Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Pères perdus ?

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La place laissée a l'homme par les mouvements féministes

C'est un monsieur qui entre dans une librairie:

- Bonjour, madame, je cherche un livre ... - Oui, lequel?

- "L'homme, le sexe fort", de Pierre Dupont

- Les romans de science-fiction, c'est le rayon d'à côté!, ronchonne la vendeuse».

 

Perle glanée dans les histoires drôles d'un magazine à la mode. Histoire pour rire? Un peu comme la réaction des gens si vous leur dites qu'il y a des hommes battus. Incrédulité totale et crise de rire assurée. Essayez, cela vaut la peine! Pourtant, si en restant sérieux, vous parlez de la crise d'identité de l'homme vous arriverez, peut-être, car les tabous et les idées reçues sur le sujet sont tenaces, à faire admettre que l'image de l'homme se lézarde sur le miroir de la société moderne.

L'homme, le père, semblait inattaquable depuis la nuit des temps. Et si les attaques des féministes en tous genres des 25 dernières années avaient ébranlé l'édifice, l'homme, valeur sûre, à croire les quelques rares études qui leur étaient consacrées, faisait preuve d'une adaptation remarquable. Ce n'est pas aussi sûr. Un sondage réalisé il y a quelques années en Allemagne révélait qu'il y avait plus d'hommes battus que de femmes battues. Le journaliste rigolard et «franchouillard» (selon l'expression à la mode), commentant le sondage et s'interrogeant sur la virilité de ces «hommelettes», assurait que cela n'était pas près d'arriver en France.

 

Un autre sondage paru dans le magazine féminin «Marie-Claire» abattait d'un seul coup le coq français en révélant que le problème était général et que toutes les basses-cours de nos sociétés modernes étaient contaminées.

L'institut Sofres avait déconseillé ce type de sondage qui recèle toujours un grand pourcentage de mensonges. La difficulté fut tournée par la réalisation d'un sondage auto-administré: le sondé répond tout seul dans son coin et rend sa copie de manière anonyme. Ni vue, ni connue, la personne interrogée se trouve face à sa conscience au lieu d'être face à l'enquêteur. Résultat? 16% des sondés ont reconnu avoir au moins une fois reçu ou donné des coups (dans le couple) et 14% refusèrent de répondre... on peut imaginer ce qu'ils auraient répondu, s'ils l'avaient fait!

A la question: «vous est-il arrivé de donner une gifle ou un coup à votre conjoint ou ami(e)?», égalité: 12% partout.

A la question: «Vous est-il arrivé de recevoir une gifle ou un coup de votre conjoint ou ami(e)?», 13% des femmes et 14% des hommes répondirent oui.

Imprégnés des oeuvres de Zola, vous pensez peut-être que les ouvriers frappent plus que les autres. Pas du tout. Ils l'avouent en tous cas moins que les cadres. -14% des industriels, cadres supérieurs ou gros commerçants ont reçu un coup et 13% en ont donné. 15% des ouvriers ont reçu un coup, et 14% en ont donné. Patrons et ouvriers presque à égalité!

Angèle, 37 ans, directrice de collection, raconte: «le non-exprimé, chez moi qui suis méditerranéenne, finit toujours par se traduire en violence. Je dois avouer que c'est toujours moi qui ai commencé. Ce qui me met en fureur, c'est la mauvaise foi, la fuite. Et Franck fait parfois preuve d'une incroyable mauvaise foi. Lui c'est la réserve, moi c'est l'outrance».

Claire, 31 ans, professeur, confirme: «quand il y avait un problème, Michel se murait dans le silence ( ... ) Ma seule façon de rompre ce silence était de le cogner pour qu'il réagisse enfin. Tout ce que j'attendais, c'était une réponse, qu'il sorte de ses gonds, qu'il sorte de son silence ... Je tape très maladroitement parce que je n'ai aucune technique»!

L'homme dépossédé de ses prérogatives, fuit, démissionne, se soumet. L'absence de réactions, de «présence» semble être à l'origine de la plupart des actions violentes des femmes. L'article se terminait par une liste de Centres pour . . . femmes battues!

Depuis, presque plus rien et il n'y avait plus que les Eglises pour s'inquiéter de la disparition de l'homme où l'appel de Dieu: «Je cherche un homme ... » courait le risque du détournement de texte.

Aussi, la sortie du dernier livre d'Evelyne Sullerot «Quels pères? Quels fils?» (Editions Fayard) fit l'effet d'une bombe dans le doux ronron maternant de notre société apparemment bien réglée. Elle, féministe de la première heure, co-fondatrice du Planning Familial Français, sociologue réputée de la famille, osait poser la question: «après 25 années de féminisme, quelle place notre société et les femmes réservent-elles au père de ses enfants»?

Statistiques et études à l'appui, y compris une étude biblique (dues à ses racines protestantes?) sur le rôle du père à partir de l'Ancien Testament et surtout dans le Nouveau Testament: «car le véritable père de Jésus, c'est Dieu. Voilà que l'Eternel qui a fait les cieux et la terre et créé l'homme, l'Eternel qui ne saurait être un maillon, même le premier, d'une généalogie, voilà que Dieu est Père par l'Esprit. Il manifeste sa paternité envers les hommes en envoyant parmi eux son fils pour leur annoncer la "Bonne Nouvelle": Dieu le Père est amour, Il est miséricorde. Le coeur du Père est infini. Jésus, son Fils unique ne cesse de parler de l'immense miséricorde de ce Père qui est comme l'essence même de la paternité, la paternité à l'état pur: "si donc, vous qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père céleste en donnera de bonnes à ceux qui l'en prient" (Luc 11, 13)».

Et de continuer, à partir de Galates 4, sur une comparaison entre la paternité selon la chair et celle selon l'Esprit. Cela valait la peine d'être mentionné.

De la Grèce antique au Code pénal actuel, une étude fouillée analyse le rôle et la place de l'homme, et plus précisément du père, dans la société. Et Evelyne Sullerot s'étonne de ne pas comprendre «le silence sur ce qui est advenu de la paternité, sur ce qui arrive aux pères, sur ce qui risque fort d'affecter les fils: comment se fait-il que de tels changements dans les faits, dans les lois, dans les moeurs, dans les mentalités ne trouvent pas d'écho, ou si faible? Pas de sondages ni de contre-sondages, pas d'enquêtes d'attitudes ni d'opinions, pas d'études transversales ni longitudinales, pas de séries d'articles opposant des hypothèses explicatives divergentes, lacaniennes ou économistes, pas de brillants exégètes, pas de néologismes en "isme" ... Dans un épais silence des observateurs de notre société, la paternité a perdu sa superbe, s'est vu dépouillée de presque toutes ses prérogatives millénaires, blessée, bafouée, voire ignorée dans certains cas, mise en doute, remplacée, rafistolée, imitée».

En tant que féministe, Evelyne Sullerot s'étonne aussi du silence du front masculin, elle qui avait lutté pour le droit à la contraception, à l'avortement qui devait enfin libérer la femme du joug de l'homme en particulier dans son choix, et le sien seul, enfin possible, de la maternité.

L'existence d'associations de défense de l'homme, «Mouvements pour l'égalité parentale», «Les Pères résistants», «La Condition masculine - Soutien de l'enfant», «L'Enfant et son père», «S.O.S. Papa», etc. ne la rassure qu'à moitié, même si elle découvre ainsi des mouvements similaires en Suisse, Allemagne, Pays-Bas et jusqu'en Australie ou l'un d'entre eux s'appelle carrément «Men against alemonies» (Hommes contre la pension alimentaire).

Il faut dire, qu'en cas de divorce, l'homme est le grand perdant du couple, «l'intérêt de l'enfant» notion vague et fourre-tout justifiant dans la plus grande partie des cas la protection de la femme au détriment du «méchant» mari et père.

On dit d'une femme qu'elle «quitte» son mari, mais d'un homme qu'il «abandonne» sa femme. Les préjugés sexistes à l'encontre des hommes sont nombreux et souvent inconscients même s'ils ne datent pas de ces 25 dernières années. Les avancées scientifiques (bio-éthique) et la libération des moeurs ne peuvent qu'accentuer un phénomène dont on commence seulement à mesurer les conséquences sur les générations futures. Une fois de plus, l'apprenti sorcier voit se retourner contre lui ce qu'il avait considéré comme la liberté. La guerre des sexes aura-t-elle lieu?

Du matriacat totalitaire à la mariolatrie exponentielle de la tradition catholique, et à «Notre Mère - la Terre» du Nouvel Age, l'homme aura de plus en plus de mal à trouver sa place et, après lui, les enfants, garçons et filles, qui reproduiraient à leur tour le déséquilibre parental. En France, aujourd'hui, 2 millions d'enfants sont séparés de leur père. 600 000 ne le voient plus ou ne le connaissent pas. Les statistiques sont identiques dans les pays voisins.

Joëlle Poullaouec, pédo-psychiatre chrétien, posait la question à un Congrès de l'A.S.Ev. (Action Sociale Evangélique) sur le thème: «Un père pour quoi faire»?.

«Dans le Seigneur, la femme n'est point sans l'homme, ni l'homme sans la femme» (1 Cor. 11, 11), chacun ne disposant plus de lui-même (1 Cor. 7, 3 et 4). Si le texte a le mérite d'être clair, son application aussi dans l'Eglise reste plus problématique où le patriarcat est souvent de mise. Peut-être pour contrebalancer le matriarcat familial? L'Eglise saura-t-elle rappeler et vivre le modèle biblique. Des associations comme «Famille et Jeunesse en Action» et «Mission vie et famille» interpellent les églises. Saurons-nous construire l'Eglise de demain avec des hommes et des femmes selon le coeur de Dieu, un coeur de Père?

Daniel Rivaud

AVENEMENT Août 1992 No 50 / P 10

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