Québec interdit toute recherche sur le clonage humain

 

Québec interdit officiellement toute activité de recherche sur le clonage humain ainsi que sur les cellules souches d'embryons humains, cellules qui contiennent, comme on le sait, un énorme potentiel thérapeutique. L'interdit s'applique même aux cellules souches embryonnaires issues des embryons «excédentaires» provenant de fécondations in vitro effectuées pour des couples infertiles. La politique québécoise s'annonce donc plus stricte que celles adoptées aux États-Unis et en Angleterre.

Dans le but avoué de rassurer la population québécoise, le ministre délégué à la Recherche, à la Science et à la Technologie, David Cliche, a également affirmé hier en conférence de presse qu'aucune activité de recherche n'a actuellement cours autant sur le clonage humain que sur les cellules souches embryonnaires en territoire québécois, et ce, dans le domaine de la recherche tant publique que privée.

Le ministre a souligné qu'il peut se montrer à ce point affirmatif et rassurant en raison de l'existence et de l'application de règles d'éthique et de bonne pratique édictées par le Fonds de la recherche en santé du Québec (FRSQ) et par les fonds subventionnaires fédéraux.

«Dans l'état actuel des choses, tout projet de recherche que des scientifiques se proposent de mener dans un centre hospitalier universitaire [CHU] québécois, que sa source de financement soit publique ou privée, doit être analysé par un comité d'éthique qui s'assure que le projet respecte scrupuleusement les règles en vigueur», a-t-il déclaré. Parmi ces règles figure précisément l'interdiction de procéder à des modifications génétiques sur les cellules reproductrices (ovule et spermatozoïde) et les embryons humains. Il est également prohibé de créer des espèces hybrides issues de la combinaison de gamètes humains et animaux mais aussi de concevoir des embryons humains uniquement à des fins de recherche. Toute recherche entraînant le clonage d'êtres humains par quelque moyen que ce soit est carrément défendue.

Si un projet de recherche est autorisé par le comité d'éthique, il est ensuite soumis au FRSQ pour l'obtention de financement. «Nous n'accorderons pas notre financement là où les standards québécois [en termes d'éthique] ne seront pas respectés, a précisé le Dr Michel Bureau, président-directeur général du FRSQ. Le Dr Bureau a de plus fait remarquer que le Collège des médecins a récemment révisé son code de déontologie pour y inclure des règles incitant au respect de l'éthique de la recherche. «Il sera ainsi impossible pour un médecin de collaborer à une recherche sur le clonage humain sans outrepasser les règles que le Collège des médecins propose pour encadrer la profession», a-t-il précisé.

Mais qu'en est-il de la recherche menée dans le domaine privé au sein d'une entreprise québécoise? Elle doit également être examinée par un comité d'éthique mis en place par l'entreprise selon des règles d'indépendance et d'impartialité. De plus, lorsque l'entreprise formule une demande de subvention auprès des sociétés québécoises de capital de risque, celles-ci procèdent à un audit qui entraînera l'élimination de tout projet de recherche inacceptable d'un point de vue éthique.

Les interdits annoncés par le ministre n'ont toutefois pas force de loi. Le contrôle s'effectuera donc lors de l'évaluation par des comités d'éthique ainsi que par le truchement de l'octroi des subventions de recherche et des autorisations de financement. Comme ce genre de recherche ne peut se faire sans l'expertise de médecins - qui seront sanctionnés par un code de déontologie plus strict - de même que sans d'énormes infrastructures techniques et ressources professionnelles qui exigent des investissements colossaux, les scientifiques qui se lanceront dans cette aventure devront nécessairement passer au crible des organismes subventionnaires et des sociétés de capital de risque, souligne Michel Bureau.

Mais que faire dans la situation hypothétique où une équipe de recherche financée par des intérêts étrangers, comme Raël et ses adeptes par exemple, s'installe au Québec? «Nous évaluons ces hypothèses avec le ministre de la Justice et nous envisageons d'adapter le code civil aux nouvelles réalités scientifiques», répond David Cliche.

Et comment les scientifiques accueillent-ils cet encadrement?

François Pothier, chercheur au département des sciences animales de l'Université Laval, est favorable à ces balises éthiques. «Elles forceront les scientifiques à rechercher d'autres avenues, par exemple celle des cellules souches adultes. Personnellement, j'ai beaucoup trop de respect pour l'embryon humain pour le démanteler à des fins de recherche», confie-t-il.

Même son de cloche de la part de François Auger, directeur du Laboratoire de recherche des grands brûlés de l'Université Laval qui recherche des cellules souches chez l'adulte dans des tissus aussi divers que la peau, l'oeil, les vaisseaux sanguins, les ligaments, les bronches et le cordon ombilical. «C'est pour le bien public, c'est un très bon pas...», déclare-t-il, bien qu'il aurait souhaité un débat de société sur cette question. François Auger refuse catégoriquement l'utilisation des cellules souches embryonnaires parce que «créer de la vie pour sauver une vie, c'est galvauder la vie.»

Michel Tremblay, directeur du Centre du cancer de l'Université McGill, est quant à lui surpris et extrêmement déçu pour la recherche au Québec que l'on prive les scientifiques d'étudier et d'utiliser les cellules souches embryonnaires, d'autant que «la meilleure source de cellules souches est clairement l'embryon, souligne-t-il. On a déjà fait beaucoup de travail sur les cellules souches embryonnaires chez les animaux. On se trouve ainsi à éliminer tout ce qu'on a fait depuis dix ans.» Michel Tremblay ajoute que des lignées de cellules souches issues d'embryons humains surnuméraires sont déjà cultivées et disponibles dans plusieurs laboratoires américains et européens. «Des cellules de ces lignées peuvent se différencier in vitro en cellules hépatiques, neuronales ou autres, sans avoir à créer de nouveaux embryons», ajoute le chercheur.

«Quelques découvertes ont été annoncées sur les cellules souches adultes, ici et ailleurs, mais nous sommes encore très très loin de pouvoir les utiliser dans le traitement de maladies», déplore-t-il. Les règles d'éthique que le ministre Cliche a confirmé hier sont fermes mais... «Si vous me demandez de prédire dans deux ou quatre ans où en seront l'état de la science et de l'acceptabilité sociale par rapport à ces pratiques, je ne me prononce pas», a-t-il lancé.

 

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(Le Devoir) ajouté le 15/1/2002

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