Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LES GUERRES BIBLIQUES et le « Dieu des armées »

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Avec la deuxième moitié du livre des Nombres commencent les récits de la conquête de Canaan. Cela n'ira pas sans effusion de sang, l'histoire d'Israël sera émaillée de batailles. Si, dès l'Exode et les Nombres, on trouve «Yahvé » à la tête des forces d'Israël, ce n'est que dans le livre de Samuel qu'apparaît « Sabaot » rendu par « Dieu des armées ». La liturgie romaine d'avant le Concile l'employait dans le « Sanctus ». La réforme liturgique l'a traduit par « Dieu de l'Univers ».

Le Dieu « Sabaot » serait en effet plus exactement le « Dieu des forces », forces terrestres des armées d'Israël sans doute, mais plus encore forces célestes que sont les anges ou même les constellations innombrables qui forment justement l'univers.

Il reste que l'Ancien Testament nous présente bien des guerres - et des guerres sans merci - comme voulues, bénies, exigées par Dieu. Le caractère souvent inhumain et parfois franchement immoral des épopées accomplies en son nom fut même l'un des arguments d'élection des rationalistes du 18 ème siècle contre toute religion révélée.

A vrai dire, cet aspect du problème est complètement étranger aux auteurs inspirés pour lesquels ces moeurs très rudes étaient sans doute fort naturelles dans le contexte de leur époque. La thèse théologique qui sous-tend ces récits guerriers, c'est que le vrai combattant et le vrai vainqueur c'est Dieu et non pas les guerriers d'Israël. C'est pourquoi la stratégie et le rapport des forces en présence a si peu d'importance, et que seul compte la docilité aux ordres divins. Minoritaire, Israël vaincra s'il agit conformément à la volonté de son Dieu. Dans le cas contraire, même majoritaire, il perdra. Tel est le leit-motiv.

« Dieu le veut ! »

Mais cette thèse ne suffit pas à dissiper un malaise bien compréhensible chez l'homme d'aujourd'hui. Pour éclairer ce problème difficile, il faut le confronter avec des faits plus proches dans le temps.

« Dieu le veut »! s'écriaient les croisés en partant guerroyer contre les Sarrazins.

Dieu le voulait-il vraiment? Quel est le théologien sérieux qui oserait l'affirmer de nos jours? Et cependant toute la chrétienté médiévale en fut alors persuadée.

Pareillement, jusqu'à une époque extrêmement récente, la morale « bien pensante » admettait une conception assez large de la juste guerre et souvent la conscience chrétienne identifia spontanément la victoire militaire à la bénédiction divine et la défaite au châtiment.

Il n'est que de se souvenir des interprétations de la malheureuse campagne de France en juin 1940. Qui n'a pas entendu de la bouche de « sages » que la France avait été châtiée à cause de ses péchés?

Voilà qui nous fait peut-être sourire aujourd'hui. Cela ne date pourtant que de trente ans à peine.

De plus, il est indéniable que le Dieu qui l'avait tiré d'Egypte et lui donnait la terre de Canaan en possession éternelle enjoignait à Israël de la conquérir, et de la conquérir à la pointe de l'épée parce que tels étaient les usages de tous les peuples de ce temps, à moins qu'on n'exige un miracle perpétuel qui foudroie tous les ennemis. Le texte biblique affirme qu'il y en eut. Mais la maxime « aide-toi toi-même, le Ciel t'aidera » transparaît souvent.

Quelle qu'ait été la contribution humaine à l'accomplissement de la volonté de Dieu, l'entrée en Terre promise devait être un don. Ce devait être le « don d'une conquête », comme ce fut dit très justement. De là à identifier comme une volonté explicite de Dieu toutes et chacune des lois qui régissaient la guerre à cette époque, extermination ou asservissement des vaincus, destruction de leurs villes et autres procédés, hélas parfois encore en usage, mais aujourd'hui universellement réprouvés, il n'y avait qu'un pas à faire et Israël le fit aisément.

Si le plan adopté par Dieu pour doter Israël d'une Terre impliquait inévitablement des guerres, cela ne signifie pas que Dieu ait voulu directement tout ce qui se passa à l'occasion de celles-ci.

Le « Dieu des armées » n'aime pas la guerre L'ensemble de la Bible nous parle d'un Dieu qui en aucune manière n'aime et ne favorise la guerre : le Deutéronome (chap. 20. vers. 10-14) exige qu'on offre la paix avant d'engager la bataille et qu'on ne se livre à celle-ci que si elle s'avère inévitable. David, ce grand guerrier devant l'Eternel, à qui Israël doit d'avoir fait politiquement son unité, s'est vu refuser par Dieu la joie suprême de bâtir le Temple parce qu'il avait fait trop de guerres. Ce sera son fils Salomon, dont le nom signifie « le Pacifique )>, qui construira le Temple de Jérusalem.

Car la paix demeure liée à Dieu, à sa résidence et à son culte, même si les contingences de l'histoire nécessitent des engagements armés.

C'est en ce sens que la tradition juive interprète cette prescription curieuse qui veut que l'autel soit bâti de pierres non polies : parce que, disent les rabbins,

l'autel établit la paix entre Dieu et les hommes, par le sacrifice, et il ne convient pas que les pierres qui le composent aient été profanées par le fer qui tue et introduit la division parmi les hommes.

Dom J. GOLDSTAIN

En ce temps-là, la Bible No 12 pages III-IV.

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