Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Les Esséniens

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Quelle était la position des Esséniens vis-à-vis de l'Écriture Sainte, et que contenait leur littérature?

FREDI WINKLER - Les Esséniens se considéraient comme gardiens de l'héritage divin, tel qu'il a été transmis dans la Thora, les cinq livres de Moïse (le Pentateuque). Pour eux, le cinquième de ces livres, celui du Deutéronome, jouait un rôle particulièrement important, du fait que le sens des commandements et leur mise en pratique y sont exposés avec insistance. En outre, il y a là des affirmations uniques figurant dans l'Ancien Testament relativement à la future installation d'un sanctuaire central par Dieu et à la désignation de la tribu de Lévi ainsi que des sacrificateurs comme mandataires de Dieu. Étant donné que les Esséniens appartenaient à la descendance de la famille sacerdotale, ces textes étaient d'une très grande importance pour eux. C'est pour cette raison également que l'on découvrit à Qumran de nombreuses copies du Deutéronome.

En deuxième lieu, il y avait dans la communauté de Qumran les livres prophétiques qu'ils considéraient, contrairement aux sadducéens, comme canoniques. Précisément dans ce cinquième livre, il est question de manière unique du prophète qui vient, à qui tous doivent obéissance (Deut. 18, 15-18): «L'Éternel, ton Dieu, te suscitera du milieu de toi, d'entre tes frères, un prophète comme moi: vous l'écouterez!» La prophétie, avec son explication, était un des principaux thèmes de la littérature de Qumran. Il n'est dès lors pas étonnant que le livre d'Esaïe, le plus important des livres prophétiques, était tellement prisé par les Esséniens. Une de ses copies était le rouleau le mieux conservé de l'ensemble des manuscrits trouvés. En outre, on découvrit des vestiges de tous les livres de l'Ancien Testament, à l'exception du livre d'Esther, une confirmation supplémentaire de leur attitude hostile à l'égard des Macchabées, qui introduisirent ce livre. L'absence des deux livres des Macchabées manifeste également cette position. Les Esséniens reconnaissaient certes le combat des Macchabées pour la libération nationale, mais ils condamnaient comme sacrilège leur prise illégale de la fonction de souverain sacrificateur. Outre les écrits appartenant aujourd'hui à l'Ancien Testament, ils appréciaient la littérature religieuse du judaïsme d'alors, qui ne fut pourtant jamais reprise dans le canon de l'Ancien Testament. Il y avait là traités des thèmes comme le temps de la fin et l'Apocalypse. Le calendrier de 364 jours, avec son application dans le service du Temple, occupait une place extrêmement importante; mais il y avait également une littérature considérable concernant le bâtiment du Temple et le service des sacrifices, des enseignements sur les anges, les esprits et les démons ainsi que des psaumes et autres écrits pieux. Les textes sur les règlements intérieurs de la communauté avec leurs ordonnances strictes ont contribué à comprendre la particularité de cette congrégation de Qumran. Quelques-uns des manuscrits découverts là étaient déjà connus par d'autres sources et ne faisaient pas partie de la littérature des Esséniens, mais bien de la littérature pieuse en général. Bon nombre des écrits révélés seulement après les découvertes de Qumran ne semblent pas non plus être spécifiquement esséniens, car les Esséniens ne se considéraient pas comme des novateurs, mais plutôt comme des conservateurs de ce qui était ancien. Les livres de l'Ancien Testament constituaient pour eux la norme à respecter, et tout ce qui n'y correspondait pas était rejeté.

Quelques écrits typiquement esséniens proviennent du «maître de la justice» lui-même, mais la plupart ne sortirent qu'après sa mort en l'an 110 avant Jésus-Christ et étaient rédigés par son successeur, alors que le temps de la fin attendu n'était pas encore arrivé. Il en résulta des réflexions et un changement de pensée, ce qui conduisit à une forme d'organisation plus stricte afin de prévenir une dispersion de la communauté.

Des oeuvres existantes furent retravaillées et réinterprétées. Des nouveaux commentaires plus détaillés sur les prophètes virent le jour. Ce développement conduisit à un isolement supplémentaire du courant principal du peuple juif, isolement existant déjà de par l'existence du calendrier particulier des fêtes; la participation aux cultes des sacrifices devenait ainsi impossible pour les Esséniens.

Pour ces descendants des familles de sacrificateurs, cela constituait évidemment un grand dilemme. Il s'agissait donc de donner une nouvelle signification spirituelle aux décrets et ordonnances concernant le culte des sacrifices, plus élevée et meilleure que la précédente, cependant en accord avec les anciennes définitions. C'est ainsi que se forma une nouvelle «théologie» avec sa propre terminologie, pionnière de la théologie du Nouveau Testament dans beaucoup de domaines, théologie dans laquelle il était donné un nouveau sens spirituel aux actes du culte de l'ancienne Alliance, notamment comme types de l'oeuvre de la rédemption accomplie par Jésus-Christ sur la croix.

Sur base de ces ressemblances, on a souvent affirmé que les Esséniens étaient comme des véritables «chrétiens d'avant-garde», ce qui évidemment n'était pas le cas. La terminologie théologique de la communauté de Qumran a plutôt contribué à attribuer à l'Évangile de jean - parfois considéré comme non juif, parce qu'empreint de l'esprit grec - sa véritable valeur comme écrit juif dans la tradition essénienne.

Grâce aux découvertes de Qumran, nous avons aujourd'hui une image plus globale du climat spirituel qui régnait dans le judaïsme au temps du deuxième Temple, immédiatement avant la venue de Jésus-Christ.

© Nouvelles d'Israël Mars 2001