par
Jean-Marc DAUMAS
En 381, il y a
plus de trois siècles que les chrétiens essaient de répondre à la
question posée sur le chemin de Césarée :
« Au dire des
gens, qui suis-je, moi le Fils de l'homme ? » (Mt 16: 13)
La réponse à cette
question cardinale: la Christologie - la réflexion sur la personne du
Christ - existait donc depuis les premiers jours de l'Église. Mais elle
fut aiguillonnée par la seule grande hérésie, l'arianisme, qui donnera
au dogme christologique une réalité textuelle dans le Symbole de Nicée
(325), ratifié au Concile de Constantinople (381), dont nous
commémorons l'anniversaire.
L'idée-mère du
prêtre égyptien, Arius (250-336) est celle du Dieu unique : « Nous
croyons en un seul Dieu». Il part de cette intuition profonde de
l'Unicité transcendante de Dieu pour arriver à nier la divinité du
Fils, en passant par les médiations suivantes :
- Dieu est seul
éternel, sans principe. Il n'y a pas de pluralité en Dieu.
- Le Fils n'est
pas inengendré ou incrée, il a été tiré du néant.
- Avant d'être créé,
il n'était pas, il a commencé d'exister par la volonté de Dieu avant les
siècles.
- Le Fils est une
créature hétérogène et subordonnée au Père.
Ainsi toute la
divinité est donnée au Père seul, toute l'humanité aux hommes ; le
Christ est un être intermédiaire entre les hommes et Dieu, ni homme, ni
Dieu.
Ce premier conflit
christologique, surgi dans le clergé d'Orient au IVe siècle,
s'accélérera pour éclater en crise ouverte en Occident où l'arianisme
est religion d'État des Goths. C'est dire l'ampleur de ce drame arien
qui démembrera l'Église jusqu'au VIIe siècle.
Pour endiguer
cette interrogation dévastatrice qui met en péril l'Église et l'Empire,
Constantin convoque pour le 20 mai un Concile oecuménique (230 évêques
présents) à Nicée, petite ville d'Anatolie, en Asie Mineure. Le synode
excommunie Arius et proclame le Fils consubstantiel (homoousios) au
Père, en parfaite unité d'essence avec Lui. Ce mot consubstantiel sera
comme le résumé de la foi menacée par les ariens, il tracera la ligne
de partage entre les orthodoxes (nicéens) et les partisans d'Arius.
Dix ans après
Nicée, l'arianisme, entrant par la petite porte du pluralisme
séducteur, s'installe dans le peuple pour devenir religion dominante.
C'est la déchirure de la chrétienté ! En 330, les évêques ariens
déposent Eustathe, le président du Concile de Nicée ; en 335, c'est le
tour d'Athanase d'Alexandrie (295-373), le champion de l'orthodoxie. Le
tout culmine en 360 dans un Concile tenu à Constantinople, qui rejette
Nicée et proclame la foi arienne.
Les ariens, très
insolitement, perdent rapidement du terrain : ils s'épuisent dans leurs
propres divisions. Faute de cohésion et de stabilité, la balance penche
résolument du côté de leurs adversaires nicéens, bien que les empereurs
aient été plutôt ariens. L'atout de l'orthodoxie est le soutien de
théologiens de grande classe, en Orient principalement, la triade des
grands cappadociens : Basile de Césarée, Grégoire de Nysse et Grégoire
de Nagianze, en Occident, Ambroise de Milan.
En 361, Constance
meurt, c'est le début de l'effritement arien (sauf sous le règne de
Valens en Orient, qui permettra une recrudescence de l'hérésie
arienne). En 379, Théodore, d'Orient, convoque pour mai 381, à
Constantinople, un second Concile qui sera reconnu comme oecuménique.
Le nec plus ultra en théologie nicéenne, la christologie d'Athanase
trouvera son expression textuelle dans le Symbole que le Concile va
officialiser et qui est connu sous le nom de Nicée-Constantinople.
Cette confession de foi complète celle du premier Synode. La théologie
objective d'Athanase apparaît dans ce nouveau texte par l'insistance
répétée des événements historiques du salut. Contre les marcionites
(leur Dieu, qui n'est pas le Dieu créateur, est une divinité peu
personnalisée, lointaine, qui ne s'approche pas réellement des hommes),
il est précisé que le Père est le créateur du ciel et de la terre. La
christologie athanasienne donne des indices objectifs précis en jouant
sur les deux registres de sensibilité culturelle: pour les païens, il y
a la précision: sous Ponce Pilate ; pour les juifs, le selon les
Écritures met en lumière de vérité la proclamation « Le Christ est
ressuscité ». Il est indiqué par ailleurs que Jésus est né de la Vierge
Marie. Contre les pneumatomaques et les macédoniens (qui refusent la
pleine divinité à l'Esprit), il y a un long développement sur l'Esprit
appelé Seigneur et qui règne. Il est précisé que l'Esprit procède du
Père (et non du Père et du Fils, selon l'addition du filioque de Tolède
en 589, puis de Gentilly en 767, qui se maintiendra en Occident).
L'actualité de
Nicée-Constantinople est évidente: si Jésus-Christ n'est pas Dieu et
homme, l'oeuvre de rédemption perd toute sa réalité. C'est toute la
question du salut qui est en jeu. Au plus, Jésus-Christ est Dieu, grand
Seigneur, au plus il peut être notre Sauveur. Et c'est la formule-choc
d'Athanase : « Le Verbe, qui est Dieu, s'est fait homme pour que
l'homme devienne Dieu». Cette outrance de langage ne fait qu'approcher
la démesure de la folie de Dieu pour le salut du monde.
J-M. D.
Nous croyons |
Brève présentation
Ces conciles
s'occupèrent surtout des questions concernant la Trinité : la nature
divine, les relations entre le Père, le Fils et le Saint-Esprit et
l'Incarnation. On y forgea des confessions de foi.
Les deux premiers
conciles ont insisté sur la pleine divinité du Christ et ont formulé la
doctrine de la Trinité :
- 1er CONCILE DE NICÉE, 325, en Bithynie, convoqué par Constantin.
-Condamnation d'Arius (Christ = un être créé). Symbole de Nicée : le Christ est consubstantiel, un en essence (homoousios) avec le Père.
- 2 ème CONCILE DE CONSTANTINOPLE, 381 :
-ratifié la condamnation d'Arius
-homologué le symbole de Nicée
-précisé la doctrine sur le Saint-Esprit. Il est Dieu, au même titre que le Père et le Fils.
Les quatre conciles suivants se sont attachés à définir l'humanité du Christ et à expliquer l'union, en une même personne, de la nature humaine et de la nature divine :
-3 ème CONCILE D'EPHESE, 431, convoqué par l'empereur Théodose Il :
-a condamné Nestorius (= les deux natures dans le Christ sont distinctes, sans influences de l'une sur l'autre a précisé la doctrine de l'incarnation ;
-a canonisé l'expression theotokos (mère de Dieu) appliquée à Marie dans le but de sauvegarder l'unité de la personne du Christ : vrai Dieu et vrai homme.
4 ème CONCILE DE CHALCEDOINE, 451, convoqué par l'empereur Marcien:
-renouvelé la condamnation de Nestorius ;
-élaboré une définition dogmatique sur les deux natures unies en Jésus-Christ «sans confusion et sans changement», contre les monophysites (= la nature divine submerge ce qui est humain), « sans division et sans séparation» contre les nestoriens.
5 ème CONCILE DE CONSTANTINOPLE (II), 553, sous Justinien, appelé aussi concile des Trois Chapitres :
-a précisé (contre Appolinaire et Eutychès) la notion de personne divine : le Fils est une seule personne mais a deux natures.
6 ème CONCILE DE CONSTANTINOPLE (Il!), 680-681 :
a précisé davantage la christologie, contre les monothélites (= nouvelle forme de monophysisme : deux natures, une seule personne, donc une seule volonté. C'est une attaque de la plénitude de l'humanité du Christ : une nature sous-humaine sans volonté humaine ne serait qu'une nature incomplète, une simple abstraction), ce concile a affirmé l'existence en Jésus-Christ de deux volontés : divine et humaine, correspondant aux deux natures.
J-M. D.