Faute de mesures volontaristes pour enrayer le réchauffement de la Terre, la planète - pays riches et pauvres confondus - s'expose dans les décennies à venir à des inondations, famines, épidémies et autres catastrophes "naturelles".
Cette sombre mise en garde émane d'un rapport destiné aux décideurs et publié à Genève. Il est l'oeuvre du Comité inter- gouvernemental des Nations unies sur les changements climatiques (IPCC), qui rassemble depuis 1990 plusieurs centaines de scientifiques de par le monde qui s'intéressent à ce phénomène.
Ces experts prédisent une fonte des glaciers et de la calotte polaire, la disparition de nombreuses espèces animales et végétales, la désertification de terres arables, la destruction de barrières de corail et l'engloutissement sous les eaux d'îles du Pacifique et des Caraïbes situées juste au-dessus du niveau de la mer.
Ce scénario-catastrophe au niveau écologique, contenu dans ce rapport d'un millier de pages, ne restera pas aussi sans effet majeur sur les économies du XXIe siècle, avertit l'Onu.
"Les changements climatiques dans les régions polaires devraient être parmi les plus importants enregistrés sur la Terre; d'importantes conséquences au plan physique, écologique et économique ne devraient pas tarder à se faire sentir", lit-on dans ce document dont les conclusions été avalisées cette semaine à Genève lors d'une réunion conjointe d'experts de l'IPCC et de responsables d'une centaine de pays.
Ce rapport, accompagné d'un document intitulé "Résumé destiné aux décideurs", est le deuxième d'une série de quatre qui doivent être publiés cette année.
Déjà irréversibles
Le premier, publié en janvier à Shanghaï, observait un réchauffement de l'atmosphère plus important que l'IPCC ne l'avait d'abord prévu. Il citait des paroles d'experts sur l'existence de preuves concluantes attribuant ce phénomène à l'homme (par utilisation de carburants fossiles, pollution industrielle, déforestation et assèchement de marais).
En mars à Accra (Ghana), le troisième rapport examinera ce qui peut être fait pour ralentir le processus et aider les hommes, ainsi que la faune et la flore, à s'adapter à des changements déjà irréversibles.
Enfin en septembre, la dernière étude de l'IPCC assemblera toutes les conclusions et recommandations dans un document majeur qui devrait, espèrent scientifiques et défenseurs de l'environnement, inciter les gouvernements à passer à l'action.
L'IPCC n'est pas exempt de critiques au sein même de la communauté scientifique, où certains affirment qu'il n'existe pas de preuves irréfutables sur un réchauffement inhabituel de la planète.
Ses détracteurs proviennent aussi des industries fabricant ou utilisatrices de combustibles polluants comme le charbon et le pétrole, et des Nations unies où certains vont jusqu'à laisser entendre que le comité d'experts relève d'un "complot" visant à installer un gouvernement mondial de bureaucrates internationaux...
Selon des diplomates qui ont participé aux travaux à huis-clos de Genève la semaine dernière, l'Arabie saoudite, premier exportateur mondial d'hydrocarbures, aurait ainsi retardé l'adoption du "Résumé pour décideurs" en contestant chaque paragraphe du projet.
L'Afrique en première ligne
Mais la plupart des scientifiques, y compris ceux extérieurs au cercle de l'IPCC, reconnaissent que ses travaux de ces dix dernières années ont, dans les faits, clos le débat sur la réalité du phénomène du réchauffement climatique et fait avancer le problème en direction des mesures nécessaires à prendre pour le combattre.
Quant aux partisans de l'IPCC, ils espèrent que ces documents encourageront les gouvernements à redoubler d'efforts, après l'échec de la conférence de La Haye, en novembre 2000, sur un accord en vue de réduire les émissions de gaz toxiques dues à l'"effet de serre".
Le rapport publié à Genève met également en garde les Etats-Unis - où les sceptiques espèrent trouver des appuis solides au sein de la nouvelle administration Bush, proche des lobbies pétroliers du Texas - sur le fait qu'ils n'échapperont pas, eux aussi, à une recrudescence d'"événements extrêmes" (inondations, cyclones, etc.) très coûteux en termes économiques.
Quant à l'Afrique, déjà le continent le plus déshérité de la planète, elle sera la plus vulnérable aux conséquences, dans les années à venir, du réchauffement de la Terre. Les épidémies risquent de se multiplier, notamment dans ses immenses mégalopoles situées sur le littoral et qui risquent, de surcroît, d'être englouties par la montée des eaux.
(Reuters) ajouté le 21/02/2001