Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Colson: Watergate, prison et foi 1991

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L'ANCIEN COLLABORATEUR DE RICHARD NIXON, À LA MAISON BLANCHE, SE TROUVAIT À ZÜRICH, LE MOIS DERNIER, POUR ACTIVER LA BRANCHE SUISSE DU MOUVEMENT «PRISON FELLOWSHIP». CHARLES COLSON ÉTAIT IMPLIQUÉ DANS LE SCANDALE DU WATERGATE AU MOMENT MEME OU IL DÉCOUVRAIT LA VRAIE VIE EN JÉSUS-CHRIST. CETTE EXPÉRIENCE L'A RAPPROCHÉ DE LA SOUFFRANCE DES DÉTENUS AUXQUELS IL VEUT APPORTER ESPOIR ET SOULAGEMENT. MAIS SON MINISTERE AUPRES DES PRISONNIERS NE L'EMPECHE PAS DE GARDER UN REGARD LUCIDE SUR LES HOMMES POLITIQUES DE SON PAYS ET SUR LA SITUATION INTERNATIONALE, COMME LE PROUVE CETTE INTERVIEW RÉALISÉE POUR L'AVENEMENT PAR GERD STENGER.

 

'AVENEMENT.- Charles Colson, vous vous êtes humilié pour ce que vous avez fait pendant l'affaire du Watergate. Pourquoi exactement?

 

Charles Colson: A l'époque, pendant l'affaire du Watergate, je pensais que je n'étais pas responsable de ce qu'on me reprochait, mais en réalité, j'étais responsable du climat moral qui a conduit à l'excès de pouvoir qu'était le scandale du Watergate, dont beaucoup ne se souviennent même pas. Mais j'ai plaidé coupable précisément parce que j'étais devenu chrétien: j'avais donné ma vie à Jésus-Christ pendant l'été 1973, il y a juste 18 ans. Il y a eu beaucoup de publicité autour de moi, justement devenu candidat. J'étais considéré comme l'un des plus durs de l'équipe Nixon, surnommé le «bourreau de la Maison Blanche»... Je fis la une des journaux et de la télévision, je commençai à recevoir beaucoup de courrier, et je réalisai que ma foi était mise à rude épreuve. Au lieu de faire face à un procès, un jour j'allai chez le magistrat et dis que j'allais plaider coupable sur ce que j'avais fait. Et le magistrat, comme toujours dans ces cas-là, a accéléré les choses.

 

L'AVENEMENT: Quel fut le verdict?

Charles Colson: 1 à 3 ans de prison

 

L'AVENEMENT: Pour quelles raisons exactement?

Charles Colson: Techniquement cela s'appelle «entrave à la justice» à l'encontre de Daniel Esberg qui avait volé les papiers du Pentagone. Cette affaire importante n'était pas vraiment le scandale du Watergate, mais c'était une des affaires qui gravitaient autour.

 

L'AVENEMENT: En vous accusant, est-ce que vous en imaginiez les conséquences ou est-ce que vous espériez vous en sortir?

Charles Colson: Oh non, je savais que je méritais la prison. Mais j'étais tout à fait tranquille. Je réalisais que si j'allais en prison, Dieu aurait un plan pour ma vie, un plan que je suivrais. Et c'est ce qu'Il a fait, quand je regarde en arrière. La prison est ce qui m'est arrivé de meilleur. Et, en cela, je suis d'accord avec Soljenitsine. Soljenitsine a passé 10 ans au goulag soviétique et il a écrit: «Bénie sois-tu, prison, de faire partie de ma vie». Car, sur ma paillasse, j'ai réalisé que le sens de la vie n'est pas dans le bien-être, comme on veut bien nous le faire croire, mais dans le mûrissement de l'âme. Peut-être que cette affirmation sonnera étrangement aux oreilles de ceux qui vivent dans une culture matérialiste, comme en Suisse, en Europe de l'Ouest ou aux Etats-Unis. Le but de la vie est vraiment le mûrissement de l'âme et pour découvrir cela, j'ai dû, comme Soljenitsine, aller en prison.

 

L'AVENEMENT.- Pensez-vous que, depuis le Watergate, il y a plus de morale en politique, ou bien les hommes politiques ont-ils une pratique plus habile?

Charles Colson: Depuis le Watergate, pour ce qui est des Etats-Unis, la politique est devenue bien moins morale. Nous avons scandales sur scandales. Mais la raison n'est pas la présence de 2 ou 3 pommes pourries qui infecteraient le panier tout entier. La cause, c'est la nature fondamentale de l'être humain: c'est un pêcheur... Cela en choquera sans doute quelques-uns parce que chacun pense que l'homme est bon. Le problème est qu'en Occident, nous avons séparé nos convictions religieuses de notre manière de vivre. Nous avons coupé la religion de la vie. Dans les années 60, on disait que «Dieu est mort» aujourd'hui peut-être qu'«Il revit», mais seulement pour l'intimité. L'augmentation des scandales, financiers, politiques et autres, est la conséquence directe de cet abandon des croyances religieuses.

 

L'AVENEMENT.- Vous connaissez George Bush?

Charles Colson: Oui je l'ai rencontré récemment, nous avons pris le petit-déjeuner ensemble. Le vice-président Quayle, un chrétien sincère, est un de mes bons amis. Je connais aussi très bien de nombreux membres du Sénat et du Congrès. Mais je passe surtout mon temps à visiter les prisons, mon appel est de travailler dans les prisons. Et j'ai découvert dans l'histoire que Dieu agit du bas vers le haut plutôt que l'inverse.

 

L'AVENEMENT: Précisément quelle est votre action avec les prisonniers?

Charles Colson: Nous avons actuellement 3000 personnes dans le monde qui travaillent pour «Prison Fellowship», et par exemple aux Etats-Unis, il y a 40 000 bénévoles qui correspondent avec 49 pays. C'est un très, très gros travail, et personnellement, je n'ai plus autant le temps de m'en occuper: j'écris tous les jours pour un programme radio et je dois rédiger des articles de journaux deux fois par mois. Mais quand j'ai le temps, pendant les week-ends, je fais des visites dans les prisons et, franchement, ça me réjouit.

 

L'AVENEMENT: Revenons au président Bush: on le dit chrétien comme on l'a dit aussi de Ronald Reagan. Est-ce vrai ou est-ce une attitude pour gagner des voix ?

Charles Colson: C'est une combinaison des deux. Tous les hommes politiques entrent en service en posant la main sur la Bible. Puis la plupart d'entre eux agissent en fonction de ce qui paye le plus, politiquement. Et je comprends qu'en Europe certains soient cyniques à l'égard des politiciens américains. Si vous voulez, nous avons une «religion civile» qui confond notre drapeau et la croix. Mais je connais personnellement George Bush et c'est un fidèle des cultes anglicans. En parlant récemment avec lui, il m'a dit que sa foi personnelle était sérieuse et profonde. Billy Graham a eu beaucoup d'entretiens avec lui. Je n'ai pas le moindre doute: il est sincère, chrétien engagé. Quant au vice-président Quayle, je le connais depuis des années, c'est un chrétien évangélique né de nouveau. Il a une grande foi et il est profondément engagé. Mais je ne peux pas parler de Ronald Reagan, je ne l'ai pas connu. Je peux parler de Richard Nixon, et pour sûr, ce n'était pas un chrétien engagé. Mais Bush et Quayle sont pour moi des encouragements.

 

L'AVENEMENT: Beaucoup de chrétiens aux Etats Unis estiment que la politique du nouvel ordre mondial est d'inspiration ténébreuse...

Charles Colson: J'ai entendu parler de cela, mais je n'y ai pas porté attention car le «nouvel ordre mondial» pour George Bush n'est qu'un slogan politique et je ne crois pas qu'il veuille dire autre chose.

 

L'AVENEMENT: Pouvez-vous nous donner plus de précision sur votre engagement en Russie?

Charles Colson: Bien sûr. J'ai été invité en URSS par le gouvernement soviétique, il y a un an et demi, avec une délégation de personnalités américaines, des élus du Congrès et des responsables du système pénitencier. Nous avons visité 5 prisons, parmi lesquelles la célèbre «Perm 35» en Sibérie pour les prisonniers politiques: Chtcharansky et de nombreux autres dissidents y ont été détenus; c'est le camp le plus célèbre pour les prisonniers politiques en URSS. Dans la même région on nous a montré la «Perm 29», une prison générale et une prison pour femmes.

Nous avons rencontré le Ministre des Affaires intérieures et il nous a tout montré et nous avons pu parler avec les prisonniers. . . et c'était intéressant. Il a reconnu que, sans changements, le système politique allait s'effondrer. Je suis revenu d'Union soviétique en avril 1990, et dans des interviews à la presse américaine, je déclarai que Gorbatchev ne survivrait pas, et cela parce qu'il maintenait un système corrompu de privilèges pour les bureaucrates pendant que le peuple continuait à ne rien avoir. Mais en lui accordant plus de liberté, il a permis au peuple de saisir cette différence, ce qui signait sa propre chute.

Ils ont aussi essayé d'éliminer toute influence religieuse, mais ils n'y sont pas parvenus. Pendant la parade du 1er mai 1990, un prêtre orthodoxe a surgi sur la Place Rouge et a élevé un crucifix de 2 mètres en s'écriant: «Mikhaël Gorbatchev, le Christ est ressuscité» et la foule autour de lui a repris: «il est vraiment ressuscité». Ils n'ont donc pas pu freiner la foi.

Et tout ce qui vient de se passer est étonnant, c'est à nous couper le souffle, mais c'était presque prévisible.

Entretien Gerd Stenger

AVENEMENT Octobre 1991 No 32

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