Une initiative courageuse: en juillet 1938, Franklin Roosevelt, président des Etats-Unis, convoqua des représentants de toutes les nations du «monde libre» à tenir une conférence à Evian-les-Bains, en France. Le but: le sauvetage des Juifs du «Reich» allemand élargi. Pourquoi une telle conférence?
Menaces croissantes: l'année 1938 connut un accroissement effrayant de la persécution des juifs par les Nazis. Le 12 mars, l'Autriche fut annexée par Hitler; les mêmes décrets raciaux touchant les juifs allemands s'appliquèrent désormais aux juifs d'Autriche. A cette époque, la population juive en Allemagne comptait 350000 habitants et celle d'Autriche 220 000. Jusque là, les juifs pouvaient encore quitter l'Allemagne, car la politique d'Hitler était alors l'expulsion des juifs hors du territoire allemand. Le problème était de savoir quelles nations allaient les recevoir.
Cette Sion dont personne ne se soucie
«Tous ceux qui t'aiment t'oublient, aucun ne prend souci de toi. . . Mais, tous ceux qui te dévorent seront dévorés ... ceux qui te dépouillent seront dépouillés. Mais je te guérirai, je panserai tes plaies, dit le Seigneur. Car ils t'appellent la repoussée, cette Sion dont personne ne se soucie ... »(Jér. 30,14-16. 17).
La conférence débuta le 6 juillet et devait durer 8 jours. 32 nations furent représentées par des diplomates du plus haut rang ambassadeurs, ministres, chargés de mission spéciaux, etc. Parmi eux se trouvait une femme nommée Golda Meyerson (Meïr), déléguée par les juifs de Palestine. Bien qu'appartenant aux premiers intéressés, on ne lui donna pas le droit de s'adresser à l'assemblée. Plus tard elle devait écrire: «A Evian je me rendis compte que le peuple juif était entièrement seul».
Les excuses
Le Canada expliqua qu'il ne pouvait recevoir que des agriculteurs expérimentés. Les Juifs allemands et autrichiens avaient tous des professions commerciales ou intellectuelles. Le Brésil venait d'adopter une loi exigeant un certificat de baptême pour toute demande de visa. La Suisse fit savoir que, pour elle, les juifs avaient aussi peu d'utilité que pour l'Allemagne et qu'elle prenait des mesures pour se protéger d'une invasion de juifs. Le délégué d'Australie dit à la conférence: «Sans doute il sera compris que, comme nous n'avons pas de problème racial, nous n'avons aucun désir d'en importer un».
Les seuls pays qui ouvrirent leurs frontières aux juifs furent le Danemark et les Pays-Bas. Trop peu fut fait ... et trop tard. Lorsque la guerre éclata en 39, ces portes furent fermées. On proposa une solution simple: chaque nation représentée accueillerait 25 000 juifs. Si seulement la moitié des pays avait été d'accord, tous les juifs du Reich auraient été sauvés. Ils ne l'ont pas été et des millions d'autres ont péri comme eux.
Vers le milieu de la conférence, les journaux rapportèrent que la plupart des délégués avaient perdu tout intérêt et s'adonnaient aux sports nautiques.
Les conséquences de cette conférence furent néfastes. Hitler avait envoyé des observateurs à Evian. A leur retour, ils rapportèrent que personne ne voulait des juifs. Les manchettes d'un journal allemand proclamèrent: A VENDRE ... DES JUIFS! QUI LES VEUT? PERSONNE! Aux yeux d'Hitler, la conférence lui donnait carte blanche pour son programme, qui devait aboutir à sa «solution finale du problème juif».
Un demi-siècle plus tard
Maintenant, 50 ans plus tard, nous pouvons mesurer la grave responsabilité des nations qui ont négligé la dernière chance de sauver des centaines de milliers de juifs. L'Eglise, elle aussi, a sa part de responsabilité, à cause de son silence, de son manque de vigilance et de son attitude passive.
C'est ainsi qu'un petit nombre de chrétiens de différents pays a eu l'idée de marquer le 50e anniversaire de la Conférence d'Evian par un humble pèlerinage de repentance et de prière à Evian-les-Bains. Ils ont voulu représenter leurs nations pour y implorer le pardon de Dieu pour ce qui s'est passé il y a 50 ans et renouveler l'expression de leur dévouement et de leur intercession pour le peuple d'Israël.
(Avec l'aimable autorisation de l'auteur)
Extrait de «Ma vie», autobiographie de Golda Meïr chez Laffont:
«Mais si la Palestine devait être interdite aux Juifs d'Europe, alors ... et les autres pays? à l'été de 1938, on me dépêcha à la conférence internationale sur les réfugiés convoquée par Franklin D. Roosevelt à Evian-les-Bains. J'y assistai en qualité (risible) d'observateur juif de Palestine, assise parmi le public et non pas même parmi les délégués, bien que les réfugiés dont on parlait fussent de mon peuple, presque de ma famille et non simplement des colonnes de chiffres gênants qu'il s'agissait de glisser, si possible, dans les quotas officiels. Assise dans cette grande salle splendide, regardant les délégués de trente-deux nations se lever chacun à leur tour, et les écoutant expliquer combien ils eussent aimé pouvoir absorber un nombre substantiel de réfugiés, mais comme il était malheureux que ce fût impossible, j'ai vécu une expérience terrible. Je crois vraiment que quiconque n'a pas vécu cela ne peut comprendre mes sentiments à Evian; ce mélange de chagrin, de rage, de désillusion impuissante et d'horreur. J'aurais voulu me dresser et crier à tous ces gens: Est-ce que, véritablement, vous ne savez pas que ces statistiques cachent des êtres humains? Des gens qui vont peut-être passer le reste de leur vie dans des camps de concentration, ou à errer par le monde comme des lépreux, si vous ne les laissez pas entrer?' Bien sûr, j'ignorais alors que ce qui attendait ces réfugiés dont personne ne voulait, c'étaient non pas les camps de concentration, mais les camps de la mort. L'eussé-je su que j'eusse été incapable de rester assise là en silence, heure après heure, sagement disciplinée et polie».
Nouvelles d'Israël Janvier 1989