L'histoire fournit maints exemples de cités qui, un temps florissantes métropoles, furent ensuite réduites à un rôle secondaire, avant de disparaître complètement. d'est le cas de Tirsa, pendant un demi-siècle capitale du royaume d'Israël. Jéroboam 1er, (835-910 av. J.-C.), délaissent Sichem, avait choisi d'y résider Baasha (909-886), roi-soldat, vaille à ce qu'elle soit une place forte capable de résister à son voisin du sud, le roi Asa de Juda, aussi bien qu'à celui de l'est : la Syrien. Omri l'abandonna vers 880 avant notre ère, après qu'elle ont été endommagée par la guerre civile. Il voulut habiter la neuve Samarie.
On admet aujourd'hui que le Tell el-Farah, qui se dresse à une douzaine de kilomètres au nord de Sichem, est bien le site de l'antique Tirsa. Comme il en va de la plupart des cités dont l'histoire a retenu le nom, celle-ci a une excellente position stratégique d'où l'on peut surveiller toutes les voies de communication de la région et notamment les gués du Jourdain, vers Galaad. Partout alentour, s'étend une plaine riche et fertile.
Cette situation privilégiée et deux sources abondantes attirent là des occupants dès le 40 millénaire av. J.-C. C'est à la période chalcolithique (qui marque le début de l'utilisation du cuivre : 4000-3200 av. J.-C.) qu'ils s'installent. Vivant dans des huttes grossières, ils creusent alors des fosses, retrouvées bien nettes, pour emmagasiner leurs réserves.
En l'an 3000 avant notre ère (Premier Age du Bronze), Tirsa devient une véritable ville : la surface du tell est aplanie, un rempart la protège. On reconnaît des rues bien droites, le long desquelles les eaux sales sont drainées vers l'extérieur de l'enceinte. Sanctuaire et maisons sont construits en pierres et briques. Vers 2600, la ville est désertée, sous l'effet peut-être d'une épidémie de malaria qui, jusqu'à une époque récente, sévissait à l'état endémique dans cette région. Pendant près de neuf cents ans, l'abandon paraît total. Puis, au XVIlle av. J.-C., en plein Age du Bronze, Tirsa reprend rang de cité : elle devient la capitale d'un petit royaume cananéen. On reconstruit le rempart. On élève un grand bâtiment précédé d'une cour; il fait peut-être office de temple. Non loin de là, les archéologues français ont décelé les vestiges d'un curieux édifice : il s'agit d'un sanctuaire souterrain contenant une quantité imposante d'os de jeunes porcs, offerts en sacrifice à des divinités chtoniennes : celles « de la terre », c'est-à-dire les divinités infernales par opposition à celles « du ciel ». Lors de sa conquête du pays de Canaan, Josué s'emparera de cette nouvelle ville qui échoira à la tribu de Manassé (Josué chap. 12, vers. 7-24). C'est même probablement de ce temps-là que date le nom de « Tirsa » : « celle qui est agréable » ou « agréée » c'est celui d'une des filles de Sélophéhad, en faveur de qui fut défini le droit des orphelines à l'héritage (Nombres, chap. 27, vers. 1 et suivants). Il apparaît cependant que les ruines n'aient pas été sérieusement relevées par les conquérants durant trois siècles.
Mais sous David, puis Salomon, au Xe s. av. J.-C., les familles israélites sont nombreuses à rallier Tirsa. Alors, très vite, chacun jouit là d'une confortable prospérité, décelable aux vestiges de maisons qui sont de construction soignée, dotées d'une cour spacieuse et de plusieurs chambres. A la fin du règne de Salomon, la ville était devenue si importante et si riche que Jéroboam le', roi d'Israël, y fait choix, nous l'avons dit, de sa propre demeure (le, Rois, chap. 14, vers. 17-18).
Bien que le Père de Vaux et son équipe d'archéologues n'aient pas encore identifié le palais de ce roi et de ses successeurs, les recoupements qui localisent le site de Tirsa, les solides lignes de fortification mises à jour au Tell el-Farah et les indices auxquels on reconnaît la richesse de ses habitants d'alors, sont autant de justifications permettant d'affirmer qu'il y eut bien là à cette époque une capitale influente.
Coupée en deux par un « mur de la honte »
Lorsque, cinquante ans plus tard . " le roi Omri lui eut préféré Samarie, à quelques kilomètres au sud-ouest, plus nettement tournée vers le royaume de Juda, Tirsa devint une ville secondaire jamais entièrement rendue à sa splendeur passée.
Toutefois, la proximité même de la nouvelle capitale lui permit de conserver un certain lustre. Mais la cité est alors divisée en deux par un long mur. D'un côté, résidences encore riches, de l'ai les taudis du prolétariat urbain
Percés de larges avenues, les beaux quartiers abritent la maison du gouverneur et le centre administratif. Les demeures particulières sont vastes, bâties en pierres de taille et précédées de cours majestueuses. De l'autre côté de la muraille, le décor change : les ruelles sont encombrées de maisonnettes entassées les unes sur les autres, où les techniques artisanales se perpétuent en un lent déclin.
Coupée en deux par le clivage social, Tirsa ne saura pas résister à l'envahisseur venu de Perse. Vers 721, elle tombera avec Samarie (28 Rois, chap. 17, vers. 5-6). Les Assyriens sont impitoyables. Ravagée, la cité devient littéralement une « ville ouverte ». Une poignée d'habitants des alentours tentent de s'y accrocher; mais, appauvrie par l'occupant, anéantie par la malaria, Tirsa est définitivement abandonnée vers l'an 600 avant notre ère... Jusqu'à ce que les archéologues viennent tirer ce l'oubli, après 25 siècles, cette éphémère capitale d'Israël.
M.-C. HALPERN
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En 1959, les archéologues découvraient à Tirsa les restes de maisons probablement construites au temps où la ville était encore capitale du royaume d'Israël, sous le règne d'Omri. (CI.J.-P. Charlier.)
En ce temps-là, la Bible No 27 pages II-III.