L'époque de la captivité d'Israël marquera un tournant de l'histoire dans ce Proche Orient dont notre Occident européen sera, tardivement, peu ou prou l'héritier. Le bouleversement qu'évoque encore Werner Keller dans sa « Bible arrachée aux sables »I est annoncé par JÉRÉMIE, chap. 25, vers. 32 : « Un grand ouragan se lèvera des extrémités de la terre. »
Les aiguilles de la grande horloge de l'histoire s'approchaient alors de l'année 500 av.J.-C. Le soleil de l'Orient ancien était à son déclin : ses peuples s'en rendaient confusément compte.
Pourtant, ces nations fatiguées furent encore capables de manifester leur vitalité. De l'Égypte aux pays de l'Euphrate et du Tigre, une dernière réaction contre la décadence se dessina. Les souverains crurent pouvoir une fois encore éluder l'inévitable en retournant aux sources du glorieux passé de leurs empires.
Les pharaons essayèrent de reconquérir la Syrie et Canaan. La vingt-sixième dynastie s'était donné pour idéal l'Ancien Empire et les « campagnes contre l'Asie ». De puissantes flottes furent construites et l'on s'efforça de restaurer le canal reliant le Nil à la mer Rouge.
Si de tels sursauts d'énergie demeurèrent sans succès, il n'en est pas moins établi que cette tentative pour ressusciter l'époque grandiose qui avait vu construire les pyramides porta ses fruits dans d'autres domaines. Peintres et sculpteurs se mirent à copier les oeuvres de leurs grands ancêtres. Des noms de pharaons du troisième millénaire furent gravés sur de nouveaux scarabées. D'anciens titres furent remis en honneur dans l'administration.
En Phénicie, des événements analogues se produisirent. Carthage, colonie phénicienne d'Afrique du nord, fut fondée en 814 av. J.-C. et, vers cette époque, le commerce maritime des adorateurs de Baal fut à son apogée. Ils possédaient alors des comptoirs et des points d'appui sur toutes les côtes de la Méditerranée, depuis la mer Noire jusqu'au détroit de Gibraltar. Un siècle plus tard, les Grecs auront pris leur suite. C'est le temps où le prêtre Sanchuniathon écrivit l'histoire de son pays et reçut de son roi la mission de prendre copie de ces inscriptions et de ces textes anciens qui, longtemps après, serviront de sources à Philon et Byblos.
Les derniers « feux » d'Assur et de Babylone
Avec Assurbanipal (668-621 av. J.-C.), l'empire assyrien atteignit le sommet de sa puissance; il s'étendait du golfe Persique à la Haute-Égypte. Le potentat de ce peuple de conquérants fit faire son portrait, qui le représente confortablement assis sous une treille, tandis qu'on lui verse une coupe de vin. Collectionneur dans l'âme, il s'occupait de réunir la première bibliothèque importante de l'histoire. Sur son ordre, les archives des temples furent fouillées afin d'y retrouver les documents anciens. Ses scribes copièrent des milliers de tablettes datant du grand Sargon 1er (2350 av. J.-C.). Quant à son frère, il alla jusqu'à faire transcrire dans la vieille langue sumérienne la relation des faits contemporains.
Nabukodonosor (604-562 av. J.C.), dernier grand roi de Babylone, était, lui aussi, un passionné d'histoire. Il fit rédiger les inscriptions le concernant en vieux babylonien, langue que personne n'employait plus. Notons que, sous les Chaldéens, l'architecture et la littérature connurent une nouvelle apogée.
L'astronomie, mise au service de l'astrologie, fit de très grands progrès. Les savants de l'époque savaient déjà calculer la date des éclipses de la lune et du soleil.
Vers 750, on commença, dans le cadre de l'école d'astronomie de Babylone, à noter des observations sur les corps célestes, travail qui fut poursuivi sans interruption durant plus de trois siècles et demi. C'est la série continue d'observations la plus longue de toute l'histoire des sciences. Quant aux calculs, ils furent plus précis que ceux des astronomes européens jusqu'au XVIlle siècle.
Nabonide (555-538 av. J.-C.), le dernier des souverains babyloniens, semble avoir été le premier archéologue du monde puisqu'il fit faire des fouilles sur l'emplacement de temples en ruines, déchiffrer et traduire de vieilles inscriptions. Les découvertes faites au Tell al-Muqaiyar prouvent que c'est lui qui fit restaurer la tour en gradins d'Ur.
La princesse Bel-Shalti-Nannar, soeur du Balthasar biblique, avait les mêmes goûts que son père Nabonide, car Woolley découvrit dans un temple d'Ur, dont elle était la prêtresse, un musée - sans doute le premier du monde contenant une collection d'objets originaires d'États du sud de la Mésopotamie. Elle en avait même établi une liste détaillée, que Woolley a pu appeler « le doyen des catalogues de musées ».
Un seul peuple - pourtant dispersé un peu partout dans le monde d'alors - ne se laissa pas aller à l'amollissement : celui des fils d'Israël qui, comme leurs ancêtres les patriarches, vivaient dans l'espérance, car ils avaient un but vers lequel tendre. C'est pourquoi ils ne sombrèrent pas et trouvèrent la force de se sauver à travers les siècles... jusqu'à nos jours.
Pendant un millénaire et demi, le Croissant fertile' abrita le centre de civilisation le plus ancien, puisqu'il remontait à l'âge de pierre. Mais, vers 500 av. J.-C., la décadence s'installa parmi ces peuples qui avaient pourtant jeté la base de tous les progrès, des progrès qui fructifieraient... chez les autres. Une aurore nouvelle s'annonçait dans les montagnes de l'Iran : les Perses entraient dans l'histoire. Les grands États sémitiques et l'Égypte avaient terminé leur rôle. La tranche la plus importante et la plus décisive de l'évolution de la jeune humanité allait aider à préparer le terrain pour l'entrée en lice des grands empires indo-germaniques dont la conjonction avec l'Europe engendrerait un jour l'Occident.
Partie de l'Orient, la civilisation n'a cessé de progresser vers l'ouest. Pendant cette évolution, elle a semé sur sa route, en peu de siècles, des cultures nouvelles; elle a permis à l'art d'atteindre des sommets inespérés, à l'intelligence humaine de briller chez les Grecs en philosophie et dans les sciences.
Mais cette civilisation a gardé malgré tout l'héritage bigarré que lui avait légué l'Orient ancien : entre autres un système de poids et mesures, l'astronomie, l'alphabet et... la Bible.
Werner KELLER
En ce temps-là, la Bible No 66 pages II-III.