Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

La pieuse légende du 4 ème grand prophète, héros d'un très authentique livre saint

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  • Les divers tombeaux du « sage »
  • Le symbole de Daniel
       

    L'inspiration divine du « livre de Daniel » est bien attestée par les écrits de l'Église primitive et par les ouvrages des premiers artistes chrétiens. Mais le personnage principal autour duquel l'ouvrage est construit incite aux hypothèses. Sans doute le déporté favorisé du don prophétique, connu seulement par les premiers versets du texte biblique qui porte son nom, a-t-il pu bénéficier de l'aura d'un sage beaucoup plus ancien, cité par Ézéchiel (chap. 14, vers. 14) entre Noé et Job. Le caractère extra-temporel des récits groupés dans le recueil a permis lui aussi aux pieux conteurs d'en imaginer le héros au gré de leur propre inspiration poétique. On ne prête qu'aux riches. Or, on prêta au prophète Daniel durant de nombreux siècles, non seulement après le temps où les auteurs sacrés situent son ministère, mais après celui où la version qui nous est parvenue fut définitivement fixée. François Sentein(1)a recueilli cette « légende » et en rapporte ici quelques traits curieux.

    Au nom de Daniel s'attacha dans l'orient - même dans l'Orient chrétien une idée de magie. C'est ainsi que l'islam le reçut. Mas'Udî, dans ses Prairies d'or, distingue Daniel le jeune, de la captivité de Babylone, et un autre Daniel, qui aurait vécu entre le temps de Noé et celui d'Abraham, auquel sont attribués en plus des prophéties, un livre de divination, Kitab ai-Diafr, la science des rêves et l'invention de la géomancie. Selon une légende rapportée par AI Biruni, le prophète avait puisé sa science dans la « caverne du trésor » où Adam déposa les secrets de la connaissance primitive. Et le chroniqueur Tabari, au IXe siècle, raconte que Daniel ressuscita, mille ans après leur mort, un millier de victimes qu'avait fait une épidémie, que les ressuscités procréèrent, mais que leur descendance exhale une odeur de cadavre .

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    Les divers tombeaux du « sage »

    Selon la tradition chrétienne le prophète fut enterré dans la crypte royale de Babylone, d'où ses reliques auraient été transportées à Constantinople et, au Moyen Age, à Venise. D'autres légendes fixent son tombeau à Ecbatane et à Suse.

    Suse, qui veut dire « la ville des lis », était bien faite pour abriter le tombeau du sauveur de Suzanne (DANIEL, chap. 13), « fille des lis ».

    Les écrivains syriaques et musulmans s'accordent à donner Suse comme lieu de la sépulture définitive, mais divergent sur certains points. Pour Ibn Taimiggah, les premiers musulmans opposés à la vénération du tombeau du saint, l'auraient enseveli pendant la nuit dans l'une de treize fosses dispersées. Les mollahs d'Arabie croient à l'authenticité de la tombe de Suse, bien qu'ils aient, près de Mal-Amir, un autre tombeau consacré à Daniel. Pour Al-'Beladhori (IXe S.), le cercueil du prophète aurait été amené de Babylone afin de faire pleuvoir lors d'une période de grande sécheresse; puis le kalife Omar l'aurait fait immerger au fond d'un des ruisseaux voisins.

    Benjamin de Tudèle, qui visita la Terre sainte vers 1160, raconte dans son Itinéraire qu'à Suse, sur la façade d'une des nombreuses synagogues, on lui montra la tombe de Daniel. Suse est aujourd'hui Tustar, et cette synagogue est toujours debout.

    Benjamin ajoute que le tombeau ne contient plus les restes de Daniel, dont il apprit qu'ils avaient été découverts vers 640. Ces reliques avaient suscité d'âpres disputes entre les habitants des bords de la Choaspes : ceux de la rive qui abritait la dépouille du prophète étaient riches et heureux, tout à l'inverse des riverains opposés, qui demandèrent le transfert de la bière de leur côté. On s'accorde finalement à la faire changer de berge chaque année. Cette convention dura jusqu'eu jour où le shah de Perse Sanjar, visitant la ville, arrête ce va-et-vient, irrespectueux pour les restes vénérables. Il fit attacher la bière au moyen de chaînes au milieu du pont, où, par son ordre, une chapelle fut érigée pour les Juifs et les non-Juifs. Il interdit en outre la pêche dans ces eaux.

    Depuis, on a vu des athées se noyer en essayant de franchir la passe autour du pont sacré, sous lequel nagent des poissons d'or.

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    Le symbole de Daniel

  • Jusqu'au IVe siècle, les chrétiens ne figurèrent la croix que sous des formes symboliques qui n'éveillassent pas les soupçons du païen, ni sa détestation pour l'instrument d'un supplice ignominieux. Ils savaient la reconnaître dans l'ancre, dans le mât croisé par la vergue du navire. « C'est dans la nature même que nous en percevons le signe, écrivait Minucius Felix; dans le joug de la charrue(2)quand on la relève, et dans l'homme qui, les bras étendus, adore Dieu d'un coeur pur. »

    Cet orant, ce coeur pur, c'est Daniel. Dans cette attitude de prière, entre les lions, il apparaît sur une fresque exécutée cinquante ans après la mort du Christ dans la catacombe de Domitille, à Rome. C'est le plus ancien document de la peinture et de la symbolique chrétienne. Son type est déjà fixé : la jeunesse le distingue des autres prophètes. Vêtu d'une tunique parfois, comme à Ravenne, coiffé du bonnet phrygien, svelte, imberbe, son adolescence le pare. C'est l'âge de la confiance, dont la sagesse de Daniel paraît tout informée. Ses visions et ses prophéties prolongent un regard d'enfance qui traverse le temps parce qu'il ne cherche pas à voir plus loin que la providence du Très-Haut. Le charme qui va s'attacher à ce nom au cours de son histoire est déjà dans cette première image chrétienne d'une sagesse qui trouve sa grâce dans son abandon au Maître de toute justice.

    Sans doute est-ce pour exprimer ce dénuement dans la main du Seigneur qu'à partir du IIe siècle Daniel fut représenté nu, parfois couvert d'un petit pagne. Ainsi les chrétiens livrés aux bêtes, couverts du Subligaculum(3)infamant, espéraient en le Dieu de Daniel. De même que les Juifs, pour lesquels le terme de « fosse » définissait la condition du mortel « promis à la fosse » - c'est-à-dire au trou noir d'où il est sorti et où il doit retourner -, le chrétien livré à ses bêtes intérieures, dénué par lui-même de toute force, serait assuré de sa perte, s'il n'était délivré par le secours divin. C'est ce qui est exprimé dans la prière pour les agonisants, composée à une époque très anciennes : « Délivre son âme, Seigneur, comme tu as délivré Daniel de la fosse aux lions. »

    Les sarcophages gallo-romains attestent que pour les chrétiens des nations barbares dans la « fosse », Daniel était aussi celui qui leur permettait d'espérer. Dans certains cimetières wisigoths et burgondes du Ve et du VIe siècles, on a retrouvé un grand nombre d'ivoires, de plombs, de gemmes, de lampes, de peignes, de boucles de ceintures, ornés d'un Daniel entre les lions. Ces « Daniel Schnallen », que l'on peut voir aux musées de Genève et de Lausanne, disent soit la foi très pure de « ceux qui allaient mourir », soit - comme le « Gott mit uns » (Dieu est avec nous) des ceinturons allemands - leur espoir d'être protégés par le prophète,. lui-même protégé par Dieu et traditionnellement auréolé de magie. « Daniel, de simplification en simplification, y aboutit à n'être plus qu'une croix grecque, ailleurs une plante. Et il est piquant de voir le plus ancien symbole humain du christianisme aboutir sous le burin des barbares à un type qui rappelle de très près celui des stèles dédiées à Baal Saturne » . Baal ou Bâl, que le Daniel de la Bible anéantit; Saturne, dont il prend, pour la rapporter au Dieu unique, la fonction justicière.

    François SENTEIN

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    1- « Daniel ». Éd. Pierre Horay.

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    2- L'araire à deux roues, née dans la Lyonnaise, ancêtre de notre «brabant».

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    3- Sorte de slip imposé aux acrobates, aux danseuses nues et aux condamnés à mort dans le cirque.

    En ce temps-là, la Bible No 68

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