Longtemps Israël s'en est tenu aux antiques conceptions du « shéol » (mot d'origine inconnue, qui désigne le séjour des morts), puis, la réflexion des mystiques a suggéré qu'il y avait autre chose dans l'au-delà. La persécution sanglante, au temps des Maccabées, fut l'occasion d'un pas important vers la pleine lumière de la révélation.
Cette croyance est commune à tous les Sémites : dans un lieu souterrain, ténébreux et froid, vont tous les défunts, bons ou mauvais; les ombres, dépourvues de corps, ne peuvent plus avoir d'activité proprement humaine; toutes, au « shéol », mènent une vie au ralenti, sans joie, ni souffrance, sans intérêt ni connaissance*.
Si les responsables d'Israël ont repoussé les spéculations égyptiennes sur une vie meilleure outre-tombe, c'est que ces doctrines étaient souvent matérialistes et engendraient des pratiques magiques, aussi bien que le danger de diviniser les morts.
Cependant, sous l'influence des, prophètes, la religion devient de plus en plus personnelle, et le problème de la rétribution se pose avec une acuité grandissante : où et quand s'exercera la justice de Dieu? On commence à soupçonner que, même au « shéol », les impies, les grands ennemis de Dieu et du bien, sont de quelque manière poursuivis par leurs crimes (Isaïe, chap. 14, vers. 9-10).
Parallèlement et par contraste, les fidèles pieux, qui voudraient jouir à jamais de l'intimité divine, se rappellent volontiers que deux grands saints pour le moins demeurent dans cette intimité, car Dieu les a « pris » tout entiers auprès de lui : Hénok et Élie (Genèse, chap. 5, vers. 24; 2e Rois, chap. 2, vers. 11), auxquels on joint volontiers Moïse (Épître de Jude, vers. 9). Dieu juste, aimant et tout-puissant, ne fera-t-il rien pour ceux qui l'aiment?
Des certitudes individuelles s'affirment au Ille siècle : il y a une rétribution dans l'autre monde. Deux psalmistes pour le moins espérant fermement être « pris » eux aussi dans la gloire : Psaume 48, vers. 16 et Psaume 72, vers. 24. Le Oohélèth, ou Ecclésiaste, en a entendu parler (chap. 3, vers, 1921); Ben-Sira de même, l'auteur de l'Ecclésiastique (chap, 11, vers. 28); Tobie (chap. 4, vers. 7-11) semble y faire allusion.
Ces premières certitudes sont encore bien sporadiques. Leurs tenants sont portés à interpréter au sens individuel ce que les prophètes annonçaient parfois du peuple (Ézéchiel, chap. 37) ou du Messie (Isaïe, chap. 53). Ces premières lumières vont se répandre sur presque tout Israël au temps de la persécution maccabéenne.
Les « vivants » d'outre-tombe près de Dieu
L'édit rendu par Antiochus IV en 167 a inauguré une persécution proprement religieuse, qui devait faire de nombreux martyrs et provoquer la guerre sainte conduite par les Maccabées (1er Maccabées, chap. 1 et 2e, chap. 6 et 7).
A la faveur de ces événements se répand rapidement la certitude des sanctions d'outre-tombe : si Dieu reçoit de ses fidèles la plus grande prouve d'amour, celle du sacrifice de la vie (donnée par des vieillards comme Éléazar, par des jeunes gens comme les Sept frères, par des bébés et leurs mères), ce ne peut être pour les rejeter dans un « shéol » sans bonheur et même sans connaissance de Dieu.
Parce qu'il est souverainement juste, Dieu doit récompenser les siens et châtier les impies.- Mais on ne . conçoit cet acte de justice que sous condition de la résurrection : c'est l'homme tout entier qui est intéressé à ces sanctions, puisque sans le corps on ne peut jouir, ni souffrir, ni prier.
Aussi bien croit-on logiquement d'abord à la résurrection pour asseoir cette certitude de la rétribution éternelle et du bonheur près de Dieu.
C'est ce qu'exprime, en 165 ou 164, le livre de Daniel (chap. 12, vers. 1-3). Les martyrs partageaient alors cette conviction, comme l'attestent les propos qu'ils tiennent (21 Maccabées, chap. 7, vers. 9-14 et la suite); il semble même, selon le verset 36 du chapitre 7 du 2e livre des Maccabées que le bonheur mérité par les martyrs leur soit accordé sans plus tarder. En conséquence, on perçoit mieux le sens de la souffrance (28 Maccabées, chap. 7, vers. 32-38) : elle est une expiation, une purification pour la vie éternelle et même une rédemption au profit des autres. On peut donc et l'on doit prier pour les défunts; on juge possible d'intervenir pour leur bonheur, ce qui suggère la croyance en une sorte de purgatoire (28 Maccabées, chap. 12, vers. 39-46). Enfin les saints intercèdent pour leurs frères d'ici-bas, selon le songe que raconte à ses hommes Judas Maccabée : Jérémie et Onias défendent au ciel la cause d'Israël (21 Maccabées, chap. 15, vers. 11-16); même si ce songe n'est qu'une parabole, il en appelle du moins à une croyance généralement admise.
Ces révélations illuminant presque tout Israël, car il faut en excepter les Sadducéens, prêtres de haut lignage (Marc, chap. 12, vers. 1827; Actes, chap. 23, vers. 8). Elles seront complétées, au siècle suivent, quelque cinquante ans avant Noël, par le livre de la Sagesse, surtout dans ses chapitres 1 à 5.
R. TAMISIER p.s.s.
* Voir « EN CE TEMPS-LA - LA BIBLE», No 7, pages VII VIII (L'homme biblique : un tout que même la mort ne divise pas) et No 36, page VII (La vie dans l'au-delà).
En ce temps-là, la Bible No 38 page I.