En 1939, des Sionistes roumains, originaires de Transylvanie, fondaient un kibboutz, que domine le mont Hermon, auprès de la plus belle des sources du Jourdain, et très exactement au pied du Tel el-Kadi où la Palestine jouxte la Syrie. Trois mille ans auparavant, des clans danites qui n'avaient pas réussi à s'implanter contre les Philistins dans la partie de la Terre promise attribuée par le sort à leur tribu, au coeur de Canaan (Josué, chap. 19, vers. 40-48), s'étaient emparés là d'une ville placée sous la négligente protection de Sidon : Leshem ou Laïs; et, l'ayant saccagée, l'avaient reconstruite, lui donnant le nom de Dan (Juges, chap. 18, vers. 27-29). Aussi pour les pionniers d'Israël, Tel el-Kadî (de l'arabe : « le monticule du Juge 1» est-il aujourd'hui Tel-Dan.
Avant même que les guerriers danites n'y implantent « l'image de métal fondu » confisquée à un Éphraïmite, lui-même peu orthodoxe (Juges, chap. 17 et 18), le site de Tel-Dan fut, selon de bons auteurs, un lieu sacré pour les populations pré-israélites. Un poème écrit en langue ougaritique, la plus ancienne langue sémitique du nord-ouest qui soit connue, intitulé « Anat et la Génisse », conte la naissance merveilleuse, sur les rives du lac Hulé(Bahret-el-Huleh), d'un bovin consacré à Baal, et vénéré dans cette région.
C'est bien en tout cas de « veaux d'or » que parle le 1er livre des Rois (chap. 12, vers. 28-30) : on se souvient que Jéroboam, roi des tribus du nord séparées de Juda, invita son peuple à vénérer l'une de ces images à Béthel, l'autre à Dan, où il n'eut donc peut-être pas à la faire ériger parce qu'elle l'était probablement déjà depuis longtemps. Mais le premier roi d'Israël dissident dut faire aménager le sanctuaire pour lui donner un nouvel éclat, et lui-même ou ses successeurs immédiats entreprirent de fortifier la cité, place avancée du royaume face à l'ennemi syrien.
Disparue de l'histoire depuis le VIII ème siècle avant notre ère, elle ne laissait au nôtre que quelques pierres jusqu'à ce qu'une expédition d'archéologues israéliens, dirigée par le Dr Abraham Biran, auxquels se joignirent des volontaires américains, se donne pour mission de rechercher le fameux haut lieu « du veau d'or » dans les fouilles ouvertes sous la trajectoire des fusées Katioushas, bombardant la ville proche de Kyriat-Shmona ou les cultures du kibboutz.
Or les travaux ainsi menés au cours de la dernière saison ont abouti à une triomphale découverte : dans la zone nord-ouest du tel vient d'être mise à jour une immense construction faite de moellons bruts cernés par des murs de pierres soigneusement travaillées dont la taille et l'agencement sont caractéristiques de l'architecture du temps de la monarchie israélite. L'ensemble forme un carré presque parfait. Un escalier monumental donne accès au plan supérieur, revêtu de belles dalles de basalte, lieu probable du sanctuaire principal en plein air. A l'ouest, une construction plus modeste, bâtie sur trois côtés seulement, entoure un cercle de pierres qui a pu servir d'autel ou de lieu de culte complémentaire. Les archéologues estiment qu'elle date probablement, comme le haut lieu lui-même, du règne de Jéroboam, tandis que l'escalier aurait été ajouté à une époque un peu plus récente : peut-être sous Achab.
Les temps hellénistiques et la domination romaine apportèrent au monument divers aménagements : on élargit notamment la muraille qui tenait lieu de façade au sanctuaire en réutilisant une partie des matériaux de la période israélite, et le plan supérieur fui alors couvert d'une épaisse couche de plâtre.
Des vestiges de l'antique Laïs
Sur le reste du site, la dernière campagne s'avéra aussi singulièrement fructueuse : partant du grand portail construit selon toute vraisemblance sous Jéroboam, on a trouvé une voie pavée de 1 5 m de large qui se perd dans la campagne, et dans la cité elle-même, dont le règne de Jéroboam 11, dans la première moitié du VIII, siècle, marqua le plein épanouissement, 600 m 1 environ de chaussées pavées et 70 m de rues ont été dégagées. Les ruines du formidable rempart de 3,30 m de large qui entourait tout le mont sont maintenant mises à jour, et même la vieille ville de Laïs a livré quelques-uns de ses secrets, gardés dans les tombeaux. L'un de ceux-ci, de l'époque mycénienne (env. 1 300 av J.-C.), découvert aux derniers jours des travaux, contenait des lampes, vases, vaisselles qui donnent une idée de la civilisation matérielle de ceux qui vivaient là, à l'âge du Bronze, près de quatre siècles avant que le « veau d'or » du schisme d'Israël ne rivalise avec le Temple de la cité de David.
En ce temps-là, la Bible No 49 pages II-III.