Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Sciences: quelles frontières ?

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Les affaires récentes, comme celle des «Mères porteuses» ont montré les lacunes du système législatif. Les projets gouvernementaux ont été préparés, en France, l'hiver dernier, quand Edith Cresson était encore Premier Ministre. Jack Lang, porte-parole du gouvernement de l'époque, avait résumé: «ces textes font entrer le corps humain dans le Code civil».

 

Pour l'essentiel, retenons que, juridiquement, une fois accepté le recours à la PMA (ou procréation médicalement assistée: don de sperme, don d'ovule, transfert d'embryon), la filiation ne pourra plus être remise en cause alors que, de fait, la PMA introduit une rupture entre filiation biologique et filiation sociale.

D'autre part, au nom du principe selon lequel le corps humain ne peut être «mis à disposition» ni commercialisé, les contrats de mère porteuse sont déclarés illégaux par le projet.

Celui-ci encadre également le recours aux tests génétiques qui, par analyse de l'ADN, donne l'identité génétique d'un individu: ces tests pouvant confirmer (ou infirmer) la déclaration de paternité et générer des querelles familiales, cette technique ne pourra être utilisée que dans le cadre d'enquêtes judiciaires.

En Suisse, le cheminement est parallèle, les Chambres fédérales stipulant notamment «qu'il ne peut être fait commerce du patrimoine germinal humain et des produits résultant d'embryons» et que «le patrimoine génétique d'une personne ne peut être analysé, enregistré et révélé qu'avec le consentement de celle-ci ou sur la base d'une prescription légale».

Au-delà de cette approche juridique nécessaire, Daniel Arnold, professeur d'éthique à l'Institut biblique Emmaüs de Saint Légier (Suisse), nous apporte un éclairage chrétien.

 

Michel Béghin

 

La science médicale progresse à pas de géant. En une décennie les techniques de procréation se sont multipliées, et des interventions fondamentales dans le patrimoine génétique de l'individu sont attendues pour demain. Alors que les bébés «éprouvette» sont devenus monnaie courante, l'homme «fait-sur-mesure» pointe à l'horizon.

Sur le plan de la morale, devons-nous accueillir ces progrès techniques avec enthousiasme, réserve, crainte, tristesse ou horreur? Marche royale, arrêt ou marche arrière? Le corps médical et scientifique a été confronté le premier à ces questions.

Devant l'absence de toute législation, chacun a avancé selon ce qui lui semblait bon, mais depuis quelques années, les autorités, saisies par différents cris alarmistes, ont cherché à édicter les voies à suivre. Tant en France qu'en Suisse, 1992 marque un premier aboutissement, puisque le 25 mars, un projet de loi a été adopté par le gouvernement français visant à protéger le corps humain, et le 17 mai le peuple suisse s'est prononcé sur un article constitutionnel empêchant certains abus des techniques de procréation.

Si les spécialistes ont de la peine à dominer le débat éthique, qu'en est-il du simple citoyen pour qui les termes de fécondation in vitro, d'embryons surnuméraires, de transferts d'embryons, voir même de mères porteuses, sont entourés de flou et d'incompréhension? La rapidité des progrès techniques est difficile à suivre et la multiplicité des possibilités engendre la confusion. Rester à jour exige un effort certain.

La difficulté principale réside pourtant ailleurs. Elle vient de la confusion morale de notre société. C'est l'absence d'un système éthique solide qui est à la base du désarroi général. Il y a un demi-siècle, Jean-Paul Sartre avait pressenti que le rejet de Dieu entraînerait un chaos éthique. Selon lui, il était impossible de garder une morale laïque tout en rejetant Dieu. Ainsi écrivait-il qu'il est très gênant que Dieu n'existe pas, car avec lui disparaît toute possibilité de trouver des valeurs dans un ciel intelligible («L'existentialisme est un humanisme», 1946, p. 35-36). Si Dieu n'existe pas, tout est permis. La logique du rejet de Dieu est dramatique. La confusion morale d'un monde rebelle aux valeurs divines en est le triste témoin.

Face aux questions bioéthiques d'aujourd'hui, l'éclairage divin est plus nécessaire que jamais. Il mérite d'être relevé dans trois domaines en particulier: celui de l'homme, du couple et du monde.

Concernant l'homme, la Bible affirme que tout être humain est créé à l'image de Dieu. Quel contraste avec la vision athée où l'homme n'est que le produit du hasard. Si l'évolutionnisme ne peut reconnaître que des valeurs relatives et entièrement liées au stade de développement, les

Ecritures parlent en termes absolus et situent la valeur de l'homme au niveau de son essence. Ce n'est pas le développement qui prime, mais la nature. Ainsi quant à la valeur, la supériorité de l'homme sur les animaux, vient fondamentalement du sceau divin. Dès sa conception, l'homme est «image de Dieu». Homme ou femme, blanc ou noir, libre ou esclave, éduqué ou analphabète, riche ou pauvre, adulte ou enfant, déjà né ou encore dans le sein maternel, tout homme dès la conception est un être humain à part entière.

De tout temps, l'Eglise a lutté en faveur des déshérités, de ces méprisés que certains voulaient exclure de la famille humaine. Aujourd'hui, la catégorie sociale la plus menacée est celle des enfants à naître. Si l'avortement entre dans la logique de l'athéisme - moins un être est développé, moins il a de valeur - il est totalement exclu de la pensée chrétienne. Jamais un être humain innocent ne peut être mis à mort. Tout avortement est un meurtre.

Ces propos sur la valeur de toute vie humaine orientent aussi notre attitude face à certaines techniques procréatives. Un des critères fondamental relatif à toute opération médicale concerne la sécurité du patient. Si l'insémination artificielle ne semble pas présenter de risque pour l'enfant à naître, la situation est toute autre pour la fécondation in vitro et le transfert d'embryon («Fivete»). Pour tout le processus, le taux de réussite varie, selon les estimations, entre 10% et moins de 1%. Selon les calculs les plus favorables, seul un enfant sur dix arriverait à terme! Autant dire que le risque énorme lié à ces interventions devrait les rendre aujourd'hui inacceptables pour quiconque respecte l'être humain dès la conception. Sur ce plan, la protection proposée par les nouvelles lois tant en France qu'en Suisse est de loin insuffisante, puisque la «Fivete» n'y est pas totalement interdite.

Le deuxième domaine à considérer est celui du couple. Pour Dieu, les conjoints sont appelés à former une unité indissociable que ni l'adversité ni la maladie ni la pauvreté ni la stérilité ne peuvent rompre. Faire appel à du sperme étranger, ou à des ovules étrangères ou à une mère porteuse, c'est ouvrir le couple à des tiers. Le chrétien ne peut jamais s'y résoudre.

Toutefois, il veillera à ne pas condamner ces pratiques aussi durement que les avortements. Certes, meurtres et adultères étaient placés sur le même plan par la loi divine révélée à Moïse, les deux délits étant sanctionnés par la peine capitale. L'appel à des tiers n'est, cependant, pas assimilable à l'adultère car l'alliance conclue lors du mariage n'est pas vraiment violée, mais plutôt abaissée mutuellement par les deux conjoints.

Dans le passé, des hommes de Dieu ont eu recours à des tiers pour se procurer une descendance. Bien que ces attitudes n'aient jamais entraîné le courroux de l'Eternel, elles n'étaient pas pour autant dans sa volonté, et l'histoire témoigne des situations douloureuses engendrées par ces pratiques. L'exemple le plus clair est celui d'Abraham et de Sara qui se sont servis d'Agar pour avoir une descendance. Au travers du conflit israélo-arabe, le monde souffre encore aujourd'hui de leur erreur.

Le troisième domaine sur lequel il est utile de se pencher est le monde. Le chrétien peut-il intervenir de manière «artificielle» dans le processus de la procréation? L'Eglise catholique s'est toujours opposée à toute ingérence dans la nature. Le chrétien doit respecter l'ordre créé par Dieu. Ainsi la planification des naissances ne peut se faire que par des moyens «naturels», telle la méthode des températures.

Ce respect absolu de l'ordre naturel semble excessif. Certes, le monde a été créé par Dieu, et le ciel et la terre témoignent de la grandeur et de la perfection de Dieu (Rom. 1, 19-20). Ce même monde est pourtant aussi marqué par la chute, et la création toute entière agonise des conséquences du péché (Rom. 8, 1922). Ainsi, le monde est beau et laid en même temps . Comme une peinture lacérée au couteau par un anarchiste, ou la façade d'une belle demeure sprayée par un déboussolé, la création est entachée par la chute.

Le chrétien doit respecter l'oeuvre première de Dieu, mais il doit aussi chercher (dans la mesure de ses faibles moyens) à gommer les perversions de la chute. Respecter la création, c'est accepter les limites données par Dieu lors de la création. Ainsi le rêve de certains esprits de développer des techniques médicales pour permettre à l'homme (le futur papa) «d'être enceinte et de porter un embryon» n'est que folie humaine. Par contre, lutter contre la stérilité ou toute autre maladie, c'est refuser de plier le genou devant les effets de la chute. Assuré d'être dans le plan de Dieu, le chrétien peut se donner à cette tâche de tout coeur, mais sans y placer tous ses espoirs. La rédemption totale ne viendra qu'avec la nouvelle création. En attendant, sa consolation vient de la certitude que Dieu accorde, ici et maintenant, la force de traverser toutes les difficultés de la vie.

Pour résumer, nous pouvons affirmer qu'une intervention dans le système procréatif n'est pas nécessairement mauvaise. Seuls les abus doivent être condamnés: orgueil de l'homme à se prendre pour un dieu (certains médecins aimeraient faire croire qu'ils peuvent créer la vie), risque énorme de certaines techniques («Fivete»), ingérence de tiers (sperme et ovule étrangers, mère porteuse).

Le chrétien est toujours pour la vie, et s'il est parfois contre certaines méthodes procréatives, c'est uniquement parce que ces méthodes sont moins porteuses de vie que de mort, qu'elles soulagent moins de souffrances qu'elles n'en créent. Un progrès technique n'est pas synonyme de progrès pour l'humanité. Ayons le courage de le dire et de faire, parfois, marche arrière.

Daniel Arnold

AVENEMENT Juin 1992 No 46 / P 16

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