C'est cette nouvelle orientation universaliste qui apparaît depuis un certain temps déjà dans les discours du pape parlant du « Nouvel Age de l'histoire humaine», d'une « Nouvelle Pentecôte », d'une « Nouvelle Evangélisation », d'un « Monde Nouveau », de la «Civilisation de l'Amour » . . . Dans « Gaudium et Spes » il était déjà dit que «par son incarnation le Fils de Dieu s'était en quelque sorte uni lui-même à tout homme» et Michèle Reboul faisant cette citation ajoute : «... que cet homme soit ou non baptisé et ait ou non obéi aux commandements de Dieu ».
Pour préparer le terrain à cette « réconciliation» le pape Jean-Paul Il propose que l'Eglise (catholique romaine) fasse son autocritique et demande pardon pour l'inquisition, les guerres de religion, la condamnation de Galilée, les persécutions des hérétiques, l'appui aux régimes fascistes . . ., qu'on déclare saints des hommes de toutes confessions. Déjà Rome a fait «acte de repentir» de sa «tradition anti-juive»¥ sans toutefois satisfaire entièrement les souhaits du rabbin Jeffrey Cohen qui demande:3
- que l'Eglise catholique condamne l'antisémitisme comme péché mortel,
- que l'Eglise romaine reconnaisse que les passages anti-juifs dans le Nouveau Testament n'ont pas été émis sous l'inspiration du Saint-Esprit, mais sont des divagations de faux prophètes, de meneurs fanatiques et d'historiens révisionnistes de l'Évangile,
- qu'il soit interdit de citer de semblables passages ou de les prendre pour thèmes de sermons, d'instructions lues en classe ou de les incorporer à des émissions radio-télévisées,
- que doivent être interdits et considérés comme de la liturgie raciste, indigne d'une grande religion, tous les nombreux textes dans les manuels qui dépeignent, en termes venimeux et comme ennemis de l'Eglise, les pharisiens, les scribes, les membres du sanhédrin et, en fait, les juifs,
- que l'Église introduise dans sa liturgie une prière pour les six millions de Juifs qui ont péri dans l'holocauste.
On comprend que les Juifs soient particulièrement sensibles à ces questions vu ce qu'ils ont souffert à travers les siècles de l'antisémitisme catholique, dont même Luther et les nazis se sont malheureusement largement inspirés. La prière pour les morts, que Jésus et les apôtres n'ont ni enseignée ni pratiquée, incompatible avec la Bible, ne réparera pas le mal accompli.
Notre commentaire
«Acte de repentir», oui, mais!
C'est une bonne chose que de faire « acte de repentir» des crimes commis et d'en demander pardon. Mais il faudrait surtout veiller à ce que les religions monothéistes cessent effectivement leurs persécutions. Or, des chrétiens sont encore persécutés par les musulmans en Afrique (par ex. au Soudan...), en Asie (Iran, Pakistan, Arabie Saoudite . . .), par les orthodoxes en Europe (Grèce, Bulgarie...), par les catholiques en Amérique latine (Mexique, Colombie, Brésil...), pour ne citer que quelques cas typiques. Jamais au cours des siècles les chrétiens n'ont été autant persécutés qu'à notre époque.
Quelle réconciliation ?
Si par réconciliation on entend renoncement à toute forme de persécution contre qui que ce soit et quelles que soient ses opinions religieuses, on ne saurait qu'approuver. Mais si cette réconciliation devait être une sorte de regroupement des trois religions monothéistes en une religion dite d'Abraham, les véritables enfants de Dieu devraient de toute évidence s'en abstenir. Une authentique réconciliation ne peut se faire qu'au pied de la Croix. Il s'agit d'abord pour chacun d'être réconcilié avec Dieu par la foi en Christ (II Cor. 5 :18-21) sur le fondement de la Parole de Dieu. Alors seulement peut aussi se réaliser la réconciliation entre véritables enfants de Dieu.
Que dit l'Écriture ?
Est-ce que les descendants d'Abraham sont tous enfants de Dieu ? « Bien qu'ils soient la postérité d'Abraham, ils ne sont pas tous ses enfants... Ce ne sont pas les enfants de la chair qui sont enfants de Dieu, mais ce sont [es enfants de la promesse qui sont regardés comme la postérité» (Rom. 9 : 7-8). Cette postérité, c'est Christ (Cal. 3 : 16) et c'est par la foi en lui que l'on devient véritablement fils d'Abraham (Cal. 3 : 7), à l'exclusion de ceux qui ne reconnaissent pas en Jésus le Christ, c'est-à-dire le Messie, le Fils du Dieu vivant (Mat. 16 : 16). Jésus est le chemin, la Vérité et la Vie, et nul ne vient au Père - c'est-à-dire à Dieu que par lui (Jean 14 : 6). Juifs et musulmans rejettent cette unicité de Christ, ainsi que sa divinité et la valeur expiatoire de son unique sacrifice, que même Rome rabaisse en enseignant la nécessité de produire et d'offrir dans la messe, toujours à nouveau, le corps et le sang de Christ pour le salut des vivants et des morts. À cela Rome ajoute encore les mérites de Marie et des saints approvisionnant le trésor de l'Eglise dont sont tirées les indulgences destinées à réduire les peines temporelles des pénitents ! (voir le nouveau « Catéchisme de l'Église catholique» paragraphes 1476-1479, p. 317). Comment des chrétiens attachés aux Ecritures pourraient-ils s'associer à ce trio monothéiste bibliquement insoutenable ?
Divagations de faux prophètes?
Personne n'est en droit de déclarer non inspiré un texte des Ecritures, parce qu'il contient un jugement divin contre une catégorie de personnes ou des nations ayant enfreint les commandements de Dieu. Comment oser considérer des paroles de l'Ecriture, qui sont Parole de Dieu, comme des divagations de faux prophètes ou de meneurs fanatiques ? D'autres peuples que les Juifs pourraient exiger des suppressions semblables, car au plan historique la Bible contient également des jugements contre l'Egypte, Damas, l'Ethiopie, l'Assyrie... et même des jugements universels (Es. 24), mais aussi de magnifiques promesses à l'adresse de ceux qui se repentent et reviennent à Dieu. Il faut d'autre part ne pas oublier que les jugements contre Israël et Juda se trouvent surtout dans la partie des Écritures (Ancien Testament) qui constitue la Bible juive. Les Juifs eux-mêmes devraient donc logiquement commencer par arracher de nombreuses pages des livres de leur propre Bible. On ne saurait accuser d'antisémitisme les prophètes, Christ et les apôtres qui ont tous été eux-mêmes juifs, tout en dénonçant les infidélités de leur peuple afin de provoquer un salutaire revirement. Paul, en écrivant aux Thessaloniciens, leur disait que les Juifs avaient fait mourir Jésus et les prophètes, qu'ils avaient persécuté les chrétiens et les avaient empêchés de parler aux païens pour qu'ils soient sauvés (1 Thess. 2 : 15-16). Ce sont des faits historiques, tout comme la persécution des chrétiens par les Romains, l'inquisition, la persécution des Juifs par la papauté et par le Nazisme, le martyre des anabaptistes et des huguenots, sans oublier la Saint-Barthélémy, etc. Voudrait-on qu'il soit interdit d'évoquer ces crimes?
Double-face !
On constate une fois de plus que Rome use d'un langage double. D'une part l'organisation catholique romaine a toujours la prétention d'être la seule vraie Eglise, la seule détentrice de toute la vérité. Dans le nouveau «Catéchisme de l'Église catholique» (1992) on lit : ... L'unique Eglise du Christ... est réalisée dans l'Eglise catholique gouvernée par le successeur de Pierre et les évêques . . . (p. 1 79, paragr. 816) et l'on cite à ce propos le « Décret sur l'oecuménisme du 2e Concile du Vatican » qui dit : C'est, en effet, parla seule Eglise catholique du Christ, laquelle est « moyen général de salut», que peut s'obtenir toute la plénitude des moyens de salut... Car c'est au seul collège apostolique, dont Pierre est le chef, que le Seigneur confia... toutes les richesses de la Nouvelle Alliance, afin de constituer sur la terre un seul Corps du Christ auquel il faut que soient pleinement incorporés tous ceux qui, d'une certaine façon, appartiennent déjà au peuple de Dieu. Si donc le pape parle d'oecuménisme il l'entend comme le retour obligatoire de tous les autres dans son giron.
D'autre part Rome tient à l'occasion un langage universaliste allant jusqu'à laisser supposer que tous les hommes font partie du peuple de Dieu quelle que soit la religion qu'ils pratiquent, et même s'ils n'en pratiquent aucune! C'est ce qui permet au pape d'organiser des journées de prière planétaire, non seulement avec des représentants des religions monothéistes, mais même avec les bouddhistes shintoïstes, bahaïs, animistes .. . (Assise 1986 . . . Lourdes 1993). Le pape veut manifestement jouer le rôle d'un rassembleur universel pour se faire reconnaître au 3e millénaire - si possible - comme le chef spirituel de toute l'humanité, le «saint père» de la civilisation de l'amour d'un monde nouveau. Ce monstrueux amalgame ne sera toutefois pas le Royaume de Dieu dont parle l'Écriture, mais plutôt sa contrefaçon, la « grande Babylone » dont devraient sortir ceux qui s'y trouvent déjà (Apoc. 18 :4). Heureux ceux qui n'y entreront jamais, parce qu'ils n'auront pas à en sortir!
«Que personne ne vous séduise d'aucune manière . . . » (II Thess. 2 : 3)
J. Hoffmann
1 « Panchrétienne» = visant à regrouper toute la chrétienté.
2 Voir « Monde et Vie» du 30. 06.94, No 567, p. 12-13 sous le titre: Jean-Paul Il prépare le troisième millénaire ».
3 Jeffrey Cohen, attaché au grand rabbin d'Angleterre, a publié dans le London Jewish Chronicle du 28.01.94 p. 19 un Agenda pour un véritable accord Vatican-Israël dont sont extraits les points cités ici.
La Bonne Nouvelle 4/95
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