Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

ENTRE AMOUR ET AMERTUME

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Ma fille aînée, Julie, me reproche de moins l'aimer que sa petite soeur. Il est vrai qu'elle a un caractère plus difficile, mais je fais tout pour ne pas faire de différence entre mes deux filles (je suis divorcée et vis seule avec elles). Tous mes efforts paraissent cependant vains. Julie est donc boudeuse et indépendante (elle refuse le plus souvent de venir au culte avec nous). Que puis-je faire?

 

Je comprends votre préoccupation au sujet de cette enfant dont le comportement de revendication, d'agressivité ou de rivalité proviennent certainement d'un sentiment de moindre valeur et d'injustice: dans son esprit, il se peut qu'elle explique l'absence de son père par quelque chose de répréhensible qu'elle aurait fait, ou parce qu'elle n'est pas assez bien, ou bonne ou belle, il est fréquent que les enfants de couples séparés aient ces pensées; mais dans le même temps, ils estiment que c'est injuste: on leur a pris leur père, leur mère n'a pas su le garder, etc. Ils en veulent à la société et, souvent, d'une manière ou d'une autre, essayent de le lui faire payer.

Le fait qu'elle refuse de venir au culte avec vous signifie moins une opposition aux choses spirituelles qu'une manière de dire qu'elle veut agir autrement et qu'elle veut se démarquer à la fois de sa soeur et de vous pour trouver sa propre personnalité. Elle refuse, en fait, d'être un «mouton de Panurge», ou un «numéro»... même si, en tant qu'aînée, première, elle est le No 1. Nous sommes tous égaux, nous avons la même valeur pour Dieu, celle du sang du Christ versé à la croix pour nos péchés, mais nous sommes tous différents et en même temps uniques. Et c'est ce que revendique votre fille: son originalité et sa différence. Vous devriez sans doute faire des différences par rapport à sa petite soeur; pourquoi, par exemple, ne pas consacrer un moment de la journée où vous êtes seule avec elle, à parler, à faire des projets et même à partager, à son niveau, certaines de vos préoccupations. Quand elle fait quelque chose de bien, soulignez-le et marquez votre satisfaction, en lui disant que sa soeur ne pourrait pas le faire ou ne le ferait pas aussi bien, etc. Profitez-en pour la désigner en exemple à sa petite soeur toutes les fois où c'est possible. Elle retrouvera ainsi sa place d'aînée pouvant servir de modèle à sa soeur. Elle se sentira alors investie d'une responsabilité qu'elle assumera volontiers. En plus, vous aurez dans votre fille aînée une aide appréciable et précieuse sur laquelle vous pourrez compter et avec qui vous pourrez instaurer un dialogue.

Cela est d'autant plus important que le comportement de cette enfant montre qu'elle est consciente de vos difficultés à gérer seule votre famille. A travers vos difficultés, elle s'interroge sans doute sur son avenir de femme et de mère, craignant de reproduire le même schéma que le vôtre et se sentant impuissante à vous soulager dans votre tâche. D'autre part, pour pallier l'absence de son père et structurer sa personnalité féminine, il serait bon qu'elle trouve un substitut masculin qui fasse autorité et qui pourrait être un grand père, un oncle, un responsable spirituel ou autre. Peut-être pourriez-vous confier de temps en temps votre fille à une famille amie, où se trouve un «vrai» chef de famille qui remplisse le mieux possible son rôle de mari et de père. Votre fille aurait ainsi une référence et pourrait élaborer, dans sa tête, une image de famille possible pour son avenir personnel.

Profitez du privilège que vous avez de faire partie de la famille dont Dieu est le Père (Eph. 2, 19 et 3, 15), pour vous faire aider, soutenir, écouter sans avoir honte ni de votre situation familiale, car Dieu en est le Maître et veut l'utiliser pour Sa gloire, ni de votre demande d'aide. En retour vous trouverez sans doute les occasions d'apporter votre aide à quiconque en aura besoin, car les situations difficiles développent des capacités de sensibilité, de volonté, d'ingéniosité précieuses à partager.

Dominique Dirrenberger

AVENEMENT Décembre 1993 No 66 / P 28

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