La «Fédération Protestante de France» (F.P.F.) donne le 18 février 1998 une grande réception à l'occasion du 4e centenaire de l'Edit de Nantes. Le président de la F.P.F. prêchera le dimanche 1er mars au Palais des Congrès à Paris.
En plein accord avec le président de la F.P.F-, il a été créé une association « Foi et Tolérance, Édit de Nantes 1998» qui, sous le patronage du président de la République Jacques Chirac, organise le 28 février à Paris un rassemblement exceptionnel de 5000 personnes sur le thème « Foi et tolérance pour aujourd'hui». Dans ce cadre on a offert à une centaine d'organismes d'exposer leurs produits et d'offrir leurs services.
Rappelons qu'après avoir abjuré deux fois le protestantisme, le roi Henri IV promulgua en 1598 l'Édit de Nantes, perpétuel et irrévocable. Cet Edit accorda aux protestants une tolérance toute relative et certains droits civiques et politiques dont ils avaient été privés. L'historien Emile G. Léonard cite à ce propos M. Strowski disant :
« La situation qui fut fixée désormais aux Réformés acheva leur défaite. L'Edit de Nantes se referma sur eux comme un tombeau. A la faveur de cet Édit s'établirent des conditions politiques et sociales, des moeurs, une politesse, une mondanité, un culte monarchique et des goûts intellectuels qui tuèrent une seconde fois, mieux que ne le feront les dragonnades, l'âme d'Anne de Bourg, le Martyr et l'esprit de Calvin, le Maître».*
La Révocation de l'irrévocable Edit de Nantes tut prononcée par Louis XIV en 1685. Elle eut pour conséquences la démolition des temples réformés, l'interdiction de tout culte public ou privé protestant, l'obligation de taire « baptiser» et instruire les enfants dans la religion catholique, l'émigration d'un grand nombre de protestants estimés entre 500000 et un million de personnes. Ceux qui restèrent et ne voulurent pas renier leur foi furent obligés de se terrer pour échapper aux galères ou aux massacres.
« Foi et tolérance pour aujourd'hui » ? Oui, quoique tolérance soit un terme quelque peu ambigu pouvant avoir le sens d'une liberté limitée accordée à quelqu'un. De même que tolérer signifie admettre à contrecoeur la présence d'une personne qu'on a de la peine à accepter. Et comment un Etat laïque pourrait-il distinguer une foi biblique authentique d'une croyance ou superstition humaine, voire diabolique? En se montrant très large il risque de tout tolérer au même titre, y compris de dangereuses sectes, ou, à défaut de repères sûrs, d'accorder une reconnaissance officielle aux organisations religieuses les plus grandes, les plus connues, ou à celles qui se font enregistrer, tout en refusant aux autres le droit de cité. L'Édit de Nantes fut un édit de tolérance limitée révoqué quelques décennies plus tard sous la pression d'une religion qui prétendait être la seule vraie hors de laquelle il n'y avait point de salut. Que l'Édit de Nantes et sa révocation puissent servir de leçon, plutôt que de modèle, car ce fut une demi-mesure vite abrogée! De nos jours la liberté de conscience, de culte et d'expression publique est loin d'être reconnue partout, et il nous faut prier pour ceux qui sont encore persécutés à cause de leur foi.
* «Le Protestant Français» Emile G. Léonard, Presses Universitaires de France (1955) p. 33.
Note
Dans le dernier bulletin d'inscription pour la location d'un emplacement pour l'installation d'un stand à l'exposition de ce grand rassemblement protestant, il était dit, entre autres : « L'organisateur se réserve le droit de :. . . refuser la location d'un emplacement, même en cours de contrat, à tout organisme dont l'activité lui paraîtrait contraire à l'esprit de la manifestation. »
Avis divergents
Monsieur Charles Guillot, directeur international de Radio Evangile, écrit : «Je suis enthousiasmé par votre projet, c'est une excellente initiative !. . . Quant au mixage de personnalités politiques et chrétiens confessants, il me réjouit plutôt qu'il ne me choque... Mettez un week-end à part pour venir avec nous, écrire une nouvelle page d'histoire dans la foi et la tolérance. »1
Le docteur J.-P. Koehnlein de Mulhouse trouve le titre « Foi et tolérance » ambigu et fourre-tout, une excellente peau de banane pour attrape-nigauds! Il pense que le mot «foi » se rapporte souvent à beaucoup de choses, saut au salut en Jésus-Christ et à notre réponse à la grâce de Dieu. Et il ajoute : « Les méandres de la tolérance sont de bonnes cachettes où peuvent se nicher des choix inadéquats et des traîtrises dont les fruits ultérieurs seront vécus amèrement. » Il conclut en disant: «Ainsi, en m'inscrivant à cette commémoration de l'Edit de Nantes, je crains d'éprouver le 28 février 1998 au soir quelques sentiments amers d'avoir été floué ou même trompé. Qui vivra verra. »2
1 Dans « Le Christianisme au XXe siècle», Hebdomadaire protestant no 618 (6 au 13 décembre 1 997).
2 Idem, no 619 (14-20 décembre 1997).
La Bonne Nouvelle 2/98
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