SECTION III - Introduction spéciale aux Epîtres , depuis la première aux Thessaloniciens jusqu'à Jude.

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§173. Première aux Thessaloniciens (Corinthe, an 52 de Jésus-Christ). - Thessalonique était le chef-lieu de l'un des quatre districts de la Macédoine et le siège d'un gouverneur romain. Sa position sur la grande route de la Macédoine et sur un excellent port avait favorisé son commerce , accru ses richesses et attiré dans son sein une population mixte de Grecs, de Romains et de Juifs. Elle est encore aujourd'hui, comme autrefois, une ville d'un commerce florissant, elle porte le nom de Salonique. Sa position géographique et son importance maritime la rendaient bien qualifiée pour devenir un des grands centres de l'évangélisation en Europe, et expliquent le fait que de cette cité la Parole de Dieu ait retenti « en tous lieux (1, 8). »

L'Evangile y fut prêché pour la première fois par Paul et Silas, peu après leur sortie de la prison de Philippe (Actes, XVII, 1-10). Paul s'adressa, selon sa coutume constante, d'abord aux Juifs, et ensuite, avec un succès plus grand encore, aux Gentils. Combien de temps passa-t-il en cet endroit, c'est ce qui n'est pas établi d'une manière précise; mais il est évident que ce fut un temps plus long que les trois semaines pendant lesquelles il discuta avec les Juifs dans la synagogue les jours de sabbat (cf. Actes , XVII , 4, 5. 1 Thes., II, 9. 2 Thes., III, 8, et Philip., IV , 16).

L'Eglise qu'il fonda dans cet espace de temps se composait en partie de Juifs et de prosélytes juifs, dont un grand nombre étaient des femmes distinguées parleur rang et leur influence (Actes, XVII, 4), en partie aussi, et surtout, de convertis d'entre les païens (1, 9).

Ayant été chassé de la ville par la violence des Juifs, Paul laissa l'Eglise naissante dans des difficultés telles qu'il fut rempli d'inquiétudes à son sujet, et qu'il résolut de lui envoyer d'Athènes Timothée pour l'encourager et la fortifier dans les persécutions auxquelles elle était exposée (III, 1 , 2). Timothée retourna auprès de Paul à Corinthe où ce dernier se trouvait depuis peu) et lui apporta des nouvelles si rassurantes sur la constance des chrétiens de Thessalonique , qu'il remplit son coeur de joie et de gratitude (III, 6-9) et réveilla son désir de les visiter. Mais en ayant été empêché à plusieurs reprises (II, 17 , 18), il leur écrivit de Corinthe (an 52) la lettre dont il est ici question.

Cette lettre , la première des épîtres de Paul, était accompagnée d'une recommandation solennelle de la lire publiquement dans l'Eglise (V, 27).

1. Dans la première partie de l'épître (I à III) , l'Apôtre exprime sa reconnaissance et sa joie pour tout ce qu'il a appris de la manière dont les Thessaloniciens avaient reçu l'Evangile, et de leur fidélité au milieu des persécutions et des afflictions. Il justifie sa conduite et celle de ses compagnons d'oeuvre dans la prédication de l'Evangile, et témoigne de l'intérêt affectueux qu'il prend à la prospérité de l'Eglise de Thessalonique.

2. Le reste de l'épître se compose d'avertissements pratiques aux Thessaloniciens, il cherche à les prémunir contre un péché qui faisait à leur ville une réputation presque proverbiale, et les exhorte à la culture de toutes les vertus chrétiennes, particulièrement à la vigilance, et à une vie sobre et sainte en rapport avec leur profession et leurs glorieuses espérances (IV, 1-12 ; V). Des consolations spéciales sont adressées à ceux qui, plongés peut-être dans un deuil récent , paraissaient croire que leurs amis, en mourant, perdaient quelques avantages signalés, réservés à ceux qui vivraient jusqu'à la venue du Seigneur, venue qu'ils attendaient, du reste, comme très-prochaine. Il parait que quelques-uns s'étaient laissés aller à une profonde douleur à ce sujet. Paul les console en leur exposant la vérité avec une autorité toute divine. Il leur révèle qu'à la venue de Christ les morts pieux ressusciteront pour être revêtus d'une vie nouvelle par une glorieuse transformation , et il les engage à se rassurer en vue de cette glorieuse espérance (IV, 13-18).

Lisez et comparez I, 1, 2; II, 1 , 13, 17; III, 1 , 6, 11; IV, 1 , 9 , 13 ; V, 1, 4, 12, 14, 15, 16, 19, 23, 25, 27, 28.

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§ 174. Seconde aux Thessaloniciens (Corinthe, an 53). - Cette épître fut écrite probablement aussi de Corinthe et peu de temps après la première (au commencement de 53), Silas et Timothée étant encore auprès de Paul (I, 1). Le principal objet paraît en être de redresser une idée erronée qui avait commencé de prévaloir parmi les chrétiens de Thessalonique, à savoir , que l'apparition de notre Sauveur et la fin du monde étaient imminentes. Cette opinion s'appuyait en partie sur une fausse interprétation des termes de la première épître, et parait avoir été accueillie par quelques personnes qui avaient des prétentions à l'inspiration. Il y avait aussi des gens qui , sous un prétexte religieux, négligeaient leur travail et leurs occupations ordinaires, et vivaient dans le dérèglement.

Le commencement et la fin de l'épître se composent de recommandations affectueuses, mêlées d'encouragements à la persévérance, d'exhortations à la sainteté et de directions pour le maintien de la discipline au sujet des membres paresseux et des déréglés (I; II, 13-17; III). Dans le fragment (II, 1-12), Paul expose et combat l'erreur qui avait cours sur la prochaine venue du Seigneur. Rappelant aux Thessaloniciens ce qu'il leur avait dit lorsqu'il était parmi eux, il ajoute qu'il leur a parlé de l'événement plutôt comme soudain et inattendu que comme prochain, et que d'ailleurs il doit être précédé d'une grande apostasie et d'une domination temporaire de l'homme de péché, l'usurpateur du trône spirituel qui établira un système d'erreur et de destruction par lequel un grand nombre seront égarés, système d'ailleurs qui ne peut s'élever avant la disparition de certains obstacles.

Il y a une analogie très-frappante entre la petite corne de la prophétie de Daniel (chap. VII) et l'homme de péché de cette épître. Dans Daniel, la corne ne peut s'élever aussi longtemps que l'empire romain n'est pas détruit; dans Paul, nomme de péché ne peut être révélé que lorsque cet empire qui lui fait obstacle aura été mis de côté. Dans Daniel, ce pouvoir renverse les saints; dans Paul , il les combat et les persécute. Dans Daniel, il s'élève lui-même au-dessus de tout ce qui est le souverain; dans Paul, il s'exalte lui-même au-dessus de tout ce qui est appelé Dieu. Dans Daniel il change les temps et la loi ; dans Paul il est le mystère d'iniquité. Dans Daniel il fait prospérer la fraude par la subtilité de son esprit; dans Paul il vient avec des miracles de mensonge et toutes sortes de tromperies qui en séduiront plusieurs (Dan. , VIII, 25; XI, 36). Remarquable connexion de la prophétie ! Six cents ans auparavant Daniel a prédit l'élévation de son pouvoir; Paul ajoute quelques traits à ce tableau , et Jean doit nous révéler son histoire complète.

Cette prédiction mérite une sérieuse attention par un autre motif. Elle nous apprend que si la venue du Seigneur était alors prochaine, elle était cependant aussi, et dans un autre sens, éloignée. Bien des événements devaient la précéder; et malgré toute la clarté de la prophétie quant au fait lui-même, le temps précis de son accomplissement doit toujours demeurer inconnu. Si nous comparons ce passage avec d'autres, nous apprenons que les serviteurs de Christ doivent s'attendre à voir se dérouler une longue suite de siècles, sans se laisser abattre par le retard de l'apparition du Seigneur, ni décourager par la domination des méchants et des séducteurs qui auront l'apparence de la piété, mais qui en auront renié la force. (I Tim., IV, 1-3. 2 Tim., III, 1-8. 2 Pierre, II; Apoc., XI à XIII ). - Lisez et comparez I, 1 , 3 , 11; II, 1 , 5 , 13, 15, 16; III, 1 , 6, 16, 17, 18.

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§ 175. Epître aux Galates (Ephèse ou Corinthe, an 53 ou 57). - La Galatie était une vaste province au centre de l'Asie-Mineure. Elle tirait son nom des Gaulois, qui avaient conquis cette contrée et s'y étaient établis vers 280 avant Jésus-Christ. Elle était aussi appelée Gallogrèce, à cause des colons grecs qui, dans la suite, vinrent se mêler aux Gaulois. Vers 189 avant Jésus-Christ elle tomba sous la puissance romaine, et devint une province de l'empire en 26 avant Jésus-Christ. Les habitants étaient peu civilisés , et leur système d'idolâtrie était extrêmement grossier et immoral.

Paul et Silas passèrent par cette contrée vers 51 après Jésus-Christ et y fondèrent des Eglises que Paul visita de nouveau dans son second voyage, trois ans plus tard. Cette épître fut probablement écrite peu après sa première visite (voyez Actes, XVI, 6 ; XVIII, 23. Gal. , I, 6, 8; IV, 13, 19).

Il paraît qu'après avoir reçu l'Evangile avec une grande joie et une grande promptitude de la bouche des apôtres, un grand nombre de ces convertis, parmi lesquels on comptait beaucoup de Juifs on de prosélytes, avaient été égarés par quelques docteurs judaïsants, qui leur enseignaient que l'observance des obligations cérémonielles de la loi de Moïse était nécessaire au salut. Ce parti semble, en outre, avoir mis en doute l'autorité de Paul , insinuant qu'il était inférieur à Pierre et aux autres apôtres de Jérusalem , dont ils prétendaient tenir leurs vues et leur autorité. C'est pour régler ces points importants, qui paraissaient aux yeux de l'Apôtre mettre en danger la véritable essence et l'existence même du christianisme , qu'il écrivit cette épître; il l'écrivit de sa propre main (VI, 11), contrairement à son habitude ordinaire de dicter ses lettres. Elle peut se diviser en trois parties.

1. Après sa salutation habituelle , Paul revendique dès l'abord sa pleine et indépendante autorité comme apôtre de Christ. Il rappelle l'histoire de sa conversion et de son entrée dans le ministère, montrant qu'il a reçu la connaissance de la vérité chrétienne, non par un enseignement humain , mais par une révélation immédiate; et il ajoute que les autres apôtres ont reconnu son divin mandat et l'ont traité comme leur égal (chap. I et II).

2. A l'appui de sa doctrine, que les hommes sont sauvés devant Dieu par la foi seule et non par les rites et les cérémonies de la loi, il en appelle à l'expérience des Galates depuis leur conversion au christianisme, et à l'exemple d'Abraham , qui a été justifié et sauvé par la foi; et il montre que le but de la loi n'a pas été d'abolir l'alliance divine de la promesse faite auparavant à Abraham, mais de préparer le chemin et de faire ressortir la nécessité de l'Evangile (chap. III). Il fait voir le contraste qui existe entre l'état de minorité et la sujétion du peuple de Dieu sous la loi, et la condition plus heureuse des chrétiens sous l'Evangile, quand, par la rédemption du Fils de Dieu, ils ont été mis en possession des privilèges et des bénédictions de l'adoption en Jésus-Christ. Et s'adressant à la portion des Galates qui avaient été païens, il leur rappelle qu'après avoir été délivrés de la plus dégradante servitude de l'idolâtrie, il était plus particulièrement déplorable de les voir retomber dans la servitude de la superstition (IV, 1-11). Il leur parle comme à ses chers enfants spirituels, leur rappelant leur ancienne affection pour lui. Puis, s'adressant à ceux qui s'appuyaient sur la loi et la lettre de l'Ancien-Testament, il leur montre par l'histoire des deux fils d'Abraham , par la bénédiction de l'un et la réjection de l'autre, la position relative et l'esprit de l'économie juive , qui reposait déjà , dans son principe, plus sur la liberté et la promesse que sur des prescriptions et des cérémonies (IV, 11-31).

3. Il exhorte les croyants à retenir fermes les priviléges de leur liberté chrétienne, mais en même temps à ne pas en abuser; il leur montre que la sainteté du coeur et de la vie est garantie sous l'Evangile par l'autorité de Christ et par la grâce du Saint-Esprit (chap. V). Il les exhorte ensuite au support mutuel, à la douceur, à l'amour et à la libéralité; et après avoir de nouveau condamné la doctrine des faux docteurs, il termine son épître par une déclaration qui peut être regardée comme le résumé de l'ensemble (chap. VI).

Cette épître a des rapports, d'un côté avec les épîtres aux Corinthiens, et de l'autre avec l'épître aux Romains. Comme les premières, elle défend l'autorité apostolique de Paul et montre qu'il avait été enseigné immédiatement de Christ. Comme la dernière , elle traite de la justification par la foi seule, de laquelle les Galates, peu après le départ de Paul , et à sa grande surprise , avaient été, détournés par les faux docteurs, qui insistaient sur la soumission à la loi mosaïque comme essentielle au salut, et qui insinuaient probablement que Paul lui-même avait prêché ailleurs la même doctrine. Remarquez à la fois la sévérité et la tendresse de ses reproches (III, 1 ; IV, 19) , - la place assignée à la sainteté, non comme le fondement, mais comme le fruit du salut dont elle est inséparable (V, 6, 22). Remarquez encore combien peu nous devons faire de cas de l'ardeur &un sentiment religieux en tant que preuve de la force d'un principe religieux (IV , 15, 20).

Il est intéressant de se rappeler que les gens auxquels l'épître est adressée étaient Gaulois (en grec Galates) aussi bien de caractère que de nom. Ils montrent toute la susceptibilité d'impressions et la mobilité que les auteurs, depuis César jusqu'à Augustin Thierry, ont attribuées à cette race. Ils avaient reçu l'Apôtre comme un ange, et se seraient arraché les yeux et donnés eux-mêmes pour lui ; puis, peu après, nous les voyons déjà « détournés de la foi par de faux docteurs et entraînés vers un autre Evangile. » Alors, avec la même ardeur, ils commencent « à se mordre et à se déchirer les uns les autres (IV, 14, 15; V , 15). »

Lisez et comparez successivement I, 4 , 6, 11 ; II, 15; III, 1 , 6, 10, 15, 19, 24; IV, 1 , 8, 12, 17, 21 ; V , 1 , 7 , 13, 16, 19, 22 ; VI, 1, 2, 6, 11, 17, 18.

Sur la revendication de la liberté spirituelle contre ceux qui regardaient les observances rituelles comme nécessaires au salut, ci contre ceux, au contraire, qui enseignaient qu'un culte libre était une obéissance suffisante , voyez III, 5, 6. Rom. , VII, 1-6. Col. II, 16-23. - Voyez le Commentaire de M. Sardinoux.


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