Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Violence et cinéma, on estime qu'un adolescent a vu par écran interposé de 18 à 20 000 crimes

***

Violence et cinéma, où va-t-on ? L'avis du criminologue Jean-Pierre Bouchard, qui rentre du Festival de Cannes

« On assiste à une banalisation totale de la violence »

Qu'est ce qu'un criminologue peut apprendre au Festival de Cannes ?

Pour moi, c'est un peu particulier. Je suis cinéphile depuis l'adolescence. C'était mon vingtième Festival. De par ma profession, j'observe avec un oeil plus attentif la violence évoquée au cinéma. Cette année, j'ai vu des choses très fortes et très bonnes, d'autres complètement gratuites. On assiste à des dérapages de plus en plus importants comme, par exemple, dans « Irréversible », de Gaspard Noé.

En quoi est-ce un « dérapage » ?

Sous le prétexte d'une narration originale, ce film déverse un flot continu de violence extrême et gratuite. D'ailleurs, une fois passé les effets d'annonce savamment et commercialement orchestrés, le scandale attendu n'a pas eu lieu car cette oeuvre a été prise pour ce qu'elle est : un film racoleur et prétentieux, finalement bien creux.

Est-ce un film dangereux ?

Comme dans la vie, on assiste à une montée de la violence dans la fiction (cinéma, télévision, jeux vidéo). Cela n'a pas une incidence négative sur tout le monde, mais dans la réalité on trouve des gens directement influencés par la violence au cinéma. Le dernier exemple frappant concerne l'auteur de la tuerie de Nanterre (1). Lors de sa garde à vue, il a déclaré aux policiers que pour comprendre le sens de sa vie, il fallait regarder « Taxi Driver ». Ce film, qui a été Palme d'or à Cannes, raconte l'histoire d'un paumé en échec total écoeuré par la racaille qui traîne dans la société. En bout de course, il tente de tuer un candidat à la présidence des Etats-Unis puis se retourne contre un souteneur qu'il abat dans un massacre sanglant comme le tueur de Nanterre a pu le faire. Cela n'explique pas tout, mais sur un esprit psychologiquement dérangé c'est peut-être la goutte d'eau qui fait déborder le vase.

« Irréversible » a un impact sonore et visuel extrêmement fort. Là où Noé est habile c'est dans la narration. Il part de la fin et revient vers le début avec des effets de caméra assez impressionnants, ce qui provoque une sur-attention du spectateur. Il balaie méthodiquement ce qu'on fait de plus noir et de plus pervers dans l'âme humaine. C'est un film qui peut être extrêmement perturbant et dérangeant.

A contrario, existe-t-il au cinéma de la « bonne » violence ?

Il existe des films qui abordent de façon intéressante la violence. Le documentaire de Michael Moore, « Bowling for Columbine », est à ce titre exemplaire. Il utilise comme prétexte le massacre de 1999 où des adolescents américains ont tué plusieurs lycéens pour poser son regard sur la société violente aux Etats-Unis et sur le surarmement. C'est un documentaire d'investigation, bourré d'humour, sur un sujet grave. En même temps ça reste très grand public. C'est l'axe intelligent pour traiter ce type de problème.

Il y aussi le film de Nicole Garcia, « l'Adversaire », qui reprend l'histoire de Jean-Claude Romand. Au-delà de cette terrible affaire, c'est une parabole sur celles et ceux qui organisent leur vie autour du mensonge. Cette spirale du mensonge et de la fuite en avant trouve un tragique dénouement criminel : sous la pression de la réalité, pour dissimuler sa vie de mensonges et se soustraire une dernière fois à la vérité, le menteur, remarquablement interprété par Daniel Auteuil, tue ses deux enfants, sa femme et ses parents avant de tenter de se donner la mort. La voix du mensonge est une voie sans issue. C'est émouvant, difficile parfois, mais il y a un vrai propos.

Est-ce que la violence au cinéma est un reflet de la violence quotidienne ?

L'évolution est très visible. A l'écran, la violence est plus dynamique, plus systématique. A Cannes, qui reste pourtant un festival de film d'auteurs, la majorité des films comportaient des scènes de violence. De façon générale, le cinéma est plus noir. Il traduit un malaise puisque les problèmes de la société y sont fréquemment évoqués.

C'est évidemment bien pire dans le cinéma commercial où, depuis quelques années, le mélange du sexe et de la violence est de plus en plus fréquent, ce qui conduit à des dérives inquiétantes. Dans un autre domaine, celui de la production de films X, c'est encore plus significatif. Une des nouvelles tendances est de montrer des femmes gravement violentées et agressées. Comme c'est évidemment regardé par ceux que ça intéresse, cela peut renforcer leurs fantasmes.

Est-ce que cette violence généralisée sur les écrans n'est pas aussi une façon d'amplifier, voire d'exagérer la réalité ?

Encore une fois, il faut différencier les films d'auteurs qu'on voit à Cannes et les films ou téléfilms commerciaux. Mais il est clair qu'il y a une banalisation totale de la violence. Aux Etats-Unis, on a calculé qu'un adolescent âgé de 18 ans a vu en moyenne 18 000 à 20 000 crimes par écran interposé. Le conflit n'est plus quelque chose d'exceptionnel. Dans la fiction, il est proposé partout. On a du mal à en mesurer scientifiquement les conséquences, mais les effets ne peuvent pas être bénéfiques.

Toujours aux Etats-Unis, une enquête récente démontre que les enfants qui ont passé plus de trois heures par jour devant la télévision ont statistiquement plus de risques que les autres de générer dans leur vie des épisodes violents. S'il n'est pas encore mesurable, il y a bien un lien direct entre la violence à l'écran et la violence dans la vie réelle, même si ça ne reste qu'un facteur parmi d'autres.

(sud-ouest.com) ajouté le 13/6/2002

Trouvé sur http://voxdei2.free.fr/infos Point Final - Informations chrétiennes et eschatologiques au quotidien.

 .

(1) Il s'agit de Richard Durn, qui avait ouvert le feu sur les membres du Conseil municipal, tuant huit d'entre eux.