Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

David Ben Gourion

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«Il y a cent ans, une étoile est sortie de Jacob. Non pas un messie ou un fils de roi. Un simple homme, un homme juif ... ». C'est par ces paroles que Chaïm Herzog inaugura une série de célébrations en l'honneur du centenaire de la naissance de David Ben Gourion.

 

Ben Gourion, David Gruen de son vrai nom, est né le 16 octobre 1886 à Plonsk, près de Varsovie. Lorsqu'il était enfant il apprit, dans un Cheder typiquement juif oriental, l'histoire de ses pères. Le désir de se rendre au pays de ses ancêtres s'implanta dans son jeune esprit, tendance qui trouva un terrain particulièrement favorable au sein de l'association sioniste naissante. Bien qu'il eût envisagé une formation d'ingénieur, ses plans furent changés lors de la première révolution russe. C'est ainsi qu'à l'âge de vingt ans, il partit pour Eretz Israël, en passant par Odessa, Salonique et Beyrouth. A l'époque, la Palestine était encore sous domination turque. Lorsque plus tard, on demandait son âge à Ben Gourion, il rayait systématiquement les premières années de sa vie. Lors de ses 80 ans, il déclara n'avoir que 60 ans - éliminant les vingt ans de diaspora. Personnellement, j'ai fait connaissance de Ben Gourion lors de la naissance de notre premier fils (Aviel) en 1966. Son extraordinaire vitalité, en dépit de ses 80 ans, vitalité empreinte d'une sagesse issue de l'expérience expliquait sa prétention d'être plus jeune. En outre, malgré sa petite taille, il paraissait grand.

 

En dépit de ce portrait positif, les Israéliens étaient, à l'époque, très partagés à son sujet. Cela n'empêche qu'aujourd'hui, cet homme, autrefois objet de nombreuses controverses - même au sein de son propre parti - est célébré comme le «père de la nation», L'opposition et la provocation avaient durci le «petit homme au grand esprit». Cependant, sa lutte contre les autorités turques se termina par son expulsion de la Palestine en 1915. Il se rendit alors aux USA où il fonda le mouvement des pionniers, le Hechalutz, d'où sortit l'élite qui transforma le vieux sol en une terre fertile. Au temps du général anglais Allenby, Ben Gourion servait dans la légion juive. Ses expériences militaires acquises pendant ce temps-là devaient lui rendre de grands services plus tard. Avec Yitzhak Ben-Zwi, il créa le parti «Histadruth» dont il fut le premier secrétaire. Cofondateur du MAPAI il assura, dès 1930, la présidence de ce parti travailliste, suscitant en même temps le groupe de défense légendaire la «Haganah». Chef de ce mouvement, il fut en constante discorde avec le groupe clandestin EZEL de Menahem Begin.

Puis, lors d'une séance ad hoc du conseil d'Etat provisoire le 14 mai 1948, David Ben Gourion - homme d'action - déclara sans autre l'indépendance d'Israël. il aura fallu près de deux mille ans pour faire de cette vieille nation un nouvel Etat.

Ben Gourion n'accepta jamais de compromis, preuve en fut le dynamitage commandé par lui de l'«Altalena» - bateau fournissant des armes au mouvement EZEL. Afin d'éviter à l'Etat juif à peine né une guerre civile provoquée par deux mouvements de guerre rivalisants, il accepta même le sacrifice de vies juives. Plus tard, le groupe «Haganah» se modifia, devenant ZAHAL, l'armée israélienne.

Cependant, déjà en 1953, le fondateur et Premier ministre d'Israël, le héros de la nation, se vit obligé de donner sa démission. Il s'installa dans le Neguev, où il travaillait comme kibboutznik à Sde Boker. Bien que bref, ce temps passe au kibboutz avec sa femme Paula et ses trois enfants fut très heureux. En 1955 déjà il reprit la direction du gouvernement. La grandeur politique de Ben Gourion fut appréciée dans le monde entier - même par les Etats ennemis. On le mit au niveau des grands hommes de ce siècle, aux côtés de Churchill, De Gaulle, ou Adenauer. Bien qu'en éternel conflit idéologique avec Nahum Goldmann, chef de l'organisation mondiale sioniste, il accepta une rencontre avec le chancelier allemand Konrad Adenauer, provoquée par Nahum Goldmann. L'entretien eut lieu à l'hôtel Waldorf-Astoria à New York. Une solide amitié lia ensuite Ben Gourion et Adenauer, causant cependant de sérieux ennuis à Ben Gourion dans son pays.

L'accord de réconciliation entre les deux hommes se heurta à une forte opposition, surtout parmi les partisans de Begin. En attendant, l'accord rapporta non seulement 74 milliards de DM (cours de l'époque), dont Israël bénéficia aussi largement, mais il rétablit les relations entre l'Allemagne et Israël. Une nouvelle fois, Ben Gourion avait fait preuve de perspicacité et de sain réalisme. Avec beaucoup de courage il justifia son geste à l'égard de l'Allemagne: «... par ce projet de loi que j'ai présenté à la Knesseth au sujet d'une réparation demandée à la République fédérale d'Allemagne, je n'ai proposé ni pardon ni effacement du passé. Mais nombreux sont ceux qui éprouvent des difficultés à se libérer des impressions sentimentales nées dans le passé. Ils ne sont pas conscients des changements survenus dans notre monde, ni des nouvelles relations et exigences. Bien que les événements du passé soient irréparables, il est en notre pouvoir de faire certains pas pour éviter à l'avenir de telles horreurs. Pour atteindre ce but, il ne faut pas considérer les réalités comme par le passé, mais avec intelligence, tenant compte des changements de la situation ... ».

Toutefois, du fait que Ben Gourion ne reconnaissait pas l'existence des sionistes dans la diaspora, le conflit avec Nahum Goldmann demeura. Pour Ben Gourion, sionisme signifiait défrichage du sol de son pays.

Ben Gourion, dont les allocutions étaient toujours brèves, agressives et provocantes, interrompait sans cesse la routine de la Knesseth. Convaincu d'avoir donné aux chefs arabes - comme, par exemple, à Nasser - suffisamment l'occasion d'établir un accord de paix, il quitta définitivement la direction du gouvernement en 1963.

Bien qu'il eût recommandé lui-même son successeur en la personne de Lévi Eshkol, il le regretta bien vite. Il s'opposa à lui, quitta le MAPAI et fonda, avec Moshe Dayan, Shimon Peres et Teddy Kollek, un nouveau parti, le RAFI qui, cependant, s'effondra par la suite. En 1970, à 84 ans, le solitaire de la Knesseth déposa son mandat de délégué. Son parti se joignit à nouveau au MAPAI.

Du temps de son ministère de chef de gouvernement, Ben Gourion avait organisé des études bibliques, auxquelles il invita des érudits de la Bible, afin d'examiner la situation politique et militaire d'Israël à la lumière de la Bible. Son dogme de foi reposa sur quatre fondements bibliques:

 

1. «Moi, l'Eternel, je fais toutes ces choses» (Es. 45, 7).

2. «Tu aimeras ton prochain comme toi-même ... tu n'opprimeras point l'étranger qui séjourne dans ton pays» (Lé. 19,18 et 33).

3. «Moi, l'Eternel, je t'ai appelé pour le salut, et je te prendrai par la main, je te garderai, je t'établirai pour traiter alliance avec le peuple, pour être la lumière des nations» (Es. 42, 6).

4. «Une nation ne tirera plus l'épée contre une autre» (Mi. 4, 3).

 

Ben Gourion se considérait comme Juif séculier. Cependant, son occupation favorite fut l'étude de la Bible. Il compara les révélations bibliques avec la philosophie générale et les classiques grecs.

A la question, s'il était fier d'avoir fondé l'Etat d'Israël, il répondit: «L'Etat d'Israël n'est pas encore ressuscité, le but de l'Etat juif n'est pas encore atteint». Il se contenta d'affirmer que ses «jours les plus heureux avaient été ceux où il avait passé la charrue dans le sol de Sedschere».

Le grand homme d'Israël mourut le 1er décembre 1973 à l'âge de 87 ans. Selon son voeu, sa tombe, ainsi que celle de sa femme Paula, se trouve à Sde Boker sur une colline qui offre une large vue sur le Néguev. Dans sa pensée, il avait vu le Néguev comme étant le grenier à blé d'Israël. Son centième anniversaire marquera la création d'une nouvelle implantation qui portera le nom de «Sde David». Beaucoup de chemin reste à parcourir pour voir un Néguev transformé en une forêt chantante. Seules 20 petites implantations ont suivi l'appel et l'exemple de Ben Gourion qui, avec conviction, répétait sans cesse: «Celui qui ne croit pas aux miracles en Israël n'est pas réaliste»!

De Ludwig Schneider

Nouvelles d'Israël Février 1987

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