Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Les adolescents homosexuels et le suicide

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Des études ont montré que le recours au suicide est plus fréquent chez les jeunes homosexuels que dans la population jeune en général. Comment l'expliquer ? Faut-il considérer qu'il y a là un lien de causalité ? Comment concrètement éviter la stigmatisation ?

Aborder la question du suicide chez les jeunes gays, lesbiennes et bisexuels n'est ni aisé, ni courant. Celle-ci renvoie à deux tabous : le suicide chez les adolescents et l'homosexualité. Comme cela a été évoqué dans un précédent article (Combat, n°22, mars 2001), le suicide chez les adolescents, deuxième cause de mortalité chez les 15-25 ans dans les sociétés industrialisées, est un problème majeur auquel la société ne sait pas répondre. Les adultes ne parviennent pas à s'imaginer qu'un adolescent puisse vouloir mettre fin à ses jours. Quant à l'homosexualité, malgré une lente évolution du discours médiatique, elle reste tabou dans la majorité des familles.

Néanmoins, on pourrait supposer que les associations gays et lesbiennes se saisissent de cette question. Il n'en est rien ou presque, comme le démontre la visite des sites Internet et une rapide revue bibliographique. Seules les associations canadiennes semblent s'y intéresser. En France, peu de documents relèvent de la question. On citera néanmoins le dossier de Gageure, le journal du GAGE (Association d'étudiant(e)s gai(e)s) qui consacrait un dossier au suicide chez les jeunes gays en 1996. A lire les articles de Benoît Godefroid "Pour un Centre Gai et Lesbien au purgatoire" et d'Yves Roussel "Si fragile É si féminin", parus dans cette revue, on reste perplexe. Le premier doute du sérieux des statistiques sur le suicide des jeunes gays et bisexuels, et considère qu'affirmer que cette population est plus exposée au suicide a pour objectif de servir la cause communautariste et entérine l'homosexualité comme étant un problème psychologique, voir une maladie. Quant au second, il évoque "les rumeurs" concernant le suicide des jeunes homosexuels et propose "une explication, plus cynique : cette fameuse rumeur serait un argument habile, avancé par calcul dans le but de rechercher des convergences d'intérêt entre certaines associations homosexuelles et des politiques gouverne-mentales, en particulier dans le domaine de la santé", faisant des homosexuels une catégorie à risques et les posant en victimes. Le site Gay / Bisexual male suicidality studies info-site a relevé les articles parus dans Gageure. Les rédacteurs de ce site en concluent que nier le fait d'appartenir à un groupe à risques et considérer qu'être "si fragile" serait "si féminin" relève à la fois du sexisme et de l'homophobie.

Notre propos ne portera pas sur l'interprétation à donner aux articles de Gageure, mais il nous a semblé important de les évoquer afin de montrer à quel point la question peut être tabou tant chez les homos que chez les hétéros. Pour aborder le plus objectivement possible la question du suicide chez les adolescents homos ou bisexuels, il faut avant tout présenter ces statistiques que certains mettent en doute. Celles-ci peuvent ensuite être confrontées au discours des jeunes homosexuels concernant les causes qu'ils assignent à leur tentative de suicide. Alors on pourra alors s'interroger sur la "nature" du suicide chez le jeune homo ou bisexuel : diffère-t-elle fondamentalement de celle des adolescents hétérosexuels ? L'homosexualité est-elle intrinsèquement porteuse de fragilités psychologiques ou est-ce le regard que porte la société sur le/la jeune homosexuel(le) qui peut en faire de cet adolescent(e) un individu au "risque suicidaire" plus élevé ? Les recherches visant à établir la fréquence du suicide chez les jeunes homosexuels et les causes de celui-ci sont avant tout américaines et québécoises. Majoritairement, celles-ci portent sur une population masculine homo ou bisexuelle. La population féminine est largement délaissée ce qui rend difficile l'appréhension globale des difficultés psychologiques spécifiques des jeunes homosexuel(le)s. Par ailleurs, les chercheurs sont bien évidemment confrontés à une difficulté majeure : l'adolescent ou le jeune adulte qui se suicident ne donnent pas nécessairement de raison à celui-ci. Les actes de décès, s'ils notent le suicide, ne précisent bien évidemment pas les causes de celui-ci. Enfin, afin d'évaluer le risque suicidaire et de quantifier le nombre de tentatives de suicide chez les jeunes gays et lesbiennes il faut identifier ces jeunes. Or, une étude québécoise datée de 1988 constate qu'il existe une sous-représentation des jeunes homosexuel(les) par rapport à la population adulte qui serait due à la difficulté de se reconnaître comme gay ou lesbienne.

Une étude américaine conduite auprès de jeunes homosexuels ou bisexuels âgés de 13 à 18 ans a dès 1978 montré que le risque suicidaire est 7 fois plus élevé chez eux que chez de jeunes hétérosexuels (Bell et Weinberg, 1978). Un ensemble d'études plus récentes confirme que le pourcentage de jeunes hommes homosexuels commettant des actes suicidaires est bien souvent supérieur à 20%.

Élément important dans la compréhension du comportement suicidaire, le risque suicidaire évolue en fonction du temps écoulé depuis la découverte ou la révélation de l'homosexualité. Il est nettement plus élevé dans la première année où seraient effectuées près du tiers des tentatives de suicide des jeunes homosexuels.

Emmanuelle Lavignac

Les études qualitatives mettent en évidence que des éléments permettant d'affirmer qu'un adolescent encourt des risques suicidaires se retrouvent plus fréquemment présents chez les homosexuels que dans la population hétérosexuelle. Et il s'agit de comprendre pourquoi ces éléments caractéristiques du risque suicidaire sont plus fréquents chez les jeunes homosexuels, comme ils le sont par exemple chez les adolescentes enceintes. De l'ensemble des enquêtes qualitatives auprès de jeunes homosexuels, il ressort que ceux-ci vivent une marginalisation réelle ou anticipée. Les jeunes identifiés comme homosexuels par leurs pairs sont souvent stigmatisés, et les violences homophobes (physiques ou morales) sont tolérées ou ignorées par les adultes. Ainsi une étude américaine citée par Ryan et Frappier (2000) révèle que 45% des jeunes gays et 20% des jeunes lesbiennes ont été victimes d'insultes ou maltraités. La désapprobation du milieu scolaire est souvent couplée d'un rejet de la part du milieu familial. Ces facteurs de risque peuvent être retrouvés, en totalité ou non, quelle que soit l'orientation sexuelle. Par ailleurs, l'exclusion sociale peut engendrer d'autres conduites à risque telles que la consommation abusive d'alcool et autres drogues.

Enfin, élément sans doute prépondérant, la faible estime de soi. Selon une enquête québécoise menée auprès de 93 jeunes homosexuels (1997), près de 33% des jeunes homosexuels, lesbiennes ou bisexuels jettent un regard négatif sur eux-mêmes ou croient qu'ils n'ont pas autant de valeurs que les autres personnes. Les adolescents ont alors le sentiment qu'on aimerait mieux qu'ils n'existent pas puisqu'ils ne se conforment pas à ce qu'on voudrait qu'ils soient. Comment peut-on expliquer cette faible estime de soi, facteur aggravant de l'exclusion sociale ? Tout d'abord, il faut insister sur le fait que la sexualité est un thème récurrent des conversations adolescentes. Il s'agit alors de s'informer, s'interroger sur telle ou telle pratique, ou de discuter des canons de beauté. Le problème est que ces discussions sont quasi-exclusivement dirigées vers les comportements hétérosexuels. Nombre d'adolescents hétéros s'inquiètent déjà de la normalité de leur corps ou de leur sexualité. Combien de questions sans réponses, combien d'inquiétudes non dites ? Ryan et Frappier (2000) notent que les adolescents gays et lesbiennes disposent de très peu de modèles auxquels se raccrocher. Leur sexualité est presque exclusivement évoquée en termes de prévention du sida et d'une façon générale, dans les médias, l'hétérosexualité est la norme. On peut légitimement penser que la pratique du coming out dans le milieu de la politique ou des médias permettra aux jeunes gays et bisexuels d'avoir de nouveaux modèles de réalisation personnelle.

L'ensemble des éléments que nous venons d'évoquer brièvement, permet de penser que les jeunes gays, lesbiennes et bisexuels attentent plus fréquemment à leur vie que les jeunes hétérosexuels. L'homosexualité et la bisexualité ne sont pas les facteurs causaux de ces suicides ou tentatives de suicide. Ceux-ci sont principalement la faible estime de soi et l'exclusion sociale. En revanche, ces sentiments et comportements sont liés dans une grande majorité de cas (selon les propres dires des jeunes homosexuels ayant tenté de se suicider) à leur sexualité : les jeunes homosexuel(le)s sont exclus et stigmatisés par la majorité de leurs pairs ou cette exclusion est anticipée. On peut donc imaginer sans trop de difficultés que si la société modifiait son regard sur l'homosexualité adolescente, ce phénomène tendrait à diminuer. Dans les lycées et collèges, la prévention voire la sanction des injures à caractère homophobe sont nécessaires. De même, les journées de prévention des maladies sexuellement transmissibles devraient permettre de libérer la parole sur ces questions.

Quelques liens utiles : Ryan, B. & Frappier, J.Y (2000) : europrofem Gay / Bisexual male suicidality studies info-site : sws.soton Association québécoise de suicidologie : documentation : Vis-à-vie : cam Gageure : gageure

@Combat face au sida

Homosexualité et suicide : un lien de causalité contesté

Depuis quelques décennies, la concomitence statistique d'un taux de suicide parmi les homosexuels supérieur à la moyenne suscite un débat sur la dimension déterminante ou non de l'homosexualité dans le passage à l'acte des jeunes homosexuels. Le Monde de l'Education écrivait dès 1985 : "Pratiquant leur art dans un système de prise en charge plus proche de l'assurance que de l'aide sociale, les médecins américains sont allés loin dans la logique du dépistage [des personnes ayant une propension au suicide]. Ils soulignent ainsi l'importance des tentatives de suicide parmi les jeunes homosexuels, ceux qui consomment des drogues, voire parmi ceux qui sont plus précoces en matière de sexualité. Cette démarche est critiquable. Une corrélation n'est pas une causalité. Le choix lui-même du paramètre et sa définition ne sont pas neutres. Pourquoi lier le suicide avec la drogue, l'identité sexuelle ou la dissociation familiale, à l'exclusion de centaines d'autres attributs qui caractérisent un individu ?" Plutôt que de choisir des corrélations conformes à nos représentations, "mieux vaut, plus modestement être attentif aux signes précédant ou accompagnant généralement la tentative de suicide : toutes les formes du repliement sur soi".

Page d'origine : www.reseauvoltaire.net/article8952.html

(Réseau Voltaire/ CPDH) ajouté le 27/1/2003

Trouvé sur http://voxdei2.free.fr/infos Point Final - Informations chrétiennes et eschatologiques au quotidien.