Les conséquences du schisme, qui intervint comme on l'a vu (1 , Rois, chap. 12) quelques semaines après la mort de Salomon, vont retentir sur trois siècles et demi d'histoire - jusqu'à la prise de Jérusalem par Nabukodonosor en 586. Ce schisme est politique mais aussi religieux. Le royaume du nord est le plus grand, la plus riche; mais le Temple est à Jérusalem, dans le sud. L'Écriture dit que Jéroboam, roi du nord, jugeant cette. situation préjudiciable pour son peuple, avait reconnu comme autels officiels ceux de Don et de Béthel. Pour les servir, il institue des prêtres qui n'étaient pas des fils de Lévi, ceux-ci étant restés groupés autour du Temple. Pourtant, malgré de telles aberrations subsistent au nord comme au sud, une véritable vie religieuse continua et parfois même se développe. Des prophètes apparaîtront des deux côtés. Ainsi Israël, la royaume schismatique, demeure-t-il lui aussi le témoin de Dieu.
Parallèles par leurs prophètes tous deux témoins de Dieu les deux royaumes israélites son parallèles par leurs fautes : l'idolâtrie et l'injustice sociale, contre lesquelles s'élèvent tous les prophètes, et la compromission dans les alliances politiques avec les peuples païens.
La tentation est forte à l'égard des grands empires que sont l'Assyrie et l'Égypte. La première va se réveiller brusquement « comme un guerrier alourdi par le vin » (Psaume 78; 77 de la Vulgate; vers. 65), Ninive dormait pendant les temps de David et Salomon. Mais voici que l'Assyrie étend maintenant son hégémonie sur tous les petits États alentour, de façon pacifique ou guerrière.
L'Égypte, elle, sur son déclin, n'a plus la souveraine puissance qu'elle eut du temps de Moïse. Elle n'entrera en guerre ouverte avec Israël et Juda qu'une seule fois (le, Rois, chap. 14, vers. 25), mais elle demeurera un agitateur actif pendant toute cette période : elle entretient des espions, distribue de l'argent, pour que tous les petits États ne s'en laissent pas conter par le roi d'Assyrie. Cette politique profane ne vaudrait pas d'être ici mentionnée si justement l'histoire religieuse n'y était mêlée : les prophètes vont sans cesse réagir en fonction de ces événements.
Interprètes de la volonté de Dieu, ils interviennent contre les alliances étrangères car, dans la mesure où l'un des royaumes israélites fait alliance militaire et politique avec un des petits royaumes voisins ou l'un des grands empires, il y a danger de contamination religieuse : toute alliance étrangère est une trahison de l'Alliance tout court, celle de Yahvé avec son peuple. Les prophètes d'ailleurs, nous l'avons dit, mènent en outre la lutte sur deux autres terrains. Contre l'injustice sociale d'abord; parce que, dans la mesure où règne une certaine prospérité, surtout dans le royaume du nord, on voit les « gros » pressurer les « petits » : « Malheur à ceux qui accaparent les maisons et les champs jusqu'à ce qu'il n'y ait plus d'espace pour les pauvres dans le pays. » Contre l'idolâtrie enfin : représentations de Dieu, dans les « images taillées », à Béthel et à Dan; mais aussi faux dieux de toutes sortes qui réapparaissent constamment.
L'attente d'un « fils de David »
La rédaction des deux livres des Rois est faite en fonction de ces trois points de vue. Elle reflète la préoccupation des prophètes. C'est plus une prédication qu'une histoire, Nous entrons dans la grande période prophétique. Elle commence dans le royaume du nord, en « Israël », avec Ahiyya (Ahies) de Silo, Michée, fils de Yimla, Élie, Élisée, Amos et Osée; elle se poursuit dans le royaume du sud, en « Juda », avec Isaïe, Michée , Nahum, Sophonie, Habacuc, Jérémie et Ézéchiel. Cette époque est bien « le temps des rois et des prophètes » qu'évoque l'évangéliste Luc (chap. 10, vers. 24). Celle où une toute petite puissance politique, grande comme quelques départements français, aux moyens financiers et militaires très réduits, affaiblie encore par la division en deux royaumes dont un seulement est placé sous l'autorité d'un descendant de David, fait l'expérience - ô combien périlleuse et souvent désastreuse! d'un royaume de Dieu sur la terre. La prophétie de Nathan (21 Samuel, chap. 7), avec l'attente d'un « fils de David », soutient déjà toute cette période. Dans l'immédiat, le schisme donne matière à une réflexion profonde et féconde. On décèle une douleur d'ordre religieux chez ces Israélites, à sentir divisé le royaume du peuple de Bleu. Cette « déchirure » leur blesse tellement l'âme qu'elle est l'occasion d'une découverte : celle de la difficulté d'être unis... Et lorsqu'au-delà de l'exil on sera revenu, on parlera toujours du « schisme », on parlera toujours des « tribus dispersées ». La conscience du monde divisé, le souci de l'unité à refaire, va désormais travailler l'âme biblique.
par F. Louvel, o.p.
En ce temps-là, la Bible No 27 page I.