Puis Dieu dit : « Que la terre produise l'herbe, la plante portant semence, et l'arbre fruitier portant du fruit selon son espèce, ayant sa semence en soi sur la terre ; et cela fut ainsi. La terre donc produisit l'herbe portant de la semence, selon son espèce, et l'arbre produisant du fruit, ayant sa semence en soi selon son espèce et Dieu vit que cela était bon. Et il y eut soir ; et il y eut matin : troisième jour. » (Gen. I, 12, 13.) |
Après la création de la
lumière, de l'atmosphère et de la
terre ferme, voici une création encore plus
merveilleuse : l'apparition de la vie sur le
globe terrestre. Une plante ! Comment
définir cette combinaison de millions
d'atomes inorganiques, contraints par une force
mystérieuse à se réunir pour
former un être vivant, qui boit, mange,
respire - car la plante fait tout cela - grandit et
se développe, engendre des enfants, puis
vieillit et meurt ?
Et parmi ces plantes quelle
variété ! On en compte environ
deux cent mille espèces différentes,
dont chacune à son tour
produit de nouvelles variétés. Et nos
botanistes n'ont pas encore exploré toutes
les hauteurs et toutes les plaines, les vastes
solitudes des déserts, et moins encore ce
qui croît dans les profondeurs de
l'Océan, ni même la vie
végétale dans chaque goutte d'eau
croupissante. Quels contrastes dans les dimensions
de ces végétaux ! À
côté des algues, des diatomées
microscopiques, dont on avalerait des milliers avec
chaque gorgée de l'eau d'une source moussue,
nous voyons les géants plusieurs fois
centenaires des zones torrides, le palmier des
Cordillères plus haut que la plupart de nos
clochers, dont la cime élégante se
balance dans l'air à 65 mètres
d'élévation ; et au
Sénégal l'immense baobab, avec un
tronc de 12 mètres de diamètre, jouit
d'une longévité telle qu'un voyageur
français, en examinant les anneaux de
croissance d'un de ces colosses, a constaté
qu'il avait dû sortir de terre avant
l'ère chrétienne ! En
Amérique les géants de Californie
s'élèvent jusqu'à 100
mètres de hauteur avec des troncs de 13
mètres de diamètre ; mais
l'eucalyptus d'Australie les dépasse tous et
monte jusqu'à 175 mètres, plus haut
que la flèche de la cathédrale de
Cologne et que la grande pyramide ; dans ses
branches des abeilles noires font des nids
énormes contenant des quintaux de miel
fébrifuge. Cependant, de tous les
végétaux les plus grands, ou du moins
les plus longs, sont les fucus qui poussent au fond
de l'Océan Atlantique, puis continuent
à croître, à monter
jusqu'à ce que, ayant atteint une hauteur de
plus de 350 mètres, ils
surgissent des eaux pour saluer la lumière,
après avoir formé au sein des flots
une forêt sous-marine, habitée par des
troupes de dauphins, de requins voraces et par des
milliers d'autres animaux marins.
Étonnantes aussi les conditions
d'existence si différentes de la plante.
Dans les sables brûlants du Sahara, sous des
ardeurs solaires qui tuent l'homme qui s'y expose
sans protection, croît et prospère le
dattier arrosé par des sources souterraines,
dont l'Arabe dit qu'il veut avoir les pieds dans
l'eau et la tête dans le feu. Dans les
régions polaires, dans les solitudes
glacées de la Nouvelle-Zemble, du Spitzberg,
sur l'île Melville, où les nuits
durent six mois avec plus de 50 degrés de
froid, où le vin, l'eau-de-vie, le mercure
sont solides, où la glace a la dureté
de l'acier, - tandis que l'acier s'effrite comme du
verre, - là-même le Danois Kornerup,
l'Allemand Hengelin et d'autres explorateurs ont
trouvé plus de 60 espèces de plantes
qui bravent ces longues ténèbres et
ces épouvantables frimas. Lorsque,
après une longue éclipse, le
pâle soleil reparaît, les crevasses des
rochers, où se trouvent à peine
quelques pouces de terre, verdissent et se
colorent, grâce à une
variété de mousses magnifiques,
tantôt vert tendre, tantôt d'un rouge
foncé velouté ; on y voit
naître aussi de délicates petites
fleurs, abreuvées de neige fondue, parmi
lesquelles une des plus jolies est le pavot polaire
et une espèce de myosotis. Là
croît encore le saule polaire, le plus petit arbre
connu, de la
hauteur
d'une main, et dont le tronc n'est guère
plus gros qu'un crayon. Les rudes marins
appelés par leur profession dans ces parages
désolés, éprouvent une joie
émue, en découvrant ces petites
plantes qui, même au milieu des glaces
éternelles, proclament la bonté de
Dieu.
Cependant ce qu'il y a de plus
merveilleux dans la plante, c'est le
phénomène de la reproduction, selon
l'ordre divin : qu'elle ait sa semence en soi.
La petite graine, qu'on peut tenir entre deux
doigts, possède en elle-même la
propriété d'engendrer une plante
complète, selon son espèce, avec
racine, tige, feuilles et fleurs, et celle-ci
produira de nouveau des semences identiques qui
assureront la continuation de l'espèce
jusqu'à la fin des temps. Chiffrons un peu
et nous verrons ce que cela signifie. Une graine de
pavot, par exemple, peut produire une plante
donnant 30,000 graines ; nous arrivons donc
dès la seconde génération au
nombre de 900 millions de plantes de pavot, et la
postérité d'une seule graine
couvrirait en cinq ans tous les pays du
monde ! Le professeur Gaussen calcule, dans
ses leçons sur le premier chapitre de la
Genèse, que si les moissons rendaient
partout comme souvent en Sicile ou en
Égypte, le cent pour un, on pourrait au bout
de dix ans, avec les récoltes issues d'un
seul grain de blé, nourrir pendant une
année toutes les familles de la terre !
Telles sont les forces merveilleuses dont le
Créateur doua la plante au troisième
jour de la création. Si l'on compare la
valeur de force motrice
nécessaire pour faire pousser et
croître toutes les plantes, grandes et
petites, avec celle que fournissent les machines
les plus puissantes, combien insignifiant
paraît le travail de ces
dernières ! Respectons donc dans chacun
de ces légers grains de semence, que la
brise emporte çà et là, la
puissance illimitée de Dieu, à
côté de laquelle toutes les forces
humaines se réduisent à
zéro.
Si l'on analyse une de ces graines, on
n'y trouve qu'un peu de fécule
renfermée dans de petits sacs transparents
appelés cellules, dont les savants
connaissent exactement tous les
éléments constitutifs. Mais
pourraient-ils créer un seul grain de
blé, même en mélangeant, dans
des proportions exactement identiques, toutes les
matières contenues dans ces grains, et en
exposant leur composition à la
lumière solaire ou aux courants
électriques ? Non, elle resterait
inerte, parce qu'il lui manquerait la force
mystérieuse, procréatrice dont Dieu a
doté la plus petite plante.
La délicate petite vie du grain
de semence, qui échappe aux investigations
du microscope, est d'une nature étonnamment
persistante. Un grain semblable peut rester
exposé aux chaleurs de l'été
et aux frimas de l'hiver jusqu'à 50 ans et
davantage ; pendant ce temps des millions
d'êtres humains auront paru sur la
scène du monde et en auront disparu.
L'histoire de l'humanité a marché
avec ses joies et ses deuils, ses vertus et ses
crimes ; dans une période encore
moindre un Alexandre, un Napoléon ont
fondé des empires et les
ont vus s'écrouler ; cependant notre
grain de blé continue à dormir
attendant les conditions favorables pour remplir le
but de son existence ; enfin, logé dans
quelque motte hospitalière, visité
par la pluie et la chaleur du soleil, il germe, il
pousse, il grandit sans aucune trace de
sénilité. On a trouvé dans des
tombes plusieurs fois centenaires des Celtes - ce
peuple qui croyait si fermement à une vie
future, qu'il prêtait sans hésiter de
l'argent contre la promesse écrite
d'être remboursé, capital et
intérêt dans l'au-delà, - des
semences de trèfles et de bluets qui, mises
en terre, produisirent des plantes aussi
fraîches, aussi vivaces que si la semence
avait daté de l'année
précédente ; et de même on
a trouvé en Angleterre, dans de vieux
tombeaux saxons, des graines encore vivantes. Aussi
le professeur Gaussen dit-il avec raison :
« Quand je mets un marron dans la main
d'un enfant, j'y mets l'infini. J'y mets
non-seulement le marronnier superbe qui en sortira,
mais les milliers de milliers de marronniers qui en
seront produits de génération en
génération jusqu'à la fin du
monde. »
Dieu aime la plante. « Il
planta », nous dit la Bible,
« un jardin en Eden, et y fit pousser du
sol des arbres de toute espèce, avec leurs
fruits agréables à voir et bons
à manger, l'arbre de la vie au milieu du
jardin et l'arbre de la connaissance du bien et du
mal. » Qui nous dira ce qu'était
ce mystérieux arbre de la vie ? Nous le
verrons un jour sur la nouvelle terre
(Apoc.
XXII, 2). Ce Dieu contemple
encore des cieux ce monde de
végétaux dont Il a revêtu notre
planète, et Il se réjouit de ses
oeuvres qu'Il nous décrit, en termes
magnifiques, dans les derniers chapitres du livre
de Job. Nous croyons trop, par petitesse d'esprit
et vanité, que sa création n'a
d'autre but que de nous plaire et de nous
être utile. C'est de Christ seulement, de la
Parole de Dieu et du premier-né de toutes
les créatures » qu'il est
écrit « De lui, et par lui et pour
lui sont toutes choses »
(Rom.
XI, 36 ; Hébr.
II, 10).
Ce n'est pas pour nous qu'existaient
« les étoiles du matin qui
chantaient ensemble, et les fils de Dieu qui
éclataient de joie, lorsque Dieu fonda la
terre ».
(Job,
XXXVIII.) Ils ne sont pas pour
nous les millions de soleils lointains que nous
révèle la plaque photographique, et
que nul oeil humain ne verra jamais ; ni
même les planètes du système
solaire, Jupiter ou Saturne ; ni, sur la
terre, ces millions d'être
créés avant Adam, dont nous trouvons
les restes pétrifiés dans
l'écorce terrestre ; ni les êtres
mystérieux dans les régions abyssales
qui, au milieu de l'éternelle nuit, ne
savent et ne sauront jamais rien de
l'humanité tout entière, de ses
peines et de ses péchés, de ses
empires et de ses civilisations.
Ce n'est pas pour nous que Dieu a fait
croître dans les neiges éternelles le
protococus nivalis, ni dans les déserts
brûlants du Naama la welwitchia mirabilis,
étendant autour d'une grande feuille sans
tige d'autres longues feuilles comme des
lanières de cuir.
C'est pour Lui et ses anges que
fleurissent, dans les solitudes des neiges de la
Nouvelle-Zemble et du Groenland,
ces grands amas de fleurs polaires que les
Esquimaux appellent
« nunataks », et dont Henglin
dit que « même le soleil des
tropiques n'en peut pas faire éclore de plus
belles ». C'est pour Lui que fleurissent,
dans les immenses marécages du
Bahr-El-Gazal, les milliers d'odorantes fleurs
blanches et roses du lotus, parmi lesquelles se
promène l'élégant ibis noir et
blanc.
C'est pour lui que le gigantesque
cèdre de l'Himalaya agite au souffle de
l'orage ses branches magnifiques, sur des plateaux
où jamais l'homme n'a posé le pied.
Et ce Dieu, qui planta le jardin d'Eden, fait cette
promesse à son peuple pour les temps du
rafraîchissement
(Actes
III, 19) : « Le
désert fleurira comme la rose ».
« Je ferai couler des sources sur les
hauteurs, et des fontaines au milieu des
vallées ; je ferai croître dans
le désert le cèdre, l'acacia, le
myrte et l'olivier ; je mettrai dans le lieu
stérile le cyprès, le pin et le buis
ensemble ; afin qu'ils voient et qu'ils
comprennent tous ensemble, que la main de
l'Éternel a fait cela, et que le Saint
d'Israël l'a créé ».
(Es.
XLI, 18, 20.)
Quelle vie silencieuse et
mystérieuse que celle de la plante !
Incrédules, vous vous riez du miracle, et
l'un de vous s'est écrié que
« pour la science il n'y a plus de
mystère ». Mais vos savants, nous
l'avons dit, ne peuvent faire la plus petite
semence. Qu'au moins alors, chimistes ou
physiciens, ils vous disent, par l'analyse d'une
graine inconnue, de ce peu de fécule quelle
plante, arbrisseau, ou arbre sortira ; cette plante
portera-t-elle des
fleurs
rouges ou blanches et quels fruits ? où
sa tige tournera-t-elle à droite comme le
haricot ou à gauche comme le houblon, et de
quelle forme seront ses feuilles ? Vous
prétendez lire dans le livre de la
nature ; mais vous n'en connaissez pas encore
les premières lettres. Dites-nous pourquoi
les cellules de la tige montent vers la
lumière tandis que celles toutes pareilles
de la racine cherchent l'obscurité ?
(Les expériences sur l'influence de la force
centrifuge établissent des faits, mais elles
n'expliquent rien). Ou dites pourquoi l'arbre,
après avoir porté des feuilles au
printemps, sait que le temps est venu de produire,
avec le même suc, des fleurs et des
fruits ? La chose n'est pas aussi simple
qu'elle le semble et a intrigué plus d'un
botaniste. Comment la fleur sait-elle l'heure qu'il
est, et s'épanouit-elle et se ferme-t-elle
en son temps ? Dans l'horloge chinoise des
fleurs, chacune s'ouvre à l'heure
précise depuis deux heures du matin
jusqu'à huit heures du soir (à 1
heure seulement la case reste vide, car nous ne
connaissons pas de fleur qui s'ouvre à cette
heure). À 1 heure du matin fleurit le beau
cactus « la Reine de la nuit ».
Quelle relation mystérieuse y a-t-il entre
la plante et l'angle du rayon solaire ? Et
quelle individualité
mystérieuse ! Du même terrain le
framboisier fabrique des fruits sucrés et la
belladone des sucs qui ôtent à l'homme
sa raison ; et, côte à
côte, croissent la fraise parfumée et
le bolet de Satan, dont un morceau gros comme une
noisette tue l'homme et transporte son âme de
cette vie dans l'éternité.
Qu'est-ce que le parfum de la fleur,
cette image de l'atmosphère
matérielle et spirituelle que tout
être répand autour de lui et qui agit
à son insu sur ceux qui l'approchent ?
Sont-ce des milliards et des milliards d'atomes on
de ions qu'une rose ou un oeillet projette sans
cesse autour de lui, ou des ondes de
l'éther, comme ces odeurs du romarin et de
la lavande que sur les côtes de Provence la
brise porte aux vaisseaux à 50
kilomètres au large ? Par quelle force
la fleur les lance-t-elle dans l'espace ?
Que dirons-nous maintenant de
l'utilité de la plante ? À
quelle fin Dieu l'a-t-il créée ?
Tout d'abord - chaque enfant le dira - pour servir
de nourriture aux gens et aux bêtes. Mais
représentons-nous ce que cela signifie. Pour
1600 millions d'êtres humains il faut, en
tenant compte des déchets, transports, etc.,
au moins deux mille millions de kilos de nourriture
par jour, soit 730 mille millions chaque
année. C'est là le pain quotidien de
l'humanité que Dieu a chargé la
plante de lui fournir. Car elle seule peut
transformer la matière inorganique, le
règne minéral, en matière
organique ou végétale, apte à
nourrir le règne animal. Tous les hommes et
tous les animaux du monde ne sauraient produire un
gramme de nourriture ; ces derniers ne peuvent
que transformer la plante en lait et en chair.
Quelle tâche immense donc que celle des
végétaux silencieux et modestes,
surtout si nous réfléchissons
qu'outre l'humanité ils doivent nourrir
aussi un nombre incalculable d'animaux, tous les
oiseaux des cieux et les
poissons de la mer ! Si l'on ouvre une
statistique du commerce, on reste frappé
d'étonnement à la vue de la masse de
produits végétaux qui y figurent par
millions et millions de kilos et souvent de tonnes.
Ainsi on y trouve (et ces chiffres vont croissant
d'année en année) 500 millions de
kilos de thé, dont l'Europe seule consomme
120 millions ; 480 millions de kilos de
café, 35 millions de kilos de cacao ;
et sur la seule île de Ceylan le cocotier
produit 700 millions de noix de coco annuellement.
Mais ce sont là les moindres articles ;
ensuite viennent les centaines de millions
d'hectolitres ou de quintaux de blé, de riz,
de doura, de pommes de terre, 600 millions
d'hectolitres de maïs, et des fleuves de
pulque, de Maté, de vin, de
bière ; la France à elle seule
produit environ 80 millions d'hectolitres de vin
annuellement Et nous n'avons pas parlé du
sucre, dont l'île de Cuba seule a produit, en
1894, l'énorme quantité de 1,100,000
tonnes (Times, 30 décembre 1897), du tabac
du poivre et d'autres épices, de la gomme
arabique, du caoutchouc, du camphre, de la
gutta-percha, et de centaines de fruits, de sucs,
de vernis, de remèdes et autres produits
végétaux ! Voilà ce que
la plante fabrique sans trêve avec de la
terre ou de la pierre
désagrégée, mêlée
de débris organiques et d'eau de pluie.
Tout cela, la plante - qui vit de deux
belles choses, de l'eau limpide, douce,
transparente, et du rayon de soleil encore plus
beau - le fait sans bruit désagréable, sans
mauvaises odeurs, sans montagnes de déchets
inutiles ou malsains, comme nos fabriques, et sait
empaqueter et emballer ses produits pour
l'exportation, en noix dures, en gousses
légères, en écorce ou en
pelure huilée pour empêcher
l'évaporation, en filasse imperméable
comme la noix de coco, afin qu'elle puisse
être ballottée des mois sur les flots,
avant d'aborder aux rives où elle germera
pour l'utilité de l'homme. Notons enfin que
la plante n'est pas seulement notre mère
nourricière, mais qu'elle est encore une
fileuse infatigable, qui livre chaque année
des millions et des millions de kilomètres
de fil de coton, de lin, de chanvre pour
vêtir les hommes. Nous restons
pénétrés d'admiration pour
cette création de Dieu, devant le
frêle épi de blé qui se balance
sous la brise, ou la petite plante sans apparence,
comme le riz dans les prairies inondées de
la Lombardie, auxquels Dieu a dit : Donnez du
pain à mes millions d'enfants. Admirons
aussi l'herbe méprisée, foulée
aux pieds, qui nourrit le boeuf patient, la vache
à lait, la brebis qui habille l'homme de sa
laine, et des centaines d'espèces
d'animaux.
Comme Dieu donne toujours avec le pain
du corps celui de l'âme, il nous a
donné par les végétaux une
foule d'images et d'expressions, partant
d'idées, qui nous manqueraient sans
cela : le tronc et la racine la branche et la
feuille, le fruit et la semence, et tant d'autres
termes empruntés à la plante
agrandissent nos conceptions de la création
et enrichissent notre vie
spirituelle. Quelle perte, si nous n'avions pas la
fleur, par exemple. Quel type imposant de l'homme
fort, du vrai chrétien que ces grands
arbres, plusieurs fois centenaires qui
élèvent vers le ciel leurs bras
vigoureux ! Ils ont subi avec patience les
orages de tant d'étés, les froids de
tant d'hivers, et ont toujours donné leur
fruit en leur saison. Autrefois petits et faibles,
ils étaient secoués par le moindre
zéphyr ; maintenant
éprouvés dans le combat de la vie,
ces géants résistent fièrement
à l'orage qui bruit dans leur feuillage et
secoue leurs branches, attendant silencieux
l'avenir et la fin. « Chênes de
Basan, » « cèdres du
Liban, » voilà les noms que la
Bible donne aux fidèles fils de Dieu.
Observant un jour au microscope une petite plante
cueillie au bord du chemin, et y trouvant les
mêmes beautés, la même admirable
structure, les pétales délicats, les
étamines d'ivoire et le pollen d'or, comme
dans la rose ou les plus rares orchidées,
j'ai compris qu'aux yeux de Dieu l'âme du
mendiant estropié, celle de la pauvre
vieille qui ramasse du fumier sur la route sont
aussi belles et mystérieuses dans leur
profondeur, dans l'enfantement de leurs
idées et de leur volonté, dans leurs
souffrances et dans leurs joies que celles de
l'homme ou de la femme célèbres,
à tort ou à raison, dans l'Etat ou
dans l'Eglise.
Si nous nous reportons maintenant
à la création du troisième
jour, à cette végétation
luxuriante de fougères arborescentes, de
calamites aux grands rameaux sans feuilles, de
sigillaires
semblables à d'énormes asperges,
d'autres ressemblant aux araucaires du Chili ou
à nos palmiers, n'est-il pas étonnant
de penser que c'est à elle, grâce
à la prévoyance divine, que bien des
habitants du globe doivent le confort d'une chambre
chaude en hiver, la cuisson de leurs
aliments ; sans cette végétation
fossile, nous ne saurions avec quoi chauffer nos
locomotives, nos machines et nos bateaux à
vapeur, car nos forêts n'y suffiraient pas
longtemps. En effet, les plus anciennes couches de
terre et de roches renferment d'immenses
quantités de plantes carbonisées,
dont parfois encore on petit reconnaître
l'espèce aux vestiges de troncs, de
branches, de fruits ou de feuilles bien
conservés. Ces accumulations colossales de
végétaux, parmi lesquels ou ne trouve
pas, - ce qui prouve l'exactitude du récit
mosaïque, - trace d'ossements humains ou de
restes de quadrupèdes, sont notre houille ou
charbon de terre.
Ces couches carbonifères se
rencontrent un peu partout sur notre globe, et
atteignent en certains lieux jusqu'à 13
mètres d'épaisseur. Dans la seule
Angleterre, où les mines de charbon
abondent, l'on extrait annuellement 1200 millions
de quintaux de ce combustible ; et
d'après une estimation approximative, les
gisements de ce pays ne sauraient être
épuisés avant 500 ans. C'est à
cette houille, qu'ils appellent avec raison le
diamant noir, que les Anglais doivent leur
supériorité industrielle et maritime.
Mais il y en a aussi des amas
immenses en Amérique, en Australie et en
Chine, où l'on brûlait du charbon il y
a vingt siècles déjà. Ce sont
là les débris de cette
végétation que Dieu créa le
troisième jour, et qui, enterrés sous
des couches successives de limon et de sable
durcis, se sont peu à peu carbonisés
sous l'action continue de la chaleur terrestre.
À travers les forêts immenses de ces
plantes, qui couvraient le sol humide à
peine émergé des flots de la mer,
murmurait comme aujourd'hui le vent et mugissait
l'orage ; mais aucun chant d'oiseau
n'égayait leurs vertes solitudes, aucun
animal ne posait un pied agile ou une lourde patte
sur le sol ; aucun papillon ne voltigeait
au-dessus des fleurs, et la fleur elle-même,
comme nous la connaissons aujourd'hui, n'existait
pas encore, car l'homme n'était pas
créé. Le soleil même, l'astre
rayonnant du jour, ne brillait pas à cette
époque,
D'ignorants moqueurs - car la moquerie
et l'ignorance marchent ordinairement de pair -
raillent le récit biblique d'après
lequel l'apparition des plantes aurait
précédé la création du
soleil, alors que chacun sait qu'une plante ne
saurait croître et prospérer sans
l'action efficace des rayons solaires. Comme si un
Moïse, instruit dans toute la science des
Égyptiens, n'en avait pas su autant !
Mais l'action divine est-elle limitée et
dépend-elle d'un astre ? Pourquoi la
terre, à l'aurore de son existence,
n'aurait-elle pas bénéficié
d'une autre lumière que de celle du
soleil ? Il existe des faits à l'appui
de cette hypothèse. Dans les couches carbonifères,
qu'elles
soient près des pôles ou près
de l'équateur, on retrouve les mêmes
plantes, de hautes fougères et des
espèces de palmiers, comme de nos jours il
n'en croît plus que dans les pays à la
fois chauds et humides. On peut en conclure
à une atmosphère à la fois
chaude et humide, et croire que la lumière
et la chaleur étaient alors réparties
également sur le globe entier, ou bien,
comme le dit le botaniste De Candolle, que cette
première végétation,
carbonisée dans la suite, a dû
s'épanouir sous une lumière
différente de celle de notre soleil. Nous
pouvons donc nous représenter la terre
d'alors comme enveloppée de vapeurs
lumineuses, et chauffée uniformément
de l'intérieur. Du reste la remarquable
découverte d'une vie animale, abondante et
variée, dans les profondeurs noires et
glacées des océans, prouve qu'une
riche vie organique peut exister et persister, en
dehors de toute influence de lumière et de
chaleur solaires. Sur ce point donc aussi, les
investigations et les découvertes modernes
de la science témoignent en faveur du
récit biblique et démontrent combien
les idées et la puissance de Dieu sont
supérieures à tous nos raisonnements.
Quand nous prenons dans la main un morceau de
charbon de terre, nous tenons là un
débris de ces arbres que portait la terre
alors qu'il n'y avait encore ni soleil, ni lune, ni
jours alternant avec les nuits, ni saisons, ni
années - alors que l'esprit d'Adam reposait
encore, incréé, dans les profondeurs
mystérieuses de la divinité. Et,
après avoir plongé nos regards en arrière dans
les siècles qui furent, portons-les en avant
vers ce qui sera. La terre avec tout ce qu'elle
renferme passera, mais nous avons la promesse d'une
nouvelle terre, et là il y aura une
végétation nouvelle aussi. Nos yeux
ravis verront des plantes et des fleurs
s'épanouir dans une beauté, une
magnificence, dont rien ici-bas ne saurait nous
donner une idée ; et, au milieu
d'elles, les arbres de vie porteront des fruits
tous les mois et leurs feuilles serviront à
la guérison des nations.
(Apoc.
XXII, 2.)
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