Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Les langues des peuples bibliques

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Sans doute, tous les peuples de la terre peuvent-ils se prétendre « bibliques » à un titre quelconque : la Bible ne porte-t-elle pas quelques reflets de toute l'histoire du monde? Mais c'est dans le Moyen Orient ancien que se situent les épisodes mis en lumière. Ce champ réduit a connu lui-même bien des maîtres et vu se bousculer bien des conquérants depuis le temps d'Abraham jusqu'à notre ère. Il serait vain de chercher à scruter le grand silence qui a recouvert la confusion des langages aux très hautes époques. Mais bien avant que l'appel du grand patriarche, issu « d'Ur en Chaldée », ne donne le signal à la prodigieuse épopée dont s'inspireront les conteurs sacrés, les langues sémitiques avaient assuré leur prééminence.

Les langues sémitiques étaient parlées en Chaldée dès le 4, millénaire et en Canaan dès le 2e : lorsqu'Abraham vint dans le pays. L'akkadien est la plus ancienne et s'imposa dans toute la Mésopotamie, à partir de 2 400 environ av. J.-C., lorsque les Sémites ravirent la primauté politique aux Sumériens. L'assyro-babylonien et le néo-babylonien s'y rattachent, formant ainsi un premier groupe dit « oriental ». L'autre, celui des langues sémitiques « occidentales » est de plus grand intérêt pour l'histoire du peuple d'Israël et les écrits qui la concernent.

Le CANANÉENest la « langue-mère » de ce second groupe. Les gloses des lettres de Tell El-Amarna, découvertes en Haute-Égypte à la fin du siècle dernier, représentent les documents les plus nets, parmi les plus anciens, sur le cananéen du 20 millénaire : il s'agit de correspondances adressées par des princes du pays de Canaan aux pharaons Aménophis 111 et Aménophis IV. Rédigées en akkadien, langue officielle, elles fournissent des équivalences dans la langue locale. L'écriture est cunéiforme. A partir de ces caractères, on a pu reconstituer l'évolution vers la graphie des lettres hébraïques actuelles, en passant par celle de l'ancien hébreu.Peut-être les « Hébreux » que conduisit Moïse ne parlaient-ils pas « l'hébreu »

Le PHÉNICIENa laissé de nombreuses inscriptions tant dans les villes de la côte aujourd'hui libanaise (Byblos, Sidon, Tyr) que dans les colonies phéniciennes à comptoirs, plus nu moins lointaines. telle Chypre. Les plus anciennes datent du IX, siècle av. J.-C.; la plupart du VI siècle et des suivants. Cette langue semble avoir été à peu près complètement supplantée en Phénicie par l'araméen dans le dernier siècle avant l'ère chrétienne. La plus connue des colonies phéniciennes étant Carthage, le phénicien fut souvent nommé « punique », forme latine du nom « phénicien ». Or, le « punique » subsista, lui, au moins jusqu'au IV, siècle ap. J.-C., et peut-être plus lard encore : jusqu'à l'extension de l'arabe au VIlle siècle.

L'HÉBREU,par son importance, déborde de beaucoup dans le temps et l'espace le cadre de la Palestine, dont il fut la langue usuelle durant dix siècles environ. Mais nul n'oserait affirmer que les Israélites l'aient parlé avant leur établissement en « Terre promise ». Le mot « hébreu » lui-même n'apparaît que très tardivement pour désigner la langue hébraïque : au 11, siècle ap. J.-C. On disait jusque-là « la langue de Canaan », la « langue juive » puis la « langue sacrée », celle dans laquelle furent écrits la plupart des livres de l'Ancien Testament.

Mais la destruction de Jérusalem et le départ en captivité à Babylone au début du VI, siècle av. J.-C. marquèrent le déclin de l'hébreu pour l'usage profane, tandis que ces mêmes circonstances historiques favorisèrent, semble-t-il, la mise au point des textes hébraïques du recueil biblique. Lorsqu'Alexandre conquit la Palestine en 332, les Juifs ne parlaient pratiquement que l'araméen dans la vie quotidienne. On se souvient qu'au VIlle s. av. J.-C., au contraire, l'envoyé du roi d'Assyrie choisissait de parler « en judéen » pour être compris du peuple, tandis que les représentants d'Ézéchias le suppliaient de s'exprimer en araméen afin d'être entendu d'eux seuls.

L'ARAMÉEN, plutôt que le nom d'une langue, est celui d'un ensemble de dialectes très proches entre eux et dont certains furent le support d'une littérature appréciée. Dans la Bible et dans les documents akkadiens, les Araméens eux-mêmes apparaissent comme un groupe ethnique de tribus nomades dont l'aire de parcours s'étendait du nord de l'Arabie aux confins de la Palestine, de la Syrie et de la Babylonie. On sait qu'il n'y eut jamais d'État araméen de très grande importance(1), pas plus que de langue araméenne unique. Les spécialistes distinguent ici encore une famille « orientale » et une famille « occidentale ». Quoi qu'il en soit, l'araméen est très proche du cananéen.

Une partie du livre d'Esdras (vers 300 av. J.-C.) et une partie du livre de Daniel (au milieu du 11, siècle av. J.-C.) ont été composés dans cette langue qui, dès l'époque perse, avait conquis tout l'empire des Achéménides et jusqu'aux régions les plus excentriques telles que la Cappadoce ou la haute vallée de l'Indus.

Le SYRIAOUEn'est autre que le principal dialecte araméen oriental. Il a survécu en raison du prestige d'Édesse, vieux centre politique, capitale de l'État indépendant d'Osroène, à la fin du IIe siècle avant J.-C. Après sa conversion au christianisme, au 11, siècle de notre ère, cette ville fut la métropole intellectuelle de l'Orient chrétien.

Des rives de la Méditerranée aux montagnes de la Perse, le syriaque d'Édesse devint pour un temps la seule langue littéraire chrétienne. La littérature qu'elle laissa fleurit surtout du Ille au VII, siècle Du VIII, au XIIIe elle n'est plus guère employée que par les savants; les chrétiens adoptent alors l'arabe dans le langage parlé et nombre d'auteurs de renom en usent aussi très volontiers. Le syriaque demeura cependant comme langue liturgique; son usage en tant que telle s'est perpétué jusqu'à nos jours.

LE GREC, qui n'est pas, lui, une langue sémitique mais indo-européenne, mérite cependant une place particulière parmi les « langues bibliques ». Il fut naturellement parlé à l'époque hellénistique par la foule des juifs de la Dispersion répandus dans le bassin méditerranéen; et la traduction des livres saints hébreux, faite à Alexandrie, à partir du 111, siècle av. J.-C., facilita grandement la diffusion de l'Écriture. Sans parler du Nouveau Testament, deux ouvrages seulement, parmi ceux qui furent reçus comme inspirés par l'Église romaine et par l'Église orientale ont été composés directement en grec : le 2e Maccabées et la Sagesse.

P. CRISOLIT

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1 - Voir No 30, pages « Les Araméens».

En ce temps-là, la Bible No 57 pages II-III.

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