Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Mère Sofia: l'instrument de Dieu

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- Mère Sofia ouvre son coeur à la liberté de l'autre

- Vêtue d'une robe bleue et d'une veste en cuir, mère Sofia vit avec les blessés de la vie à Lausanne. Elle a créé le "parachute", lieu de prévention, sans drogue ni alcool, pour les jeunes vivant avec le Sida et / ou motivés pour vivre différemment.

Elle a lancé "macadam journal", le journal des sans-abri, en Romandie.

Elle a ouvert le "sleep-in", une unité d'accueil située aux anciens abattoirs de Lausanne, qui héberge des personnes de tous horizons à un prix modique.

Elle est l'instrument de Dieu, son coup de coeur va au respect de l'autre, ses coups de gueule, entre autres à la rigidité de l'Etat et au regard étatique des églises.

 

Mère Sofia, quelles sont vos trois priorités ?

1. Laisser la place à l'être humain, quel qu'il soit et tenir compte de son niveau spirituel.

2. Accepter l'être et ne pas vouloir qu'il soit autre chose que ce que Dieu a voulu.

3. Le partage. Le rôle de l'Eglise est d'être le premier témoin du partage. Genève crée un ministère sida et nomme une personne. Ça veut dire quoi? (Mère Sofia s'anime). Je ne suis pas contre la personne mais contre l'église qui va sereposer totalement sur «une» personne alors que tous les pasteur(e)s devraient faire des séminaires ad hoc et Dominique Roulin devrait être la coordinatrice.

 

Vous êtes moniale orthodoxe, pouvez-vous illustrer la démarche que cela implique?

Dieu est Un, mais ceux qui viennent à lui proviennent d'horizons divers. Chacun se sent à l'aise dans son église et est libre avec Dieu. Les béatitudes sont l'axe de l'orthodoxie. Dieu a donné aux affamés, renvoyé les riches les mains vides, donné la place aux opprimés, élevé les petits, etc. L'orthodoxie enseigne à tout être humain le principe de l'économie, c'est-à-dire le pardon et la miséricorde; accepte que chacun soit comme il est. Cette phrase traduit bien ce que je ressens: « La vie et la mort sont dans les mains de Dieu. Le Seigneur a dit: «Cherchez le royaume de Dieu et sa justice et tout cela vous sera donné de surcroît» (Mat. 6, 35).

Certains détracteurs vous accusent de faire du social. Ils disent qu'il n'est point besoin d'être soeur et mère pour faire ce que vous faites, votre avis ?

J'ai reçu un ministère d'aumônière de rue par mon église en la personne de l'Evêque Metropolit Dasmaskinos. Je rencontre mon frère et ma soeur blessés; l'instrument que j'utilise, c'est d'offrir un toit, une assiette, un couvert, couronnés par la prière et l'office. Je ne suis que l'instrument de Dieu, Lui est notre parure. A partir de là, que mes détracteurs me jugent, bien que seul Dieu puisse juger. Je cite Luc 6, 36-39: « Tu ne jugeras point». Le danger de la dimension verticale consiste en ce que, afin de nous enfoncer en Dieu, nous oubliions notre frère et notre soeur. Le danger de la dimension horizontale consiste en ce que nous oubliions Dieu sous prétexte de servir notre frère et notre soeur.

 

Quelles aides peuvent vous apporter les chrétiens ?

La prière, rien que la prière. Elle peut tout, c'est fondamental. Ils peuvent aussi ne pas juger.

 

Qu'est-ce que la prière pour vous ?

Employer des mots très simples. Les Psaumes sont aussi une prière. Comme de lire l'Evangile, de s'y ressourcer, de l'intégrer, d'en faire une nourriture. L'âme se nourrit comme le corps mais elle le fait de Dieu. Que faire quand Dieu ne répond pas à nos prières? Il le fait toujours mais nous avons un regard très humain sur la prière. Dans l'accompagnement des personnes vivant avec le sida, j'ai beaucoup appris à lâcher prise. Dieu vient quand je lui fais de la place.

Propos recueillis par Doris Dillmann

AVENEMENT Janvier 1995 No 79 / P 17

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