Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

L'HOMME A LA MAIN SÈCHE

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(MARC III, 1-4.)

Un jour de sabbat les disciples, passant le long d'un champ de blé, et ayant faim, avaient cueilli quelques épis et les avaient froissés dans leurs mains pour les manger. Les pharisiens sont scandalisés de cette violation flagrante du repos sabbatique.

Jésus va leur répondre de manière à leur faire comprendre que le sabbat a été fait pour l'homme et non l'homme pour le sabbat. Désirant leur donner une leçon et leur montrer que le Fils de l'homme est maître même du sabbat, il se rend à la synagogue avec la foule, à l'heure de la prière, décidé à faire ce jour-là un miracle, si l'occasion s'en présente.

Préoccupe de condamner le formalisme hypocrite de ses ennemis, le Maître va confirmer par un miracle la légitimité de l'acte accompli par ses disciples. Si ceux-ci ont montré ce que la nécessité permet de faire le jour du repos, Jésus nous enseignera ce que la charité commande, ce que l'on peut faire ce jour-là pour nourrir son propre corps et ce que l'on doit faire pour soulager et guérir le corps de ses frères. Jésus compte bien forcer ainsi les pharisiens à lui adresser directement le reproche hypocritement fait à ses disciples, afin de pouvoir les confondre, non plus par des paroles, mais par un miracle attestant sa puissance, son amour et son autorité.

Dans la synagogue, assis à sa place habituelle, Jésus vient de découvrir un homme à la main sèche, qu'il connaissait, ou du moins dont il était connu. Son obéissance et sa foi ne suffisent-elles pas à le prouver? Pour ne pas fournir un nouveau prétexte aux hypocrites reproches des pharisiens, Jésus va le guérir sans le toucher. Il se contentera de l'interpeller en pleine synagogue, en lui ordonnant de se lever et de se tenir debout en présence de tous, afin de montrer à ses ennemis qu'il ne redoute pas leurs pièges.

Puis, laissant cet homme debout au milieu de la synagogue, et se tournant vers les pharisiens Jésus leur demande de répondre à cette question: « Est-il permis, un jour de sabbat, de faire du bien ou de faire du mal, de sauver ou de laisser périr? » Quelle que soit leur réponse, elle sera leur condamnation. Aussi gardent-ils le silence.

Indigné de tant d'hypocrisie unie à tant de lâcheté, et ému en même temps d'une profonde pitié, le Christ se tourne aussitôt vers cet infirme et lui dit: « Étends ta main droite. » Ce geste permettra aux spectateurs de constater la réalité du miracle. L'infirme obéit à l'instant, et avant qu'il ait fait pour cela le moindre effort, il est guéri.

Quelle sera maintenant l'attitude des pharisiens? Si le Sauveur a parlé sans agir, eux, vont désormais agir sans parler. Ils ont bien reproche au Christ de violer le sabbat en guérissant, mais eux ne craignent pas de le violer en complotant ce jour-là et en s'unissant même aux Hérodiens, leurs pires ennemis, pour faire mourir le Saint et le juste. Quand ils emploient le jour du sabbat à préparer un meurtre, Jésus n'aurait-il pas le droit de le passer à faire du bien? Enfin pourquoi ne pourrait-on pas ce jour-là soigner et guérir les corps, puisqu'il est ordonné d'évangéliser et de sauver les âmes?

Que Dieu nous préserve de l'indifférence et de l'égoïsme, mais surtout du formalisme et de l'hypocrisie.


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LA CANANÉENNE

(MATTH. XV, 21-28; MARC VII, 24-30.)

S'il y a une foi qui triomphe du monde, il y en a une aussi qui triomphe de Dieu. Notre récit en est la preuve.

La foi de cette femme païenne est si grande que le Christ lui-même ne peut s'empêcher de manifester sa surprise. En nous révélant la puissance de la prière, elle nous apprend en même temps le secret de son exaucement.

Jésus, imitant en cela les prophètes, pour se soustraire aux persécutions de ses ennemis et goûter quelques jours de repos, se retire dans une contrée païenne. Arrive là, il accepte l'hospitalité dans une maison, peut-être chez quelque disciple. Plusieurs des habitants de Tyr et de Sidon avaient été témoins de ses miracles ou avaient été guéris par lui de leurs maladies.

A la même époque, une femme syrophénicienne, que Matthieu appelle une cananéenne, ne pouvant supporter plus longtemps la vue de sa pauvre fille « cruellement tourmentée par un démon », quitte sa maison et va implorer la pitié de Jésus de Nazareth. Elle a entendu parler dé sa miséricorde par certains de ses compatriotes, qui lui ont même dit que Jésus guérissait les démoniaques. Aussi croit-elle déjà qu'il est bien le Messie des juifs. Elle a appris tout cela grâce à la maladie de sa fille. Cette épreuve a été comme l'étincelle qui a allumé dans son coeur la foi au Christ.

Cette femme cherche Jésus avec persévérance. Grâce à quelque indiscrétion qui vient de lui être faite ou à une indication spéciale de l'Esprit de Dieu, elle sait que Jésus se trouve dans ces contrées. Dès qu'elle le rencontre, entouré de ses disciples, elle va vers lui sans la moindre hésitation. Toute en larmes, elle lui parle du misérable état de sa pauvre fille. Puis sans attendre sa réponse, elle se jette à ses pieds et s'écrie : « Seigneur, fils de David, aie pitié de moi. »

La foi de cette païenne est plus grande que celle de ce, juif demandant à Jésus la délivrance pour son fils démoniaque, et lui disant dans sa prière : « Si tu peux quelque chose »; plus grande que celle de Jaïrus, le priant de venir voir sa fille et de lui imposer les mains; plus grande que celle du centenier de Capernaüm demandant au Christ qu'il prononce une seule parole. Que dis-je ! sa foi est plus grande que celle d'un Abraham, d'un David ou d'un saint Paul. Cette femme n'avait jamais entendu Jésus, elle n'avait jamais été témoin d'aucun de ses miracles, mais elle en savait assez pour avoir foi en sa puissance. Elle croyait d'abord que le mal vient du démon et ensuite que le fils de David, le Messie des juifs, est venu de Dieu pour combattre et anéantir les oeuvres du démon.

Jésus, après avoir longtemps gardé le silence, le rompt enfin en se tournant vers cette femme. Pendant un certain temps il avait obstinément détourne son regard, craignant d'être trop ému par sa prière et par ses larmes, et d'être pousse à transgresser, par charité, les ordres de son Père Céleste. En voyant le visage du Christ, cette femme reprend courage. Son espoir s'évanouira vite, semble-t-il, Jésus n'ouvrant la bouche que pour jeter à cette mère suppliante cette réponse en apparence d'une désespérante dureté : « Il n'est pas bon d'ôter le pain aux enfants pour le donner aux petits chiens. »

Ainsi, pauvre mère, ta persévérance et ta foi ne t'ont valu que le plus humiliant refus. Jésus n'a pas pitié de ton infortune. Mais ce n'est pas ainsi qu'elle interprète sa réponse.

Jésus a dit: « Il n'est pas juste », mais il n'a pas dit : « Il est impossible », et cela suffit pour que cette femme approuve dans tous ses termes la réponse de Jésus. Elle n'aspire pas à partager les privilèges du peuple d'Israël. Elle sait n'y avoir aucun droit. Elle appelle même les juifs « ses maîtres ». Mais, s'ils sont traités comme des enfants et les païens comme des chiens, les uns et 'les autres habitent la même maison. Si les chiens ne mangent pas à table du pain préparé pour les enfants, ils recueillent sous la table les miettes tombées qui restent après le repas. Les miettes sont les grâces que laissent perdre les chrétiens, et qui suffiraient à nourrir les païens.

Jésus, voyant que cette femme a découvert sa retraite et qu'il est impossible qu'il reste caché désormais dans la maison hospitalière où il comptait goûter quelques jours de repos, part de là avec ses disciples. Mais la Cananéenne les suit, continuant à crier pour émouvoir Jésus, en sorte qu'elle annonce ainsi à tous la présence du Sauveur qui « voulait rester inconnu ».

Les disciples conseillent alors au Maître de la renvoyer. Ils lui en veulent d'être venue interrompre et troubler leur tête à tête avec lui. Ils le prient cependant de faire un miracle en sa faveur. Jésus le leur refuse en leur disant : « je n'ai été envoyé qu'aux brebis perdues de la maison d'Israël. » Sans doute sa miséricorde le pousserait à exaucer le voeu des disciples, mais l'obéissance à son Père l'en empêche. L'heure de l'évangélisation des gentils n'a pas encore sonné, ni pour lui qui ne fait qu'exécuter la volonté de son Père, ni pour eux à qui il avait ordonne de ne pas aller vers les païens (Matt. X, 5).

Pendant l'entretien de Jésus avec ses disciples, cette femme cananéenne n'a pas cesse de les suivre et de crier. Sans doute elle n'a pas entendu les paroles du Christ, mais en le voyant poursuivre sa route sans lui répondre, sans prêter l'oreille à ses supplications, elle fend les rangs des disciples, les dépasse et se prosternant devant le Maître elle s'écrie, ne pouvant en dire davantage : « Seigneur, viens à mon secours. »

Admirons la prière de cette femme, modèle de toutes les prières. Elle n'est qu'un cri, mais c'est le cri de la foi jointe à l'humilité.

La prière monte à Dieu sur ces deux ailes, l'humilité et la foi. Toutes les deux sont nécessaires, car la foi sans l'humilité pourrait devenir de la présomption, et l'humilité sans la foi ne serait qu'une source de découragement. « La prière, selon le mot de saint Augustin, est comme le cri d'une grande misère auprès d'une grande miséricorde. »

La Cananéenne ne demande pas à être traitée comme les enfants d'Israël et être assise à la table du Maître. Elle se contentera de quelques miettes, de quelques grâces accordées par le Père sans qu'il ait pour cela à en priver ses enfants. Le Messie ne peut-il, à la fois, rassasier les juifs et les païens ?

S'emparant de la déclaration de Jésus et le prenant, comme dit Luther, dans ses propres filets, elle répond aussitôt : « Oui, Seigneur, mais les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres. » Ces deux petits mots marquent son humilité et sa foi.

A l'ouïe d'une telle réponse, Jésus comprend que cette femme a triomphé du décret divin et qu'il peut faire en sa faveur] le miracle voulu de Dieu. Cette grande foi provoque son étonnement. Ayant, comme Jacob, lutté avec Dieu, elle mérite de devenir enfant d'Abraham et de recevoir le titre donné à Jacob en souvenir de sa victoire. « Qu'il te soit fait comme tu désires », lui dit Jésus. Aussitôt elle rentre dans sa maison, car elle sait que, dès cette heure, sa fille est guérie. Elle la retrouve, en effet, « reposant sur son lit »,

A deux reprises Jésus a admiré la foi de ceux qui ont imploré son secours. Or, il se trouve que c'est une Cananéenne et un soldat romain, deux païens, qui ont provoqué cette admiration, alors que ses concitoyens ont été traités par lui de « race incrédule et perverse ».

Nous voyons par cet exemple, que, si Dieu ne répond pas toujours ou aussitôt que nous le voudrions à nos prières, c'est pour mettre notre foi à l'épreuve. Cette femme avait plus de raison que nous de ne pas prier ou de ne pas prier avec persévérance : sa nationalité, sa religion, son sexe, mais surtout le silence de Jésus, sa réponse à ses disciples et enfin son refus. Sa prière est un modèle de ferveur, d'humilité, de foi, de charité, de persévérance, en sorte que ce n'est pas tant Jésus qui guérit sa fille, que la prière elle-même qui met en fuite le démon.

Mères chrétiennes, criez à Dieu pour qu'il chassé de vos fils et de vos filles l'esprit impur. Priez comité la Cananéenne jusqu'à ce que vous soyez exaucées.


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LE PARALYTIQUE DE CAPERNAÜM

(MATTH. IX, 1-8).

Jésus se plaisait à revenir et à demeurer là où on le recevait avec joie, où on écoutait et comprenait sa parole. Aussi fuit-il Gadara où l'on redoutait la vertu de sa prédication, pour se rendre à Capernaüm, où il avait déjà accompli plusieurs miracles.

Dès qu'on apprend son arrivée, on vient de tous côtés pour l'entendre; les malades se pressent auprès de lui cherchant la lumière qui éclaire les âmes, le soleil qui réchauffe et guérit les corps. La maison qu'il habite - sans doute celle de son apôtre Pierre - se remplit en un instant. Les pharisiens et les docteurs de la loi sont assis le plus près possible du Maître, et les malades, ne trouvant plus de place, doivent rester debout. Quelques-uns même se tiennent à la porte.

On y voit entre autres un paralytique couche sur un grabat et porté là par quatre hommes, ses parents ou ses amis. Ils font des efforts pour se frayer un passage à travers la foule et placer le malade en présence de Jésus. Mais, ne pouvant y parvenir, ils songent à se retirer, quand le malade insiste pour voir Jésus, ne voulant pas avoir inutilement fait cette suprême démarche. Le paralytique leur propose alors de le hisser sur le toit de la maison, en le faisant passer par l'escalier extérieur, et de le descendre ensuite aux pieds du Christ. Ces hommes compatissants le chargent aussitôt sur leurs épaules et, au grand étonnement des spectateurs, témoins de la scène, l'emportent sur le toit qu'ils découvrent. En quelques instants le paralytique, descendu par cette ouverture, se trouve en présence du Sauveur.

Jésus n'a pas besoin de l'interroger pour se rendre compte de la grandeur de sa foi. Cette tentative suffit, et voyant la colère et le dépit sur le visage des scribes et des pharisiens qui l'entourent et ont été obligés de se lever pour faire place à cet infirme, Jésus l'accueille par ces mots : « Prends courage, mon fils ! » Puis il ajoute aussitôt comme pour exaucer sa prière, se préoccupant encore plus de son âme que de son corps : « Tes péchés te sont pardonnés. » Sans doute il ne craint pas de le désigner publiquement comme un pécheur, mais, avant de lui faire entendre ces mots, il lui avait déjà adresse une parole de relèvement et de miséricorde.

La principale qualité d'un médecin en présence d'un malade, c'est le coup d'oeil, le diagnostic. S'il est inhabile à découvrir le siège de la maladie, tous les remèdes seront inutiles. La puissance du souverain médecin des âmes consistait à découvrir à l'instant et sans hésitation chez un malade la vraie cause du mal. Chez le paralytique qu'on lui présente, Jésus découvre et proclamé que la cause de la maladie est le péché et que le seul remède est la foi du malade. Tout en effet nous porte à croire que cette paralysie était causée par quelque péché que Jésus était seul à connaître. Aussi jugea-t-il qu'il eût été inutile de détruire l'effet sans supprimer la cause.

Si nous devons admirer la foi du malade qui obtient du Christ le pardon de ses péchés, il n'est que juste de louer la foi de ceux qui l'ont apporte à Jésus et obtenu pour ce paralytique. la guérison du corps. Cette foi est bien celle que Jésus nous prescrit, celle qui transporte les montagnes. Quant à leur charité, elle procède bien d'une telle foi : elle est active, persévérante, ingénieuse, et nous fait penser à ces âmes croyantes, aimantes, résolues à tout tenter et à tout souffrir pour conduire à Christ ceux qu'elles aiment.

D'ordinaire, on agit tout autrement à l'égard des malades : on se laisse arrêter par les moindres obstacles; on voudrait bien les présenter au Christ pour qu'il exerce envers eux sa puissance ou son amour, mais on craint de les tourmenter, de troubler leur repos, leur fausse sécurité, surtout on redoute l'opinion, la foule, et le plus souvent, on laisse ainsi mourir les malades dans leurs péchés.

Les amis du paralytique agissent tout autrement; ils bravent les préjugés, le ridicule, le respect humain pour arriver au Christ. Cet acte extraordinaire nous rappelle l'histoire de certaines âmes qui, au lieu d'aller à Christ par des chemins faciles, unis, ordinaires, et comme de plain-pied, arrivent jusqu'à lui comme par une chute destinée à humilier leur orgueil. Ce sont souvent des amis qui connaissant la puissance miraculeuse du Sauveur les ont conduits, portés à ses pieds.

Au seul mot de pardon, les pharisiens se scandalisent et accusent aussitôt Jésus de blasphémer, sans se douter qu'en pardonnant, le Maître vient de donner par là même la preuve la plus éclatante de sa divinité. Aussitôt pour montrer son pouvoir, Jésus s'empresse de leur demander ce qui est pour eux plus facile, de guérir ou de pardonner, d'anéantir l'effet ou de supprimer la cause. Puis, sans attendre leur réponse, il leur montre qu'il a le pouvoir de pardonner en guérissant et dit au paralytique : « Lève-toi, emporte ton lit et t'en va en ta maison », comme quelques instants auparavant il leur avait montré son pouvoir de guérir en pardonnant.

Jésus a confirmé son ministère de Sauveur des âmes par son ministère de souverain Médecin des corps. Il a voulu prouver à ses accusateurs « que le Fils de l'homme a sur la terre l'autorité de pardonner les pêches », en leur montrant que Dieu lui avait accordé en même temps le pouvoir de guérir. Et, pour leur faire comprendre que supprimer le péché, ce serait, du même coup, supprimer la maladie, Jésus leur montre le paralytique guéri au moment même ou ses péchés, cause de sa maladie, lui ont été pardonnes.

Convaincue que le pouvoir de pardonner est étroitement lie au pouvoir de guérir, l'Église catholique a joint à la confession les guérisons miraculeuses. Le confessionnal a produit Lourdes et La Salette. Mais les eaux de ces pèlerinages n'ont pas plus fait concurrence aux médecins que l'absolution donnée par le prêtre ou son extrême-onction n'ont rendu inutiles dans cette église les prières pour les morts. Est-on jamais sûr de son salut quand on l'attend des oeuvres ou qu'on veut le recevoir des hommes?

Comme le paralytique, allons directement au Christ pour être guéris et sauvés. Tentons pour cela l'impossible. Si nous nous sentons trop faibles, ayons recours pour nous y conduire à ceux qui sont prêts, par leurs prières, à nous présenter au Sauveur.

Notre conversion scandalisera peut-être les pharisiens, mais elle sera pour notre peuple le moyen de connaître à la fois l'amour et la puissance du Christ, et il s'écriera alors comme les Juifs, témoins de ce miracle : « jamais nous ne vîmes rien de pareil. »


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ETIENNE LE PREMIER MARTYR

(ACTES VI, 7-11; VII, 54-60.)

Le grand miracle de la religion chrétienne est l'accomplissement de cette prophétie: l'Évangile annoncé aux pauvres.

Fidèles à l'exemple du Maître, les premiers chrétiens se préoccupent d'apporter à ceux, dont jusque-là personne n'avait pris soin, le pain du corps et la nourriture de l'âme. Dès lors la double tâche de l'Église consiste 'à répandre l'Évangile et à exercer la charité. S'il est bon de chercher à sauver les âmes qui périssent, il est non moins urgent de porter secours aux corps qui souffrent de la faim. Jésus a évangélisé son peuple, mais il a aussi, pour lui, accompli le miracle de la multiplication des pains. Quand il nous dit que l'homme ne vit pas de pain seulement, il affirme par là même qu'il ne saurait s'en passer et il nous commande, dans l'oraison dominicale, de le demander chaque jour à Dieu.

Ses serviteurs, en grec diacres, ont donc pour devoir de prêcher l'Évangile et de prendre soin des pauvres, des veuves ou des orphelins. Cette institution des diacres remonte aux premiers jours de l'Église. Elle est bien propre à nous montrer qu'en faisant désigner par l'assemblée entière, pour remplir cette charge, des chrétiens qui ne devaient avoir d'autre qualité que celle que leur donnait le Saint-Esprit, les apôtres voulaient éviter à l'Église du Christ les dangers du cléricalisme, qui tient pour rien les laïques et incarne l'Église dans un clergé. Jésus, comme ses disciples, qui moururent martyrs, fut la victime des prêtres.

Étienne était diacre. Nous ignorons son origine, son éducation, le motif ou la cause de sa conversion à l'Évangile. C'était un de ces hellénistes en séjour à Jérusalem qui furent gagnés de bonne heure à la cause du Crucifié.

Ce n'était ni un apôtre, ni un compagnon d'apôtre, mais un simple laïque, prenant son rôle de témoin au sérieux, puisqu'il mourut martyr. Comme son Maître, il ne trouvait aucune tâche indigne de son zèle ou de sa charité. Sachant que Jésus était venu pour servir et non pour être servi, qu'il avait même poussé l'humilité jusqu'à laver les pieds à ses disciples, il visitait, secourait, consolait et évangélisait les pauvres. Le secret de son apostolat est contenu dans ces mots du récit des Actes des Apôtres : « Il était plein de grâce et de force. » La grâce de Dieu le rendait fort contre le péché, contre lui-même et contre ses ennemis. Il était aussi « plein de foi et du Saint-Esprit ». La foi dans les promesses du Christ et la puissance dont l'avait revêtu le Saint-Esprit lui rendaient toute tâche facile et lui permettaient de tenir tête à ses adversaires et confondre ses accusateurs. Nous avons, en effet, d'Étienne un discours qui est un lumineux -.commentaire de l'Ancien Testament et qui nous permet de faire de lui le premier apologète.

Mais les hommes n'aiment pas entendre la vérité. Et quand les juifs comprirent qu'Étienne ne faisait rien moins que dresser contre eux un acte d'accusation, ils cherchèrent à se débarrasser de ce gêneur par les mêmes procédés dont ils s'étaient servis pour obtenir la mort de son Maître.

Comme le sage de l'Ecclésiaste avait raison de dire : « il n'y a rien de nouveau sous le soleil », et comme nous avons le droit d'ajouter que l'histoire est un perpétuel recommencement.

Les adversaires d'Étienne, au lieu de forger contre lui des griefs inédits, se bornent à lui reprocher, comme quelque temps avant ils en avaient accusé Jésus, de vouloir renverser le temple. Ils altèrent même jusqu'à susciter aussi de faux témoins comme ils l'avaient fait pour le Christ au prétoire et l'accusèrent de blasphémer, crime religieux entraînant la lapidation.

Étienne, qui s'était efforcé de reproduire dans sa vie l'image de son Maître, va jusque dans ses souffrances et dans sa mort marcher sur ses traces. Comme le Christ en présence de ses accusateurs il reste calme, impassible et ceux qui le regardent voient son visage devenir « semblable à celui d'un ange ». Quand on le conduit hors de la ville pour le lapider, il ne cherche pas à échapper à ses bourreaux, mais, comme Jésus en croix, il est rempli du Saint-Esprit pour supporter son supplice sans murmurer.

Le disciple, plus favorisé en cela que son Maître, qui au moment de sa mort semble ne plus jouir de sa communion avec son Père et s'écrie ; a Mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné? », Étienne voit le ciel ouvert et Jésus, en qui il avait cru et qu'il avait courageusement confessé, non plus assis, mais debout, à la droite de Dieu. Jésus debout, comme s'il venait de se lever pour lui porter secours dans ses souffrances et l'aider à supporter son martyre. Aussi Étienne en expirant ne trouve-t-il à prononcer que ces paroles : « Seigneur Jésus, reçois mon esprit et ne leur impute pas ce péché », paroles qui sont bien l'écho de celles proférées par le Sauveur sur la Croix : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu'ils font. » Puis quand Étienne eut dit cela il s'endormit. Christ expira, Étienne s'endormit, comme pour montrer que le disciple fut plus favorisé que le Maître.

Pour le chrétien la mort est, comme elle le fut pour Étienne, un sommeil, puisque nous savons qu'elle sera suivie du réveil à l'heure de la résurrection. Aussi pouvons-nous dire avec le cantique :

Nous mourrons mais pour renaître.
La mort est un doux sommeil,
Bientôt Jésus va paraître,
Ce sera le grand réveil.

Le premier fruit de la mort de Christ fut la conversion du brigand appelé « le bon larron ».

Les prémices du martyre d'Étienne furent la conversion du jeune homme qui a avait approuvé ce meurtre », et qui devint plus tard saint Paul. La mort des chrétiens va devenir la semence de l'Église. A ceux qui demanderaient pourquoi Dieu a permis le martyre d'Étienne, nous pourrons répondre par la conversion de Saul de Tarse. Au pied de la croix de Jésus, le centenier s'écrie : « En vérité, cet homme était le fils de Dieu »; auprès d'Étienne lapidé, le pharisien Saul, persécuteur de l'Église, peut s'écrier, comme le fera plus tard julien l'Apostat : « Galiléen, tu as vaincu! »

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