Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Naguère agriculteurs, éleveurs ou artisans, les exilés se font commerçants ou banquiers

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  • Actes notariés, contrats de garantie et prêts à 20 %
  • Commerce et industrie ont servi la foi d'Israël
       

    On imagine généralement bien mai ce que fut le séjour forcé des Israélites en Mésopotamie. Werner Keller, véritable reporter de l'antiquité biblique dans son excellent ouvrage « La Bible arrachée aux sables »(1), a suivi les déportés jusque sur l'Euphrate. Les recherches dont il est fait état éclairent bien la situation de ceux qui entendirent les prophètes de l'Exil.

    « Bâtissez des maisons et habitez-les, plantez des jardins et mangez leurs fruits... Cherchez la paix de la ville où je vous ai fait déporter, et priez Yahvé pour elle, car sa paix sera votre paix » (JÉRÉMIE, chap. 29, vers. 5-7).

    Ainsi s'exprimait Jérémie, s'adressant de Jérusalem aux anciens, aux prêtres, aux prophètes, à tout le peuple qui, sur l'ordre de Nabukodonosor, avait été exilé. Son conseil fut suivi : les déportés recherchèrent « la paix », c'est-à-dire le bien de la ville, et leur sort ne fut pas précisément mauvais. Le séjour des enfants d'Israël à Babylone n'avait rien de commun avec le travail forcé auquel leurs ancêtres du temps de Moïse furent astreints en Égypte, à Pitom et à Ramsès (EXODE, chap. 1, vers. 11).

    Il n'est nulle part question de travaux de briqueterie exécutés à l'époque, quoique Babylone possédât sans doute la plus grande fabrication de briques de l'Orient ancien, car jamais on n'avait autant construit en Mésopotamie que sous Nabukodonosor.

    Ceux qui suivirent les conseils de Jérémie n'eurent pas à s'en plaindre : certains d'entre eux menèrent même une vie confortable. Une famille qui a réussi, nous a laissé ses archives. Il s'agit de la firme « Murashu et fils » - banque internationale, assurances, locations, prêts, meubles et immeubles - dont le siège était à Nippur et qui entretenait des succursales dans tout le pays. C'était une entreprise de renommée mondiale,quelque chose comme les « Lloyds » de l'Antiquité. Ces Murashu - personnes déplacées de Jérusalem - avaient su se faire une situation enviable, à partir de 587 avant notre ère. Leur banque subsista longtemps; on la connaissait encore en Mésopotamie du temps des Perses. Leurs « papiers d'affaires » sont riches en détails intéressants sur la vie des déportés, leurs noms, leurs occupations et leurs propriétés.

    Des savants de l'université de Pennsylvanie découvrirent une partie de ces archives dans les ruines de Nippur. Elles étaient enfermées dans de grands vases en terre cuite, soigneusement bouchés avec de l'asphalte. Les assyriologues ne furent pas les seuls à lire avec plaisir leur traduction.

    Les bureaux de Murashu et fils connaissaient une grande animation. Durant un siècle et demi, l'entreprise jouit de la confiance de ses clients qui se recrutaient dans tous les milieux, depuis les gros fermiers et les concessionnaires de canaux jusqu'aux esclaves. Ceux qui ne savaient pas écrire imprimaient la marque d'un ongle au bas des documents en guise de signature, ce qui correspondait alors aux trois petites croix que les analphabètes de notre temps apposent devant témoins au bas des pièces qu'il sont amenés à signer.

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    Actes notariés, contrats de garantie et prêts à 20 %

    Un jour, trois joailliers se présentèrent chez Murashu et fils... Elil-aha-iddina, Belsunu et Hatin s'adressèrent en ces termes à Elil-nadin-sum, fils de Murashu : « En ce qui concerne la bague ornée d'une émeraude, nous en garantissons la monture pour une durée de vingt ans. Si la pierre devait tomber avant les vingt ans en question, Elil-aha-iddina, Belsunu et Hatin verseront à Elil-nadin-sum la somme de dix mines d'argent. » Suivent les griffes de sept personnes. Devant le nom du notaire se trouvent les empreintes de trois ongles : ce sont les signatures des trois joailliers qui ne savaient pas écrire.

    Le Juif exilé Mannudannijama consulta Murashu et fils parce qu'il avait l'intention de conclure avec Un Babylonien un contrat de fermage pour un troupeau comprenant treize vieux béliers, vingt-sept béliers de deux ans, cent cinquante-deux brebis pleines, quarante béliers d'un an, quarante brebis d'un an, un vieux bouc, un bouc de deux ans...

    La banque recevait aussi des cautions pour des débiteurs emprisonnés. Elle avait des sections spécialisées pour chacun des cas qui pouvaient se présenter. L'intérêt versé était de 20 pour cent, comme le voulait la coutume d'alors.

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    Commerce et industrie ont servi la foi d'Israël

    Les établissements Murashu et fils fournissent en quelque sorte le prototype des professions qui devinrent celles des enfants d'Israël après l'exil. Dans leur patrie, ils avaient été agriculteurs, colons ou éleveurs et parfois artisans. La Loi d'Israël ne comportait aucune disposition concernant le commerce ; cette activité était inconnue des Juifs. Le mot « Cananéen » symbolisait pour eux ces « marchands » contre lesquels les prophètes ne cessèrent de fulminer: Canaan tient en mains des balances trompeuses (OSÉE, chap. 1 2, vers. 8).

    On a rarement compris que l'adaptation à des professions qui, jusque là, étaient considérées comme méprisables constitua une manoeuvre extrêmement habile, car c'est à elle comme à son attachement aux anciennes croyances qu'Israël dut de survivre en tant que peuple. En effet, si les Israélites étaient restés des paysans ou des colons, ils se seraient disséminés dans tout le pays et, en quelques générations, auraient fini par être absorbés par les populations indigènes. Leurs nouvelles professions les maintinrent dans les grandes villes où ils purent constituer des communautés et continuer leurs pratiques religieuses. D'autre part, les fils d'Israël n'auraient pas pu rêver d'une école plus efficace que Babylone, qui était à l'époque, parmi les grandes villes qui devaient accueillir les apatrides, la métropole incontestée du commerce international et de l'industrie. En effet, cette capitale, dont les ruines, après deux millénaires et demi, laissent encore deviner la puissance, n'eut pas sa pareille dans le monde ancien.

    Werner KELLER

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    1- Éd. Presses de la Cité.

    En ce temps-là, la Bible No 65 pages II-III

    © En ce temps-là, la Bible