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 PRÉFACE

 

Le présent livre est formé de la substance d'un cours, qu'à plusieurs reprises j'ai professé à la Faculté de théologie de Strasbourg. Il n'est pas destiné aux érudits; son ambition est plus modeste; il ne doit être qu'un manuel concis, sobre, ne donnant que les faits les plus caractéristiques et ne mêlant au récit que peu de réflexions; il voudrait servir de guide aux étudiants, pour qu'ils pussent mieux suivre ou mieux se rappeler les leçons de leurs professeurs. Peut-être offrira-t-il aussi quelque intérêt aux laïques, désireux de connaître, au moins dans ses grandes lignes, une période des plus importantes.

Je ne crois pas avoir besoin de dire que j'ai tâché d'être impartial; mon intention a été de faire un livre d'histoire et non un traité de polémique; mais l'impartialité, telle que je l'entends, n'est pas une neutralité indifférente; elle consiste en cette équité qui, pour apprécier les hommes et les choses, tient compte des circonstances des temps et des lieux, et que l'on doit même à ceux dont on ne partage pas les convictions; cette équité, toutefois, n'exclut pas la liberté du jugement moral et religieux.

Autant que je l'ai pu, je me suis mis au courant des publications les plus récentes; s'il en est qui ont échappé à mon attention, je ne puis que le regretter. Dans les dernières années la critique historique, appuyée sur une étude plus approfondie des sources, a éclairci divers points obscurs; sur d'autres elle n'a proposé encore que des hypothèses; certaines questions resteront douteuses, aussi longtemps que la découverte de quelque pièce authentique n'apportera pas une solution qu'on ne pourra plus discuter.

Je ne me suis pas occupé de l'Église orientale; elle a son génie propre, et depuis qu'elle s'est séparée de l'Église latine, elle a son histoire particulière. Cette histoire, d'ailleurs, doit être étudiée à nouveau; les ouvrages et les documents, que les savants de la Grèce publient chaque jour, modifient en bien des points l'idée que jusqu'à présent on s'était faite du moyen âge byzantin.

Pour ne pas trop grossir ce volume, je nie suis abstenu de citer pour chaque détail la source d'où il est tiré il m'a semblé, suffisant de mentionner les livres et les monographies où ceux, qui voudront étudier un sujet spécial, trouveront le plus aisément à s'orienter.

M. Chastel a consacré au moyen âge le deuxième volume de son histoire du christianisme, Paris 1882; c'est le travail le plus récent que possède sur cette matière la littérature française protestante. Parmi les ouvrages allemands il convient de recommander les volumes 2 et 3 du Lehrbuch der Kirchenqeschichte de Gieseler, 4e éd., Bonn 1846, et le Lehrbuch de Hase, 10e éd., Leipzig 1877; la traduction française par Flobert est faite sur la 81, éd., Tonneins 1860, 2 vol.

 

Juin 1885.


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INTRODUCTION

 

Dans les temps modernes le moyen Age a trouvé, après des admirateurs trop enthousiastes, quelques détracteurs peu impartiaux; on n'a voulu y voir qu'une ère de décadence intellectuelle, de servitude morale et politique. La période où se sont constitués les états de l'Occident et où sont nées les littératures nationales ainsi qu'un art nouveau, n'a pas pu être une période de ténèbres. Si ces temps sont dominés par l'église, c'est que sans l'église tout serait resté dans la barbarie ; elle a été la puissance de l'esprit opposée à la force brutale, c'est elle qui a fait l'éducation des peuples.

 

L'histoire ecclésiastique et l'histoire politique sont alors dans des rapports si intimes, qu'en traitant de l'une on ne peut pas s'empêcher de s'occuper aussi de l'autre; il convient toutefois de séparer les deux domaines, de manière à établir deux cadres et à ne faire rentrer dans chacun que ce qui lui appartient plus particulièrement. Au point de vue religieux le moyen Age a eu ses misères et ses gloires; à côté de beaucoup d'erreurs, de superstitions, de rudesse, de despotisme, il offre des exemples d'une grande vigueur de l'intelligence, d'une charité prête à tous les sacrifices, d'aspirations à la vérité, qui attestent l'action continue de l'esprit chrétien dans le monde.

 

Le point de départ est le règne de Charlemagne; cette époque marque la limite où commence, par l'assimilation de plus en plus complète des éléments du christianisme, le progrès qui doit aboutir à la civilisation moderne. Ce qui est propre au moyen âge religieux, c'est la tendance à réaliser, dans toutes les directions, l'unité catholique préparée dans les siècles précédents: unité de l'organisation hiérarchique s'achevant dans la monarchie pontificale, unité du système de la théologie par les travaux des docteurs scolastiques, unité du culte par l'uniformité des rites et de la langue, unité de la vie par l'établissement d'une discipline partout égale. Cette unité universelle n'a pas pu être obtenue sans résistance ; à l'absolutisme du siège de Rome se sont opposées tour à tour l'aristocratie épiscopale et les puissances séculières ; contre la théologie des écoles ont réagi, sans toutefois lui être hostiles, les théories plus individuelles et plus intimes des mystiques ; enfin, des penseurs isolés et des sectes entières ont protesté tantôt contre telle doctrine ou telle coutume, tantôt contre tout l'ensemble du catholicisme.

 

Rien ne serait plus contraire au vrai sens historique que de condamner les institutions religieuses du moyen âge, comme n'ayant eu dès l'origine d'autre but que l'asservissement des hommes. La papauté a eu des moments où, seule, elle a représenté la justice et défendu le droit contre la force. Le monachisme a rendu des services en civilisant des populations incultes et en conservant des traditions littéraires. La philosophie et la théologie scolastiques ont appris à la pensée humaine à sonder les problèmes les plus difficiles et à chercher l'union de la foi et de la science. Mais de bonne heure et à différentes époques se manifestent des symptômes de déclin ; l'esprit du monde l'emporte sur l'esprit de Dieu ; l'ambition, les richesses, la passion de la dispute produisent leurs effets ordinaires. De là ces tentatives si fréquentes de réformer l'église, en la ramenant soit au type austère de l'âge apostolique, soit au moins à une constitution et à une théologie plus conformes à sa nature spirituelle. La fin du moyen âge arrive quand, d'une part, les papes sont montés au plus haut degré de leur pouvoir sans se faire respecter par leurs qualités personnelles, et quand, d'autre part, la renaissance ouvre aux esprits des horizons nouveaux et que le besoin d'une réforme générale se fait jour dans les principaux pays de l'Occident. Ce qui a germé est prêt à éclore; le monde moderne ne commence pas brusquement, il sort des siècles qui l'ont précédé et préparé.

Pour la commodité de l'exposition, et sans y attacher une importance exagérée, nous divisons l'histoire ecclésiastique du moyen âge en quatre périodes, qui semblent indiquées par lit marche même des événements :

 

1. De Charlemagne à Grégoire VII, établissement définitif de l'autorité spirituelle dit siège apostolique ;

2. De Grégoire VII à Boniface VIII, lutte de l'empire et du sacerdoce, triomphe politique de la papauté

3. De Boniface VIII au concile de Pise, déclin de la puissance pontificale, grand schisme d'Occident;

4. Du concile de Pise au commencement du seizième siècle, vains efforts des grands conciles pour réformer l'église dans son chef et dans ses membres, restauration de la suprématie des papes.

 

Pour fixer ces périodes, nous nous sommes arrêté à quelques faits appartenant à l'histoire de la papauté c'est qu'en effet au moyen âge tout se concentre autour du siège de Rome ; les relations entre l'église et l'état, la hiérarchie, le monachisme, la théologie, le culte, les manifestations de la vie religieuse, les hérésies, les demandes de réformes, tout est en rapport avec les diverses phases qu'ont traversées les destinées du régime pontifical.


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