L'antisémitisme a fait son lit dans la gauche française"

 

L'hebdomadaire des libéraux néoconservateurs américains, friand de points de vue fracassants, croit avoir trouvé le responsable des agressions et des attentats contre les juifs en France : c'est la gauche, dont le parti pris pour la Palestine engendrerait une forme d'antisémitisme.

THE NEW REPUBLIC

Washington

J'avais 23 ans le jour où j'ai vu Joséphine Baker en chair et en os - de loin, bien sûr ! Elle participait à la marche sur Washington de Martin Luther King. Le message transmis par sa vie, comme celui de James Baldwin, était que les Nègres américains pouvaient être plus eux-mêmes en France qu'aux Etats-Unis. C'était aussi ce que croyaient une bonne partie de la bohème, les intellectuels et les intellectuels manqués*, dont moi. Avec le recul, je soupçonne que cette vision des choses était loin de correspondre à la réalité.

L'idée d'une cohabitation idyllique entre les races en France est absurde. La politique coloniale française a souvent été violente. Ne serait-il pas plus juste de penser que les Africains-Américains comme Baker et Baldwin étaient perçus comme des êtres exotiques, qu'ils étaient invités à dîner par des gens désireux de prouver ainsi leur supériorité à l'Amérique blanche et qu'ils n'ont jamais vraiment remarqué que les rues de la ville étaient balayées par des milliers d'Ivoiriens, de Maghrébins et de Sénégalais ?

A cette époque, au moins, l'idée d'une France unifiée - l'idéologie républicaine* - était défendue par tous les citoyens, à l'exception de la droite catholique. Elle a beaucoup moins de poids à l'heure actuelle. Il est vrai que Jean-Marie Le Pen a été vaincu au second tour des élections l'année dernière ; mais, au passage, ses adversaires du centre et de la droite ont concocté leur propre message anti-immigration. En réalité, Le Pen s'est fait dépouiller.

A l'exception des nationalistes extrémistes, nostalgiques de la droite vichyste vieillissante, il y a peu d'antisémites dans les milieux conservateurs français actuels. Il n'en va malheureusement pas de même à gauche, aussi bien chez la vieille garde que chez la jeune, avec ses intellectuels, ses universitaires, ses journalistes, ses esprits bien-pensants et ses artistes, qui s'enorgueillissait autrefois de son hostilité de principe envers tous les racismes. Ces gens ne sont pas des islamistes et ils n'ont pas non plus affiché des portraits de Karl Marx dans leurs toilettes. Ce sont des lecteurs du Monde et de Libération, qui ont l'habitude d'émettre des jugements et d'être pris au sérieux. Ces jugements trouvent ensuite un écho dans les sondages réalisés auprès des Français ordinaires. Non seulement ils se convertissent en opinion publique, mais ils se traduisent par des actes, en l'occurrence des actes de violence contre les juifs et la communauté juive. Et, comme la justification idéologique de la diabolisation des juifs est toute trouvée - la domination de la Palestine par Israël -, ces actes, au lieu d'inspirer l'horreur, ne provoquent plus qu'un certain écoeurement et de l'embarras. Après tout, les péchés des juifs sont évidents : ils sont dans le camp des Américains, ils vivent en paix avec la science, la technologie et la loi, et ils créent de la richesse matérielle. Cela débouche sur une vaste question : quel est ce grand "projet progressiste" pour lequel lutte la gauche française et dont les sionistes et les juifs empêchent insidieusement la réalisation ? Les grands conflits du siècle dernier ont toujours répondu à une logique manichéenne de gauche. D'un côté, il y avait l'impérialisme et le capitalisme et, de l'autre, un rêve fascinant et révolutionnaire. Le rêve s'est transformé en cauchemar. Mais c'était quand même un rêve.

Alors quel rêve les Palestiniens offrent-ils à leur propre peuple et au monde ? Aucun, si ce n'est leur prétendue innocence face aux juifs tout-puissants. Quel héros les Palestiniens ont-ils créé pour attirer la sympathie de ceux dont ils convoitent l'aide ? Certainement pas un Gandhi. Ni un Mandela. Ni un Weizmann ou un Ben Gourion. Aujourd'hui, leur héros est Saddam Hussein. Envisagent-ils d'instaurer une société sans classes ? Non. Une société transparente ? démocratique ? responsable ? A chaque fois, la réponse est non. Vont-ils libérer et changer la vie des femmes, des tribus honnies, des homosexuels et des sceptiques ? Pas la moindre chance. En fonction de quel idéal se jugeront-ils eux-mêmes ? Personne ne répond, parce que personne ne le sait. Et c'est la raison pour laquelle je pense que, si autant de personnes en France, et d'autres en Europe, sont attirées par cette idée creuse qu'est la Palestine, n'ayant d'yeux que pour la cause palestinienne et se faisant appeler ou s'appelant eux-mêmes des bâtisseurs de paix, c'est tout simplement parce qu'ils méprisent les juifs. En tout cas, cela explique leur ferveur. Rien d'autre ne peut l'expliquer.

(The New Republic/ Courrier International) ajouté le 12/2/2003

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