La France était-elle lasse de trente années de « guerres de religion » ? Avec son nouveau Roi, né et longtemps protestant mais devenu catholique-romain, aspirait-elle à la paix ?
« Cote mal taillée », « affaire joliment mal emmanchée », comme on l'a dit, l'Edit de Nantes (après deux longues années de discussion et de marchandages entre les Commissaires royaux et l'Assemblée politique des protestants - années durant lesquelles la rouerie d'Henri IV fit merveille -) fut signé le 13 avril 1598. Il faisait du protestantisme français « une confession religieuse désavantagée mais un corps social et politique privilégié ».1*
(Une confession religieuse désavantagée... ». L'Edit commence par rétablir dans tout le Royaume... le culte catholique-romain. Les réformés, même là où il n'y a qu'eux, ou presque, doivent rendre à l'Eglise catholique-romaine les édifices et les terrains qui étaient devenus les leurs. Et, si les réformés se voient accorder la liberté de conscience, l'égale admission aux charges publiques et aux divers métiers, ainsi qu'une justice impartiale par la création de Chambres mi-parties auprès des Parlements de Bordeaux, de Toulouse et de Grenoble, leur liberté de culte (même assortie de la promesse d'une somme de 45 000 écus par an pour l'entretien des pasteurs) est fort restreinte. Le culte réformé ne peut être célébré que là ou il l'était habituellement en 1596 et jusqu'en août 1597 ainsi que là où l'avaient établi ou rétabli les Edits de Poitiers ( 1577 ), de Nérac ( 1579 ) et de Fleix (1580) à raison d'un ou deux lieux par baillage. Le plus souvent dans les faubourgs et non pas dans les villes. Cela ne permettait en tout, pour un « peuple » réformé d'un million et demi de personnes au moins, que 921 églises.
« Un corps social et politique privilégié... ». L'Edit remet en effet aux réformés, pour une durée de huit ans, 150 lieux de refuge environ, dont 70 places de sûreté (villes ou forteresses), ce qui en faisait comme un Etat dans l'Etat. Le trésor public devait assurer l'entretien de ces places de sûreté, la solde de leurs garnisons et le traitement de leurs gouverneurs. De ce point de vue, l'Edit, avec son cachet vert qui en symbolisait le caractère déclaré « perpétuel et irrévocable »,était un véritable Traité entre puissances, ce qui, à l'intérieur d'un seul et même Etat, ne pouvait vite qu'être difficilement acceptable et supportable, tout Etat devant normalement avoir le monopole de la force armée sur un territoire donné.
De 1520 à 1598
Comment en est-on arrivé à ce malheureux Edit de Nantes, lourd, en quelque sorte, de sa future Révocation ?
Il faut bien voir qu'il y a eu, dans les trois quarts de siècle qui l'ont précédé, deux périodes fort différentes.
1. - D'abord, de 1520 environ jusqu'en 1562, pendant une quarantaine d'années, la Foi chrétienne reformée va se développer en France par les « armes de Dieu » dont parle St Paul (Ep 6 : 10ss) et, en particulier, par « l'épée de l'Esprit qui est la Parole de Dieu ». La Bible, dont les exemplaires ont été prodigieusement multipliés par
l'imprimerie et dont le contenu de sens, comme redécouvert, est transmis, oralement ou par écrit, par nombre d'hommes, clercs ou laïcs, est par excellence l'instrument dont l'Esprit Saint se sert pour opérer un merveilleux renouveau (c'est cela la vraie Renaissance !). Il faut évoquer ici la grande figure de Jacques Lefèvre, d'Etaples, ( 1436 ? - 1536 ) qui a lancé dans notre pays trois des mots d'ordre de la Foi reformée (sola gracis, sola fide et soli Deo gloria).2*Appuyée d'abord sur l'oeuvre de Lefèvre et sur celle de Luther ( 1483 - 1546 ), puis sur celle de Calvin ( 1509- 1 564), commentateurs de la Sainte Ecriture, la Foi réformée se développe dans notre pays d'abord lentement, puis de plus en plus vite, jusqu'à une sorte d'explosion autour de l'année 1560. De nombreux clercs et de nombreux artisans propagent alors la Foi reformée, au risque de leur vie. Durant ces quarante ans, de nombreux martyrs vont illuminer et propulser la Réforme française, les premiers ayant été ceux de l'augustin Jean Vallière (1523), du cistercien Pierre de Sébiville (1525) et de Jacques Pavans (1526). En 15 3 6, l'année de la mort de Lefèvre à Nérac, en Béarn, où il s'était réfugié auprès de la soeur de François 1er, Marguerite de Navarre, Jean Calvin publiait la première édition de son Institution de la religion chrétienne.3*
Vécue d'abord dans l'Eglise romaine (ce fut le cas pour Lefèvre), puis hors de cette Eglise quand elle refusa décidément de se laisser reformer par la Parole de Dieu, la Foi reformée connut en France, durant ces années 1520 à 1560, sa période « la plus florissante et la plus pure ».4*Les « bibliens », qui avaient d'abord continué d'aller à la messe, vont se rassembler de plus en plus à part afin de pouvoir lire, écouter et suivre, en Eglises, la Sainte Ecriture. Et alors qu'en 1599 (date de leur premier Synode, à Paris, qui rédigea et publia leur Confession de foi et leur Discipline) les Eglises reformées en France sont à peine plus de cent, trois années plus tard elles seront près de deux mille (l'explosion !). Comme aux premiers siècles de l'ère chrétienne, les martyrs sont semence d'une multitude de nouveaux fidèles et leurs communautés se multiplient. Oui, c'est pendant ces années dramatiques, illuminées par les bûchers, que la Réforme, en France, connut son âge d'or.5*
2. - En 1562 hélas !en dépit des conseils et des avertissements que prodiguaient Calvin, depuis Genève, et bon nombre de pasteurs, des protestants français vont constituer un parti, un parti politique et militaire. C'est à partir de cette date que le protestantisme de notre pays va se rétrécir peu à peu, lui qui n'avait cessé jusque là de se développer.
Louis de Bourbon, prince de Condé, qui se veut le protecteur général des protestants de France, prend les armes le 8 avril 1 5 6 2, inaugurant une longue guerre civile qui durera jusqu'à l'abjuration publique de Henri IV, le 25 juillet 1593 .
Certes, il y avait eu des massacres dont le dernier en date, celui de Vassy, en mars de cette année 1562. Certes il y avait eu des bûchers et des décapitations. Et, pour reprendre une expression d'Agrippa d'Aubigné, « les réformés avaient tendu les gorges et n'avaient point eu de mains ». Mais, par cette prise d'armes, du « mystique » tombant au « politique », le protestantisme français prend un virage fatal et il va s'affaiblir dans la mesure même où il va tendre désormais à se confier plus dans les armes humaines que dans la Parole et l'Esprit de Dieu. Tandis que des « papistes » vont regarder vers l'Espagne catholique-romaine, des « huguenots » vont regarder vers l'Angleterre protestante ! Les hommes de guerre, chez les uns et chez les autres, vont prendre le pas sur les vrais conducteurs spirituels. La décision va plus être cherchée selon le droit du plus fort que selon la quête de la Vérité. Seule une minorité, dans les deux camps, garde à la foi le vrai souci de la patrie et de l'Etat ainsi qu'un esprit - bien plus répandu en ce siècle de feu et de fer - de tolérance fraternelle. Les trêves et les traités, vite violés par l'un ou par l'autre des partis, permettent seuls de parler de huit « guerres de religion ». En réalité, il n'y en eut qu'une seule, de trente ans, marquée entre autres par la tuerie de la Saint-Barthélemy (24 août 1572) dont l'horreur restera inscrite dans les mémoires et au cours de laquelle périrent peut-être trente mille protestants, dont trois mille à Paris parmi lesquels l'amiral de Coligny, chef du parti protestant depuis la mort de Condé en 15 6 8 et fervent réformé. La guerre ne cessa que par la seconde abjuration6*du Roi de Navarre devenu, à la mort de Henri III assassiné par le moine Jacques Clément en 1 89, Roi de France sous le nom de Henri IV.
Parce que les protestants français se méfient du Roi versatile et par deux fois renégat qui, lors de son sacre le 27 février 1594, a dû promettre d'extirper l'« hérésie » du Royaume, et parce que Henri IV, bien qu'effrayé et mécontent d'avoir à subir les chantages et pressions de leur « appareil », veut cependant accorder des libertés, extraordinaires à l'époque pour toute minorité religieuse, à ceux qui ont longtemps combattu avec lui et pour lui, l'Edit de Nantes de 1598 va être le compromis sur lequel, bon gré mal gré, tous vont s'accorder... pour un temps, car les « politiques » protestants, qui ont contrôlé près du tiers du Royaume sont bien décidés, à partir de ce que l'Edit leur concédait, à développer leur Etat dans l'Etat, et le Roi, lui, entend bien utiliser les restrictions et conditions de l'Edit pour assurer de plus en plus son autorité. Pour Henri IV déjà, davantage ensuite pour Louis XIII, et totalement pour Louis XIV, il va et ira de soi que « le Roi est au-dessus de l'Edit ».
Il reste que partout ailleurs en Europe, et `aussi bien dans les pays protestants, le principe « cujus regio ejus religio » (« à chaque pays sa religion ») garde sa force et interdit cette liberté de conscience et cette liberté partielle de culte que l'Edit de Nantes semble assurer à la France. Il serait faux d'affirmer que le protestantisme, là où il l'a emporté, n'a pas été intolérant. En plus de la petite Genève de Calvin, il suffit de penser aux divers Etats luthériens de Scandinavie ou à l'Angleterre par exemple !
De 1598 à 1656
Dès après la mort de Henri IV, assassiné par Ravaillac le 14 mai 1610, la Reine Marie de Médicis, devenue Régente car Louis XIII est mineur, s'empressa de confirmer l'Edit de Nantes. L'Assemblée politique protestante, qui se tint à Saumur en 1611 et dura quatre mois, fit la preuve que s'il y avait des « sages » parmi des protestants - dont le grand Duplessis-Mornay - qui l'emportèrent, il y avait aussi des politiciens bien décidés à consolider l'Etat protestant dans L'Etat français.7*Par juste crainte de ceux-ci, la Reine-Régente, en 1612, interdira aux protestants de tenir de nouvelles Assemblées politiques. Cette interdiction ne sera pas observée. Par exemple, quand en 16 15 est décidé le mariage de Louis XIII avec l'Infante d'Espagne Anne d'Autriche, le prince de Condé, qui bientôt guignera le trône, se déclare prêt à recourir aux armes, ce que le duc Henri de Rohan, gendre de Sully, n'hésite pas à faire. L'Assemblée protestante, alors à Nîmes, écrit au Roi, le 21 août, qu'il ne doit pas se rendre à Bordeaux pour le mariage et, le 1 octobre donne aux provinces du Midi un ordre d'insurrection. Malgré tout, sous la protection de l'armée royale, le mariage sera célébré à Bordeaux le 28 novembre. Le 3 mai 1616 sera signé le traité de Loudun qui ne laisse plus aux protestants que quelques places de sûreté, et ce pour six ans.
Quelques années plus tard, le 25 décembre 1620, malgré les judicieux avis de plusieurs pasteurs dont Pierre Du Moulin, une Assemblée protestante réunie à La Rochelle ordonna la prise des armes. Duplessis-Mornay, qui devait mourir en 1623, se déroba. Mais le duc Henri de Rohan, capitaine remarquable, son frère le duc de Soubise et le marquis de La Force prirent les armes. Cette nouvelle guerre civile qui s'étendit de la Bretagne au Languedoc, vit des massacres de part et d'autre, et fut marquée par le fameux et terrible siège de La Rochelle (octobre 1627 - octobre 1628) par Richelieu, au pouvoir depuis 1623, dura en fait - avec des trêves et des traités vite violés - pendant neuf ans jusqu'à l'Edit de grâce d'Alais (28 juin 1629) qui rétablit l'Edit de Nantes sauf dans les privilèges politiques et militaires qu'il accordait aux protestants et qui en faisaient un Etat dans l'Etat.
De 1629 à 1656, pendant un peu plus d'un quart de siècle, le protestantisme français va connaître un temps relativement paisible. A Paris notamment un esprit de tolérance semble régner. « De grands seigneurs comme les Bouillon, les Rohan, les La Trémoille, les Clermont-Gallerande, les Châtillon ne dissimulaient pas leur foi. Le Roi s'entourait volontiers de conseillers huguenots... La calviniste Mme des Loges réunissait chez elle Guez de Balzac, Malherbe, Racan... Autour de Valentin Conrart se créa l'Académie française dont il fut le premier secrétaire perpétuel (1635). A Caen le protestant Moysant de Brieux fondait la plus ancienne Académie de province »8*... « Mazarin accorda sa faveur aux maréchaux de La Force et de Châtillon, confia des emplois, voire des charges importantes, à des huguenots. En 16 50, il nommait intendant des Finances le banquier protestant Barthélémy Herwarth dont les bureaux devinrent le refuge des réformés... A Caen, la même Académie réunissait l'évêque d'Avranches Huet, le poète Chapelain, le pasteur Du Bosc, l'orientaliste protestant Samuel Bochart. A Saumur le pasteur Amyraut, recteur de l'Académie protestante, dînait chez l'évêque de Chartres. A Nîmes, le pasteur et orientaliste Samuel Petit fréquentait divers membres du clergé. Les catholiques (romains) estimaient la conscience scrupuleuse de l'hébraïsant Louis Cappel ou de l'historien David Blondel ».9*
Pendant la Fronde des Princes ( 1649- 1653) - Louis XIII était mort en 1643, Anne d'Autriche est régente, Louis XIV est enfant, Mazarin est au pouvoir - les protestants avaient tellement été fidèles au Roi que ce dernier, le 2 1 mai 1652, confirma l'Edit de Nantes après les avoir remerciés.10*
De 1656 à 1685
En 1656, tout va basculer. Pour des raisons que nous allons dire dans un instant. Mais aussi - je le crois, je le pense - en conséquence d'un fléchissement intérieur du protestantisme français. Depuis qu'il coule des jours plus paisibles, celui-ci connaît, en particulier chez certains de ses « pasteurs et docteurs », un commencement de dérive spirituelle qui, en profondeur et sans que cela se remarque assez, est en train de l'anémier... et de préparer un courant de reniement qui emportera, et a déjà commencé à emporter, des chefs protestants eux-mêmes. La Foi réformée confessante qui a soutenu tant de martyrs, tant de fidèles, dans la persécution d'abord, au long des guerres de religion ensuite, est contestée maintenant par quelques-uns de ceux-là même qui devraient la défendre. Le point dogmatique capital de la souveraineté de Dieu dans l'exécution de son dessein de grâce et de salut commence à être relativisé au grand dam de la confiance et de la persévérance chrétiennes.
Aussi, l'étranglement du protestantisme français va commencer, petitement d'abord, puis de plus en plus fort, jusqu'à cet aboutissement qu'est la Révocation. En 1656 , l'Assemblée du clergé, présidée par l'évêque de Sens, Gondrin, s'en prend avec violence « aux déserteurs de la foi de leurs pères », c'est-à-dire à ceux de la R.P.R. Le 18 juillet, Mazarin, mettant fin à la tolérance qui s'était instituée, interdit les cultes réformés qui s'étaient nouvellement établis en d'autres lieux que ceux prescrits par l'Edit.
En 1661, dès après la mort de Mazarin, Louis XIV qui vient de prendre les rênes de l'Etat, fait nommer, à la demande de l'Assemblée du clergé (encore elle !) des Commissaires, deux par province : un catholique-romain et un réformé, pour mener enquête par tout le Royaume sur la manière dont est appliqué l'Edit de Nantes. Catastrophe ! Peu à peu, en effet, les protestants avaient pris l'habitude de déborder ce que précisait l'Edit. A chaque fois, le Commissaire réformé est bien obligé de reconnaître les faits. En trois ou quatre ans, plus de cent temples vont devoir être démolis et des écoles ( et même une Académie) protestantes, ouvertes sans autorisation, fermées. A partir de ce petit commencement, réussi, le haut clergé ne va cesser de pousser de plus en plus le Roi dans la redoutable direction qu'il vient de prendre. Au reste, le Roi a pour lui le principe, somme toute courant à l'époque : « une Foi, une Loi, un Roi », qui va sous-tendre désormais la politique irréversible de Louis XIV à l'égard de ceux de la R.P.R. On est entré dans un cycle d'intolérance et de violences accélérées du pouvoir et de ses courroies (entre autres les Intendants) : la ruse va le disputer à la férocité, le fanatisme de vrais dévots à la mauvaise foi de faux dévôts. De plus le pouvoir royal est soutenu par l'opinion publique. Presque tout le monde, à l'exception des 5 % du Royaume que sont les protestants et d'une minorité, parfois admirable, de catholiques-romains tolérants, veut voir définitivement bannie, supprimée, l'« hérésie ».
A plusieurs reprises le Roi freine ce que d'autres que lui veulent accélérer : en 1666, quand il confirme les droits des protestants quant aux Chambres mi-parties ; en 16 6 8, quand, sur intervention de leurs femmes, il fait relâcher des pasteurs arrêtés par l'Intendant du Poitou ; en 1669, quand il défend, contre l'archevêque de Paris qui voulait le faire condamner pour ses sermons à Charenton, le pasteur Pierre Du Bosc (le Roi, après avoir reçu ce dernier en audience, dit à la Reine : « Madame, je viens d'entendre l'homme de mon royaume qui parle le mieux ») ; en 16 7 5, quand, après une émeute populaire qui avait détruit le temple de Rennes, il condamna la ville à le rebâtir à ses frais et exila le Parlement de Bretagne pour n'avoir pas assez châtié les assaillants.
Mais c'est à partir de 1680 - en particulier sous l'influence du vieux chancelier Le Tellier et de son fils Louvois - que les choses, déjà insupportables presque partout en France pour les protestants, vont empirer^encore. En août, ils se voient interdire tous les offices de justice subalternes.
En novembre, les mariages entre catholiques-romains et protestants sont interdits. En 1 6 8 1 , les enfants protestants sont autorisés à abjurer dès l'âge de raison ! Le même année, en Poitou l'Intendant Marillac (qui sera par la suite révoqué par le Roi) déchaîne les premières dragonnades. En mars 1683, interdiction est faite aux protestants d'occuper des charges dans les maisons royales ou princières. Peu à peu, ils vont être exclus de la plupart des offices ou métiers (avocats, médecins, imprimeurs, libraires, etc...). Cette même année 1 6 8 3 , un grand nombre de temples sont détruits. Colbert, qui protégeait souvent les protestants, meurt le 6 septembre, et l'influence de Louvois et de son père va encore grandir. Les protestants ayant été, à la Cour, faussement accusés d'avoir pris les armes, Noailles va ravager les Cévennes. Sa dragonnade est telle que, de peur, tout Nîmes « se convertit » (!) en un jour. L'année suivante, en 1 6 8 4 , des dragonnades se poursuivront dans le Languedoc et le Dauphiné.
Sous la menace ou le poids de toutes ces violences, les protestants deviennent en nombre hélas ! de plus en plus grand des « nouveaux convertis ». Les « conversions », qui s'accélèrent, vont se compter par centaines de mille !
C'est une suite de « miracles » : le 3 septembre 1 685 , Montauban « se convertit » ; cinq jours après, c'est le tour des protestants de Bordeaux, Toulouse, Cognac ; le 20 septembre, de ceux de Montpellier, Lunel, Uzès... ! Aussi, le 18 octobre 1685 , par l'Acte de Fontainebleau, Louis XIV révoque l'Edit de Nantes désormais sans raison d'être. « Puisque (dit le préambule) la meilleure et la plus grande partie de nos sujets de la Religion prétendue réformée ont embrassé la catholique, l'exécution de l'Edit de Nantes... demeure inutile... »
La France se rabaissait, dans l'enthousiasme à peu près général, au rang des autres. Des meilleurs parmi ses fils vont vivre en exil, enrichissant d'autres patries. Pour les protestants irréductibles qui restent s'ouvre le temps des prisons, des galères et de la mort.
Pour le grand nombre de nouveaux convertis quels secrets remords... « O profondeur de la richesse, de la sagesse et de la connaissance de Dieu ! Que ses jugements sont insondables et ses voies incompréhensibles ! ».
Pierre Courthial
Ichtus 1985-4 (No 131)
1*. Emile G. Léonard, in Le Protestant français, Paris : P.U.F. 1953, p. 32
2*. Dans son Commentaire sur les Epitres de Saint-Paul, Paris: Henri Estienne ed., 1512, (ad 'oc. Rom 3 : 19, 20 ; 28 et 21). Cf. à ce sujet, l'ouvrage récent (1984) de !'anglican réformé Philip Edgcumbe Hughes sur « Lefèvre » (Wil. tram B. Eerdmans, ed. Grand Rapids, Michigan,(USA).
3*. En latin. La première traduction française est de 1541. Se développant au long des années jusqu'à devoir être éditée en plusieurs volumes, l'Institution chrétienne eut sa dernière traduction française en 1560.
4*. G. De Felice, in Raoul Stephan, Histoire du protestantisme français, Fayard, 1961, p. 53.
5*. Cf. Le Livre des martyrs de Jean Crespin, dont la première édition parut en 1554 à Genève. Ce livre connut ensuite plusieurs éditions. La dernière, complétée par Simon Goulart, parut en 1619. C'est celle-ci qui fut rééditée, en 3 volumes (1885 ss) par la Société des Livres religieux de Toulouse.
6*. Henri avait abjuré une première fois le jour de la Saint-Barthélemy pour échapper à la mort.
7*. Cette Assemblée émit le voeu qu'il ne soit plus question de « religion prétendue réformée ». L'expression R.P.R. ne date pas de Louis XIV comme d'aucuns le croient et le disent.
8*. Raoul Stephan, op. cit., p. I 49.
9*. Id.. p. 150.
10*. « La couronne chancelait sur la tête du Roi, vous l'avez affermie » (Harcourt).