La « cité de David » est au 1er siècle une ville qui abrite quelque 20 000 habitants à l'intérieur de son enceinte et en groupe 5 à 10000 autour d'elle, en dehors des murs. Ceux-ci alignent 2 575 tri environ de fortifications sur les trois côtés qui font face au levant, au couchant et au midi, et Agrippa le, (42-44 après J.-C.) construira au nord une nouvelle muraille, longue de 3 000 à 3 500 m, réunissant ainsi à la cité la partie la plus prospère de sa banlieue. Mais de plus, chaque année, lors de la Pâque, l'afflux des pèlerins venus du monde entier amène dans l'agglomération une population d'appoint qui représente deux ou trois fois celle des résidents.
Le site même de Jérusalem ne favorise guère l'activité industrielle : la pierre est la seule matière première offerte en grande quantité par la nature. L'argile même de la région est de mauvaise qualité. Les métaux d'usage courant et les minerais riches y font totalement défaut.
Mais, surtout, la capitale manque d'eau : la seule source d'important débit est celle de Siloé, au sud de la ville. Aux époques sèches, on achètera cher l'eau à la cruche et, en temps normal, il faut utiliser parcimonieusement celle des citernes et même celle qu'amènent de loin et à grands frais les aqueducs.
Cependant, les belles oliveraies voisines assurent le ravitaillement en huile et un minimum de bois tandis que les troupeaux des monts de Judée, tout proches, fournissent laine et peaux aux tanneurs, aux tisserands traditionnels, aux foulons qui, par feutrage, rendent imperméables les tissus, et aux tailleurs. Nombre des matières premières indispensables à la vie viennent de beaucoup plus loin. Elles sont transformées par d'actives corporations : celles des forgerons, des fabricants de cordages, de toiles de lin et de soie, d'ustensiles ménagers.
La préparation d'onguents et de résines apparaît comme une spécialité de Jérusalem. C'est même là un des métiers de luxe que favorise tout particulièrement la cour d'Hérode le Grand. Elle encourage, outre les parfumeurs, un important artisanat d'art qui a son siège dans la ville haute et assure notamment aux femmes nobles la parure à la mode : une sorte de diadème crénelé qui a nom, étant donné son prix, de « Jérusalem d'or ». Fabricants de sceaux et copistes trouvent eux aussi dans la capitale la clientèle raffinée dont ils vivent. Médecins, alors classés parmi les « artistes », chirurgiens, baigneurs, saigneurs et spécialistes de la circoncision sont nombreux. Barbiers, blanchisseurs et changeurs, très prospères.
Le règne du même Hérode le Grand est aussi la belle époque pour les architectes, entrepreneurs et ouvriers de bâtiment.
Une place toute particulière revient à tous ceux que le Temple fait vivre, qu'ils travaillent à sa restauration et à son entretien ou qu'ils assurent les besoins du culte.
Le négoce né des pèlerinages est profitable à toute la ville et, par le détour du trésor du Temple, le commerce bénéficie de l'impôt annuel et des dons des Juifs de la dispersion aussi bien que de Palestine.
Le Christ et ses apôtres se rangeront dans la classe des pauvres
Ville du roi avec sa cour, ville de Dieu avec son Temple, Jérusalem attirait les détenteurs du capital national : gros négociants, grands propriétaires fonciers, fermiers des impôts et rentiers. Et l'on trouve quelques représentants de ce milieu nanti au sanhédrin, tels Nicodème qui semble avoir été un gros négociant en blé, ou Joseph d'Arimathie, grand propriétaire. La noblesse sacerdotale, riche elle-même, hante ces riches; un grand luxe règne dans les demeures des familles pontificales de la ville haute.
Les simples prêtres appartiennent à la classe moyenne, composée des importateurs, maîtres des entrepôts, commerçants tenant boutique dans les « bazars », artisans ou chefs d'entreprises, fonctionnaires et ouvriers du Temple, hôteliers et aubergistes.
Les pauvres, eux, se répartissent en deux catégories : il y a ceux qui assurent leur entretien par un travail servile et ceux qui vivent de secours.
Les journaliers sont beaucoup plus nombreux que les esclaves qui ne se rencontrent guère qu'à la Cour ou au service des grandes familles. Ils gagnent en moyenne un denier par jour avec la nourriture.
Au premier rang de ceux qui vivent principalement ou totalement de secours, il faut mentionner les scribes auxquels il est interdit de faire payer leurs services; c'est cette prescription que Jésus rappellera à ses disciples : « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement. N'ayez ni or, ni argent, ni menue monnaie dans vos ceintures... » Mais « l'ouvrier a droit à son entretien » (MATTHIEU, chap. 10, vers. 8-10).
Si quelques-uns de ces rabbis étaient prêtres, donc pourvus, ou exerçaient un métier, la plupart vivaient de dons. On verra d'ailleurs le Christ et ses apôtres subsistant de cette manière : de pieuses femmes prennent soin d'eux et consacrent une partie de leurs biens à assurer le nécessaire au collège apostolique.
Il est enfin des nécessiteux moins nobles ou moins recommandables : mendiants de toute sorte, aveugles, sourds, estropiés, boiteux, ou qui simulent de l'être; ils hantent les abords du Temple, comptant ferme sur la conviction répandue que l'aumône est plus méritoire si elle est faite dans la ville sainte. Au nombre de ces malheureux et de ces coquins s'ajoutait celui des parasites, occupés seulement à visiter les familles en deuil ou en liesse, à l'occasion des noces et des fêtes de circoncision et qui tiennent alors table ouverte.
Dans les dernières années avant le siège de 70, beaucoup de gens de cette espèce envahiront Jérusalem; certains formeront même des bandes qui terroriseront la ville, apportant un climat de guerre civile annonciateur de catastrophe.
Georges Daix
En ce temps-là, la Bible No 79