Eclosion

 

Vous que j'ai portés dès le sein de votre mère.

ESAIE, XLVI, 3.


Si le premier acte de l'histoire de l'oeuf : sa ponte au lieu le plus favorable, nous donne une leçon de prévoyance, le dernier acte de sa vie, l'éclosion, nous donne une leçon d'amour.

Tout observateur qui a le bonheur d'assister à l'éclosion d'un oeuf de papillon s'apercevra qu'il ne s'ouvre pas comme les graines arrivées à maturité, mais que le nouveau-né lui-même pratique une ouverture de sortie, en coupant circulairement avec ses mâchoires la coque de l'oeuf, de manière que le dessus forme une espèce de couvercle ou de lucarne qu'il n'a plus qu'à soulever pour s'évader.

Toutefois, ce même observateur constatera aussi, s'il pousse sa perquisition plus à fond, qu'il existe un certain nombre de chenilles qui, avant de descendre sur leur feuille nourricière stationnent à l'endroit même de leur naissance, et, chose étrange, se mettent à grignoter, du sommet à la base, les belles mitres toujours debout d'où elles viennent de sortir, jusqu'à ce qu'il ne reste que les empreintes rondes de leur base. Le célèbre entomologiste Fabre s'est demandé de quelle utilité était pour la chenille naissante « le repas rituel de ce singulier gâteau ». Voici l'explication qu'il en donne :*

La plupart des feuilles, comme celles du chou, par exemple, ont des surfaces glissantes, vernies de cire, presque toujours inclinées. Y pâturer sans péril de chute, qui serait fatale dans l'extrême jeune âge, n'est guère possible, à moins d'amarres qui donnent un appui stable, amarres sous la forme de brins de soie tendus où puissent se cramponner les petites pattes.

Et ces brins de soie, qui va les produire sinon la coquille de l'oeuf de nature cornée comme la Soie ? Oui, c'est en s'attaquant aux reliefs même de son oeuf pour s'en faire des fils de Soie que la petite chenille va consolider ses premiers pas dans la vie.

 

Quelle harmonie magnifique entre le Créateur et sa créature !

si nous ignorons avec quels tendres soins fut préparée notre entrée dans le monde et de quel édredon délicat fut tissé notre berceau, songeons à ces petits brins de soie, à ces amarres sûres, à ces secours inattendus, à ces multiples miracles de délivrance dont la trame de notre vie est tissée. Et vous croyez que Celui qui, dès notre origine, nous prit à sa charge et, dés notre naissance, sut nous porter, ne sera pas le même jusqu'à notre vieillesse ? « Vous que j'ai porté dès le sein de voire mère, dit le Seigneur, jusqu'à votre vieillesse je vous soutiendrai. Je l'ai fait, et je veux encore vous porter, vous soutenir et vous sauver. » Certes, je crois à la prédestination, mais je crois aussi aux amarres éternelles qu'un prophète, dans son langage expressif, appelait, des« cordeaux d'amour!. »


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* La Chenille du chou, par J.-H. Fabre, p.12.)

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