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LE PLAN DE DIEU(suite)

(début)

Il n'y a qu'une solution possible à ce problème: si le Fils réalise à la fois le plan de son Père et son plan personnel, c'est que ces deux plans n'en font qu'un. C'est que le Fils a tellement adopté le plan du Père, qu'il l'a fait sien; ce plan, qu'il semble tour à tour avoir accepté ou choisi, suivant qu'on le contemple dans son obéissance ou dans sa liberté par où il accomplit la loi de la nature humaine que Jérémie a révélée dans mon texte, mais en la dépouillant de tout air d'infirmité ou même de nécessité, d'autant plus obéissant qu'il est plus libre, et d'autant plus libre qu'il est plus obéissant.

Voila le secret que nous cherchions : « Allez et faites de même. » De ces deux plans qui sont devant vous, celui de Dieu et le vôtre, n'en faites qu'un ; et ne pouvant imposer votre plan à Dieu, adoptez le sien, non dans l'esprit d'une contrainte servile, mais dans celui d'une adhésion filiale. S'agit-il des choses qui dépendent de vous? Ne faites que ce que vous avez lieu de croire conforme au plan de Dieu. Au lieu de demander, dans le choix d'une carrière, quelle est celle qui vous promet le plus de succès, de bien-être, d'influence, demandez avant tout quelle est celle que Dieu vous a marquée, ou par votre aptitude, ou par votre préparation, ou par les circonstances, ou par ces appels intérieurs qui s'expliquent à l'âme fidèle. Au lieu de demander, dans la formation d'une alliance, quelle est celle qui flattera le plus vos vues d'ambition, vos projets de fortune, votre volonté propre, demandez avant tout quelle est celle qui vous prêtera le plus sûr appui pour croître dans la vie de Dieu, et pour accomplir l'oeuvre qu'il vous donne à faire sur la terre. Au lieu de demander, dans l'éducation d'un enfant, quelle est la direction conseillée par l'usage, par l'opinion, par la vanité, par l'intérêt, demandez avant tout quelle est celle qui entre le mieux dans les indications de santé, de facultés, de penchant ou de position, que Dieu vous a fournies. S'agit-il de choses qui ne dépendent pas de vous ? laissez faire à Dieu, et que votre paix soit de vous dire que son plan dispose de tout.
A lui seul de mesurer la part de joies et de douleurs qui vous convient. Les douceurs, les consolations que Dieu vous a ménagées. prenez-les, savourez-les, jusqu'aux plus petites, d'un coeur d'autant plus heureux et plus reconnaissant, que vous les recueillez de sa main paternelle; mais celles qu'il vous a refusées, jusqu'aux plus désirées, aux plus désirables,, faites-en le sacrifice, et contentez-vous de savoir que c'est cette même main qui vous les a retranchées. Au contraire, les privations, les amertumes que Dieu vous épargne, ne les enviez pas à « ces bienheureux qui ont souffert, » et craignez, si vous les alliez chercher, de succomber sous un fardeau de votre propre choix; mais celles qu'il vous a dispensées, dussent-elles vous entraver dans les projets les plus chers, les plus utiles, les plus bienfaisants, acceptez-les comme des exercices salutaires, appropriés à votre éducation spirituelle et miséricordieusement mesurés à votre portée. En deux mots, sachez quel est le plan que Dieu a formé pour vous ; et ce plan trouvé, adoptez-le pour vôtre, comme vous voyez que Jésus a fait.
Ne me répondez pas que vous êtes en peine de discerner le plan de Dieu : ce discernement est promis à la simplicité d'un coeur droit. Quand l'âme fidèle, humblement pénétrée de cette parole : « Les pas de l'homme sont de par l'Éternel : comment donc l'homme entendra-t-il sa voie (24)? » a prié ainsi : Enseigne-moi le chemin où je dois marcher, car tu es mon Dieu » le Seigneur lui répond : « Je t'enseignerai le chemin où tu dois marcher, mon oeil sera sur toi (25). » C'est assez que Jésus n'ait d'autre plan que celui de Dieu, pour que ce plan se révèle à lui, disons mieux, se déploie devant lui, jour après jour, et pour que ce chemin de bonnes oeuvres que Dieu lui a préparé (26) se fraye, pas après pas, tantôt par un appel qui lui est adressé, tantôt par un fait qui survient, tantôt par un sentiment intérieur, tantôt par les nécessités matérielles ou spirituelles de la vie, et tout cela avec tant d'ouverture et de facilité, que la question même qui vous préoccupe ne semble pas se poser pour lui. Ayez son esprit, vous aurez sa lumière : la nature, les hommes, les événements, toutes choses vous seront comme un cours d'instruction divine, où la fidélité qui donne se proportionnera à la fidélité qui reçoit. Que s'il entre dans les vues de votre Père de vous dérober quelque temps encore la connaissance de ses desseins, comme pour vous obliger tendrement à le serrer de plus près, rappelez-vous alors que ce qui importe, après tout, c'est moins de discerner le plan de Dieu que de le suivre, et que Dieu a des moyens de nous le faire suivre, même sans nous le faire discerner. « Par la foi, Abraham, étant appelé obéit, pour aller dans la terre qu'il devait recueillir en héritage, et il partit sans savoir où il allait (27); mais Dieu le savait, et c'était assez. Marchez aussi par la foi, et Dieu vous conduira jusque dans les jours les plus sombres, si vous ne voulez que ses voies pour vos voies, et ses pensées pour vos pensées (28).

Par là, comme Jésus, vous accomplirez tout ensemble le plan de Dieu devenu le vôtre, et votre plan uni au sien; ce qui sera pour vous, comme pour Jésus, le principe d'une conciliation parfaite entre des intérêts qui semblaient opposés. Car, d'une part, accomplissant le plan de Dieu, vous vous sentirez dans l'ordre; et de l'autre, accomplissant votre propre plan, vous vous sentirez dans la liberté. Ceci mérite de nous arrêter quelques instants : ce n'est rien moins que la solution, simple autant que profonde, d'un des plus grands problèmes moraux qui aient jamais préoccupé la conscience humaine.

Vous vous sentirez dans l'ordre, parce que vous accomplirez un plan qui est de Dieu, et non pas de vous. Pour reconnaître la vérité de cette réflexion, renversez les choses ; supposez que vous accomplissiez, au contraire, un plan qui soit de vous, et non pas de Dieu: quel désordre! Désordre caché, mais pourtant réel, alors même que ce plan pourrait être exécuté désordre éclatant et manifeste, chaque fois que ce plan sera renversé. Faisons l'hypothèse la plus favorable : ce plan que vous aurez conçu vous-mêmes, il vous sera donné de l'exécuter pleinement, invariablement. Même alors, je devrais dire peut-être surtout alors, quel désordre Car enfin, nous ne saurions nous dissimuler que nous sommes des créatures bornées, qui ne voient qu'à quelques pas devant elles, et qui ne peuvent rien contempler dans l'ensemble des temps et des choses. Charger une pareille créature d'arrêter le plan qui doit décider de son existence, c'est risquer une perturbation terrible dans ces innombrables rapports qui aboutissent à elle, toute bornée qu'elle est. Mais restreignons-nous à son seul intérêt personnel, malgré l'étroitesse de ce point de vue : charger une pareille créature d'arrêter le plan qui doit décider de son existence, c'est lui imposer une responsabilité auprès de laquelle le supplice d'Atlas, écrasé sous le poids du ciel, serait digne d'envie.
C'est votre propre plan qui décide de votre destinée? Véritablement, ce bonheur inouï est le plus grand malheur qui vous puisse arriver (29). Votre plan qui décide! mais avez-vous bien calculé les suites incalculables que peut entraîner pour vous la moindre de vos actions, de vos paroles, de vos pensées? Votre plan qui décide mais qui vous garantit que votre plan soit bon, plus encore, qu'il soit le meilleur possible, car vous ne sauriez, ni ne devez vous contenter à moins? Votre plan qui décide mais voilà de quoi vous faire perdre le repos le jour, et le sommeil la nuit; j'aimerais mieux avoir, quant à moi, à gouverner le monde, même dans la confusion où il est aujourd'hui, qu'à régler le dessein immense et si prodigieusement compliqué de ma condition présente et. future, matérielle et spirituelle. Votre plan qui décide mais, sérieusement, voudriez-vous qu'il en fût ainsi? Si Dieu vous offrait de tout régler conformément à votre plan, accepteriez-vous ? Non mille fois non, si vous n'êtes pas un enfant, pour ne pas dire un insensé Eh quel homme de sens aurait le courage de choisir ses pas, quand chaque pas qu'il fait retentit jusque dans les profondeurs du temps et de l'espace, de ce temps qu'il ne saurait prévoir, de cet espace qu'il ne peut découvrir Dans l'illusion tristement plaisante de ce fou qui n'osait bouger de sa place, par la crainte où il était de se casser en marchant, je vois une juste image de l'angoisse où vous jetterait ce choix terrible, tremblant toujours de prendre l'intérêt apparent pour l'intérêt réel, le passager pour le permanent, le visible pour l'invisible, le petit pour le grand; ne sachant à quoi vous résoudre entre les chances de l'action et les périls du quiétisme, et ne trouvant enfin de repos qu'à vous décharger de tout sur celui qui connaît aussi bien l'avenir que le présent, l'ensemble que le détail, le fond des choses que la surface; en d'autres termes, ne trouvant de repos - que dans ce qui est aujourd'hui.

Mais venons à l'hypothèse la plus vraisemblable, et qui deviendra inévitablement vraie une fois ou une autre. Que vos plans échouent, que la machine à la construction de laquelle vous vous serez consacré tout entier se brise, « comme le seau sur la fontaine ou la roue dans la citerne (30) : quel désordre, si vous n'avez appris à vous réfugier dans un plan de Dieu, qui peut se réaliser sans le vôtre, malgré le vôtre Quel désordre, si toutes les espérances de votre fortune terrestre viennent à s'évanouir tout d'un coup quel, si tous les liens les plus chers viennent à se rompre sans retour quel, si vous venez à vous voir enlevé vous-même, plein de vie, plein de forces, plein de projets, plein d'avenir..... comme le jeune Chénier, conduit à une mort prématurée autant qu'affreuse, et révélant le trouble du dedans, sous la tranquille fermeté du dehors, par ce mot amer et naïf qu'il prononce en se touchant le front : « Et pourtant il y avait quelque chose-là » Mais transportez-vous dans le plan de Dieu : la réparation de tout ce désordre, la réponse même que sollicite un Chénier montant sur l'échafaud, la voici trouvée. Car dans le vaste plan de Dieu,, qui a les ressources de tout l'univers pour le seconder, l'espace infini pour se déployer, le temps éternel pour se développer, jamais rien d'irréparable, rien de désespéré, rien d'imprévu, rien de compromis seulement. Là se recueille tout ce qui se perd ici, là reparaît tout ce qui s'ensevelit ici, là continue tout ce qui s'arrête ici, là revit tout ce qui meurt ici. Que dis-je? Elle devait se perdre pour se recueillir, elle devait s'ensevelir pour reparaître, elle devait s'arrêter pour continuer, elle devait mourir pour revivre, cette semence précieuse, qui ne pouvait fleurir et fructifier dans le plan de Dieu qu'à la condition de périr dans le nôtre; et le moment où un Jacob s'écrie, resserré qu'il est dans les bornes étroites de son plan personnel : « Toutes ces choses sont contre moi (31), » est celui où toutes choses s'arrangent, dans le plan étendu et prévoyant du Seigneur, pour lui préparer la plus grande joie peut-être qui ait jamais fait battre le coeur d'un père.

Au lieu de nous consumer en efforts stériles pour peindre la beauté de cette doctrine, regardons-la plutôt en Jésus, dans la vie duquel elle se convertit en histoire. Quelle vie a été plus dominée, plus pénétrée, hélas! plus déchirée par le plan de Dieu, que celle de Jésus? mais, où trouver un sentiment plus constant ou plus profond d'ordre et de paix « qu'en Jésus-Christ, et en lui crucifié ? » Il suffit au Fils bien-aimé de savoir que les plans miséricordieux du Père s'accomplissent dans sa personne. Que s'il entre dans ce plan de le faire souffrir comme jamais homme n'a souffert, il se soutient en se disant à lui-même : C'est pour cela que je suis venu (32). Ce mot qu'il prononce en finissant : « J'ai achevé l'oeuvre que tu m'as donnée à faire (33» ce mot seul explique tout. Qu'importe alors qu'il meure sur une croix, qu'il meure à la fleur de l'âge, qu'il meure sans laisser ses disciples affermis, qu'il meure avant d'avoir terminé son oeuvre ? Ce n'est pas son oeuvre qu'il est venu faire, c'est celle de son Père ; cette oeuvre-là, elle est accomplie, ou le Père ne le retirerait pas encore. Le quelque chose qui meurt en Chénier est terrestre, passager, peut-être personnel ; le quelque chose qui meurt en Jésus, c'est le salut du, monde, c'est la fondation du royaume des cieux, c'est la prophétie vérifiée, c'est le serpent écrasé, c'est le rétablissement de toutes choses. Aussi, ce quelque chose qui meurt, ne meurt pas; tous ces germes ne se voilent que pour se déposer dans le sein du Père, comme dans une terre féconde qui rendra avec les usures Père, je remets mon « esprit entre tes mains. » L'heure de la croix, heure de bouleversement, de confusion et de ténèbres, dans la région des plans humains, est, dans la région du plan divin, l'heure de l'ordre, de l'harmonie et de la délivrance : « Tout est accompli. »

Mais s'il n'y a de paix que dans l'ordre, il n'y a de vie que dans la liberté. Eh bien, dans la ligne de conduite dont vous trouvez le précepte dans mon texte et l'exemple en Jésus, vous vous sentirez en même temps dans la liberté, parce que, tout en accomplissant le plan de Dieu, vous accomplirez aussi votre propre plan, que vous aurez conformé au sien. Ce n'est pas là la liberté absolue, d'accord; mais c'est toute la liberté à laquelle la créature peut prétendre. Cette liberté absolue, qui consiste à accomplir ce qu'on veut, sans se régler sur personne, ni rendre compte à personne, elle n'appartient qu'à Dieu seul; et l'unique liberté dont nous soyons capables consiste à mettre dans nos intérêts cette liberté divine, que nous aurons contre nous, si nous poursuivons un plan indépendant, et pour nous, si nous nous en tenons au plan de Dieu. Prétendez-vous à une liberté plus haute que celle que je vous propose ? Voulez-vous être indépendant, même de Dieu, et accomplir votre plan personnel? Essayez, j'y consens. Il demeure vrai, cependant, « qu'il n'y a ni conseil, ni force, ni sagesse, qui puisse tenir tête à l'Éternel (34). » Eh bien, quand votre plan et celui de Dieu se rencontreront et se heurteront, ce qui ne peut manquer d'arriver s'ils sont indépendants l'un de l'autre, lequel des deux, je vous le demande, sera arrêté, froissé, réduit en poudre par l'autre? Est-ce là la liberté que vous revendiquez ? Qu'un stoïcien s'en contente, ou qu'il feigne de s'en contenter, je le conçois; mais un chrétien ?... C'est la liberté « du cheval et du mulet auxquels il faut emmuseler la bouche avec un mors et un frein, de peur qu'ils ne s'approchent vous (35); » ou, si cette image effarouche votre délicatesse, c'est la liberté d'un enfant indiscipliné, qui se joue imprudemment sur la voie ferrée, où déjà court derrière lui, avec le bruit du tonnerre, la lumière de l'éclair et la rapidité de la foudre, le convoi qui va le balayer et le mettre en pièces, en gémissant à sa manière, mais sans pouvoir suspendre sa marche, qui est la marche du siècle, des hommes, des choses, de tout et de tous.

Votre liberté véritable datera du jour où, reconnaissant « qu'il vous sied mal de regimber contre l'aiguillon, » vous accepterez le plan divin. vous vous l'approprierez, vous le ferez vôtre, non en fataliste, par nécessité, mais en chrétien, par amour. Nous parlons improprement, ou tout au moins incomplètement, quand nous appelons cela sacrifier notre plan, renoncer à notre volonté. Subordonner notre plan au plan divin, c'est moins le sacrifier que le sauver : car nous commençons à exécuter notre plan, quand nous l'unissons à ce plan suprême qui s'exécute toujours. Conformer notre volonté à la volonté divine, c'est moins y renoncer que lui tout soumettre: car nous commençons à faire ce que nous voulons, quand nous voulons ce que veut celui qui peut tout ce qu'il veut. Si cette subordination de notre plan au sien pouvait être parfaite et cette conformité de notre volonté avec la sienne entière, il ne nous en faudrait pas davantage pour être aussi infaillibles dans nos desseins que l'est Dieu lui-même, selon cette pensée profonde de Jésus-Christ : « Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous, vous demanderez ce que vous voulez, et il vous sera fait (36). »

Ceci tient aux plus intimes profondeurs de l'Évangile. Dieu a traité alliance avec nous, non comme un maître avec son esclave, mais comme un père avec son fils, qu'il n'assujettit pas à ses desseins, mais qu'il y associe. C'est en fils que Jésus adopte les desseins de Dieu sur lui, et qu'il nous invite à adopter ses desseins sur nous; en fils, voilà le mot de l'énigme, parce que c'est à la fois le mot de la soumission et celui de l'amour; en fils, un avec son Père, et qui est d'autant plus dans sa nature et dans son esprit propre, qu'il est plus dans la nature et dans l'esprit paternel; en fils, et c'en est assez pour que la dépendance se confonde avec la liberté. Voyez cet esclave, attaché par le commandement et retenu par la crainte auprès d'un maître infirme, dont l'état réclame les soins les plus pénibles, et tout ensemble capricieux, irritable, dont l'air sombre fait Peser d'un double poids les fers de la servitude. Avec quel sentiment de nécessité cruelle le malheureux traîne sa captivité avec quelle impatience homicide il soupire en lui-même après le terme fatal qui doit lui ouvrir sa prison avec quelle secrète envie il regarde l'oiseau qui vole de rameau en rameau, en chantant sous le feuillage l'hymne de sa joie, ou bien de ses douleurs Ne changez à ce tableau qu'un seul trait : au lieu d'un esclave, mettez un fils. N'est-il pas vrai que ce fils ne céderait à aucun autre le triste privilège des soins qu'il rend à son père; qu'il y trouve un je ne sais quel charme, qui se proportionne à leur amertume ; qu'il ne peut songer qu'avec effroi au jour prochain où la fin de son cher malade va lui rendre à lui-même une indépendance, qui lui pèsera durant le reste de ses jours ?... Que sera-ce donc si la volonté de son père est la bonté, la sagesse, la sainteté même? si son service est le besoin du coeur, et la loi de la conscience ? si le père qui commande est le Père céleste, et le fils qui obéit l'enfant de Dieu en Jésus-Christ? Quel spectacle plus grand, de liberté trouverait-on sur la terre, en attendant cet autre séjour où toutes les barrières auront été enlevées, pour faire place à la liberté parfaite par l'amour infini ?"

Au reste, ce spectacle, vous n'avez rien à attendre pour le contempler en Jésus, ce Fils unique et bien-aimé. Qu'y a-t-il jamais eu au monde de plus docile, de plus soumis, de plus acquiesçant au plan de Dieu, que la vie de Jésus ? Mais qu'y a-t-il eu au monde de plus personnel, de plus individuel, de plus libre ? D'autant plus soi qu'il est plus un avec le Père, l'oserai-je dire ? d'autant plus homme qu'il est plus Dieu, Jésus résout dans sa personne le problème de la liberté sans limites par la conformité sans réserve, et se montre à la terre ce qu'elle a vu de plus silencieux, de plus dépouillé, de plus pliant devant les desseins paternels, et tout ensemble ce qu'elle a vu de plus vivant, de plus énergique, de plus fortement empreint dans toute l'histoire des hommes. Comment cela? par l'amour filial - Jésus ne sacrifie pas son plan, il le réalise dans celui de Dieu; il n'abandonne pas sa volonté, il l'accomplit dans celle de Dieu; libre parce qu'il est Fils, et faisant part de sa liberté à quiconque reçoit de' lui « l'esprit d'adoption, par lequel nous crions Abba, c'est-à-dire Père (37) ! »

Mais au reste, pour être conforme à l'ordre et à la liberté, ce que je vous demande n'en coûte pas moins à la volonté propre, à la gloire propre, à la force propre, à la justice propre, à l'homme naturel tout entier. Oui, il en coûte, et plus que nous ne pensons peut-être, vous ou moi, faute d'avoir sérieusement essayé de ce renoncement sans restriction : c'est le grand sacrifice, c'est la crucifixion de la vie chrétienne. Eh bien cette crucifixion s'apprend de Jésus-Christ crucifié. Placez-vous devant cette croix sur laquelle il a tout souffert et tout accompli, pour se conformer à la volonté du Père, et il n'y aura plus rien dans les plans divins que vous refusiez ou d'accomplir ou de souffrir. Si la croix de Jésus-Christ ne vous a point appris cela, elle ne vous a rien appris; et pour peu qu'il y ait en vous une étincelle de foi chrétienne et de vie chrétienne, votre coeur, loin de résister à la doctrine de mon texte, ira au-devant d'elle avec une sainte jalousie. Réaliser le plan divin, soit qu'il pénètre les vôtres pour s'unir à eux, soit qu'il les renverse pour se fonder sur leurs ruines, ce sera pour vous, je ne dis pas seulement une obligation, mais un privilège, je ne dis pas seulement un privilège mais un besoin, mais votre faim, votre soif; et vous substituerez désormais une sympathie vivante à la froide admiration que vous avez accordée jusqu'ici peut-être à cette parole de votre Sauveur : ci Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé, et d'accomplir son oeuvre (38) »

J'aurais fini, si je parlais ailleurs et dans un autre temps. Mais, an risque de paraître oublier les habitudes de cette chaire, comment omettre, dans un tel sujet, l'application spéciale que réclame la France de 1850? Eh « si je me tais, ces pierres ne crieront-elles pas? » Que la voie de l'homme ne dépende pas de lui, qu'il ne soit pas au pouvoir de l'homme qui marche de diriger ses pas, - quand cette grande vérité ne serait pas proclamée par l'Écriture, par l'expérience, par la voix du peuple, n'est-elle pas changée en vue par l'histoire contemporaine ? Ne s'impose-t-elle pas à nous avec tous les droits d'un axiome historique? ne sort-elle pas de dessous terre à chaque pas, ne tombe-t-elle pas du ciel dans chaque orage, ne court-elle pas de bouche en bouche, ne remue-t-elle pas tous les esprits, jusqu'aux plus indifférents? Diriger ses pas : eh quel homme sage s'en flatterait après ce que nous venons de voir, ajouterai-je, et à la veille de ce qui nous reste à voir encore ? Qui a moins dirigé ses pas, ou de ceux qui sont tombés des premières dignités de l'État, ou de ceux qui y sont montés à leur place pour en tomber à leur tour, ou de ceux qui ont recueilli l'héritage des uns et des autres - jusques à quand? Qui a moins dirigé ses pas, ou de ces tempêtes populaires, aussi promptes à rentrer dans l'ordre qu'elles l'avaient été à balayer devant elles les plus fermes États, ou de ces vieux navires, usés dirai-je? ou raffermis par le travail des siècles, reparaissant quand on les croyait engloutis, et cinglant avec un nouvel orgueil - au-devant peut-être de quelles tempêtes nouvelles ?

Mais laissons l'avenir et renfermons-nous dans le présent. Deux grandes questions s'agitent : celle de la société et celle de l'Église. Dirige-t-elle ses pas, cette société, qui chancelle comme un homme ivre, et qui ne peut trouver, contre des maux qu'elle juge intolérables, que des remèdes qui menacent de les accroître encore? Dirige-t-elle ses pas, cette Église chrétienne, qui aspire tout à la fois à une vie nouvelle et à des formes nouvelles, mais qui ne sait où prendre son point d'appui pour une réforme si désirée, sur un sol qui manque à chaque pas, et sous un ciel chargé de dissentiments sans fin ? Eh bien que faut-il faire aujourd'hui, pour être fidèle à l'esprit de Jérémie et à l'exemple de Jésus ? Faut-il désespérer de la situation, laisser l'eau couler et les choses aller comme elles peuvent, et ne plus former de plans ni pour le salut de la société, ni pour le renouvellement de l'Église ? Non, sans doute; mais, nous rappelant ce qui est écrit : « Quand je suis faible, alors je suis fort (39), » il faut tirer le bien du mal, et nous appliquer, avec une ardeur redoublée, à former tous nos plans sur celui de Dieu, qui peut seul nous venir en aide, mais qui saura, tôt ou tard, tout réparer et tout rétablir.

Si la société doit se rasseoir sur des bases solides, il faut que le plan de Dieu préside à son raffermissement. Cette sagesse charnelle qui se flatte d'en guérir les plaies, ou par l'inauguration d'un ordre inconnu et chimérique, ou par le maintien pur et simple de ce qui est parce qu'il est, elle est convaincue de folie par tous les enseignements du passé.

Demandez plutôt à l'histoire, éclairée par la révélation, à l'Écriture, acceptée comme la Parole de Dieu, à la prophétie, reçue comme un avertissement d'en haut pour marcher au-devant de l'avenir, demandez-leur quel est le plan de Dieu pour le développement de l'humanité, et pour l'avènement et le règne du Fils de l'homme - ou si de telles pensées sont trop étrangères aux délibérations des princes et aux suffrages des peuples, si le plan de Dieu doit être mis hors de cause dans les conseils de la politique contemporaine, craignez que nous ne soyons venus au commencement de la fin, que nous ne roulions d'abîme en abîme, et que la société ne marche vers sa dissolution prochaine...

Si l'Église chrétienne doit retrouver au-dedans le bel ordre qui convient à sa vocation sainte, et au dehors la place d'honneur qui lui appartient dans l'opinion des peuples, il faut que le plan de Dieu préside à sa réorganisation. Gardez-vous de vous aller jeter, à droite et à gauche, dans les premières réformes qui se présenteront à votre esprit, pour sauver ou sa doctrine ou sa discipline compromise. C'est aujourd'hui que nous avons besoin de « balancer le chemin de nos pieds : » ne voyez-vous pas, ne sentez-vous pas dans les esprits, un travail aussi profond qu'étendu, qui réclame des mesures à la fois si vastes et si pénétrantes, que Dieu seul en peut prendre la redoutable initiative? Écoutez-le, interrogez-le, attendez-le, pour savoir enfin à quelles destinées nouvelles, par quels chemins nouveaux, il veut conduire son Église - ou si vous n'êtes pas capables de cette foi et de cette longanimité, si vous vous précipitez dans vos propres voies... craignez que tout ne se mêle, que les plus beaux dons ne se dépensent en vain, que les plus saintes aspirations ne se perdent en l'air, que les plus nobles efforts ne soient frappés de stérilité, et que, de division en division et de déchirement en déchirement, l'Église ne finisse enfin par se réduire en poussière...

Dieu de Jérémie Dieu de Jésus-Christ nous avons connu a qu'il n'est pas au pouvoir de l'homme qui marche de diriger ses pas, » et nous venons à toi, pour remettre la conduite des nôtres entre tes mains paternelles « Châtie-nous, mais par mesure, et non en ta colère, de peur que tu ne nous réduises à néant » Qu'un éclair sillonne la nue, pour nous découvrir, au travers de nos ténèbres, ton plan et tes desseins, où nous souhaitons d'entrer désormais sans réserve Mets un terme à nos perplexités infinies, à nos tâtonnements perpétuels, à notre société sans principes, à notre Église sans vie commune et à notre chrétienté sans vie chrétienne ! Au reste, Seigneur,' parle toi-même à la place de celui qui parle Il a connu, lui aussi, que la parole de l'homme ne dépend pas de lui, et qu'il n'est pas au pouvoir de l'homme qui parle de diriger ses discours (*40); et c'est à toi seul qu'il s'attend pour guider ce peuple, et pour le guider lui-même, dans les chemins où tu daignes te faire trouver

FIN


.
-24. Prov. XX, 21

-25. Ps. CXLIII, 8, 10 ; XXXII, 8.

-26. Éph. II, 10.
.
-27. Hébr. XI, 8.

-28. Es. LV, 8.

-29. Ps. LXXXI, 13.

-30. Eccl. XII 8.
.
-31. Gen, XLII, 36.

-32. Jean XII, 27.

-33. XVII, 4.

-34. Prov. XXI, 30.
.
-35. Ps. XXXII, 9.

-36. Jean XV, 7.

-37. Jean VIII, 36; Rom. VIII, 15.
.
-38. Jean IV, 34.

-39. 2 Cor. XII, 10.

-40. Prov. XVI, 1.

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