Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Quel couple pour l'an 2000 ?

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Dans tous les pays industrialisés, le taux de divorce ne cesse d'augmenter depuis une quinzaine d'années. En Europe, celui-ci atteint au moins un mariage sur trois, alors qu'aux Etats-Unis, il est supérieur à 50 %. Actuellement, même les pays du Tiers-Monde sont confrontés à cette augmentation. S'agit-il d'une crise existentielle, d'une remise en cause du fonctionnement de la cellule familiale telle que nous la comprenons? Vers quel modèle familial nous dirigeons-nous? La société s'interroge, tâtonne, mais quelles solutions préconise-t-elle? Pour le professeur Meinrad Perrez, directeur du jeune Institut de recherche sur la famille de l'Université de Fribourg, «la famille est une institution en crise. Les conditions de la société ont rendu le modèle d'une relation stable moins attractif. Depuis la seconde moitié de ce siècle, il y a un énorme dynamisme sociologique qui tend vers l'individualisme, la réalisation de soi. De nombreuses fonctions autrefois réservées à la famille sont aujourd'hui prises en charge par la société (l'éducation et la santé par exemple). La famille a donc perdu beaucoup de ses fonctions. Même le domaine de la sexualité n'est plus intimement lié à une relation stable. Les possibilités modernes de pratiquer la sexualité sans courir le risque d'avoir des enfants ont augmenté la liberté des individus, et ont rendu les relations stables moins nécessaires. L'accès à cette nouvelle liberté individuelle a un prix, celui de la perte de l'intimité: pour la société, nous sommes des cas, et non des personnes. L'homme peut accomplir de nombreuses tâches, en dehors de la famille, qui lui étaient impossibles il y a cinquante ans.»

 

L'Etat peut-il être qualifié de responsable quant à cette évolution ? «Non, car il s'agit d'un mouvement de la société, que l'on peut constater à travers l'Histoire. L'Etat et les politiciens sont le reflet d'un mouvement de la société. Par contre, on peut se demander s'il n'appartiendrait pas aux politiciens d'organiser un contrepoids, de stimuler la fantaisie afin de rendre plus attractive une relation stable. Sur un plan économique, la reproduction ne l'est pas, parce que les charges imposées aux parents sont trop élevées.»

 

Notre société est en pleine transformation. Dans tous les domaines, ce qui semblait acquis, souvent au prix de luttes longues et laborieuses, est aujourd'hui remis en cause. Les certitudes vacillent, on parle partout de restructuration. Le dictionnaire Larousse définit ce terme comme «un phénomène par lequel une nouvelle structure perceptive se substitue à une autre». La famille n'échappe pas à ce véritable phénomène de société. Rien de plus normal à cela, puisqu'elle est, aujourd'hui encore, le plus petit noyau qui constitue la société. Dès lors, si l'on accepte de parler de restructuration de la cellule familiale, vers quelle structure nous dirigeons-nous? «La famille, comme système de vie intime subsistera, mais les formes de ce système sont en évolution. Les règles du jeu du mariage et de la famille seront pluralisées. Peut-être y aura-t-il entre autres un contrat de mariage à durée limitée ?» L'idée, si elle ne représente pas pour Meinrad Perrez la panacée, aurait peut-être le mérite de responsabiliser plus profondément le jeune couple. «Si la continuité n'est pas garantie par un contrat illimité, on se rend compte qu'on doit investir personnellement pour sauvegarder la relation. Beaucoup de divorces sont dus à un manque d'investissement mutuel. Cela diminuerait peut-être même le taux de divorce. Mais indépendamment de la nature du contrat, les modèles de la famille de l'avenir doivent de toute façon accentuer la responsabilité du couple pour les enfants.»

On a parfois l'impression que le modèle familial que nous connaissons date de l'éternité, qu'il nous a été transmis de génération en génération, et que nous assistons aujourd'hui à un phénomène tout à fait nouveau. Qu'en est-il réellement? «En jetant un coup d'oeil sur l'histoire, on constate qu'il y a eu une évolution. L'idée de famille, selon notre propre éducation, a évolué au cours des XVIII-XIXèmes siècles, sous l'influence efficace de l'Eglise. Avant, on avait d'autres idées de la vie intime. Cette notion est en évolution constante, et aujourd'hui, elle s'oriente vers d'autres directions. On est en train de passer d'un système familial à pouvoir asymétrique (où l'homme est le chef de la famille, responsable de la subsistance, et la femme est affectée aux tâches ménagères et éducatives) à un système où le pouvoir devient symétrique (les femmes qui ont une certaine indépendance économique n'acceptent pas d'être assujetties à l'homme, et revendiquent les mêmes possibilités). Cette évolution vers un système mieux équilibré est pour moi comparable à ce qui s'est passé lors de la Révolution industrielle et de l'apparition du socialisme qui voulait trouver un meilleur équilibre entre ouvriers et propriétaires. Nous serons préoccupés encore longtemps par la quête d'une meilleure symétrie dans la relation intime homme-femme. Mettre en place un tel système prend du temps, et nous n'y sommes pas encore.»

La notion de mariage est en évolution. Parallèlement, la notion de divorce évolue également. Vécu longtemps comme un événement fatal, aux conséquences désastreuses - «on oublie qu'en réclamant son bonheur personnel, d'autres plus faibles ont à payer la facture» - le divorce tend à devenir, lui aussi, un phénomène dit de «restructuration». Entre ex-conjoints, mais aussi vis-à-vis des enfants. «C'est l'interprétation de certains chercheurs, qui donnent un sens positif à un événement vécu négativement. L'aspect négatif que la société donne au divorce explique en partie les dégâts causés sur les enfants. Une société qui accepte le divorce comme un phénomène normal inventera des rituels de séparation, afin d'en diminuer les effets négatifs.»

Une fois encore, ne soignerait-on pas les symptômes sans attaquer le mal à la racine ? En cherchant à minimiser les effets négatifs causés par ce qu'il faut bien appeler une séparation, résout-on vraiment le problème, et ne choisit-on pas la moins mauvaise solution? De fait, la question subsiste de savoir si, en choisissant de diminuer les effets négatifs, on ne donne pas une carte supplémentaire à la société pour se déresponsabiliser. «C'est là le problème. Il ne faut pas perdre de vue les responsabilités que l'on prend vis-à-vis du partenaire et des enfants. On ne peut pas comprendre la notion de responsabilité qu'en faveur de son profit personnel», confirme Meinrad Perrez.

Cette évolution est-elle synonyme d'enrichissement ou d'appauvrissement pour la structure familiale? «Répondre à une telle question impose une réflexion sur les critères utilisés. Tout modèle dont les effets sont nettement négatifs pour au moins une partie du système ne peut pas être un modèle souhaitable. Les effets du divorce sur les enfants n'ont pas été suffisamment pris en compte. Cette valeur individualiste propre à notre société, qui place l'individu au centre de l'univers, ne peut pas représenter une valeur suprême pour l'avenir. En revanche, des modèles qui font un mariage entre ces valeurs individuelles et les responsabilités collectives auront plus de chance de survivre.»

Reste que le Créateur a prévu un cadre qui nous permet de nous exprimer. Selon la Bible, le mariage est ce cadre voulu de Dieu, pour notre épanouissement. Bien sûr, l'homme est libre d'entrer dans ce cadre ou de le refuser. Les deux choix ont leurs conséquences, et aucun des deux n'est facile. Que le mariage soit à l'avenir envisagé comme un contrat à durée limitée permettra peut-être de diminuer le nombre de divorces, mais rendra-t-il l'être humain plus heureux pour autant?

Propos recueillis par Marc-Antoine Berner

AVENEMENT Mars 1997 No 105 / P 22-23

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