Pourquoi des S.D.F. (1) spirituels ? L'ombre de Babylone?
Nous vivons dans une époque où l'on parle beaucoup de mondialisation ou de globalisation, et l'on envisage même la création d'une ONU des religions. Tout cela devrait conduire à l'établissement d'une coalition universelle de tous les composants de la société humaine. Les trusts, cartels, consortiums, holdings, pools,... et l'oecuménisme, en préparent le terrain et constituent en quelque sorte les prémices ou les éléments de base de cet édifice monstrueux de la fin des temps que la Bible appelle «Babylone la grande» (Apoc. 16:19). Aussi avons-nous été bien surpris en lisant récemment l'information suivante: «Avec son projet « Babylone », le patron de Microsoft, Bill Gates, veut relier entre eux les ordinateurs du monde entier».(2) Entre-temps, ce projet a déjà été réalisé. Les techniques modernes, en constante progression, contribueront à l'établissement de cette globalisation phénoménale. Une dictature économique semble bien préparer une domination politique mondiale.
Le phénomène religieux
Limitons-nous toutefois ici à considérer ce phénomène au niveau religieux. Les grandes organisations religieuses se réclamant du nom de Christ intensifient depuis des décennies leurs efforts de rapprochement en vue d'une réunification qui, selon certains, devrait aussi inclure tous les «enfants d'Abraham» (chrétiens, juifs et musulmans) et, par la suite s'étendre à toutes les religions non chrétiennes. Les accrocs de parcours, comme la récente déclaration du cardinal Ratzinger, (3) n'en empêcheront pas l'accomplissement.
Et les évangéliques
Pendant longtemps les milieux dits « évangéliques» ont été réfractaires à de tels projets. Mais voici que de plus en plus d'assemblées ou d'églises non officielles, professant pourtant encore leur attachement à la Parole de Dieu, se sont insensiblement ouvertes aux collaborations avec les bâtisseurs religieux de cette nouvelle tour de Babel. N'étant pas reconnues par l'Etat, elles ont sans doute craint de finir par être considérées comme des sectes et se sont rapprochées entre elles pour pouvoir mieux s'associer ensemble aux églises officiellement reconnues, afin de ne pas perdre un jour prochain leur droit de cité. En devenant plus nombreuses, et donc plus représentatives, elles pensent pouvoir éviter d'être mises à l'index, voire de disparaître. Et tout cela ne fait qu'augmenter la confusion en provoquant de nouvelles tensions et divisions parmi les évangéliques, qui comptent quand même encore des opposants clairvoyants dans leurs rangs. Cela a conduit récemment à l'éclatement et à la disparition de la Pastorale évangélique romande, et au dérapage de la FREOE (« Fédération Romande d'Eglises et Oeuvres Evangéliques») dont les représentants (4) ont participé, le 23 janvier 2000, à une «formidable assemblée oecuménique» en la cathédrale de Lausanne, en compagnie des catholiques, des orthodoxes, des réformés, des anglicans et d'évangéliques de différents milieux. C'est là que fut exprimée la volonté de trouver une «unité visible» pour l'Eglise (5), ce qui n'a jamais été l'objectif de la FREOE. On sait par contre fort bien ce que Rome entend par là. Mais comment des évangéliques ont-ils pu se fourvoyer ainsi? Certaines églises ayant constaté à temps cette évolution s'étaient déjà retirées antérieurement de la FREOE. (6) D'autres ont suivi.
Une cause profonde parmi d'autres
On pourrait épiloguer longuement sur les causes d'une telle évolution et le manque de discernement et de réaction de la plupart de ceux qui passent encore pour être des « évangéliques ». Cela est certainement d'abord lié à la tendance générale de globalisation déjà signalée plus haut. Relevons quand même une cause plus profonde moins perçue, mais non moins évidente: la formation reçue depuis de nombreuses années par de jeunes candidats au ministère pastoral. Les institutions à caractère interecclésiastique ne peuvent pas se permettre des mises en garde contre certains courants, mouvements, doctrines ou personnes qui déstabilisent les églises, et ceci pour la bonne raison qu'on y reçoit des jeunes qui viennent justement de ces milieux souvent financièrement soutenus par eux. En outre, l'on engage parfois des professeurs dont l'appartenance ecclésiastique, certaines de leurs vues théologiques spécifiques et leurs ouvertures à toutes sortes de collaborations à caractère oecuménique n'offrent plus la garantie d'une formation dénonçant de façon non équivoque la progression d'un certain mysticisme, de la confusion religieuse actuelle et de l'apostasie, c'est-à-dire de l'abandon d'une foi biblique saine. Les futurs responsables d'églises sont de ce fait mal préparés à faire face aux difficultés, déviations et séductions qu'ils rencontreront dans leurs activités. C'est de la formation qu'ils reçoivent ainsi que dépendra dans une certaine mesure l'avenir des églises qui les engageront. Heureusement qu'il se trouve quand même encore des enseignants, des serviteurs de Dieu, des anciens et des membres d'église qui ont pris conscience de la situation et ne sont pas prêts à se laisser emporter à tout vent de doctrine (Eph. 4:14) et de mode (Rom. 12:2).
Que deviennent les chrétiens minoritaires?
Les chrétiens résistant à ces courants sont devenus minoritaires dans l'ensemble du monde « évangélique», souvent même minoritaires dans leurs propres milieux et parfois contraints à les quitter pour manifester leur désapprobation et pour rester fidèles à leurs convictions. Il arrive que l'on cherche à les isoler et même à les calomnier, jusqu'à faire croire qu'ils sont psychiquement malades! On ne quitte pourtant pas son église comme on quitterait une société quelconque, car il est écrit: « N'abandonnons pas notre assemblée» (Héb. 10: 25). Il est toutefois aussi écrit: « Quelle association y a-t-il entre... la lumière et les ténèbres. Sortez du milieu d'eux, et séparez-vous, dit le Seigneur» (2 Cor. 6:14-18).
C'est ainsi que des chrétiens, conscients qu'il ne leur serait plus possible d'arrêter ce glissement, et encore moins de faire remonter le courant à leur église, ont décidé d'en sortir. Certains ont eu le bonheur de découvrir une église vivante attachée aux principes et à l'enseignement bibliques, sans prétendre à la perfection. D'autres n'ont pas eu ce privilège et se sont alors trouvés pratiquement «dans la rue» en devenant, spirituellement parlant, des S.D.F. («Sans Domicile Fixe»). Et puis, il y a ceux qui, sans approuver l'évolution déviante de leur milieu, n'ont pas eu la liberté ou le courage de le quitter, ou ont même cru qu'en y restant ils pourraient « renverser la vapeur» et ramener la barque dérivante dans la bonne voie.
Et les solitaires?
Mais n'oublions pas ceux qui sont restés seuls en dehors de toute église locale, même si spirituellement ils demeurent membres du Corps de Christ. Une soeur avait demandé à des amis chrétiens où ils allaient au culte. C'est avec tristesse qu'il lui fut répondu: « Nulle part». La solitude n'est pas un phénomène propre à notre époque. Il y a eu de tout temps des fidèles qui ont été marginalisés ou qui se sont démarqués pour ne pas se laisser emporter dans des voies tortueuses de compromissions et de reniements. La fidélité à Dieu peut être à ce prix, qui a parfois été la clandestinité et la persécution. Et il en est encore ainsi aujourd'hui en bien des lieux.
Mais il y a aussi certains solitaires qui le sont devenus parce qu'ils n'ont pas trouvé l'église idéale répondant à leur concept perfectionniste et ils ont choisi délibérément de rester en dehors de toute communauté. D'autres auraient voulu dès leur arrivée dans une église pouvoir y jouer un rôle déterminant, convaincus qu'ils en avaient les moyens. N'ayant pas obtenu satisfaction ils sont retournés dans leur isolement. L'apôtre Paul nous avertit: « Je dis à chacun de vous de n'avoir pas de lui-même une trop haute opinion, mais de revêtir des sentiments modestes... » (Rom. 12:3).
Que nous montre l'Ecriture sur l'état des solitaires?
A travers toute l'histoire biblique des fidèles se sont retrouvés seuls en certaines circonstances. Ce fut le cas de Noé et de sa famille (Gen. 7: 1), de Moïse (Nombres 11: 14), de David (Ps. 25:16), d'Elie (1 Rois 18:22; 19: 10, 14), de Daniel et de ses trois compagnons (Daniel 1 :8-15; 3:19-25), de Jérémie (Jér. 37, 38), etc. Mais à Elie découragé, croyant être resté seul, Dieu révéla que 7000 autres fidèles n'avaient pas fléchi les genoux devant Baal et avec les trois compagnons de Daniel jetés dans la fournaise ardente se trouvait un quatrième personnage ressemblant à un fils des dieux, marchant au milieu d'eux et les préservant des effets du feu. L'apôtre Paul disait aussi: «Dans ma première défense, personne ne m'a assisté, tous m'ont abandonné », mais il ajoute: « C'est le Seigneur qui m'a assisté et qui m'a fortifié... » (2 Tim. 4:16-17). Jésus fut méconnu par sa génération (Luc 17:25), rejeté par les anciens, les principaux sacrificateurs et les scribes (Luc 9:22), lâché par ses disciples (Mat. 26:56), même renié par l'un et trahi par un autre pour être finalement crucifié. Seul il a porté le châtiment de notre péché en versant son sang, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle. (Jean 3:16). Et c'est dans cette solitude extrême qu'il s'est même senti un moment comme abandonné de Dieu, son Père (Matthieu 27:46), alors que peu après il s'écria « Père, je remets mon esprit entre tes mains» (Luc 23:46). Il avait prévu cette grande épreuve lorsqu'il disait à ses disciples «Vous me laisserez seul, mais je ne suis pas seul, car le Père est avec moi» (Jean 16:32).
N'est-ce pas là aussi l'expérience de tous ceux qui, pour des raisons bibliques contraignantes, se sont retrouvés seuls? Il est vrai que Dieu a dit qu'il n'était pas bon pour l'homme d'être seul (Gen. 2:18), mais il y a des situations où la solitude s'impose et où nous devons faire nôtre cette parole de l'Ecriture: «Sortons hors du camp pour aller à Lui, en portant son opprobre» (Héb. 13:13). Oui, pourvu que ce soit pour aller au Seigneur et pour demeurer en Lui, alors nous ne serons jamais tout seuls! Cela ne veut évidemment pas dire qu'il nous faudrait préférer la solitude à la communion fraternelle et nous retirer dans notre tour d'ivoire! Nous devrions plutôt toujours essayer de retrouver quelque part une communauté chrétienne réellement respectueuse des Ecritures.
Voici quelques suggestions à ce sujet:
1. Ce qui est primordial dans tous les cas c'est de rechercher un approfondissement de la communion avec Dieu. Asaph disait: «Cependant je suis toujours avec toi... Pour moi, m'approcher de Dieu, c'est mon bien» (Ps. 73:23, 28). La solitude peut avoir des effets bénéfiques quand elle est voulue par Dieu et acceptée par l'homme. Alors nous ne serons jamais vraiment seuls. A cet effet, il est indispensable de lire et de méditer la Parole de Dieu dans un esprit de prière, d'adoration et d'obéissance. La lecture de la bonne littérature biblique et de publications sérieuses pour l'information est aussi d'une grande utilité, parce qu'elle nous aide à mieux comprendre notre temps à la lumière de la Parole de Dieu.
2. Il faudrait, malgré tout, rechercher une église qui s'efforce d'être fidèle à la Parole de Dieu. Dès la Pentecôte le Seigneur a rassemblé - et ajouté à l'église naissante - des milliers de croyants qui n'étaient qu'un coeur et qu'une âme (Actes 4:32). Puis les apôtres ont fondé des églises en divers lieux. Il est vrai que très tôt apparurent aussi des dissensions et des divisions parmi ces chrétiens, et il a fallu censurer les désordres, ôter le méchant du milieu d'eux (1 Cor. 5:13) et s'éloigner de ceux qui causaient des divisions au préjudice de l'enseignement apostolique (Rom. 16:17).
3. En l'absence d'une église fidèle, le croyant solitaire devrait au moins rechercher le contact avec d'autres frères et soeurs en vue de se retrouver ensemble pour prier, étudier la Bible, s'édifier mutuellement, louer le Seigneur et le servir en commun. Il en est qui font régulièrement de longs trajets pour pouvoir vivre des moments bénis dans la communion fraternelle. Cela peut conduire à la formation d'églises de maison, comme il en existait déjà du temps des apôtres (Rom. 16:5; Col. 4:15; Philémon 1 :2). Jésus a bien dit: - Là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d'eux» (Mat. 18:20).
4. Pour créer des contacts, le chrétien isolé peut aussi participer à des rencontres organisées par des oeuvres ou des responsables connus pour leur attachement à la Parole de Dieu, et entrer en relation épistolaire avec des frères et des soeurs fidèles.
5. Le cas échéant, le croyant solitaire pourrait aussi envisager la possibilité de déménager pour se rapprocher d'une église ou de frères et soeurs dont il partage les convictions et l'orientation bibliques.
Conclusion
« Mieux vaut être seul que mal accompagné», dit un ancien proverbe. Mais au lieu de rester seuls, cherchons à être « bien accompagnés» en devenant nous-mêmes de bons compagnons de ceux qui souhaitent eux-mêmes entrer en communion avec d'autres chrétiens fidèles isolés, afin que tous deviennent «solidaires» les uns des autres, plutôt que «solitaires». Ne nous laissons donc pas piéger par la globalisation, le nombre, l'unité factice, la reconnaissance officielle ou d'autres avantages apparents, mais ne nous enfermons pas non plus dans un isolationnisme contraire à la volonté de Dieu, néfaste aussi puisqu'il risque de rétrécir notre vie intérieure et de confiner notre témoignage. Que le Seigneur demeure en toutes circonstances notre guide par le moyen de Sa Parole appliquée par le Saint-Esprit à notre situation particulière. N'oublions jamais que nous sommes appelés à être la lumière du monde (Mat. 5:14) en brillant comme des flambeaux portant la parole de vie au milieu d'une génération corrompue et pervertie (Phil. 2:15). Mais qui donc est qualifié pour cela? (2 Cor. 2:16). «Non pas que nous soyons par nous-mêmes capables de concevoir quelque chose comme venant de nous-mêmes, mais notre capacité vient de Dieu» (2 Cor. 3:5). «Tout est de lui, par lui et pour lui! A lui soit la gloire dans tous les siècles. Amen! » (Rom. 11 :36).
Jean Hoffmann
La Bonne Nouvelle mars 2001
1 S.D.F. = «Sans Domicile Fixe».
2 « Examiner et agir» 3a/2000, Emil Rahm, CH-8215 Hallau.
3 Voir la B. N. 1 /2001, sous: «Un coup dur pour l'oecuménisme?» pp. 106 à 108.
4 MM. J.-CI. Chabloz, J.-Ch. Moret et R. Ostertag, voir B. N. 3/2000, Sous - S.O.S. Prière & Action » pp. 67-68.
5 Voir le programme du jour de « Célébrons ensemble Jésus. »
6 Voir la B. N. 3/99, pp.426-427.