Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

L'exil: époque privilégiée de la réflexion religieuse

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Loin de la terre qui avait été donnée à leurs pères Abraham, Isaac et Jacob, loin du Temple qui n'est plus que ruines, et où ils avaient appris à honorer Yahvé, à l'exclusion de tout autre sanctuaire (DEUTÉRONOME, chap. 12, vers. 4), nombreux sont les déportés qui se croient délaissés par le Dieu qu'ils ont eux-mêmes trahi; ceux qui sont restés en Palestine pensent eux aussi que « Yahvé a abandonné le pays » (ÉZÉCHIEL, chap. 8, vers. 12). En réaction contre ce courant, la réflexion des sages, qui se recrutent surtout parmi les prêtres, scribes, lettrés, se fait intense durant l'Exil. Elle affermit ou affine la doctrine, la liturgie, la prière, et « repense » l'histoire i d'Israël sous l'influence du courant prophétique entretenu en captivité.

Il faut d'abord maintenir l'espérance du retour. Elle ne peut être fondée que sur la toute-puissance de Dieu, seule capable de rendre vigueur au peuple qui s'étiole. C'est l'oeuvre du prophète Ézéchiel. Il faut aussi lutter contre l'influence paganisante qui pèse sur les exilés : le grand. dieu Mardouk, qui' a donné la victoire aux Babyloniens, ne serait-il pas plus fort que Yahvé, le Dieu de l'Alliance du Sinaï ?,. Ne serait-ce pas lui le créateur du monde, comme le proclament les hymnes qu'on chante durant les grandes processions qui se déroulent sur la voie d'Ishtar? C'est alors qu'un disciple anonyme d'Isaïe, réfléchissant sur la foi d'Israël, annonce, à la lumière de la révélation, que Yahvé est le 'seul Dieu et que c'est lui - et lui seul qui a créé l'univers (Livre de la Consolation) : « Qui a mis les montagnes sur la balance, les collines sur le trébuchet ? » (ISAIE, chap. 40, vers. 12).

Simultanément, les cercles sacerdotaux de la communauté captive vont partir de cette proclamation prophétique et enseigner la création , en donnant probablement leur forme définitive aux textes de la tradition mosaïque : « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre » (GENESE, chap. 1). Et l'enseignement de sagesse que comporte ce passage revêt une couleur liturgique : l'activité créatrice de Dieu est enfermée dans une semaine, et se termine par le sabbat.

Déjà Ézéchiel, appartenant à une famille sacerdotale, avait prévu comme préparation au retour en Palestine une nouvelle liturgie où tous les éléments seraient envisagés sous le rapport de la sainteté : parvis, sacerdoce, sacrifices devaient désormais porter le reflet de cette vision où l'eschatologie, la découverte du règne éternel, se mêle intimement à un authentique réalisme, et qui impose finalement à travers l'une et l'autre un sentiment très fort de la présence de Dieu : « Et le nom de la ville sera désormais : YAHVÉ EST ICI » (dernier verset du livre d'Ézéchiel).

Quelques années plus tard, la Loi de sainteté sera promulguée dans les termes depuis connus (LÉVITIQUE, chap. 17 à 26), marquant encore un progrès sur les croyances anciennes.

En même temps, la méditation sur les textes historiques de la tradition se traduit elle aussi par des ajustements de l'Écriture. Bien des passages ajoutés au Deutéronome et au livre des Rois datent de cette époque. Aux exilés, les cercles sacerdotaux proposent une version rénovée de l'histoire d'Israël, où sont insérées avec une grande précision les institutions religieuses du peuple choisi : leur oeuvre, qui a orienté le récit de la création, se poursuit à travers celui des alliances que Dieu prodigue à ses enfants. Les livres anciens sont copiés, mais aussi enrichis de gloses, c'est-à-dire de petites additions qui visent à actualiser la spiritualité antique.

Ceux qui examinent avec sérénité les malheurs de l'Exil découvrent la valeur expiatoire de la souffrance d'Israël, et dans le prolongement apparaissent les oracles du « Serviteur souffrant » :

« C'est lui qui s'est chargé du poids de nos maladies, nos souffrances, c'est lui qui les a portées. » (ISAIE, chap. 53, vers. 4)

Les psalmistes enfin utilisent pour leurs chants de prière les oracles des prophètes et l'enseignement des scribes. Parfois même ils adaptent à leur oeuvre inspirée des textes venus de civilisations étrangères : ainsi du psaume 103 (hébreu 104) qui doit assurément beaucoup à un hymne égyptien composé pour Aton, le dieu suprême que symbolisait le soleil ; ailleurs un autre poète sacré chantera sa méditation sur l'homme créé à l'image de Dieu (Ps. 8). Et, plus tard, un Juif pieux, psalmiste également, comparera à la création du firmament cette autre merveille réservée par Dieu à son peuple : la Loi (Ps. 18. hébreu 1 9).

Dans les années qui suivront le retour en Palestine, le même courant animera le judaïsme, accroissant la richesse étonnante qui sera celle de la pensée juive durant les cinq siècles qui précèdent l'ère chrétienne.

J. Dheilly

Professeur à l'Institut catholique de Paris

En ce temps-là, la Bible No 66

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