Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE VI

LA PLANTE

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Puis Dieu dit : « Que la terre produise l'herbe, la plante portant semence, et l'arbre fruitier portant du fruit selon son espèce, ayant sa semence en soi sur la terre ; et cela fut ainsi. La terre donc produisit l'herbe portant de la semence, selon son espèce, et l'arbre produisant du fruit, ayant sa semence en soi selon son espèce et Dieu vit que cela était bon. Et il y eut soir ; et il y eut matin : troisième jour. » (Gen. I, 12, 13.)


Après la création de la lumière, de l'atmosphère et de la terre ferme, voici une création encore plus merveilleuse : l'apparition de la vie sur le globe terrestre. Une plante ! Comment définir cette combinaison de millions d'atomes inorganiques, contraints par une force mystérieuse à se réunir pour former un être vivant, qui boit, mange, respire - car la plante fait tout cela - grandit et se développe, engendre des enfants, puis vieillit et meurt ?

Et parmi ces plantes quelle variété ! On en compte environ deux cent mille espèces différentes, dont chacune à son tour produit de nouvelles variétés. Et nos botanistes n'ont pas encore exploré toutes les hauteurs et toutes les plaines, les vastes solitudes des déserts, et moins encore ce qui croît dans les profondeurs de l'Océan, ni même la vie végétale dans chaque goutte d'eau croupissante. Quels contrastes dans les dimensions de ces végétaux ! À côté des algues, des diatomées microscopiques, dont on avalerait des milliers avec chaque gorgée de l'eau d'une source moussue, nous voyons les géants plusieurs fois centenaires des zones torrides, le palmier des Cordillères plus haut que la plupart de nos clochers, dont la cime élégante se balance dans l'air à 65 mètres d'élévation ; et au Sénégal l'immense baobab, avec un tronc de 12 mètres de diamètre, jouit d'une longévité telle qu'un voyageur français, en examinant les anneaux de croissance d'un de ces colosses, a constaté qu'il avait dû sortir de terre avant l'ère chrétienne ! En Amérique les géants de Californie s'élèvent jusqu'à 100 mètres de hauteur avec des troncs de 13 mètres de diamètre ; mais l'eucalyptus d'Australie les dépasse tous et monte jusqu'à 175 mètres, plus haut que la flèche de la cathédrale de Cologne et que la grande pyramide ; dans ses branches des abeilles noires font des nids énormes contenant des quintaux de miel fébrifuge. Cependant, de tous les végétaux les plus grands, ou du moins les plus longs, sont les fucus qui poussent au fond de l'Océan Atlantique, puis continuent à croître, à monter jusqu'à ce que, ayant atteint une hauteur de plus de 350 mètres, ils surgissent des eaux pour saluer la lumière, après avoir formé au sein des flots une forêt sous-marine, habitée par des troupes de dauphins, de requins voraces et par des milliers d'autres animaux marins.

Étonnantes aussi les conditions d'existence si différentes de la plante. Dans les sables brûlants du Sahara, sous des ardeurs solaires qui tuent l'homme qui s'y expose sans protection, croît et prospère le dattier arrosé par des sources souterraines, dont l'Arabe dit qu'il veut avoir les pieds dans l'eau et la tête dans le feu. Dans les régions polaires, dans les solitudes glacées de la Nouvelle-Zemble, du Spitzberg, sur l'île Melville, où les nuits durent six mois avec plus de 50 degrés de froid, où le vin, l'eau-de-vie, le mercure sont solides, où la glace a la dureté de l'acier, - tandis que l'acier s'effrite comme du verre, - là-même le Danois Kornerup, l'Allemand Hengelin et d'autres explorateurs ont trouvé plus de 60 espèces de plantes qui bravent ces longues ténèbres et ces épouvantables frimas. Lorsque, après une longue éclipse, le pâle soleil reparaît, les crevasses des rochers, où se trouvent à peine quelques pouces de terre, verdissent et se colorent, grâce à une variété de mousses magnifiques, tantôt vert tendre, tantôt d'un rouge foncé velouté ; on y voit naître aussi de délicates petites fleurs, abreuvées de neige fondue, parmi lesquelles une des plus jolies est le pavot polaire et une espèce de myosotis. Là croît encore le saule polaire, le plus petit arbre connu, de la hauteur d'une main, et dont le tronc n'est guère plus gros qu'un crayon. Les rudes marins appelés par leur profession dans ces parages désolés, éprouvent une joie émue, en découvrant ces petites plantes qui, même au milieu des glaces éternelles, proclament la bonté de Dieu.

Cependant ce qu'il y a de plus merveilleux dans la plante, c'est le phénomène de la reproduction, selon l'ordre divin : qu'elle ait sa semence en soi. La petite graine, qu'on peut tenir entre deux doigts, possède en elle-même la propriété d'engendrer une plante complète, selon son espèce, avec racine, tige, feuilles et fleurs, et celle-ci produira de nouveau des semences identiques qui assureront la continuation de l'espèce jusqu'à la fin des temps. Chiffrons un peu et nous verrons ce que cela signifie. Une graine de pavot, par exemple, peut produire une plante donnant 30,000 graines ; nous arrivons donc dès la seconde génération au nombre de 900 millions de plantes de pavot, et la postérité d'une seule graine couvrirait en cinq ans tous les pays du monde ! Le professeur Gaussen calcule, dans ses leçons sur le premier chapitre de la Genèse, que si les moissons rendaient partout comme souvent en Sicile ou en Égypte, le cent pour un, on pourrait au bout de dix ans, avec les récoltes issues d'un seul grain de blé, nourrir pendant une année toutes les familles de la terre ! Telles sont les forces merveilleuses dont le Créateur doua la plante au troisième jour de la création. Si l'on compare la valeur de force motrice nécessaire pour faire pousser et croître toutes les plantes, grandes et petites, avec celle que fournissent les machines les plus puissantes, combien insignifiant paraît le travail de ces dernières ! Respectons donc dans chacun de ces légers grains de semence, que la brise emporte çà et là, la puissance illimitée de Dieu, à côté de laquelle toutes les forces humaines se réduisent à zéro.

Si l'on analyse une de ces graines, on n'y trouve qu'un peu de fécule renfermée dans de petits sacs transparents appelés cellules, dont les savants connaissent exactement tous les éléments constitutifs. Mais pourraient-ils créer un seul grain de blé, même en mélangeant, dans des proportions exactement identiques, toutes les matières contenues dans ces grains, et en exposant leur composition à la lumière solaire ou aux courants électriques ? Non, elle resterait inerte, parce qu'il lui manquerait la force mystérieuse, procréatrice dont Dieu a doté la plus petite plante.

La délicate petite vie du grain de semence, qui échappe aux investigations du microscope, est d'une nature étonnamment persistante. Un grain semblable peut rester exposé aux chaleurs de l'été et aux frimas de l'hiver jusqu'à 50 ans et davantage ; pendant ce temps des millions d'êtres humains auront paru sur la scène du monde et en auront disparu. L'histoire de l'humanité a marché avec ses joies et ses deuils, ses vertus et ses crimes ; dans une période encore moindre un Alexandre, un Napoléon ont fondé des empires et les ont vus s'écrouler ; cependant notre grain de blé continue à dormir attendant les conditions favorables pour remplir le but de son existence ; enfin, logé dans quelque motte hospitalière, visité par la pluie et la chaleur du soleil, il germe, il pousse, il grandit sans aucune trace de sénilité. On a trouvé dans des tombes plusieurs fois centenaires des Celtes - ce peuple qui croyait si fermement à une vie future, qu'il prêtait sans hésiter de l'argent contre la promesse écrite d'être remboursé, capital et intérêt dans l'au-delà, - des semences de trèfles et de bluets qui, mises en terre, produisirent des plantes aussi fraîches, aussi vivaces que si la semence avait daté de l'année précédente ; et de même on a trouvé en Angleterre, dans de vieux tombeaux saxons, des graines encore vivantes. Aussi le professeur Gaussen dit-il avec raison : « Quand je mets un marron dans la main d'un enfant, j'y mets l'infini. J'y mets non-seulement le marronnier superbe qui en sortira, mais les milliers de milliers de marronniers qui en seront produits de génération en génération jusqu'à la fin du monde. »

Dieu aime la plante. « Il planta », nous dit la Bible, « un jardin en Eden, et y fit pousser du sol des arbres de toute espèce, avec leurs fruits agréables à voir et bons à manger, l'arbre de la vie au milieu du jardin et l'arbre de la connaissance du bien et du mal. » Qui nous dira ce qu'était ce mystérieux arbre de la vie ? Nous le verrons un jour sur la nouvelle terre (Apoc. XXII, 2). Ce Dieu contemple encore des cieux ce monde de végétaux dont Il a revêtu notre planète, et Il se réjouit de ses oeuvres qu'Il nous décrit, en termes magnifiques, dans les derniers chapitres du livre de Job. Nous croyons trop, par petitesse d'esprit et vanité, que sa création n'a d'autre but que de nous plaire et de nous être utile. C'est de Christ seulement, de la Parole de Dieu et du premier-né de toutes les créatures » qu'il est écrit « De lui, et par lui et pour lui sont toutes choses » (Rom. XI, 36 ; Hébr. II, 10).
Ce n'est pas pour nous qu'existaient « les étoiles du matin qui chantaient ensemble, et les fils de Dieu qui éclataient de joie, lorsque Dieu fonda la terre ». (Job, XXXVIII.) Ils ne sont pas pour nous les millions de soleils lointains que nous révèle la plaque photographique, et que nul oeil humain ne verra jamais ; ni même les planètes du système solaire, Jupiter ou Saturne ; ni, sur la terre, ces millions d'être créés avant Adam, dont nous trouvons les restes pétrifiés dans l'écorce terrestre ; ni les êtres mystérieux dans les régions abyssales qui, au milieu de l'éternelle nuit, ne savent et ne sauront jamais rien de l'humanité tout entière, de ses peines et de ses péchés, de ses empires et de ses civilisations.
Ce n'est pas pour nous que Dieu a fait croître dans les neiges éternelles le protococus nivalis, ni dans les déserts brûlants du Naama la welwitchia mirabilis, étendant autour d'une grande feuille sans tige d'autres longues feuilles comme des lanières de cuir.
C'est pour Lui et ses anges que fleurissent, dans les solitudes des neiges de la Nouvelle-Zemble et du Groenland, ces grands amas de fleurs polaires que les Esquimaux appellent « nunataks », et dont Henglin dit que « même le soleil des tropiques n'en peut pas faire éclore de plus belles ». C'est pour Lui que fleurissent, dans les immenses marécages du Bahr-El-Gazal, les milliers d'odorantes fleurs blanches et roses du lotus, parmi lesquelles se promène l'élégant ibis noir et blanc.
C'est pour lui que le gigantesque cèdre de l'Himalaya agite au souffle de l'orage ses branches magnifiques, sur des plateaux où jamais l'homme n'a posé le pied. Et ce Dieu, qui planta le jardin d'Eden, fait cette promesse à son peuple pour les temps du rafraîchissement (Actes III, 19) : « Le désert fleurira comme la rose ». « Je ferai couler des sources sur les hauteurs, et des fontaines au milieu des vallées ; je ferai croître dans le désert le cèdre, l'acacia, le myrte et l'olivier ; je mettrai dans le lieu stérile le cyprès, le pin et le buis ensemble ; afin qu'ils voient et qu'ils comprennent tous ensemble, que la main de l'Éternel a fait cela, et que le Saint d'Israël l'a créé ». (Es. XLI, 18, 20.)

Quelle vie silencieuse et mystérieuse que celle de la plante ! Incrédules, vous vous riez du miracle, et l'un de vous s'est écrié que « pour la science il n'y a plus de mystère ». Mais vos savants, nous l'avons dit, ne peuvent faire la plus petite semence. Qu'au moins alors, chimistes ou physiciens, ils vous disent, par l'analyse d'une graine inconnue, de ce peu de fécule quelle plante, arbrisseau, ou arbre sortira ; cette plante portera-t-elle des fleurs rouges ou blanches et quels fruits ? où sa tige tournera-t-elle à droite comme le haricot ou à gauche comme le houblon, et de quelle forme seront ses feuilles ? Vous prétendez lire dans le livre de la nature ; mais vous n'en connaissez pas encore les premières lettres. Dites-nous pourquoi les cellules de la tige montent vers la lumière tandis que celles toutes pareilles de la racine cherchent l'obscurité ? (Les expériences sur l'influence de la force centrifuge établissent des faits, mais elles n'expliquent rien). Ou dites pourquoi l'arbre, après avoir porté des feuilles au printemps, sait que le temps est venu de produire, avec le même suc, des fleurs et des fruits ? La chose n'est pas aussi simple qu'elle le semble et a intrigué plus d'un botaniste. Comment la fleur sait-elle l'heure qu'il est, et s'épanouit-elle et se ferme-t-elle en son temps ? Dans l'horloge chinoise des fleurs, chacune s'ouvre à l'heure précise depuis deux heures du matin jusqu'à huit heures du soir (à 1 heure seulement la case reste vide, car nous ne connaissons pas de fleur qui s'ouvre à cette heure). À 1 heure du matin fleurit le beau cactus « la Reine de la nuit ». Quelle relation mystérieuse y a-t-il entre la plante et l'angle du rayon solaire ? Et quelle individualité mystérieuse ! Du même terrain le framboisier fabrique des fruits sucrés et la belladone des sucs qui ôtent à l'homme sa raison ; et, côte à côte, croissent la fraise parfumée et le bolet de Satan, dont un morceau gros comme une noisette tue l'homme et transporte son âme de cette vie dans l'éternité.

Qu'est-ce que le parfum de la fleur, cette image de l'atmosphère matérielle et spirituelle que tout être répand autour de lui et qui agit à son insu sur ceux qui l'approchent ? Sont-ce des milliards et des milliards d'atomes on de ions qu'une rose ou un oeillet projette sans cesse autour de lui, ou des ondes de l'éther, comme ces odeurs du romarin et de la lavande que sur les côtes de Provence la brise porte aux vaisseaux à 50 kilomètres au large ? Par quelle force la fleur les lance-t-elle dans l'espace ?

Que dirons-nous maintenant de l'utilité de la plante ? À quelle fin Dieu l'a-t-il créée ? Tout d'abord - chaque enfant le dira - pour servir de nourriture aux gens et aux bêtes. Mais représentons-nous ce que cela signifie. Pour 1600 millions d'êtres humains il faut, en tenant compte des déchets, transports, etc., au moins deux mille millions de kilos de nourriture par jour, soit 730 mille millions chaque année. C'est là le pain quotidien de l'humanité que Dieu a chargé la plante de lui fournir. Car elle seule peut transformer la matière inorganique, le règne minéral, en matière organique ou végétale, apte à nourrir le règne animal. Tous les hommes et tous les animaux du monde ne sauraient produire un gramme de nourriture ; ces derniers ne peuvent que transformer la plante en lait et en chair. Quelle tâche immense donc que celle des végétaux silencieux et modestes, surtout si nous réfléchissons qu'outre l'humanité ils doivent nourrir aussi un nombre incalculable d'animaux, tous les oiseaux des cieux et les poissons de la mer ! Si l'on ouvre une statistique du commerce, on reste frappé d'étonnement à la vue de la masse de produits végétaux qui y figurent par millions et millions de kilos et souvent de tonnes. Ainsi on y trouve (et ces chiffres vont croissant d'année en année) 500 millions de kilos de thé, dont l'Europe seule consomme 120 millions ; 480 millions de kilos de café, 35 millions de kilos de cacao ; et sur la seule île de Ceylan le cocotier produit 700 millions de noix de coco annuellement. Mais ce sont là les moindres articles ; ensuite viennent les centaines de millions d'hectolitres ou de quintaux de blé, de riz, de doura, de pommes de terre, 600 millions d'hectolitres de maïs, et des fleuves de pulque, de Maté, de vin, de bière ; la France à elle seule produit environ 80 millions d'hectolitres de vin annuellement Et nous n'avons pas parlé du sucre, dont l'île de Cuba seule a produit, en 1894, l'énorme quantité de 1,100,000 tonnes (Times, 30 décembre 1897), du tabac du poivre et d'autres épices, de la gomme arabique, du caoutchouc, du camphre, de la gutta-percha, et de centaines de fruits, de sucs, de vernis, de remèdes et autres produits végétaux ! Voilà ce que la plante fabrique sans trêve avec de la terre ou de la pierre désagrégée, mêlée de débris organiques et d'eau de pluie.

Tout cela, la plante - qui vit de deux belles choses, de l'eau limpide, douce, transparente, et du rayon de soleil encore plus beau - le fait sans bruit désagréable, sans mauvaises odeurs, sans montagnes de déchets inutiles ou malsains, comme nos fabriques, et sait empaqueter et emballer ses produits pour l'exportation, en noix dures, en gousses légères, en écorce ou en pelure huilée pour empêcher l'évaporation, en filasse imperméable comme la noix de coco, afin qu'elle puisse être ballottée des mois sur les flots, avant d'aborder aux rives où elle germera pour l'utilité de l'homme. Notons enfin que la plante n'est pas seulement notre mère nourricière, mais qu'elle est encore une fileuse infatigable, qui livre chaque année des millions et des millions de kilomètres de fil de coton, de lin, de chanvre pour vêtir les hommes. Nous restons pénétrés d'admiration pour cette création de Dieu, devant le frêle épi de blé qui se balance sous la brise, ou la petite plante sans apparence, comme le riz dans les prairies inondées de la Lombardie, auxquels Dieu a dit : Donnez du pain à mes millions d'enfants. Admirons aussi l'herbe méprisée, foulée aux pieds, qui nourrit le boeuf patient, la vache à lait, la brebis qui habille l'homme de sa laine, et des centaines d'espèces d'animaux.

Comme Dieu donne toujours avec le pain du corps celui de l'âme, il nous a donné par les végétaux une foule d'images et d'expressions, partant d'idées, qui nous manqueraient sans cela : le tronc et la racine la branche et la feuille, le fruit et la semence, et tant d'autres termes empruntés à la plante agrandissent nos conceptions de la création et enrichissent notre vie spirituelle. Quelle perte, si nous n'avions pas la fleur, par exemple. Quel type imposant de l'homme fort, du vrai chrétien que ces grands arbres, plusieurs fois centenaires qui élèvent vers le ciel leurs bras vigoureux ! Ils ont subi avec patience les orages de tant d'étés, les froids de tant d'hivers, et ont toujours donné leur fruit en leur saison. Autrefois petits et faibles, ils étaient secoués par le moindre zéphyr ; maintenant éprouvés dans le combat de la vie, ces géants résistent fièrement à l'orage qui bruit dans leur feuillage et secoue leurs branches, attendant silencieux l'avenir et la fin. « Chênes de Basan, » « cèdres du Liban, » voilà les noms que la Bible donne aux fidèles fils de Dieu. Observant un jour au microscope une petite plante cueillie au bord du chemin, et y trouvant les mêmes beautés, la même admirable structure, les pétales délicats, les étamines d'ivoire et le pollen d'or, comme dans la rose ou les plus rares orchidées, j'ai compris qu'aux yeux de Dieu l'âme du mendiant estropié, celle de la pauvre vieille qui ramasse du fumier sur la route sont aussi belles et mystérieuses dans leur profondeur, dans l'enfantement de leurs idées et de leur volonté, dans leurs souffrances et dans leurs joies que celles de l'homme ou de la femme célèbres, à tort ou à raison, dans l'Etat ou dans l'Eglise.

Si nous nous reportons maintenant à la création du troisième jour, à cette végétation luxuriante de fougères arborescentes, de calamites aux grands rameaux sans feuilles, de sigillaires semblables à d'énormes asperges, d'autres ressemblant aux araucaires du Chili ou à nos palmiers, n'est-il pas étonnant de penser que c'est à elle, grâce à la prévoyance divine, que bien des habitants du globe doivent le confort d'une chambre chaude en hiver, la cuisson de leurs aliments ; sans cette végétation fossile, nous ne saurions avec quoi chauffer nos locomotives, nos machines et nos bateaux à vapeur, car nos forêts n'y suffiraient pas longtemps. En effet, les plus anciennes couches de terre et de roches renferment d'immenses quantités de plantes carbonisées, dont parfois encore on petit reconnaître l'espèce aux vestiges de troncs, de branches, de fruits ou de feuilles bien conservés. Ces accumulations colossales de végétaux, parmi lesquels ou ne trouve pas, - ce qui prouve l'exactitude du récit mosaïque, - trace d'ossements humains ou de restes de quadrupèdes, sont notre houille ou charbon de terre.

Ces couches carbonifères se rencontrent un peu partout sur notre globe, et atteignent en certains lieux jusqu'à 13 mètres d'épaisseur. Dans la seule Angleterre, où les mines de charbon abondent, l'on extrait annuellement 1200 millions de quintaux de ce combustible ; et d'après une estimation approximative, les gisements de ce pays ne sauraient être épuisés avant 500 ans. C'est à cette houille, qu'ils appellent avec raison le diamant noir, que les Anglais doivent leur supériorité industrielle et maritime. Mais il y en a aussi des amas immenses en Amérique, en Australie et en Chine, où l'on brûlait du charbon il y a vingt siècles déjà. Ce sont là les débris de cette végétation que Dieu créa le troisième jour, et qui, enterrés sous des couches successives de limon et de sable durcis, se sont peu à peu carbonisés sous l'action continue de la chaleur terrestre. À travers les forêts immenses de ces plantes, qui couvraient le sol humide à peine émergé des flots de la mer, murmurait comme aujourd'hui le vent et mugissait l'orage ; mais aucun chant d'oiseau n'égayait leurs vertes solitudes, aucun animal ne posait un pied agile ou une lourde patte sur le sol ; aucun papillon ne voltigeait au-dessus des fleurs, et la fleur elle-même, comme nous la connaissons aujourd'hui, n'existait pas encore, car l'homme n'était pas créé. Le soleil même, l'astre rayonnant du jour, ne brillait pas à cette époque,

D'ignorants moqueurs - car la moquerie et l'ignorance marchent ordinairement de pair - raillent le récit biblique d'après lequel l'apparition des plantes aurait précédé la création du soleil, alors que chacun sait qu'une plante ne saurait croître et prospérer sans l'action efficace des rayons solaires. Comme si un Moïse, instruit dans toute la science des Égyptiens, n'en avait pas su autant ! Mais l'action divine est-elle limitée et dépend-elle d'un astre ? Pourquoi la terre, à l'aurore de son existence, n'aurait-elle pas bénéficié d'une autre lumière que de celle du soleil ? Il existe des faits à l'appui de cette hypothèse. Dans les couches carbonifères, qu'elles soient près des pôles ou près de l'équateur, on retrouve les mêmes plantes, de hautes fougères et des espèces de palmiers, comme de nos jours il n'en croît plus que dans les pays à la fois chauds et humides. On peut en conclure à une atmosphère à la fois chaude et humide, et croire que la lumière et la chaleur étaient alors réparties également sur le globe entier, ou bien, comme le dit le botaniste De Candolle, que cette première végétation, carbonisée dans la suite, a dû s'épanouir sous une lumière différente de celle de notre soleil. Nous pouvons donc nous représenter la terre d'alors comme enveloppée de vapeurs lumineuses, et chauffée uniformément de l'intérieur. Du reste la remarquable découverte d'une vie animale, abondante et variée, dans les profondeurs noires et glacées des océans, prouve qu'une riche vie organique peut exister et persister, en dehors de toute influence de lumière et de chaleur solaires. Sur ce point donc aussi, les investigations et les découvertes modernes de la science témoignent en faveur du récit biblique et démontrent combien les idées et la puissance de Dieu sont supérieures à tous nos raisonnements. Quand nous prenons dans la main un morceau de charbon de terre, nous tenons là un débris de ces arbres que portait la terre alors qu'il n'y avait encore ni soleil, ni lune, ni jours alternant avec les nuits, ni saisons, ni années - alors que l'esprit d'Adam reposait encore, incréé, dans les profondeurs mystérieuses de la divinité. Et, après avoir plongé nos regards en arrière dans les siècles qui furent, portons-les en avant vers ce qui sera. La terre avec tout ce qu'elle renferme passera, mais nous avons la promesse d'une nouvelle terre, et là il y aura une végétation nouvelle aussi. Nos yeux ravis verront des plantes et des fleurs s'épanouir dans une beauté, une magnificence, dont rien ici-bas ne saurait nous donner une idée ; et, au milieu d'elles, les arbres de vie porteront des fruits tous les mois et leurs feuilles serviront à la guérison des nations. (Apoc. XXII, 2.)

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