Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Biosphère 2: vraiment étrange...

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Désert de l'Arizona, 50 km au Nord de Tucson: des pyramides tronquées de verre et d'acier, disposées en cascade au pied des Monts Catalina, scintillent au soleil. Elles abritent, sur 15 000 M2, l'expérience écologique, en vase clos, la plus ambitieuse de tous les temps. Son nom: BIOSPHERE 2, référence à la Terre (considérée comme Biosphère 1) dont cet Eden, fabriqué de mains d'homme, se veut la réplique miniature. Carl Hodges, Directeur de laboratoire à l'Université d'Arizona, déclare: «avec un tel écosystème, entièrement fermé, on va pouvoir mieux comprendre la vie sur la Terre». De fait, sous ces immenses cloches de verre absolument étanches, dont le sol est constitué de plaques d'acier et de béton, sont reconstitués et juxtaposés sept biotopes fondamentaux. On y trouve une forêt, une savane, des marécages, des rivières, un océan (avec vagues et marées artificielles), un désert et une ferme (cultures potagères et petit élevage). Trois mille huit cents espèces végétales et animales des cinq continents, judicieusement sélectionnées, s'y côtoient.

Huit personnes, pompeusement nommées «biosphériens» ou «bionautes», ont été choisies, en fonction de leur expérience scientifique et de leur endurance physique, pour vivre dans «la bulle», hors du monde, pendant deux ans. Entrés le 25 septembre dernier, ils ne devraient en sortir qu'en septembre 1993. Tous célibataires, ils sont vêtus d'une combinaison rouge propice à entretenir un climat de science-fiction très médiatique. Cette équipe, triée sur le volet, comprend quatre hommes et quatre femmes ayant accepté de remplir toutes les fonctions hiérarchiques et d'exercer toutes les tâches. Le chef, un ingénieur électricien, a 44 ans. Le plus âgé, un médecin gérontologue de 67 ans, veille sur la santé de tous et dispose d'un bloc opératoire. Quand on interroge les «bionautes» sur leurs relations mutuelles intimes, ils répondent évasivement et précisent que le seul interdit concerne les naissances. L'une des équipières déclare: «il serait injuste d'exposer des enfants à un milieu expérimental dont on ne connaît pas tous les risques»...

Les cycles de l'eau et de l'air, ainsi que le recyclage des déchets fonctionnent dans Biosphère 2 selon le modèle naturel. La brume et la pluie, le vent, les vagues et les marées sont provoqués d'étonnante façon. Quand on découvre, en sous-sol, toute la «machinerie» nécessaire pour en assurer le fonctionnement, on est surpris. Il n'y faut pas moins d'une centrale électrique au gaz naturel de 5,5 Mégawatts, 90 km de tuyauteries en tunnels, plus de 200 moteurs, 100 pompes, 60 ventilateurs, 60 épurateurs, 5000 capteurs électroniques de surveillance... Des condensateurs règlent l'hygrométrie et des volets l'intensité du rayonnement solaire à travers les parois vitrées. Deux chambres extérieures d'expansion, dotées d'énormes membranes de caoutchouc, permettent d'encaisser l'impact volumétrique des brusques variations de température diurnes et nocturnes et donc d'éviter l'explosion ou l'implosion de «la bulle». Sage précaution dans le climat du désert.

Tout cela, on le devine, est très onéreux. On en estime le coût final à 750 millions de FRF. Les investisseurs, dont nous parlerons plus loin, ne sont pas mûs, loin s'en faut, par les seuls objectifs scientifiques. Ils entendent bien, indépendamment des retombées technologiques commerciales à long terme, faire fructifier l'affaire sur le champ. Ainsi, près de mille touristes par jour sont accueillis sur le site; au prix de 10 dollars, ils peuvent observer, à travers les vitres, ce qui se passe à l'intérieur du «vaisseau écologique». On les conduit ensuite au «Visitor's Center» où leur sont proposés, à la vente, le catalogue souvenir, des tee-shirts et autres gadgets à l'emblème de la maison. Il y a aussi, et surtout, les droits demandés à la Presse pour effectuer des reportages in situ. La chaîne de télévision française Antenne 2 a payé 25 000 dollars le tournage de son émission du 10 octobre 1991!

La «Space Biosphère Venture» (SBV), société privée propriétaire et gestionnaire de l'entreprise, tient l'essentiel de ses fonds de Edward Bass, magnat texan du pétrole, possesseur d'immenses domaines dans le monde et sponsor de plusieurs projets écologiques. Il est lui-même tout dévoué à l'initiateur-concepteur de Biosphère 2: John Allen, un curieux personnage. Qu'on en juge. Celui-ci, auteur de pièces de théâtre sous le pseudonyme de Johnny Dolphin, dirige d'abord une usine de traitement d'uranium. Dans les années 1970, il devient gourou de la communauté «Synergia», au Nouveau Mexique. Il s'agit d'un phalanstère réunissant des fervents du bouddhisme et de la numérologie qui se déguisent en animaux et interprètent des pièces de science-fiction signées... J. Dolphin et relatant des voyages sur la planète Mars. Edward Bass, adepte de la secte, subissait la forte influence de son gourou, au point que, selon les révélations d'une ancienne disciple, ce dernier allait jusqu'à le molester (détail paru dans le journal texan local «Star Telegram»). Le concepteur de Biosphère 2, John Allen, s'inspire d'abord de «l'hypothèse Gaïa» émise en 1910 par le géologue russe Vernadsky et popularisée au cours des années 1970 par James Lovelok, médecin-ingénieur de la NASA. Selon eux, la Terre serait le plus grand organisme vivant auto-suffisant. Un tout, dont nous sommes des composants d'atomes périssables... Ensuite, l'ex-gourou de «Synergia» est convaincu que notre civilisation moderne court à sa perte. Il s'agit donc, pour lui, de préparer «l'élite d'une nouvelle civilisation planétaire», apte, en cas de guerre nucléaire ou de cataclysme écologique mondial, à émigrer sur des «refuges» installés ailleurs, dans le système solaire. Dans ces «sanctuaires de l'espace», se développeraient des «formes de vie supérieure» susceptibles de venir repeupler la Terre «quand les cieux auraient commencé de s'éclaircir». Les «bionautes» se présentent comme les mutants potentiels des générations à venir. Ces thèmes sont exposés dans le «Biosphère Catalog» vendu aux visiteurs du centre expérimental. Il en ressort un double objectif avoué:

 

1. Disposer d'un puissant modèle d'études d'écologie fondamentale, destiné à préciser et à contrôler les facteurs intervenant dans le fragile équilibre de l'écosystème terrestre.

2. Contribuer à la conquête de l'espace par la mise au point d'environnements clos permettant à l'homme de coloniser la Lune et Mars dans un proche avenir.

 

La Space Biosphère Venture a financé, à hauteur de 20 millions de dollars, la création d'un «Institut d'études Biosphériques» qui n'est, en réalité, qu'un banal laboratoire d'écologie au sein de l'Université de Yale. Prestige usurpé, car, parait-il, ses diplômes n'ont pas de valeur vraiment reconnue. Aujourd'hui, rares sont les scientifiques américains qui défendent le projet. Ce qui se dit à l'Université d'Arizona est significatif. Son vice-président concède: «si cela peut aider à mobiliser les gens aux problèmes de l'environnement, pourquoi pas?» Le Directeur du Département des terres arides lâche: «toute cette histoire m'horripile, c'est une véritable foutaise!». Quant à la NASA, elle juge le projet «trop ambitieux et, d'emblée, trop complexe». Certains, à juste titre, vont jusqu'à qualifier l'expérience de «délire Nouvel Age déguisé en pseudo-science»! N'annonçait-on pas, début novembre, que la teneur en CO2 devenait alarmante à l'intérieur de «la bulle»: six fois celle existant, en moyenne, dans l'atmosphère! Au point qu'on évoquait déjà l'arrêt de l'aventure ... D'ailleurs, un mois plus tard, l'atmosphère sous la «bulle» étant devenue irrespirable, une injection de 15 000 m3 d'air frais extérieur dut être pratiquée d'urgence. Echec flagrant de l'autonomie annoncée sur deux ans!

Pour conclure, deux réflexions s'imposent. D'abord, quand on mesure le degré de perfection des phénomènes naturels qui régissent la vie sur notre Terre depuis qu'elle existe, on ne peut que s'écrier, comme David: «0 Dieu, Tes oeuvres sont admirables, et mon âme le reconnaît bien!» (Psaume 139, 14). Une impressionnante machinerie, coûteuse, complexe, délicate, éphémère, est nécessaire, dans Biosphère 2, pour essayer de reproduire très imparfaitement quelques cycles essentiels à l'équilibre de l'écosystème qui, à l'extérieur, forgé par les mains du Créateur, fonctionne seul... Ensuite, cette expérience typiquement Nouvel Age révèle une ancestrale perversion du coeur humain: vouloir faire son bonheur et son salut sans Dieu. Biosphère 2 ne vise-t-il pas à être, en même temps, un Eden, une Arche de Noé et une Babel du XXIe siècle? John Allen, son initiateur, devine bien que nous allons à une catastrophe planétaire. Mais il ignore que quelques hommes, fussent-ils «une élite», ne rétabliront pas, ici-bas, ce que l'écrasante majorité des autres détruit, dans son aveuglement. Nul vaisseau spatial ne pourra soustraire des privilégiés au jugement universel qui vient. Moins encore leur permettre de trouver asile ailleurs dans le cosmos, car tel n'est pas le plan divin. Quand l'emprise du mal sera à son comble, le Seigneur Lui-même enlèvera Ses élus à Sa rencontre, dans les airs (l Thessaloniciens 4, 17). Puis, au «Jour de Dieu», la Terre sera détruite, les cieux enflammés se dissoudront, les éléments embrasés se fondront. Alors, viendront «le ciel nouveau et la nouvelle Terre où la justice habitera» (2 Pierre 3, 12-13). Jésus a promis de nous y préparer une place et, a-t-il précisé, «il y a plusieurs demeures dans la maison de Mon Père» (Jean 14, 2).

Telle est l'espérance chrétienne. La nôtre. Tout le reste n'est qu'illusion trompeuse.

Henri Gras

AVENEMENT Février 1992 No 38

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EXPÉRIENCE: Les huit hommes et femmes qui participaient à l'expérience «Biosphère 2» (notre photo) sont sortis de la bulle de verre dans laquelle ils étaient entrés il y a 2 ans (voir L'AVENEMENT n°38). Sous le couvert de la science, un milliardaire texan avait tenté de créer un Eden artificiel. Les huit «cobayes» n'ont rien voulu dire de leurs relations pendant cette vie «autarcique». Ils n'ont surtout pas révélé s'ils en ressortaient plus heureux.

AVENEMENT Novembre 1993 No 65

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