Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Les Esséniens

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Quelles étaient les différences les plus significatives entre la communauté de Qumran et le restant du judaïsme?

FREDI WINKLER - Le point le plus important qui a finalement mené à une scission se trouvait dans la différence entre le calendrier, établi sur l'année solaire, de la communauté essénienne et le calendrier lunaire appliqué dans le culte du Temple au temps des Macchabées. Il en est résulté un décalage de dix jours et une autre répartition des jours de tête, rendant ainsi impossible toute marche commune ultérieure. Quelques textes de la Bible donnent à entendre que le calendrier biblique des fêtes et des sacrifices est d'ordre solaire avec un cycle de 364 jours, comme les Esséniens le recommandaient pour avoir été donné par Dieu. L'aspect génial de ce calendrier réside dans le fait que le nombre des jours est divisible par sept et que l'année compte exactement 52 semaines, que l'on peut répartir en quatre groupes. C'est ainsi que l'année - et chaque trimestre également - commence par le même jour de la semaine, un mercredi, et cela parce que c'est au quatrième jour de la création que Dieu a mis le soleil et la lune dans le ciel. Selon ce calendrier, les grands jours de fête et de sacrifice de chaque année tombaient aussi le même jour de la semaine, mais jamais un sabbat, ce qui était absolument exclu par la Thora. On ne sait jusqu'à présent pas comment, dans ce calendrier, la différence avec l'année solaire avec ses 365 1/4 jours a été équilibrée.

Comment s'est-il fait que, dans le Temple à Jérusalem, le calendrier lunaire babylonien ait été appliqué? Probablement dans la ligne de l'hellénisation, qui fit peser une grave menace sur le culte du Temple et la foi judaïque, menace qui fut contenue par les Macchabées. On ne sait cependant pas pour quelles raisons il a été renoncé à un retour au calendrier biblique. Mais c'est précisément ce point qui était de la plus grande importance pour le Maître de la justice et ses fidèles. Ils considéraient comme saints non seulement les jours de fête et de sacrifice ordonnés par Dieu, mais aussi la date et le jour exact de la semaine selon le calendrier donné par Dieu. Ces points de vue différents relativement au temps ont finalement conduit à une cassure complète entre la communauté des Esséniens et le Temple de Jérusalem.

Mais ce développement a mené les fidèles du Maître de la justice dans un dilemme insoluble, d'autant plus qu'ils étaient eux-mêmes des prêtres. Que fallait-il faire des sacrifices qui, dans le culte de l'Ancien Testament, jouaient un rôle central? Il semblerait qu'il n'était pas question de participer au culte du Temple jusqu'à ce que Dieu Lui-même intervienne par la venue du Messie, qui réintroduirait l'ordre ancien. Il importait dès lors de se préparer pour ce moment par une vie de sainteté. Les réunions de prière et les repas en commun selon le rite strict du Temple prirent désormais la place du service du Temple. Les Esséniens se considéraient comme les représentants légitimes des douze tribus d'Israël. Chaque communauté locale d'Esséniens passait pour être un élément constituant du nouveau Temple fait d'êtres humains sur la terre. Les sacrificateurs étaient considérés comme étant le «lieu très saint», les autres membres comme le Temple. Ce Temple «théorique» devait effectuer l'expiation prescrite pour l'ensemble d'Israël, aussi longtemps qu'au Temple à Jérusalem on pratiquait un ordre de culte erroné. Dans le boycott du faux culte des sacrifices, les Esséniens voyaient aussi un accomplissement du message de Malachie pour les derniers jours avant le jugement final, où la puissance du Méchant prévaudrait: «Lequel de vous fermera les portes pour que vous n'allumiez pas en vain le feu sur mon autel? Je ne prends aucun plaisir en vous, dit l'Éternel des armées, et les offrandes de votre main ne me sont point agréables» (Mal, 1, 10). En lieu et place des sacrifices, il y avait maintenant la prière agréable à Dieu selon Proverbes 15, 8: «Le sacrifice des méchants est en horreur à l'Éternel, mais la prière des hommes droits lui est agréable. »

À ce service de la prière pratiqué selon les prescriptions strictes du culte du Temple, seuls les hommes étaient autorisés à participer - comme pour le service du Temple -; contrairement à la synagogue où les femmes aussi pouvaient prendre part, dans une mesure limitée, au déroulement du culte. Ce fait contribua certainement à ce que les profanes considèrent les Esséniens comme une «communauté d'hommes» qui, comme les prêtres et les lévites, se soumettait à une norme de pureté et de sainteté, prescrite dans la Thora pour le service du culte. Ces sévères prescriptions relatives à la pureté ainsi que la peur de souiller le culte menèrent à une division avec le reste du peuple. Malgré cela, le Temple à Jérusalem continua à être pour les Esséniens le sanctuaire central. Ils faisaient leurs prières tournés vers le Temple; ils y enseignaient et faisaient des dons de consécration pour le bâtiment et son merveilleux équipement. Il se peut aussi qu'ils présentaient d'autres offrandes qui n'étaient pas liées au calendrier comme, par exemple, à la naissance d'un enfant ou à l'accomplissement d'un voeu.

Plus le temps passait depuis la fondation de leur communauté sans que s'accomplît leur espoir d'un retour à l'ancien ordre des choses dans le Temple, plus l'espérance de la venue du Messie s'ancrait chez les Esséniens. Ils veillaient, entre autres, à ce que cet espoir reste vivant dans le peuple juif.

Vous pourrez lire dans le numéro suivant: «Quelle était la position des Esséniens vis-à-vis de l'Écriture sainte, et que contenait leur littérature?»

© Nouvelles d'Israël Février 2001