Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LES EVANGELIQUES

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  • B. La situation contemporaine
  • 1. Catholiques et protestants
  • 2. Evolution actuelle de l'oecuménisme
  • 3. Les évangéliques et les confessions protestantes
  • 4. L'unité évangélique et l'oecuménisme de Genève (COE)
  • 5. Les zones intermédiaires
  • 6. Les évangéliques en Suisse
  • C. Le témoignage évangélique



    Un ami pasteur m'ayant demandé ce que je pouvais lui dire sur l'identité des évangéliques, je veux tenter de cerner un actuel mais vaste problème, au risque de schématiser des aspects importants.

    Dans l'AT, le peuple d'Israël est sans cesse exhorté à remémorer les interventions de Dieu dans son histoire. Pour nous aussi, il est essentiel de regarder le passé afin de comprendre le présent. Au travers de toute l'histoire de l'Eglise, nous voyons la continuité étonnante et parfois paradoxale de l'action de l'Esprit de Dieu dans le monde.

    Le mysticisme du moyen-âge trouve une certaine continuité dans le réveil puritain-piétiste apparu dès le 17e siècle, à son tour précédé de la Réforme et des anabaptistes, suite à de nombreux mouvements de retour à la Parole de Dieu à travers l'Europe.

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    A. Aperçu historique

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    1. Le réveil piétiste-puritain

    Arndt (1555-1621), Spener (1635-1705) et Francke (1663-1722) en ont été les pères en Allemagne. De là le réveil passa dans le monde anglo-saxon, où il y eut un premier réveil en 1734 avec G. Whitefield, puis une deuxième vague en 1780. Whitefield eut un ministère étendu, également en Amérique. Les "pères pélerins", piétistes hollandais et huguenots entre autres, avaient préparé le terrain et produit de nombreux écrits puritains-piétistes.

    En Europe, le comte N.L. de Zinzendorf (1700-1760) fut à l'origine du grand réveil morave de 1722. Le mouvement piétiste était marqué par un fort biblicisme, ce qui empêcha qu'il dégénère en humanisme religieux ou simple mysticisme. Un point central fut la "nouvelle naissance", l'expérience d'une relation personnelle avec le Seigneur. La lancée missionnaire moderne commença réellement avec les piétistes. Le piétisme représente un profond réveil spirituel d'évangélisation missionnaire mondial. La préoccupation sociale, celle des principes éthiques et de l'éducation chrétienne en furent les autres traits caractéristiques.

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    2. Les courants évangélique et oecuménique

    Pour ce qui concerne les 19e et 20e siècles, je renvoie au discours inaugural du Congrès de Lausanne: "Pourquoi Lausanne ? " de Billy Graham. Parlant des causes de l'affaiblissement des églises, il dit: "L'Eglise a perdu beaucoup du zèle et de la vision des jours passés (New York 1900, Edinburgh 1910). En voici les trois raisons principales:

     

    1. La perte de l'autorité et du message de l'Evangile.

    2. La priorité accordée aux problèmes sociaux et politiques.

    3. Une même préoccupation avec une unité organique.

    Le premier courant était évangélique; le second était de caractère oecuménique. "

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    3. La tradition évangélique

     

    Elle a comme base l'inspiration et l'autorité absolue des Saintes Ecritures. Elle fait suite aux réveils des trois derniers siècles. Le mouvement évangélique a connu une croissance énorme dans le monde entier, surtout par les "conquêtes missionnaires". L. Drummond écrivait: "La plus grande contribution des piétistes fut d'injecter l'esprit missionnaire dans la Réformation. "

    Le réveil évangélique en Suisse romande a été décrit par Paul Perret et Jacques Blandenier. Le mouvement évangélique ne s'est pas forcément superposé aux structures d'églises historiques. Souvent il a provoqué l'éclosion d'églises libres et de communautés largement autonomes, dont plusieurs à tendance baptiste.

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    4. La tradition libérale

    Elle a abouti à ce qu'on appelle "oecuménisme", mot actuellement employé dans des sens très divers. Il présente les trois caractères mentionnés par Billy Graham. Après la deuxième Guerre mondiale, à la suite de diverses rencontres historiques, le Conseil oecuménique des Eglises (COE) fut fondé et structuré en 1948 à Amsterdam. Il a gagné de nombreuses églises comme adeptes. Marqué de libéralisme et de pluralisme, le mouvement oecuménique a provoqué des réactions fortes dans le monde évangélique, et l'a parfois figé.

     

    Dans le monde actuel, et surtout dans le Tiers-Monde, il y a partout deux camps très distincts :

    a) les évangéliques nombreux et, en général, conquérants;

    b) les oecuméniques, qui progressent surtout dans le sens socio-politique, avec l'idée utopique de l'unité universelle, donc avec un certain syncrétisme (Bangkok).

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    B. La situation contemporaine

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    1. Catholiques et protestants

    a) Le COE: Depuis sa formation, il y a un effort de rapprochement des deux côtés. Dans la première phase de l'oecuménisme, ce fut surtout la recherche de l'unité de l'Eglise. Le progrès de l'unité avec orthodoxes, églises de l'Est et de l'Ouest s'est enlisé depuis dix à vingt ans. Il y a près de 300 grandes et petites églises dans le COE. Dans la deuxième phase du COE, les relations entre catholiques et protestants ont été fortement influencées par l'humanisme, le dialogue avec les religions et idéologies de notre temps, et surtout l'évolution socio-politique. A part cela, nous constatons une mutation frappante du côté catholique.

    b) Le mouvement de Taizé, surtout en Europe, recherche une unité par une spiritualité catholique dans un vide spirituel protestant

    c) Le mouvement charismatique, d'origine piétiste-pentecôtiste, a connu un développement phénoménal, surtout parmi les catholiques, mais aussi chez les protestants. Il a contribué à combler un vide spirituel chez les deux. On peut parler d'un oecuménisme charismatique qui se situe loin du COE à Genève, mais qui met l'accent sur la dimension expérimentale au détriment de la dimension biblique et doctrinale.

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    2. Evolution actuelle de l'oecuménisme

    Il s'agit de la variété de Genève. Son évolution peut être schématisée ainsi années 40: unité - années 50: Eglise - années 60: théologie du développement et pensée humaniste - années 70: en plus un engagement politique - années 80: appel à la lutte active, voire année, contre les dominations, nuance qu'on peut désigner par le terme "christo-marxisme" (christianisme teinté de marxisme). Cette évolution va de pair avec une diminution de l'effort d'évangélisation.

    Tout cela s'est réalisé avec le développement de nouvelles théologies: les "théologies populaires" telles que la théologie de libération, la théologie noire, le féminisme extrémiste. Ces mouvements idéologiques sont basés sur des expériences faites à partir de la situation en Amérique du Sud et ailleurs, et sur un intense travail théologique fait par les oecuménistes radicaux. On parle d'une "nouvelle compréhension contextuelle de la Bible", parfois liée à une "lecture matérialiste de la Bible" faite dans une vision "christo-marxiste" du royaume de Dieu.

    On peut dire qu'il y a un abîme entre ce que fut l'oecuménisme en 1948 et ce qu'il est aujourd'hui. Cet abîme se traduit aussi par un discours anti-évangélique plus net (Melbourne, Vancouver), tandis qu'une fraction cherche des contacts avec le monde évangélique.

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    3. Les évangéliques et les confessions protestantes

    Le courant évangélique est entré dans les églises traditionnelles des pays scandinaves (piétisme de Finlande et de Norvège surtout), de la Grande-Bretagne (fraction évangélique dans la "Low Church") et partiellement de l'Allemagne (mouvement "Eglise confessante", relevant de la déclaration de Barmen, dans les églises luthériennes et réformées). En France, il y a eu division dans l'église réformée. Nous parlerons de la Suisse plus loin.

    Un problème important est celui de la théologie de Karl Barth, qui a combattu à la fois le libéralisme et le piétisme. Ce n'est qu'à la fin de sa vie qu'il modifia sa position par rapport au piétisme. Le barthisme constitua, avant tout en Europe centrale, une barrière contre le courant évangélique, surtout dans les églises réformées. Aujourd'hui, avec la régression du barthisme, il y a un contact plus cordial entre réformés et évangéliques.

    Le changement de la situation se révèle toutefois dans le changement du vocabulaire. Dans les pays francophones, on distingue réformés, évangéliques et charismatiques. Dans les pays germanophones, un néologisme fit son apparition: die Evangelikalen; ce mot fut réprouvé au début, mais il est largement utilisé aujourd'hui.

    Aux Etats-Unis, la situation est très différente, à cause de l'absence d'églises de l'Etat. Cela constitue une différence fondamentale avec les églises d'Europe, particulièrement avec celles de la Grande-Bretagne, où il y a une coexistence entre évangéliques et églises d'Etat. L'absence de celles-ci aux Etats-Unis fait que les évangéliques y représentent une force considérable. Les grandes campagnes d'évangélisation qui eurent lieu aux Etats-Unis dans notre siècle y ont contribué à un renouveau spirituel, de sorte que les évangéliques forment la grande majorité du monde protestant, ce qui se répercute favorablement sur l'effort missionnaire. Il faut aussi mentionner le développement de pointe d'une missiologie évangélique.

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    4. L'unité évangélique et l'oecuménisme de Genève (COE)

    L'évolution décrite dans la première partie de cet exposé, conjointement avec la grâce de Dieu, a fait que les évangéliques sont sortis de leur dispersion. Dès le début du siècle, l'Alliance Evangélique Universelle a préparé une certaine unité. Plus tard, après six ans de prière et de contacts, le premier Congrès évangélique eut lieu à Berlin en 1966 ("Congrès mondial de l'évangélisation").

    Depuis cette date, les évangéliques ont continué d'organiser des rassemblements internationaux importants et sont devenus une force considérable par une unification étonnante, non hostile. On peut dès lors parler d'un "oecuménisme évangélique" (oekuméné = univers) qui s'est merveilleusement développé, dans un effort d'enlever des barrières traditionnelles et de mettre Jésus-Christ au centre de cette vision. A ce propos, citons le Congrès de Lausanne de 1974, qui fut le plus grand congrès universel des évangéliques, sous le sigle CIPEM (Congrès international pour l'évangélisation du monde); il en résulta la "Déclaration de Lausanne" qui eut un impact mondial. TEMA (The European Missionary Association) s'est voué à l'organisation de congrès missionnaires de jeunesse sur le plan européen; en Suisse, il y eut les deux "Jours du Christ" en 1980 et 1984.

    Plusieurs facultés de théologie évangélique ont été fondées, ainsi à Vaux-sur-Seine, à Aix-en-Provence et à Bâle (FETA: Freie evangelisch-theologische Akademie). Ces facultés reflètent et stimulent la réflexion évangélique.

    L'unification massive des évangéliques dans le Tiers Monde, en Amérique et dans certains pays d'Europe a attiré l'attention du mouvement oecuménique qui, sans changer son cours, fait de gros efforts de relations humaines et de compréhension spirituelle pour se rapprocher des évangéliques.

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    5. Les zones intermédiaires

    Ce qui précède explique la formation de zones intermédiaires entre les courants principaux du protestantisme, d'autant plus que nous vivons dans un monde où domine le mythe de la neutralité et du compromis. Une autre tentation qui caractérise notre temps (temps de la fin ?) est celle du relativisme humaniste où l'homme choisit son éthique et croit à l'unité universelle future.

    A part les oecuméniques ouverts aux évangéliques, surtout dans les pays à fortes églises d'Etat, il y a aussi les évangéliques oecuménisants, qui cherchent à gommer l'abîme qui sépare les deux groupes. Dans ce domaine, le côté affectif joue un grand rôle, ce qui n'a rien d'étonnant, vu que la foi chrétienne implique la personne entière du croyant. Et puis, il faut le dire : il y a des oecuméniques sympathiques et des évangéliques parfois rébarbatifs.

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    6. Les évangéliques en Suisse

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    a) Suisse alémanique

    La situation des évangéliques (Evangelikale) s'est fortement renforcée dans cette décennie, ce qui a provoqué un accroissement important des églises évangéliques. Cela est dû en grande partie au grand nombre d'églises libres (Freikirchen) et de communautés évangéliques en relation avec les Eglises d'Etat (chaque canton a son église, en général intégrée dans un de ses départements). Ces églises libres sont indépendantes de l'Etat. Parmi elles, mentionnons: Evangelische Gemeinschaft, Freie Gemeinde, Evangelische Brüderversammlung (Assemblée des Frères), Chrischona. Ces différentes églises se sont muées en une Communauté suisse de travail pour l'évangélisation (SAFE) qui contribue largement à l'unité des évangéliques. En 1984, SAFE admit en son sein les communautés pentecôtisantes qu'avant elle avait tenues à l'écart. Elle prépare une action commune au niveau des médias électroniques. Chaque année,. des campagnes d'évangélisation sont organisées en Suisse Alémalique.

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    b) Suisse romande

    Ici la situation des évangéliques est beaucoup plus faible, à cause de leur petit nombre et de leur division en groupuscules. L'influence de l'Eglise d'Etat, qui possède quelques leaders évangéliques remarquables, a été négative, d'une part à cause du barthisme antipiétiste qui a fortement influencé les théologiens des années 40 à 60, d'autre part à cause du voisinage du COE de Genève, dont l'influence a été en général neutraliste sinon pluraliste.

    L'urgente nécessité de l'unité des évangéliques, que les médias traitent comme quantité négligeable, a commencé à se concrétiser en novembre 1983 par la constitution de la FREOE (Fédération romande d'églises et d'oeuvres évangéliques) où siègent des extrêmes tels que l'Action biblique et des églises pentecôtisantes.

    L'attitude d'expectative de beaucoup d'Assemblées de Frères, qui forment la majorité des églises évangéliques de Suisse romande rend cette unification difficile et freine la formation d'une entité qui puisse être prise au sérieux par les autorités et les médias. Notre voeu est que nos frères prennent mieux conscience de leur héritage spirituel et de leur identité, que les barrières traditionnelles puissent tomber, afin que le témoignage d'une unité évangélique dans notre région soit plus réel.

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    C. Le témoignage évangélique

    Il s'agit de fixer des buts clairs et de travailler à "l'oecuménisme évangélique" qui s'étend au monde entier, ainsi que de rechercher des contacts réguliers avec le mouvement évangélique dans le monde, mouvement qui n'a pas de siège et qui s'oppose à une structuration rigide.

    Le témoignage évangélique doit faire honneur au Seigneur par sa position clairement biblique et doit être rendu dans un esprit d'humilité et de courage. S'il est exempt d'agressivité et d'esprit de confrontation, l'unité des évangéliques sera la meilleure réponse au libéralisme et au pluralisme théologique ambiant. Cela demande du courage dans un monde empreint de préjugés séculiers humanistes où l'on ne distingue souvent que "oecuméniques" et "sectaires". Les évangéliques doivent se défendre d'être taxés d'obscurantistes religieux ou culturels, de "fondamentalistes" ou d'autres étiquettes péjoratives que les médias tentent de leur coller.

    Si les évangéliques veulent être le sel de la terre, ce qui est le devoir absolu de chrétiens, leur témoignage doit être fidèle à la Bible, sans aucune ambiguïté. Ceci dit, il doit aussi se faire dans le respect des particularités des nombreux groupes qui le composent. C'est un programme de compréhension et d'aide mutuelle dans l'amour du Christ.

    La soumission absolue des évangéliques à l'autorité de la Parole inspirée doit se refléter non seulement dans la théologie, mais aussi dans le domaine de l'éthique et de la vie sociale. Je ne citerai ici que deux noms qui sont devenus des symboles dans le monde évangélique : Francis Schaeffer des Etats Unis et l'historien Pierre Chaunu, membre de l'Institut.

    Le témoignage évangélique ne peut ignorer les trois milliards d'hommes sans possibilité d'entendre le message de l'Evangile. Il doit s'inspirer de la vision des anciens piétistes: évangéliser le monde pour que le Roi vienne.

    Rodolphe Bréchet

    Ndlr: En Août 1985 eut lieu, à Morges, un grand rassemblement pour fêter la fondation de l'Association des Assemblées de Suisse romande, qui réunit en son sein une quarantaine d'Assemblées de Frères antérieurement séparés en deux groupes distincts. Le voeu du Dr. Bréchet, qui rédigea cet article en 1984, s'est ainsi réalisé.

    Notice nécrologique

    Le Dr. Rodolphe BRECHET, dont nous avons le privilège de publier l'article ci-dessus, est mort tout dernièrement à l'âge de 74 ans. Il servit le Seigneur en Angola, où il fit valoir ses capacités de médecin évangélique pendant 36 ans. Sa foi et sa consécration laisseront un souvenir durable.

    Promesses 1987 - 3 / No 81 - 82

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