MONISME ET PLURALISME
Tandis que le monisme, fixé sur l'un, minimise, jusqu'à ne plus la voir et la vouloir, la pluralité (ou la diversité), le pluralisme, fixé sur le multiple, minimise, jusqu'à ne plus la voir et la vouloir, l'unité. Seule la Foi chrétienne, établie sur la Parole de Dieu, parce qu'elle affirme le Dieu Un qui est aussi pluriel : le Père, le Fils et le Saint-Esprit, rejette radicalement monisme et pluralisme. Le multiple n'est vrai et ne tient qu'avec et en l'un. L'un n'est vrai et ne tient qu'avec et en le multiple.
Aussi bien le monisme que le pluralisme manquent tout à la foi l'unité et la pluralité véritables. Le monisme ne distingue (?) que des « apparents » qui s'effacent les uns les autres en se confondant en un mythique. Le pluralisme n'assemble (?) que des « contradictoires » qui s'opposent les uns aux autres en se dispersant en un Multiple mythique.
Rejetant la Révélation divine, monisme et pluralisme ne peuvent plus percevoir la Vérité, la Beauté et l'Amour de Celui qui se révèle dans sa création. Du même coup monisme et pluralisme suppriment toute vraie liberté. seule la Foi chrétienne unit en profondeur les complémentaires prodigieusement divers, sans pour cela les confondre. Là est la liberté.
RELATIVISME
Le relativisme exclut toute vérité ou valeur absolue. Il n'y a de vérité et de valeur que variables selon les temps, les lieux, la commodité, le bon plaisir et tels ou tels projets collectifs et individuels. C'est dire, au fond, qu'il n'existe ni valeur vraie ni vérité vraie.
La foi chrétienne tient de la Parole de Dieu que tout est relatif ( = en relation de dépendance) au seul vrai Dieu vivant et absolu qui régit toutes choses et révèle souverainement toutes valeurs. Les relativistes ne veulent rien savoir de la Vérité qui cependant les fait exister, les tient, les juge et les appelle à elle.
CONSCIENCE
Etymologiquement, « conscience », la faculté qu'a l'homme de se connaître (cf. Dt 8 : 5 : littéralement, « tu sauras avec ton coeur »), et, spécialement, de juger sa propre conduite (la « foi » intérieure, les pensées s'accusant et s'excusant tour à tour de Rm 2 : 15). Cet étrange dédoublement dérive, en dernière analyse, de la relation à Dieu constitutive de l'humain ; il est indissociable de la liberté accordée au partenaire de l'alliance divine dans sa réponse à son Créateur. Pour l'apôtre, la liberté de la conscience chrétienne tient au rapport immédiat de l'individu avec son Dieu (1 Co 10 : 29) ; c'est aussi le fondement de la « liberté de conscience » au sens moderne, qui exclut toute coercition en matière de religion et de culte. Parce que l'autorité civile relève de l'institution divine, que son représentant est « serviteur » et « fonctionnaire » de Dieu, se soumettre à elle est un devoir de « conscience » (Rm 13 : 5) mais les apôtres font objection de conscience quand elle prétend interdire le témoignage (Ac 4 : 19).
HUMANISME
Les dérivés en « isme » désignent souvent les systèmes et théories qui exaltent ou absolutisent l'élément du réel évoqué par le radical du mot. Il en va ainsi de l'humanisme dans la langue des intellectuels (depuis 1845) : Heidegger le définit comme « cette interprétation philosophique de l'homme qui explique et qui évalue la totalité de l'étant à partir de l'homme et en direction de l'homme » ; Renan, équivalent plus bref, comme « le culte de tout ce qui est de l'homme ». Dans ce sens, l'humanisme est, au coeur de la modernité, l'ennemi juré de la foi chrétienne (cf. 2 Th 2 : 4). (On prend parfois le terme dans un sens atténué, mais ambigu ; il ne s'agit plus, comme chez Maritain, avec son grand livre Humanisme intégral, que de promouvoir l'épanouissement de l'humain, ce qui ne soulève pas d'objection).
REVELATION
Etymologiquement, «dévoilement ». En théologie : l'acte par lequel Dieu communique la connaissance de lui-même et de ses oeuvres, puis le contenu communiqué avec les signes qui le véhiculent. La Bible emploie souvent le terme pour des communications particulières (par exemple Ga 2 : 2) mais les théologiens se contentent habituellement de l'emploi plus large. Ils distinguent la révélation générale (ou « naturelle ») et la révélation spéciale (liée à l'histoire du salut). La tradition chrétienne (y compris la Réforme) appelle l'Ecriture « révélation », Parole de Dieu écrite (cf. l Co 2 : 10- 13). Les théologiens modernistes s'y opposent ; même la théologie dialectique de Karl Barrir lui refuse ce statut (à titre intrinsèque et permanent).
Renan, encore lui ! a su poser la bonne question : « Si le christianisme est chose révélée, l'occupation capitale du chrétien n'est-elle pas l'étude de cette révélation même... ? »
SECTE
Vient du latin sequor, suivre (et non pas de secare, couper). Le terme désigne un « groupe organisé de personnes qui ont une même doctrine au sein d'une religion. Exemple : sectes juives, sectes protestantes». Puis par extension un ensemble de personnes qui professent une même doctrine philosophique». Exemple : la secte des stoïciens. Au Moyen-Age, on appelait aussi secte des ordres religieux. On remarque dans toute secte la présence d'un leader, guru qui exerce un pouvoir absolu sur ses membres. Cela est vrai aussi des sectes d'origine chrétienne dans lesquelles l'autorité de ce dirigeant (souvent le fondateur) finit pas dépasser celle des Ecritures (exemple : Joseph Smith, Moon). Il s'agit bien en effet de suivre quelqu'un (cf. étymologie) au lieu de suivre le Christ. Le terme secte est aujourd'hui très négatif pour l'homme de la rue. Cette connotation péjorative lui vient moins de l'étrangeté de la doctrine professée que des méthodes d'intoxication qu'il ressent comme une insupportable atteinte à la liberté individuelle.
Le mot secte reste en tout cas très difficile à définir : on est toujours le sectaire d'un autre. L'histoire de l'Eglise l'a montré. D'où l'importance de réfléchir à cette notion dans le débat actuel sur la liberté de conscience (cf. rapport Vivien).
Toutefois les Eglises chrétiennes doivent toujours s'interroger pour savoir si elles ne surévaluent pas l'autorité de tel ou tel leader ou théologien aux dépens de celle des Ecritures.
RELIGION
Du latin religio, scrupule religieux, qui vient lui-même du verbe religere, recueillir, relire (cf Cicéron Nat : 2, 72 ; Aulu- Gelle 4, 9, 1). Le Robert propose la définition suivante : « Ensemble d'actes rituels liés à la conception d'un domaine sacré distinct du profane et destinés à mettre l'âme en rapport avec Dieu ».
Cette définition dans sa première partie correspond à l'étymologie : le préfixe « re » connote l'idée de répétition. Sa deuxième partie semble faire référence à une deuxième étymologie (non attestée par les auteurs latins) qui ferait venir religio du verbe religare relier. Le christianisme correspond-il à cette définition ? Distingue-t-il deux domaines différents, le sacré et le profane ?
Deux rites seulement dans la foi chrétienne. Sont-ils nécessaires pour « mettre l'âme en rapport avec Dieu » ? La prière n'est pas un rite.
Dans le Nouveau Testament, le terme religion et ses dérivés sont rares. L'adjectif traduit généralement par religieux en Ac 17 : 22 « je vous trouve à tous égards extrêmement religieux » dit Paul aux Athéniens, véhicule plutôt l'idée d'une crainte superstitieuse de divinités. Le substantif religion dans le sens global que propose le Robert n'apparaît que pour désigner le judaïsme :« j'ai vécu pharisien selon la secte la plus rigide de notre religion » dit Paul à Agrippa en Ac 26 : 5.
On trouve toutefois une définition du terme dans le Nouveau Testament sous la plume de l'apôtre Jacques ( 1 : 26-27).« Si quelqu'un croit être religieux, sans tenir sa langue en bride, mais en trompant son coeur, la religion de cet homme est vaine. La religion pure et sans tache, devant Dieu notre Père consiste à visiter les orphelins et les veuves dans leurs afflictions et à se préserver des souillures du monde ». Il est clair qu'ici religion a un tout autre sens : il désigne la mise en pratique de la foi, la piété. C'est ainsi que Calvin le comprend également : « Voilà ce qu'est la vraie et pure religion : à savoir la foi conjointe avec une vive crainte de Dieu, en sorte que la crainte comprenne sous soi une révérence volontaire, et tire avec soi un service tel qu'il appartient et tel que Dieu même l'ordonne en sa Loi » (Institution chrétienne, I, II, 2).
MILITANTISME
Du latin militare, être soldat. Ce terme ne se trouve pas encore dans les dictionnaires modernes. (Sur la désinence « isme », voir Humanisme). Figure en revanche l'adjectif verbal/substantif militant : il désigne, en théologie, l'Eglise qui lutte ici-bas, par opposition à l'Eglise triomphante à la fin des temps. Depuis 18 3 5, il est employé dans un sens profane : « qui prône l'action directe, le combat » dit le Robert. C'est dans ce sens que l'emploient aujourd'hui partis, syndicats, mouvements, etc... : qui combat pour une cause. La Bible fait un large usage de la métaphore militaire : par exemple : 2 Tm 2 : 3 : « Souffre avec moi comme un bon soldat de J-C. Il n'est pas de soldat qui s'embarrasse des affaires de la vie (Vulgate : Nemo militans...) s'il veut plaire à celui qui l'a enrôlé... » De même Es 59 : 17 ; Rm 13 : 12 ; 2 Co 6 : 7 ; Ep 6 : 11 -17 ; 1 Th 5 : 8. Historiquement, le militantisme est apparu vers les années 1835. Faut-il s'en étonner ? Était-il possible, dans ses formes actuelles, dans des pays où était appliqué le principe « un roi, une foi », où il y avait religion d'Etat et pouvoir fort ? Les formes actuelles du militantisme sont-elles les seules possibles ?
Peut-on dire que les apôtres étaient des militants ? Faut-il rayer ce mot de notre vocabulaire sous prétexte que d'aucuns militent pour de mauvaises causes ? Quelle différence établir entre militant et témoin autre que celle-ci : le premier mot utilise la métaphore militaire, le second la métaphore juridique... ? Il y a aussi de mauvais témoins et même de faux témoins...
PROSÉLYTISME
Du grec prosêlutos : nouveau venu dans un pays. Un prosélyte, dans le Nouveau Testament, est un païen qui a embrassé la religion juive (voir Mt 2 3 : 15 ; Ac 2 : 10 ; 6 : 5 ; 13 : 4 3). Par extension le terme désigne tout nouveau converti à une foi religieuse et, prosélytisme, le zèle déployé à « faire » de nouveaux convertis. Certains tirent de Mt 2 3 : 15 la conclusion que Jésus condamne le prosélytisme : « Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites parce que vous courez la mer et la terre pour faire un prosélyte ; et quand il l'est devenu, vous en faites un fils de la géhenne deux fois plus que vous ». L'argument est faible et ne tient pas : il est bien clair que Jésus envoie en mission (Mt 2 8 : 19 etc..) Maints exégètes voient au contraire un usage positif du terme dans le texte d'Héb 12 : 22 où il y aurait jeu de mot : « vous vous êtes approchés de la montagne de Sion... » En effet c'est la racine du verbe s'approcher qui a donné le substantif prosêlutos. Le sens du verset serait donc : vous êtes devenus prosélytes puisque l'Eglise ne contient que des convertis.
Ichthus 1985-4 (No 131)