Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Les premiers chrétiens et le métier des armes

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NDLR: Merci à Thierry Murcia pour cette excellente étude.

Un chrétien peut-il être soldat ? cette question s'est très tôt posée au sein du christianisme. Une seule fois dans le Nouveau Testament, elle est clairement énoncée. Des militaires s'approchent de Jean le Baptiste et demandent :

"Et nous, que nous faut-il faire ?" Il leur dit : "Ne faites ni violence ni tort à personne, et contentez-vous de votre solde." Luc III, 14.

Ce passage fera l'objet de diverses interprétations mais on notera que Jean le Baptiste ne demande à aucun moment aux soldats de cesser leur activité mais uniquement de la pratiquer avec justice. Se contenter de sa solde signifie : ni extorsion, ni pillage. Ne faire ni violence ni tort signifie : ne pas abuser de son pouvoir, ne pas torturer ou violer par exemple. En somme, le soldat peut rester soldat. Et de fait, tuer un étranger en temps de guerre n'a jamais été considéré comme un homicide dans l'Ancien Israël, mais comme un simple fait d'armes.

Lorsque Jésus soigne le serviteur du centurion, il admire sa foi mais ne lui fait aucun reproche sur son statut et ne lui demande à aucun moment d'en changer (Matthieu VIII, 5-13 ; Luc VII, 2-10; Jean IV, 46-54). La même remarque peut être faite au sujet du centurion Corneille qui, à la suite de sa conversion, se fera baptiser par Pierre (Actes X, 1-8, 17-48).

Certes Jésus a bien dit : "Tous ceux qui prennent l'épée périront par l'épée" (Matthieu XXVI, 52). Mais il s'agit d'une parole de sagesse, non d'une interdiction formelle de porter l'épée. D'ailleurs, c'est sur ses propres recommandations que les disciples, du moins au moment de l'arrestation à Gethsémani, étaient armés (Luc XXII, 36, 38). Et porter une arme, comme chacun sait, induit la possibilité de s'en servir. En cette occasion justement, tandis que les disciples sont dans l'incertitude "faut-il frapper du glaive ?" (Luc XXII, 49), Pierre tire l'épée de son fourreau et blesse grièvement le serviteur du Grand Prêtre à l'oreille (Matthieu XXVI, 51 ; Marc XIV, 47 ; Luc XXII, 50 ; Jean XVIII, 10). Mais Jésus montre alors clairement qu'il n'est pas pour l'usage de la force (Matthieu XXVI, 52 ; Luc XXII, 51 ; Jean XVIII, 11). Pourtant, le Maître avait également dit :

"N'allez pas croire que je sois venu apporter la paix sur la terre ; je ne suis pas venu apporter la paix, mais bien le glaive". Matthieu X, 34.

Mais tout est question de contexte et cette parole ne doit pas être prise ici au premier degré. Il faut au contraire la comprendre de façon métaphorique, le glaive désignant ici la séparation, la déchirure occasionnée par la nouvelle religion, comme les versets suivants le montrent de façon suffisamment claire.

Pour être contre la violence, les Evangiles nous rapportent que Jésus en a fait au moins une fois usage lors de l'épisode des marchands du Temple. Il renverse alors les tables des changeurs et des marchands et les chasse après s'être "fait un fouet avec des cordes" (Jean II, 15), ce qui n'est pas rien. Même si ce n'est pas une épée et qu'il n'est, dans son usage normal, pas destiné à donner la mort, le fouet reste en effet un instrument dangereux.

Le soldat évidemment, de par sa fonction même, peut être amené à donner la mort. Les textes les plus anciens en notre possession montrent cependant qu'il y eut très tôt des chrétiens dans l'armée. La conversion au christianisme n'entraînait que rarement la démission de celle-ci. L'armée était alors permanente et professionnelle et fondée sur le volontariat. Le service, auquel le soldat s'engageait par serment, était de 20 ans pour le légionnaire et de 25 pour l'auxiliaire. Celui qui entrait dans l'armée devait d'abord jurer fidélité à l'empereur. Tertullien nous apprend qu'à son époque (la fin du IIe siècle) les chrétiens étaient nombreux dans tous les corps de métiers, y compris dans l'armée, et il utilise l'argument pour répondre aux païens qui disaient que les chrétiens étaient "des gens inutiles pour les affaires" (Apologétique, XLII, 3). Le nombre de fidèles dans l'armée était si important à la fin du IIIe siècle qu'elle fit l'objet, sous le règne de Dioclétien, d'une tentative d'épuration et, comme l'écrit Eusèbe de Césarée :

"Ce fut parmi les frères qui étaient dans les armées que commença la persécution (...) On put voir un très grand nombre de ceux qui étaient aux armées embrasser très volontiers la vie civile pour ne pas devenir des renégats de la religion du créateur de l'univers. Car lorsque le chef de l'armée, quel que fût celui qui l'était alors, entreprit la persécution contre les troupes, en répartissant et en épurant ceux qui servaient dans les camps, il leur donna le choix ou bien, s'ils obéissaient, de jouir du grade qui leur appartenait, ou bien, au contraire, d'être privés de ce grade, s'ils s'opposaient à cet ordre (1). Un très grand nombre de soldats du royaume du Christ préférèrent, sans hésitation ni discussion, la confession du Christ à la gloire apparente et à la situation honorable qu'ils possédaient."

Histoire ecclésiastique, VIII, I, 7 et IV, 2, 3.

De nombreux soldats chrétiens furent alors dégradés mais demeurèrent cependant dans l'armée. Beaucoup d'autres, alors que le mouvement d'épuration atteignait son paroxysme, furent de surcroît mis à mort et, d'après certaines sources, une légion composée pour une bonne partie de chrétiens, et à laquelle Saint Maurice appartenait, aurait à cette époque été victime d'une décimation (1 soldat sur 10 mis à mort). Plusieurs Saints du calendrier, alors qu'ils étaient soldats, subirent ainsi le martyre pour avoir refusé de prendre part à des sacrifices païens. On peut déjà citer quelques noms : Acace, Achille et Nérée, Léonce, Théodore d'Amasée, Vivien qui sera condamné à mourir de froid avec une quarantaine d'autres légionnaires, mais la liste complète serait en réalité beaucoup plus longue et difficile à établir. Certains mêmes étaient officiers : Maurice déjà cité, Marcel, Sébastien, Serge, Théodore d'Héraclée, Victor...

A la fin du IIIe siècle, le nombre des légionnaires chrétiens était si conséquent qu'il est bien évident que la plupart d'entre eux n'étaient pas devenus chrétiens après s'être engagés, mais qu'ils l'étaient déjà au moment de le faire. Nous savons par exemple que Saint Sébastien, qui occupera un poste à responsabilité et subira le martyre, est entré dans l'armée alors qu'il était chrétien. Mais son cas n'est pas isolé. En effet, si un soldat qui se convertissait à la nouvelle religion pouvait demeurer dans l'armée, on tolérait également la plupart du temps, du moins au IIIe siècle, qu'un chrétien s'engage dans celle-ci, même si la chose semble alors avoir été plutôt mal considérée. Hippolyte de Rome écrit en effet vers 215 apr. J.-C. :

"Que les nouveaux venus qui se présentent pour entendre la parole soient d'abord amenés aux docteurs avant que le peuple n'arrive (...) Qu'un gladiateur ou quelqu'un qui apprend aux gladiateurs à combattre (...) ou un officier public qui s'occupe des jeux de gladiateurs cesse ou qu'on le renvoie (...) A un soldat qui se trouve auprès d'un gouverneur, qu'on dise de ne pas mettre à mort. S'il en reçoit l'ordre, qu'il ne le fasse pas. S'il n'accepte pas, qu'on le renvoie.

Que celui qui possède le pouvoir du glaive ou le magistrat d'une cité, qui porte la pourpre, cesse ou qu'on le renvoie.

Si un catéchumène ou un fidèle veut se faire soldat, qu'on le renvoie, car il a méprisé Dieu."

La Tradition apostolique, XVI.

La position de Tertullien, qui écrit vers 205 apr. J.-C., n'est pas moins ferme :

"Il s'agit en ce moment de savoir si un Chrétien peut servir dans l'armée ; si un soldat des derniers rangs, qui ne se trouve jamais dans la nécessité de sacrifier aux dieux, ou de prononcer des peines capitales, peut être admis dans l'Eglise (...) Mais comment le soldat combattra-t-il, comment même servira-t-il pendant la paix, s'il n'a pas d'épée ? Or, le Seigneur a brisé l'épée. Il est bien vrai que les soldats se rendirent auprès de Jean et reçurent de sa bouche la règle qu'il fallait observer ; il est bien vrai que le centurion eut la foi ; mais toujours est-il que le Seigneur, en désarmant Pierre, a désarmé tous les soldats. Rien de ce qui sert à un acte illicite n'est licite chez nous".

De l'Idolâtrie, XIX.

Vers 211 apr. J.-C., alors qu'il commence à se détacher de la grande Eglise et s'imprègne peu à peu de l'hérésie montaniste, Tertullien est tout aussi catégorique :

"Croyez-vous qu'il soit permis à un Chrétien d'ajouter au serment fait à Dieu le serment fait à un homme, et de s'engager à un autre maître quand il s'est engagé au Christ ? (...) Lui sera-t-il permis de vivre l'épée à la main, quand le Seigneur a déclaré que "quiconque se servait de l'épée, périrait par l'épée ?" Ira-t-il au combat le fils de la paix, auquel la dispute n'est même pas permise ? (...) Toutefois, autre chose est de ceux que la foi est venue trouver plus tard sous le drapeau : ainsi de ceux que Jean admettait au baptême ; ainsi des fidèles centurions que Jésus-Christ approuve et que Pierre catéchise, pourvu cependant qu'après avoir embrassé la foi, et s'être engagé à la foi, on quitte la milice, comme plusieurs l'ont pratiqué, ou du moins que l'on prenne garde de toute manière de commettre contre Dieu des choses que ne permet pas même le service militaire ; ou enfin que l'on souffre jusqu'à l'extrémité pour Dieu (...) Ainsi la milice est permise, d'accord, mais jusqu'à la couronne exclusivement."

De la couronne du Soldat, XI.

Origène qui écrit vers 240 apr. J.-C. n'est, tout comme ses prédécesseurs, pas favorable à la carrière des armes :

"Mais voici encore ce qu'on pourrait dire aux étrangers à la foi qui nous demandent de combattre en soldats pour le bien public et de tuer des hommes (...) Plus que d'autres nous combattons pour l'empereur. Nous ne servons pas avec ses soldats, même s'il l'exige, mais nous combattons pour lui en levant une armée spéciale, celle de la piété, par les supplications que nous adressons à la divinité."

Contre Celse, VIII, 73.

Le combat du chrétien, en effet, doit être spirituel :

"Pendant que d'autres combattent en soldats, ils combattent comme prêtres et serviteurs de Dieu; ils gardent pure leur main droite, mais luttent par des prières adressées à Dieu pour ceux qui se battent justement et pour celui qui règne justement, afin que tout ce qui est opposé et hostile à ceux qui agissent justement puisse être vaincu."

Contre Celse, VIII, 73.

Mais par ces paroles mêmes, Origène admet donc la notion de "guerre juste" comme il le dit d'ailleurs en autre endroit alors qu'il compare la société des hommes à celle des abeilles :

"Peut-être même ces sortes de guerres des abeilles sont-elles un enseignement, pour que les guerres parmi les hommes, si jamais il le fallait, soient justes et ordonnées."

Contre Celse, IV, 82.

Cette notion de "guerre juste", et même de meurtre légitime, sera reprise et développée par Saint Augustin :

"Mais cette même autorité divine a établi certaines exceptions à la défense de tuer l'homme. Quelquefois Dieu ordonne le meurtre soit par une loi générale, soit par un commandement temporaire et particulier. Or, celui-là n'est pas moralement homicide, qui doit son ministère à l'autorité ; il n'est qu'un instrument comme le glaive dont il frappe. Aussi n'ont-ils pas enfreint le précepte, ceux qui, par l'ordre de Dieu, ont fait la guerre ; ou, dans l'exercice de la puissance publique, ont, suivant ses lois, c'est-à-dire suivant la volonté de la plus juste raison, puni de mort les criminels (...) Hors de ces exceptions où le meurtre est ordonné soit par une loi générale et juste, soit par un ordre exprès de Dieu, source de toute justice, celui qui tue ou son frère ou lui-même est tenu du crime d'homicide (...) Mais je le demande, convient-il aux gens de bien de se réjouir de l'accroissement de leur Empire ? Car les progrès en sont dus à l'injustice de leurs ennemis, qui a provoqué de justes guerres (...) Ainsi, guerroyer, dompter les nations, étendre son Empire est aux yeux des méchants une félicité, aux yeux des bons une triste nécessité ; or comme il serait encore plus triste que les auteurs de l'injure devinssent les maîtres de ceux qui l'ont reçue, il n'est pas sans raison d'appeler bonheur une victoire juste ; mais nul doute que le bonheur ne fût plus grand de vivre dans l'union avec un bon voisin que de briser l'épée d'un mauvais."

La Cité de Dieu, I, XXI et IV, XV.

Origène a rédigé son Contre Celse à Alexandrie dans les années 240 apr. J.-C. On aurait pu croire, en le lisant, que de son temps les chrétiens refusaient de servir dans l'armée. Mais si cela correspondait sans aucun doute alors au voeu de beaucoup d'entre eux, dont les plus érudits et bien évidemment les prêtres, on peut voir que dans les faits, la réalité était tout autre. Nous avons déjà cité Tertullien, mais nous disposons d'autres témoignages. Eusèbe de Césarée, par exemple, nous a conservé le souvenir du martyre du soldat Basilide qui, après avoir pris la défense d'une chrétienne :

"Sans avoir attendu longtemps, fut déféré pour un motif quelconque, à un serment par ses compagnons d'armes. Il déclara fortement qu'il ne lui était absolument pas permis de jurer, qu'il était chrétien et qu'il le confessait ouvertement (...) Il eut la tête coupée."

Histoire ecclésiastique, VI, V, 5, 6.

L'action se situe dans la 1ère moitié du IIIe siècle, entre 200 et 250 apr. J.-C. au plus tard, à Alexandrie, c'est-à-dire à l'époque et dans la cité d'Origène. Basilide est chrétien, il assume parfaitement son statut de soldat mais refuse de jurer par les dieux, ce qui reviendrait à apostasier. Il est donc exécuté. En 248 apr. J.-C., Dèce lance une vaste opération : tous les citoyens sont appelés à sacrifier aux dieux devant les magistrats. Une commission est chargée de surveiller l'opération et de délivrer des certificats de "conformité" (on a retrouvé un certain nombre de ceux-ci en Egypte). Ceux qui refusent de sacrifier sont mis à mort. Toujours à Alexandrie, quelques soldats chrétiens qui prennent partie pour les victimes sont exécutés (Histoire ecclésiastique, VI, XLI, 16, 17). Mieux, alors qu' "une escouade complète de soldats" encourageait un chrétien à ne pas apostasier, ceux-ci avouèrent finalement qu'ils étaient chrétiens eux aussi et furent également mis à mort (Histoire ecclésiastique VI, XLI, 22, 23). Plusieurs autres soldats subirent le même sort en Egypte, sous la persécution de Dèce, selon une lettre d'un témoin oculaire (Denys d'Alexandrie) conservée par Eusèbe (Histoire ecclésiastique, VII, XI, 20). Bref, l'affirmation d'Origène qui dit que, de son temps, les chrétiens ne servaient pas dans l'armée est largement démentie par les faits. Il y eut au contraire de nombreux soldats chrétiens à son époque et dans sa ville même, pour ne compter que ceux qui subirent alors le martyre à Alexandrie. Nous ne pouvons de plus nous référer qu'aux cas des soldats chrétiens ayant effectivement été condamnés, c'est-à-dire uniquement à ceux ayant sous la contrainte, ou de façon spontanée, confessé leur foi.

A partir de la fin du IIe siècle, les chrétiens sont donc déjà nombreux dans l'armée mais ils restent discrets. Tant qu'il ne leur est pas demandé de sacrifier aux dieux, ou de jurer par eux, ce qui constituerait une forme d'apostasie, ils se soumettent aux règles de la discipline militaire. Certains pourtant, plus zélés que d'autres, vont plus loin en refusant jusqu'aux distinctions militaires, comme la couronne ou le cep de vigne, considérés comme idolâtriques. Mais ces ardents défenseurs de la foi font plutôt figure d'exception, et Tertullien d'ailleurs, le déplore assez (vers 211 apr. J.-C.) :

"Voici ce qui arriva les jours passés. Les très-puissants empereurs distribuaient des largesses dans le camp. Les soldats se présentaient la couronne de laurier sur la tête. L'un d'eux, plus soldat de Dieu, plus intrépide que tous ses compagnons, "qui s'imaginaient pouvoir servir deux maîtres", se distinguait de tous les autres, parce qu'il s'avançait la tête nue, et tenant à la main sa couronne inutile, manifestant ainsi qu'il était chrétien (...) Aussitôt voilà mille jugements sur son compte. Viennent-ils des Chrétiens ou des païens ? je l'ignore ; car les païens ne tiendraient pas un autre langage. On en parle comme d'un étourdi, d'un téméraire, d'un désespéré qui cherche la mort et qui, interrogé sur son extérieur, a mis en péril le nom chrétien, comme s'il n'y avait que lui de brave, comme s'il était le seul chrétien parmi tant de compagnons !"

De la couronne du Soldat, I.

Eusèbe de Césarée rapporte un autre cas survenu à Césarée en 262 apr. J.-C. qui offre quelques points de ressemblance avec le précédent :

"Marin, qui était parmi les hommes honorés de hautes fonctions dans les armées et qui était distingué par sa race et par sa fortune, a la tête coupée pour le témoignage du Christ, pour le motif suivant. Chez les Romains, le cep est un insigne de dignité, et ceux qui l'obtiennent deviennent, dit-on, centurions. Une place étant vacante, l'ordre de l'avancement appelait Marin à ce grade, et déjà il allait recevoir l'insigne de cette dignité, quand un autre, s'avançant devant l'estrade, déclara qu'il n'était pas permis à cet homme d'avoir part à une dignité romaine, selon les lois anciennes, parce qu'il était chrétien et ne sacrifiait pas aux empereurs, mais que le grade lui revenait à lui-même."

Histoire ecclésiastique, VII, XV, 1, 2.

Contrairement au cas précédent cependant, on notera qu'ici le soldat chrétien aurait sans aucun doute accepté la fameuse distinction s'il n'avait pas été dénoncé et sommé de choisir entre le paganisme et sa foi. Mais dans un cas comme dans l'autre, on remarquera surtout que le métier des armes n'est à aucun moment remis en cause pour lui-même, et semble tout au contraire parfaitement accepté.

De tout cela il ressort que pour les auteurs chrétiens les plus anciens s'étant exprimés sur ces questions, un chrétien ne devait pas s'engager dans l'armée, mais qu'un soldat qui se convertissait gardait la possibilité de finir son service. Le militaire chrétien ne devait cependant à aucun prix jurer par les dieux ou leur sacrifier, ce qui aurait équivalu à une apostasie. Pour Tertullien de surcroît, un soldat chrétien devait impérativement refuser toute distinction militaire, comme la couronne ou le cep de vigne par exemple, considérés comme idolâtriques par les chrétiens les plus stricts. L'armée n'était en effet pas uniquement condamnée parce qu'elle remettait en cause l'idéal chrétien de non-violence que parce qu'on pouvait y être amené à pratiquer certains rites païens alors considérés comme absolument inconciliables avec la foi chrétienne. Mais comme en fait, Jésus lui-même et les Apôtres à sa suite n'avaient rien décidé de précis touchant cette question particulière, on se référait assez souvent à la position du Baptiste qui fit ainsi jurisprudence. C'est pourquoi de nombreux chrétiens, peut-être mal catéchisés (?), continuèrent-ils de s'engager dans l'armée au moins à partir de la fin du IIe et durant tout le IIIe siècle. Au IVe siècle en tout cas, avec l'augmentation massive du nombre de chrétiens, la christianisation de l'Empire romain et la pression croissante des peuples barbares aux frontières, l'abstention totale apparaîtra vite comme irréalisable. C'est alors, qu'avec Saint Augustin, la notion de "guerre juste" finira par s'imposer...


Note :

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(1) Il leur était ordonné de sacrifier à l'empereur ou aux dieux, ce qu'un chrétien ne pouvait faire sans apostasier.

 

(T. Murcia) ajouté le 25/3/2003

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