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LA FEMME

PREMIER DISCOURS

LA MISSION DE LA FEMME(Suite)

 

Ces déclarations étonnantes, l'Écriture les confirme et les complète par ses récits qui sont autant de leçons. Après nous avoir expliqué par Eve l'entrée du péché dans le monde, elle nous explique par Hada et Tsilla (*38), Lémech, qui fut le premier polygame, pour devenir le premier blasphémateur; par les filles des hommes séduisant les fils de Dieu, la corruption de la terre et le déluge(*39); par Agar, la foi, la charité, la paix d'Abraham un jour troublées (*40) ; par les femmes de la maison de Laban, la fidélité de Jacob longtemps couverte d'un voile; par les Hétiennes Judith et Basmath, l'indifférence profane d'Esaü (*41); par le dépit d'une épouse adultère, l'injustice de Putiphar; par les filles de Moab, la plus terrible des plaies d'Israël au désert (*42); et par les filles de Canaan, sa lâcheté et son idolâtrie après la conquête (*43); par Délila, le honteux abaissement de Samson; par la compagne du lévite d'Ephraïm, une tribu presque retranchée ; par Bathsébah, David cessant d'être David; par les femmes étrangères, Salomon servant leurs dieux, et recueillant de chute en chute les avertissements qu'il devait donner plus tard au monde (*44); par Jézabel, Achab impie, parjure et meurtrier (*45); par Athalie, les rois de Juda suivant le train de ceux d'Israël (*46); par Hérodias, Hérode décapitant Jean-Baptiste en dépit de lui-même (*47); par les femmes juives., Paul et Barnabas persécutés et chassés d'Antioche (*48); et par la femme prophétique de l'Apocalypse, l'égarement de toute la terre (*49). Sainte liberté des Écritures qui disent également le bien et le mal, non pour exalter la nature humaine ni pour l'humilier, mais pour donner gloire à Dieu qui produit le bien et répare le mal ! Il faut que ce coeur de femme, si chaud mais si passionné, si tendre mais si jaloux, si délicat, mais si susceptible, si vif mais si prompt., si sensible mais si irritable, si fort mais si faible, si bon mais si mauvais, soit dompté et transformé, pour que cette sève de vie qui l'inonde , rendue à son cours légitime, se répande tout entière en fleurs d'humilité et en fruits de charité.

 

Dompté et transformé, mais par qui? Eh ! de quel autre pourriez-vous attendre cette grâce que de ce Fils de Dieu qui, non content de vous avoir, par l'organe de ses serviteurs inspirés, rendu votre place et révélé votre mission, est venu lui-même vous en montrer l'idéal dans sa vie et vous en frayer le chemin par sa croix? Jésus vivant, type accompli des vertus douces comme des vertus fortes, est l'exemple de la femme comme de l'homme; et Jésus crucifié, unique victime qui expie le péché, est la source unique de ce saint amour qui, variant dans la seule application, affranchit du péché et l'homme et la femme. Mais, entre la femme et l'homme, si Jésus pouvait trouver plus d'accès d'un côté que de l'autre, ne serait-ce pas chez la femme? lui, qui « est amour; » lui. qui « est venu non pour être servi, mais pour servir; » lui, qui se résume tout entier dans le dépouillements et dans le sacrifice; lui, enfin, qui n'a paru sur la terre que pour exercer la charité la plus haute dans l'humilité la plus profonde ? Me trompé-je, mes soeurs, c'est à vous de le dire, me trompé-je en pensant qu'il n'y a rien sur la terre de plus sympathique à Jésus-Christ que le coeur de la femme ? Question superflue ! eh non, je ne me trompe pas, ou votre coeur aurait renié tous ses instincts ! La foi chrétienne, si bien prise dans le fond de l'humanité qu'elle n'est étrange qu'à force d'être naturelle, s'adapte si merveilleusement aussi à tous les besoins de votre être moral, que vous ne pouvez être vraiment femme qu'à la condition de recevoir l'Évangile: la femme chrétienne n'est pas seulement la meilleure des femmes, elle en est en même temps la plus femme. 0 vous donc, qui souhaitez d'accomplir l'humble et bienfaisante mission de votre sexe, - sous la croix, ou jamais !

 

Aussi bien, mes chères soeurs, le premier secours que l'homme est en droit d'attendre de vous est un secours spirituel. C'est peu qu'il vous doive la consolation de cette vie d'un jour, s'il ne vous doit, autant qu'il est en vous, la possession d'une vie éternelle. Non seulement la vraie charité vous le demande, celle qui subordonne le temps à l'éternité mais la justice elle-même vous y oblige, nous vous l'avons montré par les Écritures. Votre sexe a un tort originel à réparer envers le nôtre, et un tort spirituel. Ce que nous vous reprocherions dans cette chute où nous n'avons fait que vous suivre, si nous ne pensions devoir réserver notre sévérité pour ,nous-mêmes, ce n'est pas cette mort que vous avez introduite dans le monde, ni cette vie empoisonnée d'amertumes sans nombre, dont votre tendre sympathie elle-même n'est pas toujours capable d'alléger le poids : c'est un mal plus grand, le seul mal réel et absolu, le péché, que le premier homme fut inexcusable de commettre sans doute, mais qu'il commit entraîner par la première femme. Figurez-vous Eve agenouillée avec Adam auprès du cadavre d'un de leurs fils égorgé par l'autre, que la malédiction divine chasse au loin sur la terre déserte et silencieuse. A la vue des fruits visibles et présents du péché, à la pensée de ses fruits invisibles et futurs, si le tendre regard d'Adam ne dit pas à Eve: Rends-moi la faveur de mon Dieu ! rends-moi la paix avec moi-même ! rends-moi les jours d'Éden, et ma douce innocence, et mon saint amour pour le Seigneur et pour toi ! - elle se dit tout cela à elle-même., n'en doutez pas. Elle pense donner trop peu en prodiguant à Adam les consolations de la terre, si elle ne lui apporte celles du ciel; et ne pouvant défaire le mal qu'elle lui a fait, elle le presse, elle le conjure de tourner ses yeux humides vers le libérateur promis pour tout réparer, pour tout rétablir, et pour ouvrir à la race déchue, mais réconciliée, un second Éden, plus beau que celui dont le glaive des chérubins défend désormais l'entrée. Si tels sont les sentiments d'Eve, qu'elle soit bénie, toute Eve qu'elle est ! Avec ce coeur-là, Eve touche à Marie; et dans la femme qui a perdu le monde par le péché, je découvre déjà la femme qui doit le sauver par l'enfantement. Eh bien ! ce qu'elle devait faire, faites-le vous-mêmes. S'il n'en est aucune de vous qui n'ait été une Eve pour l'homme, qu'il n'y en ait aucune aussi qui ne soit pour lui une Marie, et qui ne lui donne le Sauveur! Voilà, voilà votre tâche. Que si vous n'y répondez pas, eussiez-vous passé votre vie entière dans les exercices de la bienfaisance, votre vocation sera manquée; et après avoir été saluée par les hommes du nom de femme de bien, de diaconesse, de soeur de charité, vous ne serez devant Dieu « qu'un airain qui résonne et une cymbale qui retentit. » Mais comment donner le Sauveur aux autres, si vous ne le possédez pas dans votre propre coeur? Femmes qui m'écoutez, encore un coup, sous la croix, ou jamais!

Ne disons rien de ces saintes femmes de l'ancienne alliance, qui « sont mortes dans la foi » avant la venue du Sauveur, mais non sans l'avoir « vu de loin, cru et salué (*50) : » ni de la pieuse Sara, ni de la modeste Rébecca, ni de la tendre Rachel, ni de l'héroïque Débora, ni de l'humble Ruth, ni de la douce femme d'Elkana, ni de la prudente Abigaïl, ni de l'intrépide Ritspa, ni de la silencieuse Sunamite. Bornons-nous aux femmes de la nouvelle alliance. Sous la croix, Marie, plus touchante encore qu'auprès du berceau, s'offrant sans murmure à l'épée qui lui transperce l'âme, s'associe au sacrifice de son Fils par la charité la plus sublime qui fût jamais après celle de ce Fils adorable, et nous offre le type de la femme chrétienne, qui ne sait aider et aimer qu'en tenant les yeux fixés sur « Jésus-Christ, et sur Jésus-Christ crucifié. » Sous la croix, Anne la prophétesse, type de la femme fidèle, donne gloire des premiers, dans ce même temple où « elle servait Dieu jour et nuit en jeûnes et en prières, » à celui que le vieux Siméon venait de confesser par l'Esprit, et, malgré ses quatre-vingt-quatre ans, retrouve l'énergie et l'activité de la jeunesse pour « parler de lui à tous ceux qui attendaient la délivrance dans Jérusalem (*51). » Sous la croix, Marie de Béthanie, type de la femme intérieure, avide de la seule chose nécessaire et jalouse de la bonne part, un jour « se tient assise aux pieds du Seigneur » pour se nourrir en silence de la Parole de vie, et un autre jour, dans le même silence, « les arrose d'un nard pur de grand prix et les essuie de ses propres cheveux, » comme si elle ne pouvait trouver de témoignage assez expressif de son respect et de son amour (*52). Sous la croix, Marthe, sa soeur, type de la femme active, tantôt prodigue ses soins infatigables à un frère qu'elle aime, tantôt s'empresse auprès d'un Sauveur qu'elle adore, le sert dans la vie commune, l'invoque dans, la douleur amère, le bénit dans la joie de la délivrance (*53). Sous la croix, cette mère cananéenne, type de la femme persévérante, surpassant en foi et en lumière ces apôtres qu'elle importune de ses cris, triomphe du silence, du refus, du dédain par lesquels le Seigneur semble lutter contre son invincible prière, et lui arrache enfin, avec la guérison tant désirée, le plus éclatant hommage qu'ait jamais obtenu de lui aucun enfant d'Adam : « 0 femme, ta foi est grande (*54) ! » Sous la croix, Marie-Magdeleine, affranchie de ses sept démons, type de la femme reconnaissante, surpassant ces mêmes apôtres en amour et en courage, après eux au Calvaire et avant eux au sépulcre, est aussi choisie entre tous pour contempler la première son Seigneur sorti du tombeau, et chargée de porter la bonne nouvelle de sa résurrection à ceux qui doivent la porter au monde (*55). Sous la croix, Dorcas, « remplie de bonnes oeuvres et d'aumônes, » type de la femme charitable, après une vie toute consacrée au soulagement des pauvres et des veuves de Joppe, achève en mourant de montrer ce qu'elle était pour l'Église, par le vide qu'elle laisse et les larmes qu'elle fait couler (*56); et dans le même esprit, Phébé, la diaconesse de Cenchrée, exerçant l'hospitalité envers beaucoup de saints » et envers l'Apôtre en particulier, enfante dans la suite des âges par ses exemples une multitude de diaconesses chrétiennes, revêtues ou non, peu importe, de ce titre officiel devant les hommes (*57). Sous la croix, Priscille, type de la servante de Jésus-Christ, concourt humblement avec Aquilas, son mari, soit à ces périls encourus pour conserver aux Églises des gentils leur grand missionnaire, (*58) soit à ces entretiens où s'éclaire et s'affermit la foi de l'éloquent Apollos (*59); et dans le même esprit, Lydie hasarde ses jours pour ouvrir aux apôtres sa maison , qui, transformée tout à coup en église, devient le centre de l'activité évangélique dans Philippes et dans la Macédoine (*60).

Que dirai-je encore ? Parlerai-je de ce que deviennent sous la croix et Julie, et Loïs, et Évodie, et Syntiche, et Marie, et Perside, et Salomé, et Tryphène, et Tryphose, et tant de femmes de l'Évangile, et tant d'autres qui ont suivi leurs traces, les Perpétue et les Monique, les Marie Calame et les Élisabeth Fry? Sous la croix, une Bible à la main, cette Bible à laquelle nulle créature humaine ne doit plus qu'elle, et selon le monde et selon le Seigneur; sous la croix, une Bible à la main, c'est là que j'aime à voir la femme. C'est là que, rendue à Dieu, à l'homme, à elle-même, si digne dans sa soumission, si noble dans son humilité, si forte dans sa douceur, rassemblant tout ce qu'elle a reçu de dons pour les consacrer au service de l'humanité, avec une ardeur que nous ne savons guère porter que dans la passion, elle nous oblige à confesser que celle qui nous ravit la sainteté primitive, est aussi celle qui nous en offre sur la terre d'exil, l'image la moins effacée.

0 vous qui lisez si bien dans notre coeur, souffrez que je lise un moment dans le vôtre. J'en ai dit assez pour vous, trop peut-être. Vous acceptez cette mission, mais des mains de Jésus; vous brûlez de la remplir, mais sous la croix de Jésus. Venez donc, que passant du principe à l'application, je vous montre encore comment elle pourra être accomplie dans toutes les situations diverses, et comment la femme pourra toujours, fille, épouse ou mère, être pour l'homme « un aide semblable à lui. ÷ Vous avez vu la mission de la femme, voyez sa vie : ce sera l'objet d'un second discours.

 

Je devrais m'arrêter ici aujourd'hui; mais je ne puis me décider à descendre de cette chaire sans demander aux hommes qui m'entendent ce qu'ils pensent de la mission de la femme, telle que je viens de l'exposer. Plusieurs peut-être ont eu peine à retenir un sourire d'incrédulité, en m'entendant assigner à la femme une sphère d'action si humble et si élevée à la fois, puisqu'elle l'appelle à appliquer, comme l'a dit quelqu'un, « de si grands principes à de si petits devoirs. » Ce sourire peut s'expliquer par deux raisons contraires : les uns jugent la femme au-dessous de la tâche où je l'invite, les autres la jugent au - dessus.

 

Il y a telle époque ou telle nation devant laquelle je croirais devoir combattre la première de ces impressions, et défendre contre l'homme la dignité de la femme. Ce soin serait nécessaire, non seulement avec des païens, anciens ou modernes, mais avec tel esprit élevé, avec tel moraliste éminent nourri dans le sein du christianisme. Pour n'en citer qu'un exemple, Kant, que nul philosophe contemporain n'a surpassé pour la profondeur et l'énergie du sens moral, réserve quelque part à l'homme la vertu noble et ne laisse à la femme que la vertu belle, par où il entend une vertu agréable, spontanée, ignorant l'effort et la peine. « Ne parlez pas à la femme, dit-il, de devoir, d'obligation. N'attendez pas d'elle des sacrifices, ni de généreuses victoires sur elle-même. Vous proposez-vous, par exemple, de faire l'abandon d'une partie de votre fortune pour sauver un ami ? gardez-vous d'en instruire votre femme. Pourquoi enchaîner son gai babil, et charger son sein d'un secret trop pesant pour elle (**61) ? » - Qu'en dis-tu, femme chrétienne? - On se prend à se demander si les ménagements de Kant avec la femme sont beaucoup moins humiliants pour elle que l'abjection où la tient le paganisme; et pour combattre un langage si dur et si superbe, il nous suffit de rappeler à l'homme, à défaut de ce qu'il doit à la femme, ce qu'il doit à lui-même dont elle a été prise, et à Dieu qui l'en a tirée.

Toutefois, en plein christianisme, en France et dans les idées du jour, l'excès à craindre est plutôt en sens opposé. On réclamera en faveur de la femme contre ma doctrine, non plus, comme on l'eût fait il y a soixante ans, au nom d'une galanterie usée, mais au nom des systèmes et des préoccupations du jour. On se plaindra que je l'abaisse et que je la sacrifie, en lui marquant une place si humble au lieu de la mettre de niveau avec l'homme, et une carrière de si grand renoncement au lieu de l'exhorter à vivre enfin pour elle-même. Non, non : je sers au contraire sa véritable gloire et ses véritables intérêts, parce que je l'oblige de se conformer à la loi de sa création, première condition de tout ordre et de tout repos pour la créature. Je n'abaisse et ne sacrifie pas plus la femme, en l'invitant à vivre pour la charité dans l'humilité auprès de l'homme, dont elle est la gloire, que je n'abaisse ni ne sacrifie l'homme, qui est la gloire de Dieu, en l'invitant à « glorifier Dieu dans son corps et dans son esprit qui appartiennent à Dieu ; » ou que je n'abaisserais ni ne sacrifierais la planète, en l'invitant à demeurer dans le modeste chemin de son orbite, seul garant de sa sûreté et de ses harmonies. Il y a quelqu'un ici qui abaisse et sacrifie la femme, oui : mais c'est le monde, tantôt frivole, tantôt téméraire, qui prend perfidement sa défense contre moi. Vous l'abaissez et la sacrifiez chaque fois que vous l'entraînez, pour la satisfaction de votre égoïsme ou pour l'honneur de vos théories, en dehors de la situation que Dieu lui a faite, et où nous voulons la maintenir. Vous l'avez abaissée et sacrifiée naguère, quand vous l'avez mise sur le piédestal et l'homme à ses pieds, dans vos romans, dans vos salons, dans vos spectacles, parce qu'à la mission d'aider et de glorifier l'homme, vous avez substitué celle de l'amollir et de l'efféminer. Vous l'abaissez et la sacrifiez encore aujourd'hui, quand vous lui cherchez une autre émancipation que celle qu'elle a reçue de l'Évangile, et que vous revendiquez imprudemment en sa faveur tous les droits de l'homme, parce qu'à une mission qu'elle peut et qu'elle doit remplir, vous en substituez une où il ne lui est ni possible de réussir ni permis de prétendre. Mais quelle idée vous faites-vous donc de la femme, si vous la croyez d'humeur à échanger l'humble gloire d'accomplir la mission qui lui est propre, pour l'humiliante vanité d'échouer dans celle d'autrui; à se contenter d'être un homme manqué, elle qui pouvait être une femme accomplie; et à perdre son influence naturelle et légitime, dans la poursuite stérile d'une influence factice et usurpée ? Véritablement, il ne lui resterait plus qu'à regretter lâchement d'être ce que Dieu l'a faite, et d'aller, comme pour tromper ce regret ignoble, mendier sans pudeur à notre sexe des allures d'hommes, ou non d'homme, un vêtement d'homme... Aussi, n'en doutez pas, j'ai pour moi le coeur de la femme; et si quelqu'un a pu sourire en m'entendant exposer sa mission selon Dieu, ce n'est pas elle, j'en réponds. Quelle femme digne de son nom a jamais souri quand on fait appel à son esprit de renoncement et de sacrifice? C'est du pain pour sa faim, c'est de l'eau pour sa soif. Mais que dis-je, digne de son nom? Digne ou indigne, toute femme tressaille à ces mots sympathiques; seulement, la digne tressaille de joie, et l'indigne tressaille d'amertume. Vous-mêmes, qui la détournez de la vole que je lui trace, avouez-le, vous me donnez raison dans le fond de l'âme; et malgré tous vos discours, vous l'estimerez, tout en murmurant, si elle suit mes conseils plutôt que les vôtres, et vous la mépriserez, tout en la flattant, si elle suit les vôtres plutôt que les miens.

 

Quoi qu'il en soit, la plupart de ceux qui m'écoutent, j'ose le dire, non contents d'admettre les principes que je viens de développer, les apprécient et les admirent. Eh bien ! qu'ils apprennent donc par cet exemple à quel point l'Écriture est vraie. Car enfin, qu'ai-je fait que de l'interroger devant vous ? Je vous le confesse, quand j'ai commencé à méditer sur la mission de la femme, j'étais loin d'avoir sur cette matière peu étudiée des sentiments aussi fermes et aussi précis qu'aujourd'hui. J'ai résolu d'ouvrir l'Écriture, de l'écouter, de me laisser conduire par elle; et j'ai été confondu d'y trouver, au lieu de quelques notions disséminées dans ses quarante livres et sur ses quinze siècles, toute une doctrine, se développant de livre en livre et de siècle en siècle, passant de la main du prophète à celle de l'apôtre, comme un ouvrage qu'un premier ouvrier ne fait qu'ébaucher et qu'il transmet à un autre pour le terminer; une doctrine dont la sagesse, la plénitude, la clarté, la simplicité., la pureté, brillant au sein d'une ignorance profonde et universelle, excitaient en moi une surprise qui croissait avec ma méditation. Car tout cela se révélait à moi par degrés : la place de la femme dans l'Écriture, restreinte au premier coup d'oeil, allait s'étendant devant mes pas. Il faut chercher la femme dans l'Écriture; mais une fois trouvée, elle y apparaît revêtue d'un ministère aussi bienfaisant que glorieux. Ces proportions mêmes m'instruisaient: je compris que telle qu'elle est dans le livre, telle elle doit être dans la vie, - grande, mais cachée. Je le dis hardiment : seule de toutes les religions et de tous les systèmes, l'Écriture a connu et compris la femme. Seule, entre ces deux tendances contraires des races méridionales et des races germaniques, de l'antiquité et du moyen âge, l'une qui en faisait la servante de l'homme, l'autre qui en faisait l'arbitre de ses destinées, elle lui a épargné tout à la fois « et cet excès d'honneur et cette indignité. » Seule enfin, par une. de ces combinaisons de la vérité où le monde ne sait voir que des contradictions étranges , elle lui a fait -une place d'autant plus noble qu'elle est plus humble, et l'a tenue dans le silence, pour la mieux réhabiliter.

 

Connaissez donc, ô hommes ! connaissez le trésor que vous possédez dans l'Écriture, et pressez-la de questions pour lui dérober les lumières qu'elle répand jusque sur des objets qu'elle ne semble pas avoir pris à tâche d'éclaircir. Interrogez-la, hommes de la pensée : sachez si elle ne garde pas enfouies dans ses entrailles fécondes, en attendant que votre fierté s'abaisse à les lui demander, des révélations nouvelles sur les plans du Créateur et sur les destinées de la créature, et la solution finale de quelques-uns de ces problèmes qui font le désespoir éternel de la philosophie. Interrogez-la, hommes de la science : sachez si notre vieille terre, qui n'a eu qu'à ouvrir son sein plus profondément à des investigations plus consciencieuses, pour se montrer en parfait accord avec cette cosmogonie biblique à laquelle on l'avait opposée avec tant d'assurance, n'aurait pas encore quelque autre secret à dire au génie d'un Cuvier en faveur de l'inspiration d'un Moïse. Interrogez-la, hommes de lettres : sachez si ces élans sublimes de poésie, ces peintures si naturelles, ces narrations si animées, ces démonstrations si simples et si fortes, que nos plus grands écrivains se sont fait gloire d'imiter, sans se flatter de les égaler jamais, n'auraient pas quelque impulsion salutaire, quelque régénération puissante en réserve pour la littérature facile, mais hâtive, haletante, cupide, impure, mort-née de notre époque. Interrogez-la vous-mêmes, hommes d'État : sachez si cette charte divine qui a servi de modèle à la législation moderne et créé la civilisation européenne, ne tiendrait pas caché dans des replis non encore ouverts quelque perfectionnement inconnu pour notre siècle superbe, et si elle ne pourrait pas apprendre, par exemple, à notre magistrature, renommée dans tout le monde, que le moins qu'elle puisse faire en faveur de cet Évangile qui a fondé toutes les libertés, c'est de le laisser libre lui-même. Mais, si l'Écriture a tant de leçons sur des matières qui semblent à peine la préoccuper, que n'aura-t-elle pas à nous dire sur ce qui est pour elle, et qui devrait être aussi pour chacun de nous, « la seule chose nécessaire? » Oh ! je vous en conjure, interrogez-là sur le salut. Interrogez-la sur le péché et sur le pardon, sur la vie et sur la mort, sur le bien et sur le mal, sur le ciel et sur l'enfer. Malheur à vous, si vos oreilles sont trop chatouilleuses pour entendre ce langage ! Oui, interrogez-la sur le ciel et sur l'enfer; et vous trouverez que la seule place où la femme puisse accomplir sa mission, est aussi la seule où vous puissiez vous-mêmes trouver la grâce, la paix, la vie. Sous la croix , sous la croix, tous ensemble, d'un même esprit et d'un même coeur ! Sous la croix pour vivre, sous la croix pour mourir, sous la croix pour affronter le jugement de la grande journée, - heureux de reconnaître alors dans celui qui sera notre juge celui qui fut notre Sauveur.


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-38. Gen. IV, 19-24. -39. Gen. VI, 1-7. -40. Gen. XVI.

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-41. Gen. XXVI, 34, 35. -42. Nomb. XXV. -43. Jug. III, 5-7, etc.

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-44. 1 Rois XI, 1-8. -45XXI, 1-16, 25, 26. -46. 2 Chr. XXI, 6; XXII, 2, 3.

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-47. Math. XIV, I - 11. -48. Actes XIII, 50, 51. -49. Apoc. XVII.

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-50. Hébr. XI, 13. -51. Luc II, 36-38. -52. Luc X, 38-42; Jean XI, 2; XII, 3.

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-53. Luc X, 38-42; Jean XI, 19-45; XII, 1, 2. -54. Matth, XV, 21-28.

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-55. Luc VIII, 2; Jean XX. -56. Actes IX, 36-44. -57. Rom. XVI, 1, 2.

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-58. Rom. XVI, 3, 4. -59. Actes XVIII, 24-29. -60. Actes XVI, 14,15, 40.

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-61. KANT, über das Gefühl des Schoenen und Erhabenen, page 56,


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