la créera suivant le plan, les principes et les types de l'ancienne, comme réalisation d'une parfaite harmonie de la matière et de l'esprit. Comme l'arbre de vie du premier paradis était un arbre véritable, les vêtements blancs des saints ressuscités seront aussi vrais, réels et palpables que ceux du Christ sur le Thabor, ou après sa résurrection, et, lorsqu'il se montra à son disciple Jean (Apoc. I, 15) ; et en même temps, ils sont par une magnifique expression : la justice des saints.

Remarquons l'accord entre la première et la dernière page de la Bible. En cela aussi la Parole se manifeste comme un tout, une révélation des éternels décrets de Dieu à l'égard de la création et de l'humanité : « Au commencement Dieu créa les cieux et la terre ». À la fin Il créera de nouveaux cieux et une terre nouvelle. Nous voyons la première arrosée de quatre fleuves. Sur la seconde un fleuve de cristal sort du temple. « Il y a donc un fleuve ; ses ruisseaux réjouissent la ville de Dieu, le saint lieu des demeures du Très-haut. » (Ps. XLVI, 4.) Le premier Eden possède un arbre de vie, un seul ; il y en a beaucoup dans le Paradis céleste. Sur la première terre se trouvent des montagnes ; la seconde en a une, élevée au-dessus de toutes les autres, couronnée par les splendeurs de la nouvelle Jérusalem (Ezéch. et Apoc.).

Cependant, les différences aussi entre la première et la seconde création sont dignes d'être remarquées. Le soleil et la lune éclairaient la première, et même dans le Paradis terrestre des nuits succédaient aux jours. (Gen. III, 8.) De la terre nouvelle il est dit : « Il n'y aura plus là de nuit, et ils n'auront point besoin de lampe, ni de la lumière du soleil, parce que le Seigneur Dieu les éclairera ». (Apoc. XXII, 5.) Adam et Eve étaient nus, symbole et signe d'innocence primitive. Sur la terre nouvelle les élus seront revêtus de vêtements blancs, portant ainsi le signe visible de la justice des saints, acquise par le sang de Christ. Dans le premier paradis l'homme demeurait sous les ombrages d'Eden ; dans le second, il habitera des demeures magnifiques que Christ est allé préparer pour nous dans la Ville éternelle, parée d'or et resplendissante de gloire. Au premier homme il fut dit : « Tu ne mangeras pas de l'arbre de la connaissance du bien et du mal » ; de la seconde il est écrit : « Il n'y aura plus d'interdit ». Or, là où il n'y a plus de défense il ne saurait y avoir de transgression. Au centre du premier Eden se trouvait un formidable « non » ; dans le second, tout sera « oui et amen ». « Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus ; et il n'y aura plus ni deuil, ni cri, ni travail ; car ce qui était auparavant, sera passé ». (Apoc. XXI, 4.)

Parce que le père du mensonge veut avant tout nous nier cette nouvelle création ou tout au moins l'entourer de brouillards, pour en cacher la réalité, en voiler la beauté, et nous ôter l'envie d'y parvenir, Jésus-Christ, notre frère, est venu, ressuscité, montrer à ses disciples ses pieds et ses mains, les leur faire toucher, et leur déclarer qu'il était là en chair et en os (Luc. XXIV, 16-39). Et comme, dans leur joie, ils ne croyaient point encore, et qu'ils étaient dans l'étonnement, il leur dit : Avez-vous ici quelque chose à manger ? Ils lui présentèrent du poisson rôti et un rayon de miel. Il en prit et il mangea devant eux (Luc XXIV, 41-43). Et « nous lui serons faits semblables » ; nous mangerons avec lui, et à table avec Abraham, Isaac et Jacob, les fruits de l'arbre de vie (Apoc. II, 7) et boirons avec lui du fruit de la vigne (Luc. XXII, 18), jouissance à la fois du corps ressuscité et de l'esprit ; nous en avons déjà une faible image dans un festin terrestre, avec des parents et amis bien-aimés.

Fait immense ! incroyable à l'homme naturel, révélation étonnante d'une vie éternelle, inconcevablement réelle, beaucoup plus vraie que l'illusion des sens et de la matière qui, depuis la chute, nous enlacent et nous trompent ; plus vraie surtout qu'une soi-disant vie éternelle souvent prêchée, oeuvre toute d'imagination, composée uniquement de sentiments édifiants et de jouissances purement spirituelles. Que ceux qui n'ont pas d'autre ciel nous disent alors pourquoi la résurrection du corps ? Laissons-leur leurs idées vagues et confuses ; ne nous laissons tromper ni par un rationalisme incrédule, ni par une fausse théologie qui s'appelle libérale, ni par un sentimentalisme religieux malsain ; mais, simplement, comme des enfants, croyons-en la Bible ; elle nous dit que le Créateur qui, au commencement, créa les cieux et la terre, peut et veut en créer à la fin de nouveaux ; que Lui, qui planta un jardin en Eden, peut et veut en planter un second sur la nouvelle Terre. Ce Dieu d'amour veut rendre absolument heureux et satisfaits le corps et l'esprit ; Lui, qui a créé l'âme qui s'attriste ici-bas de ce que l'arbre périt, la fleur se fane, la source tarit et l'homme meurt, peut et veut lui donner un jour l'arbre qui porte éternellement son fruit, et dont le feuillage ne se flétrit jamais (Ezéch. XLVII, 12), la fleur qui ne se fane plus, la source qui ne tarit pas, et la vie qui ne meurt pas. Qui pourrait l'en empêcher ? Le bras de l'Éternel est-il raccourci ? Ou notre incrédulité, notre petite foi, nos mesquines idées l'arrêteront-elles ?

Non seulement Dieu créera pour nous une terre nouvelle, et infiniment meilleure que celle-ci, « où la justice habitera » (2 Pierre III, 13), mais Il nous transformera nous-mêmes aussi, en corps et en âme ; et la Parole : « Celui qui est en Christ est une nouvelle créature », sera alors pleinement accomplie. Notre âme, renouvelée et purifiée, développera des forces matérielles et spirituelles dont nous n'avons ici pas d'idée ; car nous « luirons comme le soleil ». Elle embrassera d'un regard d'aigle la nouvelle création, sondera tous ses mystères - « alors je connaîtrai à fond, comme aussi j'ai été connu » (I Cor. XIII, 12), - jouira de toutes ses joies, aimera toutes ses créatures; et, saisie d'adoration, d'une reconnaissance inexprimable, d'un amour immense pour Celui qui l'a rachetée, elle entonnera, avec la grande multitude des bienheureux, et accompagnée du tonnerre des harpes d'or, le chant céleste : « A celui qui est assis sur le trône et à l'Agneau, la louange, et l'honneur, et la gloire, et la force, aux siècles des siècles ! » (Apoc. V, 13.)

Et la béatitude parfaite, le bonheur ineffable qui ne laissera plus la possibilité d'un souhait, « ce qu'aucun oeil n'a vu, aucune oreille n'a entendu, ce qui n'est point entré au coeur d'aucun homme, mais que l'Esprit nous a révélé », elle en jouira quand la promesse des promesses sera enfin accomplie : « Ils verront Dieu » (Matth. V, 8.). Voir dans sa lumière la lumière, et reconnaître le penser même du Créateur, et les profondeurs infinies de sa sagesse, être embrasé du feu ardent d'un amour éternel, Le connaître comme il nous connaît, et Le sentir, Tout en tous, voilà le but, voilà le bonheur, voilà le ciel.

« Que tes oeuvres sont grandes, ô Dieu ! Tu les as toutes faites avec sagesse ».
« C'est Toi, qui as créé toutes choses, et c'est par Ta volonté qu'elles devinrent et furent créées. »
« Jéhova ! Mon Dieu, Tu es très grand ! »

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