Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Chapitre X

MARIAGE DE M. ET Mme SERGY - NOUVEAUX EXAUCEMENTS

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Y a-t-il rien qui soit étonnant de la part de l'Éternel ?
Genèse 18. 14.

Le 11 novembre 1910, Soeur Cécile épousa M. Julien Sergy, un vieil ami de La Maison, devenu veuf plusieurs années auparavant. Agriculteur dans l'âme, il prit la direction du train de ferme qui allait s'agrandissant. Tout en initiant les aînés des garçons aux travaux des champs, il exerça sur eux une influence bénie. Son caractère pondéré, son grand jugement, son calme son humilité, sa piété simple et sincère attiraient tous les coeurs. Il partagea les responsabilités, les labeurs, les soucis de cette grande maisonnée, comme la foi et l'amour de celle qui en avait la direction, et il fut pour elle un précieux appui.
De son premier mariage, il avait un fils qui fut instituteur. Deux autres fils, Samuel et Jean, vinrent enrichir le nouveau foyer. L'aîné sera agriculteur comme son père, le cadet suivra l'École normale en vue de se consacrer à La Maison.

Une parente de Soeur Cécile, Mlle Alice Taylor, voyant la grande tâche de sa cousine, prit chez elle, à plus d'une reprise, les garçons tout jeunes encore. Puis, quittant son propre foyer à Genève et l'école qu'elle dirigeait, elle vint venir le ménage de M. et Mme Sergy qui s'étaient installés à deux pas de La Maison. Mlle Taylor, « Tante Lilette », eut une grande part dans l'éducation des deux enfants. Elle fut un vrai don de Dieu, car Soeur Cécile ne pouvait pas poursuivre son grand travail et donner à sa propre famille tout le temps nécessaire.

L'entrée à La Maison, en 1924, de Mlle Hirch, « Tante Ida », fut un sujet de grande reconnaissance. Fatiguée par une tâche absorbante, elle avait dit au Seigneur : « Si tu me rends mes forces, je les emploierai entièrement à ton service ». Les portes de La Maison s'ouvrirent devant elle en réponse à sa consécration. Profondément spirituelle, éducatrice dans l'âme, elle fut une aide exceptionnelle. Elle partageait avec Soeur Cécile toutes les difficultés et les préoccupations. Aussi sa mort soudaine, à la suite d'un accident, après 15 années de collaboration, creusa-t-elle un vide difficile à combler. Déjà quelques années auparavant, la mort subite, en 1921, de Tante Laure, avait été un coup bien douloureux.

Devant ces départs si inattendus, on pourrait être tenté de demander : Pourquoi ? mais il faut rester dans l'assurance que Dieu ne se trompe pas. « Ce que je fais, tu ne le comprends pas maintenant, mais tu le comprendras bientôt (Jean 13. 7). »

La séparation d'avec des êtres aimés, et le chagrin que cause leur départ ne doivent pas nous voiler la joie de ceux que le Seigneur a appelés à monter plus haut et à se reposer de leurs travaux. Ils sont dans la maison du Père et l'on ne voudrait pas leur ravir cette bonne part, malgré le vide que laisse leur absence.

Nous voudrions encore parler ici d'une grande amie de La Maison. Il s'agit de Mme Métral, sage-femme, habitant le village de Yens sur Morges. Elle était connue dans toute la contrée pour sa piété vivante, originale, primesautière et sa foi enfantine et puissante.
Elle avait reçu cinq louis d'or. C'était l'heureux temps où l'on en voyait encore. Les accouchées avaient l'habitude de donner un louis à la sage-femme qui les assistait, à la naissance de leur enfant.
- « Seigneur, avait dit Mme Métral, tu vois ces beaux louis d'or ; ils ne sont pas à moi, ils sont à toi. Que veux-tu que j'en fasse ? Où en as-tu besoin ? Montre-le moi, car il faut qu'ils servent à quelque chose et ne restent pas inutilement dans mon tiroir. » - Comme en un éclair, elle vit La Maison tout illuminée devant elle. Elle comprit et envoya aussitôt ces 100 francs à Soeur Cécile.

Ce don fut reçu avec émotion, car on savait que cette servante du Seigneur ne gardait pour elle-même que la strict nécessaire pour vivre.
Une grande épreuve dans sa vie fut d'avoir un mari buveur. Il lui rendait la vie dure. Elle ne se lassa pas de prier pour lui. Aussi quelle ne fut pas sa douleur le jour où celui-ci s'ôta la vie par pendaison.
- « Comment, Seigneur, permets-tu cela ? Moi qui ai tant prié pour lui ! Est-ce possible ? »

Et pendant trois jours et trois nuits, elle fut dans une amère douleur. Mais elle entendit le Seigneur lui dire : « Ne te trouble pas ; il n'est pas perdu, il est sauvé ». Et depuis ce moment-là, elle ne put que rendre grâce et bénir Dieu, assurée qu'il ne pouvait la tromper. En effet, nous ne savons pas ce qui se passe dans une âme, à la dernière minute de la vie, et Dieu exauce les prières de la foi au delà de ce que nous pouvons demander ou penser.

C'est auprès de cette femme de foi que Soeur Cécile aimait à aller lorsqu'elle avait un pressant sujet de prière, une délivrance particulière à demander à Dieu. Il lui arrivait de quitter Burtigny le soir pour se rendre à Yens et n'en revenir que le matin suivant, après avoir passé une partie de la nuit en prière avec Mme Métral.

Un jour qu'elle allait la voir, elle la trouva alitée et souffrante, n'ayant personne auprès d'elle. Aussi Soeur Cécile la persuada-t-elle de venir habiter La Maison. On y installa pour elle un petit appartement, et jusqu'à la fin elle fut entourée de soins et d'affection.

Le Seigneur veille sur les siens ; Il n'abandonna pas celle qui avait tout donné par amour pour Lui.

Par sa piété joyeuse, sa ferveur, la simplicité de sa foi, sa vie de prière, elle fut en bénédiction à La Maison et à tous ceux qui venaient la voir. Plusieurs, dans le village, se convertirent à son contact. Elle vécut encore quatre ou cinq ans et rendit, par sa foi, un beau témoignage au travers d'une douloureuse maladie. Comme pour tous ceux qui meurent dans le Seigneur, la mort fut pour elle la porte de la vie.

Évoquons encore le souvenir de divers exaucements qui se sont succédé au cours des années. Ils valent la peine d'être rappelés.

Les lits
Une somme de 300 francs avait été soigneusement mise de côté pour l'achat d'un certain nombre de lits devenus indispensables. La commande tardant à être livrée, cet argent dut être employé pour les nécessités urgentes de la vie quotidienne.
Un jour l'avis arriva, annonçant que les lits commandés se trouvaient en gare. Comme ils étaient d'une qualité supérieure, le coût en serait aussi plus élevé. Il fallait avoir recours à Dieu et Lui demander que la facture n'arrivât pas sans qu'il fût possible de l'acquitter.

Le matin, Soeur Cécile partait à pied pour un village voisin, et tout au long du chemin montait de son coeur une ardente prière, jusqu'à ce que le Seigneur lui dise : « J'ai entendu, tu me l'as déjà dit, sois tranquille ». Dès ce moment elle cessa de prier pour cet objet, ayant l'assurance qu'elle était exaucée. À son retour, de loin, elle vit sur le seuil de La Maison des mains s'agiter en élevant un grand pli jaune qu'on n'avait pas osé ouvrir sans elle, mais qui devait être sans doute la réponse attendue. L'enveloppe contenait en effet 500 francs et la note apportée par le courrier du soir se montait à 480 francs.

Le pain quotidien
« Donne-nous aujourd'hui notre pain quotidien » ! Cette prière était bien pressante parfois, quand l'armoire contenant les belles miches dorées était vide ou tout près de l'être.

Il ne restait plus de farine pour préparer le pain, ce jour où Soeur Cécile, voyant passer le char du meunier chargé de sacs, se disait : « Si seulement il y en avait un pour nous ! » Quelle surprise quand le conducteur descendit de son siège et vint en déposer un devant la porte de La Maison. « Prends un sac de plus aujourd'hui, m'a dit le patron, et tu le donneras de ma part à La Maison ; ils en ont peut-être besoin. »

Un certain jour, l'armoire ne contenait presque plus rien, et nous ne pouvions attendre au-delà du vendredi matin pour notre achat de farine. La provision habituelle, représentant la charge d'un cheval, était de 5 sacs qui valaient alors 24 francs, plus 1 franc pour la mouture. Nous avions instamment demandé au Seigneur de nous envoyer l'argent nécessaire pour le jeudi soir. Mais rien ne vint : « Seigneur, tu sais qu'il nous faut 125 francs pour demain matin ». Par le premier courrier du vendredi nous arrivait la somme de 100 francs : « Seigneur, merci, mais tu sais que c'est 125 francs qu'il nous faut ! » Oui, Il le savait, mais Il savait aussi que ce jour-là le temps serait mauvais et que les chemins détrempés ne permettraient pas d'apporter les 500 kilos habituels. « Impossible, dit le cocher, d'en charger plus de 400 kilos par le temps qu'il fait. » Nous pouvions bien être émerveillés de la précision du Seigneur qui savait mieux que nous ce qu'il nous fallait.

Pendant la guerre
1914. - C'est la guerre. Les difficultés vont augmenter. Comment continuer à pourvoir aux besoins d'une si grande maisonnée de 70 personnes environ ? « Ne crains point, crois seulement. » Rien n'est trop difficile pour Dieu. « Il te fera vivre au milieu de la famine. » Comment ne pas être touché de sa sollicitude, quand, à la veille de l'introduction de la carte de riz, un beau sac de 100 kilos de cette précieuse denrée arrivait, don anonyme pour les enfants de La Maison.

Il fallait songer à remplacer le brave cheval qui avait rendu tant de services à La Maison ; devenu vieux, il ne pouvait plus suffire à la tâche. Mais, pendant la guerre, les chevaux, réquisitionnés par l'armée, étaient rares et hors de prix. Toutes les démarches de M. Sergy furent vaines. Enfin, un certain jour, il rencontre un ami et lui fait part de ses difficultés à trouver l'animal dont il avait besoin. « J'ai votre affaire », dit l'ami. En effet, le cheval qu'il lui offrait répondait à ce que cherchait M. Sergy. Comme le prix en était relativement abordable (1800 fr.), il conclut le marché. Mais l'argent n'était pas là. N'avait-il pas devancé le Seigneur ? N'était-il pas sorti de la ligne tracée de ne risquer aucun achat sans avoir l'argent pour le payer comptant ? Aussi ce fut un sujet continuel de prières pour demander à Dieu les 1800 francs nécessaires pour faire face à l'engagement pris.
Dieu entendit. Un matin, dans le courrier qui vient d'arriver, Soeur Cécile trouve une enveloppe sans apparence, une de ces enveloppes gris-bleu, tout ordinaire, dont elle retire, à son grand étonnement, quatre billets de banque de 500 francs, soit 2000 francs ! Est-ce possible ! Aucune indication quelconque ! Elle reprend l'enveloppe, l'examine, la retourne et voit écrit, en fins caractères : Lausanne, case postale tant et tant. C'est tout !

Que d'actions de grâces pour cette merveilleuse délivrance ! Soeur Cécile écrit aussitôt à l'adresse indiquée, disant combien cet argent a été le bienvenu dans un moment critique, et une réponse à d'ardentes prières.

« Je suis heureux, écrit le donateur, que cet argent soit arrivé au bon moment ; depuis longtemps le Seigneur m'avait mis au coeur de réserver quelque chose pour La Maison. Je vous rappelle qu'en temps de famine, l'Éternel a toujours ses corbeaux (1 Rois 17. 2-7), et que « ceux qui se confient en Lui sont environnés de sa grâce (Ps. 32. 10) ».

Cet humble enfant de Dieu, qui ne semble pas être un des riches de ce monde, est resté inconnu aux hommes ; mais il est connu de Dieu et au grand jour des rétributions, lorsque les livres seront ouverts, il ne perdra pas sa récompense, car « Dieu n'est pas injuste pour oublier votre travail et l'amour que vous avez montré pour son nom (Héb. 6. 10) ».

Récit de la source
Burtigny était, il y a quelques années, une des rares communes du canton qui n'avait pas d'impôt à payer. Dans la suite, cet état de choses changea, si bien que les autorités, annoncèrent un impôt sur la consommation d'eau. Pour un grand ménage comme le nôtre, où les enfants ont carte blanche pour ouvrir les robinets, on peut juger du débit en un seul jour.
M. Sergy s'alarma à juste titre, et décida de fixer provisoirement un compteur. Mais nos prévisions furent bien dépassées. Que faire ? Acheter la source qu'un paysan d'une maison foraine nous offrait ? Mais nous n'en avions pas les moyens.

Selon notre habitude, nous avons exposé notre peine à Dieu, demandant des directions précises, et que si sa volonté était que nous acquérions la source, il daignât nous répondre le jour même par l'envoi d'un don.
L'après-midi, une somme de 20 francs nous parvenait, et, le soir, 1000 francs. C'était le signe certain que nous osions aller de l'avant, comptant sur le Seigneur. Il nous encouragea par ce verset : « Des rochers fortifiés seront sa retraite, du pain lui sera donné, de l'eau lui sera assurée (Es. 33. 16) ».

Histoire de la porcherie
C'était en 1924. La Commission du feu, ayant passé chez nous, fit remarquer que l'étable à porcs nécessitait des réparations urgentes. Alors, dans une prière, une des tantes disait à Dieu : Ce ne sont pas des cents, mais des mille qu'il nous faut.
Or, par une chaude journée d'été, comme nous revenions de la glane, une auto était arrêtée devant la maison. Après le départ des visites, Soeur Cécile nous appelle et nous montre... devinez ? Quatre billets de 500 francs. Nous pouvions commencer les travaux !

Dieu est le Dieu des grandes délivrances, mais aussi le Dieu des détails.

Les enfants ayant de la peine à faire la gymnastique avec leurs grosses socques aux semelles raides, le maître s'en plaignait, lorsqu'arrive, sans même que nous l'ayons demandé à Dieu, un volumineux envoi d'espadrilles !
Il y eut aussi un bel envoi d'oranges, reçues en pleine période de grippe, et que la tante qui les avait demandées put distribuer avec joie à nos petits convalescents.

Un don inattendu
Un homme d'affaires, voulant rester anonyme, expédia un jour une somme très importante. « C'est Dieu Lui-même qui m'a fixé ce que je devais envoyer ; je n'ai eu qu'à obéir. » Cet argent a permis de faire des améliorations indispensables : construction d'un hangar, installation pour la lessive, achat d'un moteur électrique et d'autres choses encore, qui ont été d'un très grand secours. Ce fut un sujet de grande reconnaissance.

Le café
Nous recevions notre café d'un ami de La Maison qui habitait ***. Il nous avait dit : « Quand vous n'en aurez plus, faites-le moi savoir et je vous en enverrai aussitôt ».
Lorsque la provision fut épuisée, nous pensions que ce serait déroger à notre ligne de conduite que de lui demander un nouvel envoi, malgré son offre. Mais nous avons dit au Seigneur : « Tu peux, toi, le lui rappeler ». Peu après, nous recevions le café nécessaire.

Lorsque nous avons revu cet ami, nous avons reparlé de la chose, et il nous dit : « J'étais à mon travail, quand il m'est tout à coup venu à l'esprit que vous n'aviez peut-être plus de café, et, sans attendre davantage, j'ai donné l'ordre de vous faire cette expédition. »

Que ce soit peu ou beaucoup, Dieu sait les besoins du moment, et il ne Lui est pas plus difficile d'envoyer 20000 francs que 10 centimes.

La Ferme
En anticipant un peu sur les années, nous voudrions encore raconter ici ce qui concerne la création de la Ferme.
Une propriété avec ferme, jardin, verger et sept poses de terrain, située tout près de La Maison, dont elle n'était séparée que par le jardin potager, se trouvait à vendre.
Ah ! comme il eût été précieux de l'acquérir ! Mais on n'osait pas y songer. Pourtant, après plusieurs années, aucun acquéreur ne s'étant présenté, elle fut mise aux enchères publiques.

À ce moment La Maison avait fait un modeste héritage. M. Sergy, pouvant envisager la vente de quelques têtes de bétail et d'autres denrées, fit une offre extrêmement basse. Aucun autre acheteur ne se mettant sur les rangs, l'offre fut acceptée.
C'était un vrai cadeau de Dieu. Il semblait cependant qu'il faudrait recourir à une hypothèque ; mais il y avait encore plusieurs mois avant l'échéance, et Mme Sergy, avec la foi qui la caractérisait, comptait sur Dieu, afin de ne rien devoir à personne. Comme toujours, la foi triompha.

Peu de jours avant la date fixée pour le paiement, une amie de La Maison arrivait à Burtigny, en auto, dans l'intention de voir Soeur Cécile et de lui remettre une enveloppe.
- Où en est l'achat de la Ferme ? demanda-t-elle.
- Oh ! le Seigneur a été si bon envers nous, qu'il nous a envoyé petit à petit tout le nécessaire. Je l'ai là. Nous devons dans trois jours passer l'acte d'achat, et en même temps acquitter la somme fixée. Il ne nous manque plus que 230 francs, mais je ne doute pas que le Seigneur nous les envoie encore à temps voulu.
- Les voilà, dit son amie, en lui tendant l'enveloppe qu'elle avait à la main, et dans laquelle elle avait préparé, depuis quelque temps déjà, deux billets de 100 francs.

Il est bien certain que les 30 francs restant ne se seront pas fait attendre.

Quelques mois après, une belle somme parvint encore, qui permit les réparations et les aménagements nécessaires.

Ce nouveau bâtiment, qui prit le nom de « La Ferme », fut avec ses dépendances et ses terrains, une acquisition des plus précieuses, inappréciable à l'heure actuelle où l'extension des cultures joue un si grand rôle.

À Celui qui entend les prières et incline les coeurs, à Lui seul soient louange, honneur et gloire !

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