Les évangéliques qualifiés de fondamentalistes ne collaborent généralement pas avec les pentecôtistes et charismatiques malgré l'appel à l'acceptation mutuelle en vue d'une évangélisation mondiale commune, souhait exprimé lors du «2. Congrès International pour l'Evangélisation Mondiale » à Manille1*et ailleurs. Ce sont apparemment des évangéliques encore pratiquement attachés aux fondements bibliques qui sont les plus réfractaires à ce genre d'actions communes. C'est qu'ils ne sont point favorables aux enseignements et pratiques qui ont cours dans certains milieux où l'on prétend prêcher le « plein Evangile. avec les promesses de prospérité, de guérison, de réussite dans les affaires, accompagné de manifestations extatiques, de fou rire dans l'Esprit, de glossolalie, de danses dans l'Esprit, de chute en arrière, de prophéties, de visualisation et autres exercices et expériences qu'on trouve aussi dans le chamanisme2*.
Le point de départ de toutes ces manifestations semble bien être ce que l'on appelle dans ces milieux le « baptême dans le Saint-Esprit »3*, présenté comme une « seconde expérience » à réaliser après la première expérience de la^conversion. Qu'on le veuille ou non, cette conception non biblique divise les chrétiens en deux catégories :
a) ceux qui disent en avoir fait l'expérience, parce qu'ils présentent comme signe un « parler en langues » inconnues, ou qu'ils éprouvent des sensations psychosomatiques,
b) ceux qui considèrent que, selon l'Ecriture, on est baptisé du Saint-Esprit quand à travers la repentance et la foi en Jésus-Christ il y a eu nouvelle naissance (Jean 3 :3-7) avec comme signe distinctif un changement de pensée et de comportement, suivi au cours de la vie nouvelle de maintes expériences de plénitude spirituelle.
Que dit l'écriture ?
Nous constatons que dans les Eglises primitives les croyants n'ont jamais été exhortés à rechercher un quelconque « baptême du Saint-Esprit » seconde expérience, qui aurait fait d'eux des chrétiens supérieurs, plus aptes à servir Dieu que d'autres. Au contraire, l'Ecriture dit que nous avons tous été baptisés dans un seul Esprit pour former un seul corps (1 Cor. 12 :13) et que nous avons tout pleinement en
Christ (Col. 2 :10). Il faut, bien sûr, s'emparer de tout ce que Dieu nous offre, ce qui se fait progressivement au fur et à mesure que la foi s'approfondit par la connaissance de la Parole de Dieu et que l'enfant de Dieu grandit spirituellement en passant du lait à la nourriture solide (Héb. 5 : 1 2-1 4).
Les trois cas spéciaux (Actes 8:14-24; 10 : 44-47 et 1 1 : 15-17 ; 19 : 1-7) toujours à nouveau cités pour tenter de justifier un prétendu baptême du Saint-Esprit, seconde expérience, concernent des personnes qui n'avaient pas encore reçu le Saint-Esprit. Il s'agissait là de situations exceptionnelles, liées à des circonstances inaugurales particulières, et ces cas ne sont donc absolument pas à considérer comme normatifs, puisque la règle générale valable pour tous les temps est de se repentir, de croire et d'obéir (Actes 2 : 38 ; 5 : 32 ; 19 : 2) pour recevoir le Saint-Esprit. Il ne saurait donc être question ici d'une deuxième expérience, mais de la réception même du Saint-Esprit, expérience initiale, unique et non renouvelable.
Un retour à plus de sobriété ? Certains disent que les pentecôtistes et les charismatiques ont évolué, qu'ils comptent maintenant parmi eux de bons théologiens qui reconsidèrent leurs doctrines et pratiques spécifiques à la lumière de la Parole de Dieu. Tant mieux ! S'il en est ainsi, on ne saurait que s'en réjouir. Mais pour le moment le Pentecôtisme officiel semble bien maintenir ses positions.
Nous en voulons pour preuve ce que déclarait récemment Jakob Zopfi d'Emmetten (Suisse), président du Comité Européen Pentecôtiste et représentant européen dans le Comité Mondial Pentecôtiste. Il admet qu'à la conversion chaque chrétien expérimente la nouvelle naissance et la présence en lui du Saint-Esprit. Mais il ajoute : « Nous attendons en plus l'expérience de la Pentecôte en tant que baptême du Saint-Esprit, qui en règle générale est accompagné spontanément du parler en langues nouvelles... Pour nous, le baptême du Saint-Esprit fournit la puissance spirituelle et l'énergie nécessaire pour faire face à la vie de tous les jours et servir dans l'église et dans le monde ».4*
C'est ce « en plus » qui fait la différence. Si ce que dit Jakob Zopfi était vrai, les chrétiens évangéliques non pentecôtistes - ou non charismatiques - seraient privés de l'énergie leur permettant de faire face à la vie de tous les jours et de servir Dieu efficacement dans l'église et dans le monde. Or, combien de chrétiens et de serviteurs de Dieu non pentecôtistes, depuis l'origine de l'Eglise jusqu'à nos jours, ont travaillé, ont souffert, ont été bénis et sont restés fidèles jusqu'à la mort, sans avoir fait cette prétendue deuxième expérience ? .
Conclusion
Cette fausse conception d'un « baptême dans le Saint-Esprit » aux multiples manifestations exaltantes est un facteur de trouble et de discorde. Ce serait une bénédiction pour les chrétiens évangéliques dans leur ensemble si cette erreur pouvait être reconnue et abandonnée. Mais pour le moment rien ne permet de l'espérer. Jakob Zopfi a déclaré qu'avec 200 millions de chrétiens le mouvement de Pentecôte est le plus grand groupement chrétien après l'« église catholique ». Il dit en outre que, selon des statistiques, 600 millions de chrétiens de toutes confessions auront fait "expérience du baptême du Saint-Esprit d'ici l'an 2 000 ! Il faut donc que les chrétiens évangéliques qui prennent conscience de cette progression soient sur leurs gardes et évitent absolument de s'associer à un mouvement qui s'infiltre partout entraînant la masse des chrétiens de toutes confessions dans un courant unificateur chimérique, donc dangereux.
Jean Hoffmann
1* Lausanne II à Manille en juillet 1989 (voir la B.N. 6/89).
2* A ceux qui lisent l'allemand nous recommandons la brochure du Dr Helge Stadelmann : « Neue Pratikten der pfingstlich charismatischen Bewegungen ». Peut être commandée chez : Verlag « Bibel und Gemeinde» Postfach 1153, D-76333 Waldbronn.
3* « Baptême du Saint-Esprit » est un substantif absent dans ce sens dans la Bible.
4 Les propos de Jakob Zopfi sont extraits de son article publié dans « IDEA-Specktrum » 21/93 p. 15.
La Bonne Nouvelle 5/94
La Bonne Nouvelle - Droit de reproduction: prière de s'adresser au journal