Réflexion critique sur l'article du professeur Merlu
Je viens de lire, de la plume d'un journaliste politique français, un ouvrage très récent intitulé: . Plaidoyer impossible pour un vieux président abandonné par les siens », (Philippe Alexandre, Albin Michel, 1994).
Eh bien ! il me semble que l'article du professeur de théologie Henry Mottu : « La foi protestante se transmet mal. Pourquoi est-elle si peu visible? » ressemble à « un plaidoyer impossible » pour un protestantisme moribond, qui n'en peut plus de se renier et trouve étrange de ne plus avoir audience auprès du public! L'Eglise catholique lui a damé le pion! Le plaidoyer du doyen de la Faculté de théologie de l'Université de Genève est non seulement « impossible», il est de plus « illogique». Nous y reviendrons après avoir cité le premier paragraphe de l'article :
« La presse en Suisse romande et les médias en général paraissent depuis quelques années ignorer de plus en plus la théologie, les pratiques et la spiritualité protestantes. Par rapport au battage médiatique fait autour du catholicisme, et en particulier du pape, le protestantisme structurellement moins visible, tend à disparaître carrément de la place publique dans sa spécificité propre. »
Cela n'équivaut-il pas à un tragique constat d'échec? La question est de savoir à qui cet échec est imputable.
Si j'ai écrit : « plaidoyer impossible », c'est que le développement de l'article fait apparaître incontestablement un fossé entre les positions théologiques du professeur Mottu et celles des Réformateurs du 16e siècle sur l'autorité absolue et l'inspiration infaillible et plénière des Saintes Ecritures ! Militer pour « l'attachement à une lecture critique de la Bible» revient à placer l'autorité d'hommes limités et faillibles au-dessus de celle de Celui, seul Sage, qui nous a donné la vérité, toute la vérité, rien que la vérité dans les Ecritures divinement inspirées.
La citation qui suit montre à l'évidence à quoi conduit la relativisation de l'autorité de la Bible. L'on en vient à tolérer des comportements que l'Ecriture réprouve et à changer l'ordre établi par Dieu pour la conduite de l'Eglise!
«L'interprétation critique des Ecritures: là encore, beaucoup de personnes, les jeunes en particulier, nous prennent pour ce que nous ne sommes pas. Ils imaginent, dès qu'on parle de l'autorité de la Bible, je ne sais quelle allégeance inconditionnelle à la lettre. Or, la lettre tue, seul l'Esprit donne la vie. Les protestants, très attachés à la seule autorité de la Bible, n'adorent pas un Livre en soi. Ce livre n'est que le témoignage humain, à interpréter justement, d'une Parole transcendante. Non seulement on peut interpréter la Bible, mais on le doit. Ne serait-ce que par la prise en compte honnête de la distance historique entre les premiers témoins du mystère du Christ et nous... C'est à partir de là que s'explique pourquoi, nous autres protestants, sommes en faveur de l'ordination des femmes au ministère pastoral, d'une plus grande tolérance à l'égard de l'homosexualité, d'une éthique familiale et sexuelle fondée sur le bonheur et non sur des interdits dépassés - dépassés parce que non bibliques finalement. D'où la nécessité d'une lecture différenciée, critique, des textes fondateurs; d'où l'impératif d'une formation biblique et théologique, montrant que tous les textes ne sont pas à lire sur le même plan. »
Le plaidoyer est « impossible » parce que le protestantisme, en adoptant les thèses de la critique biblique, en relativisant l'autorité des écrits inspirés, s'est vidé de sa propre autorité et a perdu, ipso facto, le crédit et l'influence qu'il possédait lorsqu'il ne maltraitait pas les Ecritures, au nom d'une fausse science appelée « Méthode historico-critique » !
Ne devrait-il pas se souvenir d'où il est tombé, se repentir et pratiquer ses premières oeuvres, c'est-à-dire celles qui ont fait sa force au 16e siècle et ont permis son expansion universelle? Dieu lui redonnerait vie, conviction, puissance et audience ! Il vaut la peine de lire la Lettre à l'Eglise d'Ephèse (livre de l'Apocalypse, chapitre 2, versets 1 à 7) qui décrit le déclin de ceux « qui ont abandonné leur premier amour ». S'ils refusent de se repentir, ils risquent de voir « leur chandelier ôté de sa place»! C'est solennel : plus de lumière, plus de message, plus de ministère crédible et efficace !
Ainsi donc, le protestantisme s'est lui-même condamné à disparaître en portant atteinte au Livre, tout entier inspiré de Dieu, sur lequel reposait son autorité et duquel procédait sa puissance conquérante. De quoi peut-il se plaindre aujourd'hui sinon de ses propres péchés qui ont conduit à son effacement ?
Quand la Réforme perd son épée, la Parole de Dieu, il n'est pas étonnant que le système romain, toujours opposé aux principes fondateurs des Réformateurs : les Ecritures seules, la foi seule, la grâce seule, occupe le terrain et le devant de la scène !
Le plaidoyer est illogique ».
Dans un premier temps, Henry Mottu déplore la quasi disparition du protestantisme dans sa spécificité propre. Dans un deuxième temps, il exalte « la liberté de pensé dans la foi » sans voir que cette liberté, poussée à l'extrême dans le protestantisme, s'est placé au-dessus de la vérité et de l'autorité divines. Dans un troisième temps, après avoir fait l'apologie de la critique biblique, il prône la démocratie dans l'Eglise, redoute « la dérive autoritaire » et « le glissement général vers des positions identitaires». Enfin, parlant de «la précarité du protestantisme», il avoue que « celui-ci ne parvient pas à faire entendre la voix protestataire qui est la sienne ». Comment ne pas voir la contradiction interne de ces propos ?
Il ne peut y avoir de spécificité sans une identité reconnue et acceptée. Dans le cas du protestantisme originel cette identité s'est forgée à travers la remise en lumière de la justification par la foi seule, sans les oeuvres, de la primauté et de la suffisance des Ecritures, de la grâce souveraine excluant tout mérite de l'homme.
Elle s'est forgée en opposition avec les dogmes et le système romains, dont les Réformateurs se sont séparés. La Réforme avait donc une voix chargée du message et de l'autorité des Saintes Ecritures, reconnues comme la seule source inspirée de la foi, et cette voix dénonçait les erreurs, les prétentions et les abus de l'Eglise catholique.
Quand le professeur Mottu écrit que « la foi protestante se transmet mal ou pas du tout », nous sommes en droit de lui demander : « De quelle foi s'agit-il » ? Les allusions aux « frères et soeurs catholiques» avec lesquels il faut « penser la foi », la référence à l'oecuménisme « qui n'est plus une branche à option pour aucune de nos communautés », prouvent que la ligne de démarcation entre la vérité biblique et les erreurs de Rome n'entre plus en ligne de compte !
Les chefs réformés d'aujourd'hui, qui ont bradé leur héritage pour le plat de lentilles d'une unité frauduleuse - rendue possible par l'abandon de l'identité, le reniement de ce qui a motivé la Réforme et en a fait la force -, devraient réfléchir à la signification du « POST TENEBRAS LUX» inscrit sur le Mur des Réformateurs. Ils retournent à ce que les fondateurs de la Réforme avaient vomi !
En fait, les réformés déformés n'ont plus rien à transmettre !
Le protestantisme n'a pas été vaincu par sa victoire, comme le prétend le professeur Mottu, mais par ses doutes, ses reniements, ses trahisons. Ravagé par le poison de la critique biblique, fourvoyé dans l'oecuménisme, vassalisé par le catholicisme, il est le « sel qui a perdu sa saveur», qui n'attire plus personne et ne « sert plus de rien » ! Il a effectivement perdu son identité et sa spécificité en tournant le dos à ses racines. Une vraie et profonde repentance serait le remède dont il a urgemment besoin.
Je crois et j'espère que, parmi le peuple protestant, subsistent l'amour de la vérité et le respect d'un héritage sacré qu'il faudrait transmettre à la génération future. N'est-il pas écrit dans le Psaume 60, au verset 6 :
« Tu (Dieu) as donné à ceux qui te craignent une bannière, pour qu'elle s'élève à cause de la vérité » ?
Jean-Jacques Dubois
La Bonne Nouvelle 5/95
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