Les créationnistes font-ils leur retour en Suisse et dans l'enseignement?

 

La vérité toute nue se tient dans la Bible et son premier livre: la Genèse. Défendant des thèses fondamentalistes, quelques adeptes dispensent leur doctrine au coeur du canton.

Il n'y a pas qu'en Suisse orientale que les créationnistes tentent de se faire une place au soleil (24 heures du 7 janvier 2003). Ces fondamentalistes, tenants d'une lecture à la lettre des textes bibliques, notamment de la Genèse, sont aussi actifs en Suisse romande. A Vuarrens, Daniel A. Mathez dirige le Centre biblique européen (CBE). «Cette enseigne est un peu pompeuse», dit-il. Avec une quinzaine d'amis se voulant proches des Eglises évangéliques (voir encadré), il va mettre sur pied, au début du mois de février à la salle villageoise de Vuarrens, un séminaire sur les origines. Une centaine de créationnistes devraient venir y écouter la bonne parole.

Traduite en français, celle-ci sera dispensée par le docteur A. J. Monty White. Bardé de titres scientifiques, ce Gallois n'est autre que le directeur de l'antenne britannique de l'organisme américain Answer in Genesis (AiG), en français: La Genèse répond à toutes les questions. Au titre de déclaration de foi de ce groupement, apparemment bien implanté aux Etats-Unis, on trouve des affirmations telles que: «Les jours de la Genèse ne correspondent pas à des ères géologiques mais sont bien six jours consécutifs de la Création, chacun d'une durée de vingt-quatre heures.» La thèse de l'évolution est diabolisée et le portrait de Darwin caricaturé en une proéminence simiesque sur un corps velu.

Une place dans les écoles?

Dans sa villa de Vuarrens, Bible en main, Daniel Mathez, défend avec une étrange force tranquille à la fois son appartenance au courant évangélique et la «scientificité» du discours créationniste. Cela depuis quelques décennies déjà. Son CBE a édité une quinzaine d'ouvrages brochés tirés entre 1000 et 5000 exemplaires. Il se réjouit que, en Suisse orientale, ses pairs fondamentalistes revendiquent une place pour leur théorie dans les écoles. «Ici, on est en retard, je n'ai, à ce jour, pas contacté de représentants romands des départements de l'Instruction publique pour demander que nos conceptions soient aussi présentées aux élèves», assure le président du CBE. Septuagénaire, cet ancien commerçant, et employé de Nestlé et Swissair, est depuis toujours engagé dans son action d'évangélisation. Il estime que les manuels scolaires devraient juxtaposer les discours des tenants de l'évolution et ceux des défenseurs d'une origine strictement divine de la création du monde, de l'homme et de la femme.

«Ne mélangeons pas les débats!» POINT DE VUE

Daniel Cherix, directeur du Musée de zoologie de Lausanne, a un «doux sourire amusé» lorsqu'on lui parle de théorie créationniste.

Connu du monde scientifique pour ses théories quelque peu «fumeuses», le créationnisme n'est pas un tabou chez les spécialistes. Au contraire, Daniel Cherix, directeur du Musée de zoologie de Lausanne, en discute volontiers avec ses collègues, dont Jacques Hausser, professeur à la Faculté des sciences de l'Université de Lausanne. Leur théorie de l'évolution diffère pourtant fort de celle des créationnistes, qui, à leur avis, confondent débat d'idées et théories scientifiques.

«Tout le monde a le droit d'avoir des idées et de les développer à sa guise, reconnaît aisément Daniel Cherix. Simplement, le monde scientifique est régi par des règles plus précises et l'on exige un certain nombre de preuves avant d'avérer un fait comme exact.»

Certes, Daniel Cherix reconnaît que l'on ne peut, scientifiquement, redessiner l'évolution jour après jour, «mais l'on possède un certain nombre de traces et les indices ainsi fournis nous permettent de combler les lacunes et d'analyser quand, comment et qu'est-ce qui s'est réellement passé.»

Ainsi, Daniel Cherix ne remet pas en cause la Genèse, qui donne une image tout à fait claire d'un certain ordre chronologique. «Il y a une très grande cohérence dans cet écrit à caractère symbolique. Rédigé il y a près de deux mille ans, à une époque où l'on pensait que la Terre était plate, le récit de la Genèse présente une vision simplifiée, marquée par une unité de temps, la journée, qui est elle aussi symbolique. Ces six jours ne sont pas effectifs.»

En effet, grâce aux outils actuels, et notamment grâce à la génétique, il est désormais possible de retracer l'évolution des espèces, en analysant notamment les conséquences d'une séparation géographique.

Quant à la volonté des créationnistes de voir leurs théories enseignées en milieu scolaire, Daniel Cherix s'y oppose fermement. «J'admets tout à fait que l'on discute du sujet à l'école, dans un débat d'idées, au niveau philosophique ou au chapitre de l'histoire des religions. Mais dans le domaine scientifique, on ne peut pas «divaguer» aussi librement.»

Inconnus au bataillon - RÉACTIONS

Le Conseil des Eglises chrétiennes ne reconnaît pas le mouvement.

Au lendemain de la naissance du Conseil des Eglises chrétiennes du canton de Vaud (CECCV) qui réunit catholiques, réformés, orthodoxes et évangéliques dans un même élan oecuménique (24 heures du 16 janvier 2003), l'apparition, en marge de la mouvance évangélique, d'un courant créationniste fondamentaliste fait un brin désordre. Les responsables du tout jeune Conseil se grattent la tête. Le pasteur Roland Ostertag, délégué de la Fédération des Eglises évangéliques romandes et du canton de Vaud au sein du CECCV, rappelle qu'il y a une centaine de communautés évangéliques dans le canton, et que le Centre biblique européen et son boss Daniel Mathez ne lui rappellent rien. «En tant que Fédération vaudoise et romande, on ne se reconnaît pas dans ces discours. Je pense même que si un tel courant était identifié au sein de la Fédération, ses tenants seraient à blâmer», lâche le pasteur.

Celui-ci relève toutefois que le débat sur les origines de l'humanité et sur l'évolution reste d'actualité chez ses paroissiens. Avec Robin Reeve, un autre théologien évangélique, il relève que la Bible ne doit pas être lue comme un rapport de police. Selon les deux pasteurs, les sept jours de la création sont à comprendre comme sept ères qui ont pu s'étendre sur des millénaires. Les deux hommes ne contestent pas la théorie de l'évolution et ses apports scientifiques. Ils constatent toutefois qu'elle a aussi ses lacunes. Sur le fond, les deux théologiens conservent leur foi dans une origine divine comme explication ultime de l'apparition de la vie et de ses aléas sur Terre.

(24h.ch) ajouté le 3/3/2003

Trouvé sur http://voxdei2.free.fr/infos Point Final - Informations chrétiennes et eschatologiques au quotidien.