Découverte de documents secrets de l'année 1949
Des documents de la diplomatie secrète, découverts récemment, dévoilent qu'il y a plus de 30 ans, quelques Etats arabes étaient prêts à contracter une convention de paix informelle avec Israël. Pourtant, ce projet échoua, du moins en partie, auprès des Britanniques, qui les persuadèrent de l'abandonner. La Grande Bretagne était alors la plus importante puissance mondiale au Proche-Orient et elle utilisait son influence en conséquence. Cela ressort d'un article dans le «San Francisco Chronicle».
Les documents secrets britanniques démontrent que la Grande Bretagne qui avait une convention militaire avec quelques Etats arabes - travaillait sans cesse à torpiller le rétablissement des relations pacifiques entre l'Etat d'Israël nouvellement formé, et ses voisins arabes, en particulier la Jordanie.
Peur d'un éloignement de l'Ouest
Les diplomates britanniques craignaient - selon les documents - qu'une paix arabo-israélienne puisse amener les arabes à être moins pro-ouest. A cause de cela, ils poussaient les dirigeants arabes à renoncer à la paix avec Israël.
«Le roi Abdallah (grand-père de l'actuel roi Hussein de Jordanie) était personnellement sur le point de contracter une convention avec Israël et en fait, seule notre influence l'enraya et l'a retenue jusqu'à maintenant» dit un protocole des plus secrets d'une séance extraordinaire des représentants du ministère de l'extérieur et d'ambassadeurs britanniques au Proche-Orient, le 21 juillet 1949, vers la fin de la première phase de la guerre arabo-israélienne.
Au gouvernement de Londres, il y eut aussi des «colombes»
L'envoyé britannique en Jordanie («Transjordanie») Sir Alec Kirkbride, dont les remarques sont résumées dans le protocole secret de la séance de 1949, remarquait que de nombreux membres importants du gouvernement transjordanien à Amman, partageaient les desseins pacifiques d'Abdallah envers Israël et les recommandaient. «Ils ne se laisseront probablement pas si facilement influencer pour changer d'opinion», s'affligeait l'envoyé.
L'ambassadeur anglais en Egypte, Sir Ronald Campbell, disait aux diplomates rassemblés que «les Egyptiens n'ont pas l'intention de renouveler le combat (avec Israël) et atteindraient probablement un modus vivendi, quoiqu'ils ne soient pas prêts à accepter une convention (de paix) formelle».
Sir Ronald informa ses collègues que, plus tard, l'Egypte serait prête à s'allier à d'autres Etats arabes et à contracter une convention avec Israël.
Peur d'initiatives indépendantes
«Certains gouvernements arabes désirent au fond de leur coeur, faire la paix avec Israël, mais ils ont peur de faire un tel pas seuls et indépendamment» disait Sir John Troutbeck, alors directeur des bureaux au Proche-Orient du ministère britannique de l'extérieur. Il ajoutait: «L'Angleterre est en mesure de contrôler les Etats arabes, mais pas Israël.» Il avertissait qu'un traité de paix arabo-israélien «pourrait conduire à la formation d'un bloc neutre qui s'opposerait éventuellement aux intérêts britanniques au Proche-Orient».
Les documents, qui manifestement se glissèrent au travers des mailles serrées du filet des services secrets britanniques, sortirent hors de l'atmosphère secrète de la diplomatie anglaise et parvinrent au public, quand ils tombèrent dans les mains de Dore J. Gold, membre de l'institut du Proche-Orient, à l'université de Columbia.
Gold prépare son doctorat sur le thème du Proche-Orient. Il mit les documents à la disposition d'un service de renseignements américain.
Même la Syrie et I'Irak étaient prêts à faire la paix
Il ressort de façon significative des documents, que même la Syrie et l'Irak - d'après estimation britannique auraient été prêts à faire un quelconque arrangement avec Israël déjà en 1949. Mais les hommes qui décidaient de la politique anglaise, jouèrent des rivalités des arabes entre eux et du conflit avec Israël pour empêcher un traité de paix, afin de favoriser et de protéger les intérêts britanniques militaires et économiques dans le territoire important entre le canal de Suez et le golfe persique ! Vraisemblablement, selon la conception britannique, le conflit devrait continuer à gronder éternellement pour conserver toute la région comme territoire d'influence britannique.
Les craintes britanniques qu'Israël puisse former un bloc neutre avec les arabes, sont également exprimées dans un mémorandum de 9 pages qui porte la remarque «secret», et qui est daté du 25 août 1949. Il s'agit d'un écrit du ministre de l'extérieur d'alors, Ernest Bevin, destiné au cabinet britannique.
Dans le 20ème paragraphe du mémorandum, Bevin remarque que les Anglais «ne s'opposent pas» à la paix et à des relations commerciales entre Israël et les Etats arabes «aussi longtemps qu'Israël ne domine pas les arabes économiquement et politiquement, et impose ainsi peut-être ses conceptions de neutralité au monde arabe».
Enjeu de la Ligue arabe
D'après quelques documents du cabinet britannique et certaine correspondance diplomatique de l'époque, la Grande Bretagne employa impudemment la Ligue arabe pour favoriser ses propres intérêts, tandis que l'influence de l'Union Soviétique, de la France, des Etats-Unis et d'Israël fut rejetée.
En fait, c'est parce que les conseillers anglais les y poussaient, que quelques dirigeants arabes - entre autres, le roi Abdul-Aziz et le roi Abdallah d'Arabie Saoudite - restèrent dans la Ligue arabe: ceci est prouvé par un télégramme secret de l'ambassade britannique à Amman, daté du 6 juillet 1949.
Gold fait remarquer que la peur de la Grande Bretagne envers Israël provient du fait que, dans les jours qui suivirent la déclaration d'indépendance, la politique d'Israël était officiellement moins orientée vers l'Ouest que la politique des dirigeants arabes traditionnels. Israël voulait prendre un cours moyen et l'Union Soviétique, qui avait visiblement participé à la création de l'Etat à l'ONU, était bien intentionnée aux débuts d'Israël.
Il est difficile de dire comment se serait déroulé la politique au Proche-Orient sans les intrigues de la Grande Bretagne. Peut-être de manière moins sanglante... Peut-être le monde se serait-il épargné quelques guerres et beaucoup de victimes.
Nouvelles d'Israël 08 / 1983