Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Etude historique sur le mois de Marie par M. L'Abbé C.P. CHANUT (extraits)

***

 Source: http://www.serviam.net/fmoismar.html

Note de Regard: voir aussi: Marie et Rome


La dédicace d'un mois à une dévotion particulière est une forme de piété populaire relativement récente puisqu'on ne la trouve guère avant le XVIII° siècle.

Le plus ancien de ces mois consacrés est le mois de Marie qui vit le jour, à Rome, peut-être autour du collège romain des Jésuites, d'où il se diffusa dans les Etats Pontificaux, puis dans le reste de l'Italie et enfin dans toute la catholicité. Après le P. Jacolet, dans le Mensis Marianus, paru à Dillingen en 1724, le jésuite Annibale Dionisi (1679 + 1754), dans un livre publié à Rome en 1725, et son confrère Lalomia, dans un livre publié à Palerme en 1758, en font la promotion. Les Pères Camilliens revendiquent cependant l'honneur de l'avoir inauguré dans sa forme actuelle, en 1784, dans l'église de la Visitation de Ferrare.

On remarquera toutefois, qu'au XIII° siècle, le roi de Castille, Alphonse X le Sage (1239 + 1284), avait déjà associé dans un de ses chants la beauté de Marie et le mois de mai et, qu'au siècle suivant, le bienheureux dominicain Henri Suso avait, durant l'époque des fleurs, l'habitude de tresser des couronnes pour les offrir, au premier jour de mai, à la Vierge. En 1549, un bénédictin, V. Seidl, publia un livre intitulé le mois de mai spirituel, alors que saint Philippe Néri exhortait les jeunes gens à manifester un culte particulier à Marie pendant le moi de mai où il réunissait les enfants autour de l'autel de la Sainte Vierge pour lui offrir, avec les fleurs du printemps, les vertus qu'il avait fait éclore dans leurs jeunes âmes. Au XVII° siècle, à Cologne, en 1664, les élèves des Jésuites pratiquaient déjà, au mois de mai, des exercices de piété en l'honneur de Marie, tandis qu'en Alsace, des jeunes filles, appelées Trimazettes, quêtaient de porte en porte pour orner de fleurs l'autel de la Sainte Vierge.

Le jésuite Nadisi ne rapproche le culte marial du mois de mai qu'en citant épisodiquement Henri Suso dans son Mensis Marialis (1654) ; un mois de Marie, paru à Molsheim, en 1699, probablement sous la plume du jésuite Vincke ne fait aucune mention de mai. Le premier, sans doute, à consacrer le moi de mai à la Vierge, semble avoir été le capucin Laurent de Schniffis dans un recueil de trente poésies, Moyen-Pjeiff, publié en 1692. Outre qu'au début du XVIII° siècle, l'église franciscaine et royale Sainte-Claire de Naples connaissait au mois de mai un office populaire marial quotidien suivi d'un salut du Saint-Sacrement, les dominicains de Fiesole, en 1701, décidaient d'honorer la Vierge tous les jours du mois de mai, ce qui se faisait aussi, près de Vérone, dans la paroisse de Grezzana (1734), et, un peu plus tard à Gênes (1747) et à Vérone (1774).

Après le P. Jacolet, les jésuites Annibale Dionisi et François Lalomia (+ 1789), imités par le P. Alphonse Muzzarelli (+ 1813), n'auraient donc fait que codifier des pratiques antérieures et, surtout, en souligner l'élaboration familiale. Ils recommandaient que, la veille du premier mai, dans chaque appartement, on dressât un autel à Marie, orné de fleurs et de lumières, devant quoi, chaque jour du mois, la famille se réunirait pour réciter quelques prières en l'honneur de la Sainte-Vierge avant de tirer au sort un billet qui indiquerait la vertu à pratiquer le lendemain. Le livre du P. François Lalomia, Il messe di Maria assia il messe di maggio, paru à Palerme en 1758, donnait le cadre aux méditations en consacrant à la Sainte Vierge les trente et une considérations du mois ; il s'agissait surtout de méditer sur la vie de Marie. Si la suppression de la Compagnie de Jésus (1773) entrava un temps la diffusion de l'ouvrage, il fut, dès 1778, traduit en français, puis en allemand, puis en anglais. Le livre du P. Alphonse Muzzarelli, Mese di Maria, publié à Ferrare en 1785, connut plus de cent cinquante éditions en un siècle et fut traduit en français, en espagnol, en portugais, en anglais et en arabe. Le P. Muzzarelli est moins un disciple de Lalomia que de Dionisi ; il ne s'agit plus de méditer seulement la vie de la Sainte Vierge, mais, de sanctifier la vie quotidienne par l'influence de la dévotion mariale en pratiquant chaque jour une vertu

 

Le mois de Marie, grâce aux ouvrages du P. François Lalomia et du P. Alphonse Muzzarelli, n'atteint la France qu'à la veille de la Révolution où la vénérable Louise de France, fille de Louis XV et prieure du carmel de Saint-Denis, qui fit traduire le livre du P. Lalomia, en fut une zélée propagatrice. Cet usage n'eut un caractère général qu'avec les missions populaires de la Restauration, après qu'il fut officiellement approuvé et enrichi d'indulgences par le Saint-Siège (21 novembre 1815). Après les jansénistes, le clergé constitutionnel était naturellement farouchement opposé à cette dévotion et l'on sait que Mgr. Belmas, archevêque concordataire de Cambrai, jadis évêque constitutionnel, en fut un adversaire résolu : après l'approbation de Pie VII, on tenta de l'introduire au Grand Séminaire, sans son autorisation. Le mois devait s'ouvrir par un salut très solennel. Déjà les cierges étaient allumés à profusion sur l'autel. Prévenu, il les fit éteindre et contremanda la cérémonie.

 

Le mois de saint Joseph, mars, né à Viterbe, fut approuvé par Pie IX (12 juin 1855) ; le mois du Rosaire, octobre, né en Espagne, fut approuvé par Pie IX (28 juillet 1868) et demandé par Léon XIII (1883) ; le mois du Sacré-Coeur, juin, né au couvent des Oiseaux de Paris en 1833 et encouragé par Mgr. de Quelen, fut approuvé par Pie IX (8 mai 1873) ; on connaît encore le mois du saint Nom de Jésus approuvé par Léon XIII en 1902 (janvier), le mois du Précieux Sang approuvé par Pie IX en 1850 (juillet), le mois du Coeur Immaculé de Marie (août), le mois de Notre-Dame des Douleurs approuvé par Pie IX en 1857 (septembre), le mois des âmes du Purgatoire approuvé par Léon XIII en 1888 (novembre), le mois de l'Immaculée Conception (décembre)...

 

Le mois de mai est aussi l'occasion de plusieurs fêtes locales de la Sainte Vierge dont suivent quelques exemples.

Le deuxième dimanche de mai, on célèbre à Pontoise Notre-Dame de la Santé, grande statue de pierre que les uns disent avoir été rapportée d'Orient par des croisés, tandis que les autres affirment qu'elle est l'oeuvre d'un jeune sculpteur de Blangis.

Vers le douzième siècle, un jeune homme eut l'inspiration de faire, pour ranimer dans la ville de Pontoise la dévotion envers la Mère de Dieu, une statue de Marie qu'il voulait offrir à la vénération publique. Il se retira pour exécuter son travail dans la carrière de Blangis, près d'Abbeville, mais fut contraint de laisser son oeuvre inachevée. Cependant, toute imparfaite qu'elle fût, c'était bien la statue de la mère de Dieu avec son divin Fils dans ses bras et l'antique serpent à ses pieds. On la transporta à Pontoise, et elle fut primitivement placée dans une petite chapelle de la rue de Mondétour qui dépendait de l'abbaye bénédictine de Saint-Martin. En juillet 1226, Thibault, archevêque de Rouen, vint lui-même à Pontoise pour y dédier, avec l'autorisation de Roger, prêtre paroissien, le nouveau sanctuaire à la sainte Trinité sous l'invocation de Marie. Dès ce moment, de nombreux fidèles vinrent en pèlerinage, et parmi les pieux visiteurs de la petite chapelle, on vit souvent prier saint Louis qui habita fréquemment Pontoise dans les premières années après son mariage, y tomba malade à la fin de 1245 et y fit le voeu de prendre la croix, s'il recouvrait la santé.

Mais on voulait donner à Marie une grande et belle église qui fut bâtie sur le même emplacement et, en 1249, érigée en église paroissiale par Odon, archevêque de Rouen. Au portail de l'entrée principale, on plaça la statue vénérée de Marie, afin qu'on pût la voir du dehors et qu'elle continuât d'attirer vers elle de pieux pèlerins. On y amenait les malades de fort loin. Des rois, des princes, des princesses suivirent l'élan qui entraînait les populations. Charles V y vint avec le dauphin, en 1369, pour se mettre sous la protection de Marie et y laissa de riches offrandes, avec des cierges qui brûlèrent trois jours durant. On y vit bientôt la reine et la princesse Isabelle, puis la trop fameuse Isabeau de Bavière et l'infortuné Charles VI, la reine Marie, épouse de Charles VII avec les enfants de France et nombre de personnages les plus notables du royaume.

Les trésors dont l'église s'était enrichie furent pillés par les Anglais en 1431. Le sanctuaire de Marie ne trouva pas même grâce devant les nouveaux maîtres de la France : il fut détruit de fond en comble mais la statue miraculeuse échappa à leur fureur. Honteux d'un pareil exploit, les Anglais entreprirent, douze ans plus tard, de construire une église plus belle que la première ; ils se mirent à l'oeuvre, bâtirent le choeur et une partie de la nef mais, battus par Charles VII, ils durent quitter Pontoise pour n'y plus rentrer. Ce furent des mains françaises qui terminèrent le monument qui fut consacré, en 1484, par l'évêque suffragant du cardinal d'Estouteville, archevêque de Rouen.

Notre-Dame fut dès lors en grande vénération, et ceux qui vinrent y prier y reçurent des grâces abondantes. La décoration intérieure ne répondait pas, parait-il, à la magnificence de la construction, et l'église n'était pas riche. Ce fut pour lui procurer des ressources que le pape Jules III la désigna comme seule station du jubilé semi-séculaire de l'année 1550 pour toute la province de Rouen. Cette insigne faveur attira à Pontoise un tel concours, qu'on parle de cent mille personnes qui l'auraient visitée dans la seule journée du 8 septembre, fête de la Nativité de Notre-Dame.

Pendant les guerres de religion, en 1553, un protestant fanatique brisa d'un coup de bâton la tête de l'enfant Jésus et la jeta dans l'Oise, au moment où il traversait le pont. Un filet s'y trouva heureusement tendu où, le lendemain, on retrouva le fragment sacréqu'on vint chercher en procession et qui fut remis à sa place à la grande joie des habitants. On eut un instant l'idée d'enlever la statue du portail pour la mettre dans l'église mais les archevêques de Paris et de Rouen qui se trouvaient alors à Pontoise dirent qu'il fallait laisser au lieu qu'avait toujours occupé celle qui est appelée Porta cæli et dont l'image doit être à l'entrée de toutes les églises.

Lors de la terrible épidémie qui ravagea en 1580 tous les environs de Paris, on vint de toutes parts à Notre-Dame de Pontoise où, un jour, on avait compté jusqu'à soixante paroisses accourues pour implorer la protection de Marie. Cinq ans plus tard, la ville de Pontoise où les ligueurs tenaient garnison fut assiégée par Henri III et par le roi de Navarre. L'église, convertie en citadelle, s'écroula et ne fut bientôt plus qu'un monceau de ruines, au milieu desquelles on retrouva intacte la statue miraculeuse qui fut transportée à l'abbaye de Saint-Martin.

La destruction du sanctuaire matériel n'entraîna pas celle de l'édifice spirituel. la célèbre confrérie de Notre-Dame de Pontoise, fondée en 1284 pour les prêtres d'abord, avait pris une extension considérable; elle avait admis bientôt dans son sein des fidèles de toute condition : elle comptait parmi ses membres les personnages les plus marquants du royaume et les rois eux-mêmes, qui faisaient porter leur cierge par un gentilhomme dans la procession de l'Assomption. Louis XIV y assista lui-même en 1652, et la reine sa mère y porta son cierge, accompagnée par ses dames d'honneur. On n'avait pas attendu jusque-là pour relever le pieux sanctuaire. A peine Henri IV eut-il, par sa conversion, rendu la paix à l'Eglise que Notre-Dame fut relevée de ses ruines. Elle fut consacrée le 16 avril 1599 et la statue miraculeuse y fut replacée en grande pompe dans une petite chapelle à l'angle sud-est.

Le jubilé de l'année 1600 eut, comme le précédent, Notre-Dame pour unique station. Un saint prêtre, Pierre de Bouves, était alors curé de la paroisse où il ne négligea rien pour remettre en honneur le culte de Marie, et les offrandes qu'il recueillit permirent de bâtir la tour et d'y placer des cloches. La gloire du nouveau sanctuaire, si modeste qu'il fût, allait surpasser bientôt celle de l'ancien, tant par l'affluence des pèlerins que par les miracles que Marie devait y opérer. Le 18 juillet 1630, un enfant mort-né, qui n'avait pas été baptisé, fut apporté à Notre-Dame, et, en présence d'un peuple immense, fut rendu à la vie et aussitôt baptisé. La même année, semblable prodige fut renouvelé le 27 août, le 24 septembre et le 4 décembre ; la dernière fois, en présence de plus de trois mille personnes et sous les yeux d'André Duval, premier professeur de la Sorbonne, lequel a écrit l'Histoire de Notre-Dame de Pontoise. Les procès-verbaux de ces événements signés par une foule de témoins furent envoyés à l'archevêque de Rouen, qui ordonna qu'on chantât un Te Deum d'actions de grâces dans l'église signalée par de tels prodiges. La pieuse cérémonie qui eut lieu le 14 décembre fut l'occasion d'un nouveau miracle du même genre que les précédents, à cela près que l'enfant mort resta dans l'église tout le jour et toute la nuit, sans que les prières des fidèles fussent exaucées ; mais le lendemain, à six heures du matin, il recouvrait la vie et recevait le baptême. L'année suivante connut trois nouvelles résurrections opérées dans les mêmes circonstances et par le passage à Pontoise d'un religieux, le P. Lefebure, qui lui-même avait été miraculeusement rappelé à la vie cinquante et un ans auparavant, et qui, prêchant sur la puissance et les grandeurs de Marie, se présenta lui-même comme la preuve vivante de ses discours.

Dix années ne s'écoulent pas sans qu'on ait l'occasion de recourir, dans une calamité publique, à l'intervention de Notre-Dame. une maladie contagieuse désole la contrée. Les habitants de Pontoise délibèrent et firent le voeu de placer une statue de la sainte Vierge sur chacune des portes de la ville, d'en donner une d'argent du poids de 600 livres à l'église de Notre-Dame et de faire brûler tous les ans trois gros cierges en son honneur. La formule de ce voeu, qui fut religieusement exécuté, a été conservée avec le programme curieux de la grande procession qui fut organisée au moment où la maladie fut en décroissance. Cette cérémonie attira plus de douze mille personnes à Pontoise (1638).

La protection de Marie s'étendit sur toutes les paroisses environnantes qui l'invoquèrent. Qu'il suffise de citer celles de Houilles, de Pierrelaye, de Villiers-Adam, de Saint-Ouen-l'Aumône et d'Anvers, qui, toutes, voulurent marquer leur reconnaissance envers leur auguste libératrice par des voeux et des présents, auxquels s'ajoutèrent de nombreuses offrandes de la part des familles et des communautés.

En 1737, la pierre commémorative du voeu de la ville de Pontoise fut brisée par des mains impies. L'esprit philosophique préludait ainsi aux fureurs qui allaient, un demi-siècle plus tard, livrer à la profanation la plupart de nos sanctuaires et couvrir la France de tant de deuils et de ruines. L'année suivante, un nouveau marbre remplaça celui qui avait été détruit, en même temps qu'une protestation solennelle exprimait, dans une procession publique, les sentiments religieux et la piété des habitants envers Marie. Le village de Saint-Ouen-l'Aumône fut encore, en l'année 1742, délivré du fléau de l'épidémie par l'intercession de Notre-Dame, à la suite d'un voeu par lequel il s'engagea à faire, pendant neuf ans, le pèlerinage de Pontoise et à donner tous les ans à l'église trois cierges de six livres.

Le sanctuaire fut fermé le 3 juillet 1790. Après avoir été pillée et dévastée, en 1791, l'église fut transformée en magasin de fourrages. Tous les ornements sacrés, les vases, et les statues furent mis en vente ; l'image miraculeuse qu'un serrurier voulait transformer en borne, fut achetée à un prix très-élevé par Debise, ancien bedeau, qui lui fit un oratoire dans son jardin où les fidèles vinrent prier secrètement pendant les mauvais jours.

Après la Terreur, quand les églises furent rendues au culte, Notre-Dame ne parut pas nécessaire à l'administration, qui trouvait que l'église Saint-Maclou suffisait à la ville ; on allait la mettre en vente pour la démolir, quand il fallut céder enfin aux protestations et aux instances de tous les habitants qui voulaient garder le temple de Marie. Le 4 octobre 1800, à la lueur des flambeaux, la statue miraculeuse reprit sa place et Debise qui la rendait gratuitement, bien qu'il fût pauvre, et n'accepta que très-difficilement, les trois setiers de froment que la ville de Pontoise s'engageait à fournir tous les ans, à lui et à sa femme.

Le 8 septembre 1838, pour le second anniversaire séculaire du voeu de Pontoise, la fête de Marie fut célébrée avec une pompe extraordinaire, au milieu d'un immense concours de fidèles de la ville et des paroisses environnantes, sous la présidence de Mgr. Blanquart de Bailleul, évêque de Versailles.

Notre-Dame daigna répondre par de nouvelles faveurs aux élans de la piété populaire. Le 9 mai 1840, un habitant de Houilles apporta devant la miraculeuse image le cadavre de son petit enfant mort sans le baptême et, à la suite de longues prières, l'enfant ressuscita et fut baptisé. En 1849, le choléra ayant fait invasion dans la ville, on se rendit en procession à Notre-Dame, et le fléau cessa de faire des victimes.

Dans le diocèse d'Auch, à Marciac, on fait procession à la chapelle Notre-Dame de la Croix où, en 1653, lorsque la peste ravageait la région, la Sainte Vierge, entourée d'une lumière éclatante, apparut à une pauvre femme et lui dit que le fléau cesserait si on lui élevait une chapelle sous le titre de Notre-Dame de la Croix ; après avoir méprisé les dires de la pauvre femme, la peste accroissant ses ravages, on finit par aller en procession jusqu'à l'endroit de l'apparition, on le bénit et, dès qu'on posa la première pierre, le fléau diminua pour disparaître quand les murs furent élevés. La chapelle fut ruinée pendant la révolution mais relevée en 1816, et la statue fut jetée dans un puits mais récupérée, le culte reprit. Innocent XI et Benoît XIII avaient enrichi le pèlerinage d'indulgences.

Au mois de mai, à Fougerolles, au diocèse de Laval, on processionne vers Notre-Dame de Courbefossse, déjà mentionnée dans une charte de 1142 où Guillaume de Passavant, évêque du Mans, la concède aux moines de Savigny. On y vénérait une antique statue qu'on aurait trouvée dans la fontaine du chevet de la chapelle. Vendue en 1794, encore que peu entretenue, la chapelle ne fut cependant pas désaffectée et la paroisse, sous l'abbé Guesdon, la racheta en 1860 et la remit si rapidement en état qu'elle fut bénie dès le 31 octobre. Après qu'on y eut constaté quelques miracles, elle devint un lieu de pèlerinage.

Près de Tourcoing, au mois de mai, on va visiter Notre-Dame de la Marlière ; à une époque très reculée, on trouva dans un tronc d'arbre une statuette de bois que l'on plaça sur un tilleul pour que les passants s'arrêtassent pour prier. Plus tard on éleva une chapelle où un ermite recevait et enseignait les pèlerins. En 1709, alors que la famine menaçait la contrée, on vint en procession auprès de Notre-Dame de la Marlière dont on obtint une récolte extraordinaire. En 1746, Louis XV envoya les soldats de Menin pour construire un chapelle plus grande que l'on confia à un récollet. Pendant la révolution, la chapelle fut vendue à un cabaretier et la statue fut brûlée par un boulanger. En 1802, Mlle. Desurmont racheta la chapelle et la rendit au culte.

 

Le 1° mai, dans le diocèse de Bourges, des pèlerins vont à l'oratoire de Notre-Dame de Beauvais qui se trouve à la porte de Busençais où naquit saint Honoré. Il y avait là, jadis, une chapelle appartenant aux chevaliers de Maltes où l'on vénérait une fort ancienne statue. La chapelle fut détruite pendant la révolution mais la statue fut sauvée et, vers 1860, on lui construisit un oratoire.

Le premier dimanche de mai, à Castellane, dans le diocèse de Digne, on vénère Notre-Dame du Roc qui, au VIII° siècle garda les habitants du danger sarrazin. Détruite par les protestants en 1559, la chapelle fut relevée en 1590 et reconstruite en 1703.

Le 8 mai, à Rodez, dans le diocèse de Perpignan, on célèbre Notre-Dame de Doma-Nova, vieux sanctuaire marial que les calvinistes n'arrivèrent pas à incendier.

Le deuxième dimanche de mai, à Aubervilliers, on célèbre la fête de Notre-Dame des Vertus, en souvenir de ce deuxième mardi de mai 1336 où, après une procession que les habitants firent pour faire cesser la sécheresse, une jeune fille, restée près de l'autel de la Sainte Vierge pour l'orner de fleurs, vit la statue se couvrir d'une sueur abondante ; elle fit constater le fait par un cavalier passant par là qui appela au son de la cloche tous les habitants ; le soir même la pluie tombait à torrents et le pèlerinage commença. Philippe VI vint avec sa cour, puis le duc d'Alençon, le comte de Toulouse qui y fut miraculé. Le village fut si touché pendant la guerre de Cent ans que Charles V l'exempta d'impôts pendant trois ans ; l'église fut dévastée par les Armagnac et ne put être reconstruite qu'avec le secours des pèlerins à qui le cardinal d'Estouteville fit accorder cent jours d'indulgences pour peu qu'ils aidassent à sa reconstruction (1452). Louis XI y vint deux fois en pèlerinage (1474 et 1476). Le Vendredi Saint 1529, on y vint en foule, la nuit, de Paris, pour conjurer le danger protestant au cours duquel, bien qu'elle fut occupée en 1567 par le prince de Condé, l'église n'eut guère à souffrir. Le sanctuaire était si fréquenté que le clergé paroissial ne pouvait suffire et, en 1619, le curé d'Aubervilliers, M. Gallemand qui fut le premier supérieur en France des Carmélites réformées, céda l'église et la paroisse aux Oratoriens. Saint François de Sales, le cardinal de Bérulle, Alain de Solminihac, Louis XIII, saint Vincent de Paul, M. Ollier, saint Jean Eudes, M. de Condren, le R.P. Malebranche et saint Jean-Baptiste de la Salle firent le pèlerinage de Notre-Dame des Vertus. Les révolutionnaires pendirent et brûlèrent la statue miraculeuse dont le curé, l'abbé Amodru, fit faire une copie en 1873.

Le deuxième dimanche de mai, à Pontoise, on célèbre Notre-Dame de la Santé, grande statue de pierre que l'on dit avoir été rapportée d'Orient par des croisés; c'est pourquoi l'on construisit une basilique consacrée par l'archevêque Rigault de Rouen, en juillet 1226. Fort endommagée par la guerre de Cent ans, l'église fut reconstruite et de nouveau consacrée en 1484. Jules III lui accorda l'indulgence jubilaire pour l'Année Sainte 1550. L'église fut détruite pendant les guerres de religion mais de nouveau reconstruite et dédicacée (16 avril 1599), juste avant d'obtenir de Clément VIII l'indulgence jubilaire de l'Année Sainte 1600. Paris lui attribua la fin de la peste de 1580 et y vint chaque année en procession jusqu'à la révolution. En 1630, il y eut quatre résurrections d'enfants morts-nés (18 juillet, 27 août, 24 septembre et 4 décembre), ce qui se reproduisit encore trois fois en 1631. En 1638, la ville se consacra à la Sainte Vierge et fut sauvée de la peste. En 1650, Louis XIV y renouvela le voeu de Louis XIII. Pendant la révolution, l'église devint un magasin de fourrages tandis que la statue était sauvée par le bedeau qui l'acheta pour dix écus.

Le 15 mai, au Reculey, dans le diocèse de Bayeux et Lisieux, on célèbre Notre-Dame du Bocage. En 1826, un pieux et savant médecin de Vire, M. Le Creps, tomba très gravement malade et promit à Marie de lui construire un oratoire si la santé lui était rendue. Guéri, le docteur Le Creps construisit sa chapelle qui fut bénie par le supérieur des missionnaires de Notre-Dame de la Délivrande (juillet 1828). Les pèlerins y venaient si nombreux qu'il fallut construire un sanctuaire plus conséquent qui fut achevé par le curé Vengeon, le 3 mai 1875. L'évêque permit une association de prières dès 1834 et le pape Pie IX accorda des indulgences dès 1847.

Le 24 mai, à Blois, on célèbre Notre-Dame des Aydes, gardienne de la cité, dont le culte semble très ancien sans qu'on en puisse rien préciser puisque les archives ont été détruites. C'était un pèlerinage déjà célèbre quand, en 1512, Anne de Bretagne qui avait fait reconstruire le portail et les deux travées de la nef, offrit un ostensoir en vermeil et une lampe d'argent. C'est sous la protection de Notre-Dame des Aydes que le roi Henri III mit les états généraux de 1588 en processionnant derrière le Saint-Sacrement du château au sanctuaire. Louis XIII y renouvela sa consécration et celle de son royaume à la Vierge. Notre-Dame des Aydes libéra la ville de la peste (1631) et de l'inondation (1696, 1784, 1803, 1856, 1866). La statue, brûlée le 24 novembre 1793, fut remplacée par celle du monastère de Guiche.

Le 24 mai, au diocèse de Blois, dans l'ancienne abbaye de Pontlevoy, on célèbre Notre-Dame des Blanches jadis apparue en habits blancs à Gelduin, seigneur de Pontlevoy, dont descendaient les ducs d'Amboise.

Le dimanche le plus proche du 24 mai, près d'Amélie-les-bains, dans le diocèse de Perpignan, on vénère Notre-Dame del Coll qui guérit les maux du cou et dont l'origine semble être du IX° siècle où un laboureur découvrit une statue dans un champ.

Le 25 mai, aux Saintes-Maries, près d'Aigues-Mortes, on célèbre Notre-Dame de la Mer.

Le 28 mai, à Maillane, on vénère Notre-Dame de Grâce qui sauva la ville du choléra en 1844.

Le 29 mai, à Déols, dans l'archidiocèse de Bourges, les pèlerins viennent vénérer Notre-Dame de Déols à l'emplacement d'une abbaye bénédictine fondée en 917 dans un lieu où l'on avait déjà bâti une église en l'honneur de Marie. Plusieurs fois détruite et reconstruite, l'église abbatiale fut consacrée par le pape Pascal II (1106) et, par la suite, reçut la visite des papes Innocent III (1156), Honorius III (1228) et Clément V (1306). Le 29 mai 1187, Richard Coeur de Lion, envoyé par son père, Henri II Plantagenêt, pour défendre Châteauroux contre les troupes de Philippe II Auguste, commandait des routiers ; l'un d'eux, raconte Rigord, perdait à un jeu de dès, installé devant le portail de l'église Notre-Dame, où était placée une statue de la bienheureuse Vierge. Furieux de ses pertes, le joueur éclatait en blasphèmes. Soudain, il lève les yeux et voit, sculptée sur le portique de l'église, l'image de la bienheureuse Marie tenant l'enfant Jésus dans ses bras. O douleur ! ce misérable saisit une pierre, et, à la vue de tout le monde, la jette contre la statue et casse à l'enfant Jésus un bras qui tombe à terre. Aussitôt le sang ruisselle en abondance de la blessure et coule jusque sur le sol. Le malheureux cottereau est saisi d'un mouvement frénétique et expire sur place. Jean sans terre survient, accompagné du comte de Limoges, ramasse le précieux débris, et plus tard le dépose dans une chapelle, qu'il fait bâtir en Angleterre et qu'il dédie à la Vierge, sous le titre de Notre-Dame du Réduit. Les princes firent rapidement la paix et on l'attribua à Notre-Dame de Déols qui fit depuis de très nombreux miracles. Les protestants brûlèrent deux fois le monastère et l'église (1567 & 1569) mais la statue leur échappa et fut vénérée jusqu'à sa destruction, en 1791. Les restes de la statue furent recueillis et raccordés.

A Gannes, dans le diocèse de Beauvais, le 31 mai, les fidèles qui visitent la chapelle de Notre-Dame du Bon Secours élevée en 1300 (agrandie en 1776) par une jeune fille dont la Sainte Vierge protégea l'honneur, recevaient une indulgence plénière.

 

 Pendant le Temps Pascal, on remplace l'Angélus par le Regina Caeli avec son oraison propre ...

------------------------------------------------------------------------

Les faux dévots de la Sainte Vierge, selon saint Louis-Marie Grignion de Montfort

Je trouve sept sortes de faux dévots et de fausses dévotions à la Sainte Vierge, savoir : 1° les dévots critiques, 2° les dévots scrupuleux, 3° les dévots extérieurs, 4° les dévots présomptueux, 5° les dévots inconstants, 6° les dévots hypocrites, 7° les dévots intéressés.

Les dévots critiques sont, pour l'ordinaire, des savants orgueilleux, des esprits forts et suffisants, qui ont au fond quelque dévotion à la Sainte Vierge, mais qui critiquent presque toutes les pratiques de piété que les gens simples rendent simplement et saintement à cette bonne Mère, parce qu'elles ne reviennent pas à leur fantaisie.

Ces sortes de faux dévots et de gens orgueilleux et mondains sont beaucoup à craindre ; il font un tort infini à la dévotion à la très Sainte Vierge, et en éloignent les peuples d'une manière déplorable, sous prétexte d'en détruire les abus.

Les dévots scrupuleux sont des gens qui craignent de déshonorer le Fils en honorant la Mère, d'abaisser l'un en élevant l'autre. Ils ne sauraient souffrir qu'on donne à la Sainte Vierge des louanges très justes, que lui ont données les saints Pères ; ils ne souffrent qu'avec peine qu'il y ait plus de monde devant un autel de Marie que devant le Saint-Sacrement, comme si l'un était contraire à l'autre ; comme si ceux qui prient la Sainte Vierge ne priaient pas Jésus-Christ par elle ! Ils ne veulent pas qu'on parle si souvent de cette auguste Souveraine, qu'on s'adresse si souvent à elle. (...)

Les dévots extérieurs sont des personnes qui font consister en des pratiques extérieure toute leur piété envers Marie ; qui ne goûteque l'extérieur de la dévotion à la très Sainte Vierge, parce qu'ils n'ont point l'esprit intérieur ; qui diront force chapelets à la hâte, entendront plusieurs messes sans attention, iront aux processions sans dévotion, se mettront de toutes les confréries sans amender leur vie, sans faire violence à leurs passions et sans imiter les vertus de cette Vierge très sainte. Ils n'aiment que le sensible de la dévotion, sans en goûter le solide ; s'ils n'ont pas des sensibilités dans leurs pratiques, ils croient qu'ils ne font plus rien, ils se rétractent, ils quittent tout là où ils font tout à bâtons rompus. Le monde est plein de ces sortes de dévots extérieurs, et il n'y a pas de gens plus critiques des personnes d'oraison qui s'appliquent à l'intérieur, comme à l'essentiel, sans mépriser l'extérieur de modestie qui accompagne toujours la vraie dévotion.

Les dévots présomptueux sont des pécheurs abandonnés à leurs passions, ou des amateurs du monde, qui sous le beau nom de chrétien et de dévot à la Sainte Vierge, cachent ou l'orgueil, ou l'avarice, ou l'impureté, ou l'ivrognerie, ou la colère ou le jurement, ou la médisance, ou l'injustice, etc. ; qui dorment en paix dans leurs mauvaises habitudes, sans se faire beaucoup de violence pour se corriger, sous prétexte qu'ils sont dévots à la Sainte Vierge ; qui se promettent que Dieu leur pardonnera ; qu'ils ne mourront pas sans confession, et qu'ils ne seront pas damnés, parce qu'ils disent leur chapelet, parce qu'ils jeûnent le samedi, parce qu'ils sont de la Confrérie du saint Rosaire ou du Scapulaire, ou de ses autres congrégations ; parce qu'ils portent le petit habit ou la petite chaîne de la Sainte Vierge, etc. Quand on leur dit que leur dévotion n'est qu'une illusion du démon et qu'une présomption pernicieuse capable de les perdre, ils ne veulent pas le croire : ils disent que Dieu est bon et miséricordieux ; qu'il ne nous a pas faits pour nous damner ; qu'il n'y a homme qui ne pèche ; qu'ils ne mourront point sans confession. (...)

Les dévots inconstants sont ceux qui sont dévots à la Sainte Vierge par intervalles et par boutades : tantôt ils sont fervents et tantôt tièdes, tantôt ils paraissent prêts de tout faire pour son service, et puis, peu après, ils ne sont plus les mêmes. Ils embrasseront d'abord toutes les dévotions de la Sainte Vierge ; ils se mettront de ses confréries, et puis ils n'en pratiquent point les règles avec fidélité ; ils changent comme la lune, et Marie les met sous ses pieds, avec le croissant, parce qu'ils sont changeants et indignes d'être comptés parmi les serviteurs de cette Vierge fidèle, qui ont la fidélité et la constance pour partage. (...)

Il y a encore de faux dévots à la Sainte Vierge, qui sont des dévots hypocrites, qui couvrent leurs péchés et leurs mauvaises habitudes sous le manteau de cette Vierge fidèle, afin de passer aux yeux des hommes pour ce qu'ils ne sont pas.

Il y a encore les dévots intéressés, qui ne recourent à la Sainte Vierge que pour gagner quelque procès, pour éviter quelque péril, pour guérir d'une maladie, ou pour quelque autre besoin de cette sorte, sans quoi ils l'oublieraient ; et les uns et les autres sont de faux dévots, qui ne sont point de mise devant Dieu ni sa sainte Mère....

------------------------------------------------------------------------

Comme Eve, ayant un époux, mais étant vierge encore, fut par sa désobéissance un cause de mort pour elle-même et pour tout le genre humain, ainsi Marie vierge fut, par son obéissance, une cause de salut pour elle-même et pour tout le genre humain (...) Le noeud de la désobéissance d'Eve a été défait par l'obéissance de Marie, car ce que la vierge Eve avait lié par son incrédulité, la Vierge Marie l'a délié par sa foi (...) De même que celle-là se laissa séduire par la parole de l'ange la poussant à se séparer de Dieu en transgressant sa parole, de même celle-ci acquiesça au message de l'Ange lui annonçant qu'elle porterait Dieu, en obéissant à sa parole (...) Si celle-ci désobéit à Dieu, celle-là se laisse persuader d'obéir à Dieu de sorte que la Vierge Marie devint l'avocate de la vierge Eve. Et, de même que le genre humain a été attaché à la mort par une vierge, c'est par une Vierge qu'il est sauvé.

Saint Irénée

------------------------------------------------------------------------

ANGELUS

Longtemps populaire et souvent récité privément ou en famille, l'Angelus, faussement attribué à Urbain II prêchant à Clermont la première croisade mais lentement élaboré entre le XIII° et le XVI° siècle, est une prière liturgique dialoguée que l'Eglise recommande de faire, en dehors du temps pascal où il est remplacé par le " Régina caeli ", le matin, le midi et le soir, au son de la cloche, pour confesser le mystère de l'Incarnation en rappelant l'Annonciation. Il s'agit de trois " Ave Maria ", précédés chacun d'un verset et de son répons, l'ensemble étant conclu par une oraison, elle aussi introduite par un verset avec son répons. Les trois ensembles initiaux verset-répons sont tout droit puisés dans l'Ecriture ; les deux premiers dans le récit de l'Annonciation de l'évangile selon saint Luc (I 28-35 et I 38) et le troisième dans le prologue de l'évangile selon saint Jean (I 14), tandis que le dernier est une invocation coutumière du secours de la Vierge, avec son oraison propre. Il est convenable de sonner trois coups de cloche aux trois premiers versets et trente-trois coups ou une longue volée pour l'oraison Cette prière , longtemps intitulée " pardon " en raison des nombreuses indulgences dont on l'avait enrichie, a pris, au milieu du XVII° siècle, du premier mot que l'on y dit, son titre actuel, " Angelus ", d'ailleurs souvent encore inusité en Italie où on la nomme plus volontiers " Ave Maria ".

A partir du synode de Caen de 1061, se propagea dans les villes l'habitude de faire sonner une cloche en fin de journée, tant pour marquer la clôture des travaux que pour appeler les fidèles à la prière avant qu'ils se retirassent chez eux. Nulle indication de prière particulière ne semble avoir été donnée et ce n'est qu'au XIII° siècle, que le pape Grégoire IX ordonna que l'on priât pour les croisés et que saint Bonaventure demanda aux frères mineurs d'y faire réciter un " Ave Maria " (chapitre général de 1269). Il était alors depuis longtemps courant, dans un grand nombre de monastères, surtout ceux qui servaient d'alumna, qu'après les complies, on fît réciter aux enfants, pendant que les moines disaient les trois oriationes et que sonnait la cloche, trois prières qui devinrent des " Ave Maria " ; c'est cette pieuse coutume qui se répandit dans le peuple, surtout grâce aux efforts des franciscains, et dont on trouve pour la première fois, en Hongrie, réglementée l'obligation enrichie de dix jours d'indulgence (synode d'Esztergom de 1309).

La récitation vespérale d'un ou de trois " Ave Maria " se répandit d'autant plus rapidement que c'était un moyen efficace d'apprendre aux fidèles une formule de prière qui venait seulement d'être composée dans la forme que nous connaissons encore aussi, dès le début du XIV° siècle, intéressa-t-elle les papes. Si l'on peut douter que, de Carpentras, en 1314, Clément V y attacha dix jours d'indulgence, il est en revanche sûr, qu'en 1318, Jean XXII accorda une indulgence de dix jours à tous ceux qui réciteraient, à genoux, trois " Ave Maria " en entendant la cloche du soir qui pouvait être ou non distincte de celle du couvre-feu mais qui, en tous cas, lui est historiquement antérieure ; d'aucuns pensent que les trois triples sonneries, les plus anciennes, appartiennent à la dévotion alors que la volée serait le signal du couvre-feu dont la conjugaison avec le ou les " Ave Maria " (l'évêque de Winchester voulait que l'on allât jusqu'à neuf) n'est attestée qu'au cours du XIV° siècle (Tréguier 1334, synode de Paris 1346).

C'est encore Jean XXII qui introduisit cet usage à Rome par un décret envoyé à l'évêque Ange de Viterbe, alors vicaire à Rome, scellé le 7 mai 1327. Comme dans les monastères les prières qui se faisaient aux complies, se faisaient de la même manière à prime, l'usage du soir s'y appliqua aussi au matin pour se répandre dans les paroisses plus vite encore. Il semble que Pavie fut le premier diocèse à l'adopter, avant 1330, ouvrant une voie à un usage qui devint quasi universel dès avant la fin du siècle ; en 1390, un bref de Boniface IX au clergé de Bavière recommandait de faire sonner à l'aurore les cloches des églises comme, disait-il, on le faisait déjà à Rome et dans toute l'Italie. On ne sait trop commentest arrivée la coutume de faire à midi ce que l'on faisait déjà le soir et le matin, encore, qu'au cours du XIV° siècle, en de nombreux endroits et pour des raisons particulières (liturgiques, sociales ou politiques), on se mit à appeler le peuple à prier, au milieu du jour, par une sonnerie exceptionnelle ; ainsi, en 1456, fort de cet usage, Callixte III, pour conjurer le danger turc, ordonna, entre none et vêpres, trois " Pater " et trois " Ave Maria ". Louis XI prescrivit pour tout son royaume un " Ave Maria " à midi (1472), dévotion à laquelle Sixte IV appliqua trois cents jours d'indulgence.

Alexandre VI confirma la décision de Callixte III. Le XVI° siècle équivaut les trois prières et leur donne peu à peu la forme que nous utilisons encore, normalisée en 1612 ; les versets et leurs répons apparaissent dans un catéchisme vénitien de 1560, reproduit dans un petit office romain de la Sainte Vierge publié sous Pie V (1568). Benoît XIII recommande vivement la récitation de l'Angélus (14 septembre 1734), Benoît XIV en porte les indulgences à cent jours (20 avril 1742), et un décret de Léon XIII (15 mars 1884) le réglemente jusqu'à une époque récente. Jean XXIII y avait ajouté la pratique de trois " Gloria Patri " (lettre pastorale au peuple romain du 2 février 1959) ce que ne reprendra pas Paul VI dans l'Exhortation apostolique " Marialis Cultus " (2 février 1974) où, en demandant qu'on récitât l'Angelus, se refusait à le rénover et, dans l'enchiridion qu'il fit publier en 1968, lui accordait l'indulgence partielle, disposition gardée par Jean-Paul II (1986).


Note de Regard: voir aussi: Marie et Rome