SECTION V. - La captivité. La restauration. Livres de cette époque. Esdras, Aggée, Zacharie, Ester, Néhémie, Malachie. (Suite)

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§ 100. Ester (462-452). - On a vu qu'il n'y eut qu'un nombre , relativement très-restreint, de Juifs qui profitèrent de la permission de retourner à Jérusalem. Le plus grand nombre de ceux qui vivaient étaient nés en Babylonie ; ils avaient fait de ce pays leur patrie , ils s'y étaient établis et s'étaient entourés d'une foule de jouissances qu'ils étaient peu disposés à abandonner pour recommencer une vie de colonisation. On ne peut guère compter plus de cinquante mille personnes dans la première caravane qui se mit en route sous la conduite de Zorobabel; et le second convoi qui, plus de soixante-dix ans après, partit sous la conduite d'Esdras, ne comprenait guère plus de six mille personnes. Sans doute que plus tard quelques autres migrations eurent lieu; d'autres troupes partirent pour retrouver la ville sainte et le temple de Dieu, mais la masse de la nation demeura sur la terre de l'exil.

Quelques auteurs supposent que le livre d'Ester a été écrit par Mardochée; mais l'opinion la plus probable, la seule qui explique la complète absence du nom de Dieu dans ce document, est celle qui le considère comme un simple extrait des annales de la Perse. On sait que les souverains de l'Asie avaient l'habitude de faire écrire l'histoire de leur règne. De nombreux passages , dans les livres des Rois et des Chroniques, prouvent que cet usage était adopté par les rois de Juda et par ceux d'Israël; et nous voyons par le livre d'Ester qu'Assuérus avait en effet des chroniques écrites de l'histoire de son royaume et de son règne (II, 23; VI , 1). C'est de ces chroniques, selon toute apparence, qu'a été détaché ce fragment de l'histoire des Juifs sous la reine Ester (voyez X , 2). Cette opinion est celle qui explique le mieux la conservation du mot persan Purim (IX , 24-32), certains détails concernant l'empire d'Assuérus, l'exactitude avec laquelle sont indiqués les noms des ministres et ceux des fils de Haman, la mention des Juifs à la troisième personne, la fréquente désignation d'Ester sous le simple titre de « la reine, » et celle de Mardochée sous l'épithète de « le Juif. » Elle rend également compte de certaines parenthèses qui viennent par moments interrompre le Cil de la narration, et dont l'objet parait être de donner des explications nécessaires pour un lecteur juif. Elle explique enfin comment le récit se termine assez subitement par une phrase relative à la puissance d'Assuérus et par une autre concernant la grandeur de Mardochée.

Les événements racontés dans le livre d'Ester se placent entre le VIe et le VIIe chapitre d'Esdras. L'institution de la fête des sorts, qui a continué d'être observée jusqu'à ce jour, est une preuve palpable et permanente de l'authenticité de ce récit. Le livre «Ester a du reste toujours été considéré comme canonique par les Juifs, qui le tenaient en grande vénération.

Quant à son contenu, on peut le diviser comme suit: Festin donné par Assuérus, qui se termine par son divorce , et le renvoi de la reine Vasti (chap. I). Elévation «Ester au trône de Perse ; service rendu au roi par Mardochée, qui découvre un complot tramé contre lui (chap. II). Avènement de Haman , son projet de détruire tous les Juifs (chap. III). Consternation des Juifs ; mesures qu'ils prennent pour se soustraire au sort qui les menace (chap. IV). Ester déjoue les machinations de Haman contre Mardochée ; honneurs accordés à Mardochée; exécution de Haman (chap. V, VI et VII). Le complot de Haman contre les Juifs est réduit à néant; institution de la fête des Purim en souvenir de cette délivrance; avancement de Mardochée (VIII à X).

Le livre d'Ester fait voir combien les Juifs, quoique dispersés au milieu des païens, étaient protégés par la Providence contre ceux même qui projetaient leur complète destruction. Bien que le nom de Dieu ne se rencontre pas dans ce livre, sa main s'y reconnaît à chaque ligne; il prévoit les événements, il les prépare, il les prévient et fait concourir toutes choses au plus grand bien des Juifs et même à celui des païens ( I, II, 1-10). Ce n'était pas seulement la tranquillité des Juifs de Babylone qui était menacée; si Haman eût réussi , comme la Perse était également souveraine à Jérusalem et, par toute l'Asie , les Juifs, dans le monde entier , auraient péri , et avec eux l'ensemble de l'Eglise visible de Dieu sur la terre.

Dieu se sert des circonstances en apparence les plus insignifiantes pour amener l'accomplissement de ses desseins (verset 6). On doit remarquer la fermeté de la foi de Mardochée, qui craignait moins le décret irrévocable du roi de Perse qu'il ne se confiait en la fidélité de son Dieu (IV, 14). Il ne savait pas comment, mais il savait qu'Israël serait délivré, et s'il demande le secours d'Ester, c'est pour elle, pour sa gloire, et non point pour les Juifs qui, dans tous les cas, « seront délivrés par quelque autre moyen. »

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§ 101. Néhémie (445-428). - Ce livre n'en formait primitivement qu'un seul avec celui d'Esdras, bien qu'il ait été écrit ou compilé par Néhémie. Le chapitre VII , 6-73, est probablement une compilation (verset 5) ; il en est de même de XII , 1-26 (verset 23). Quant au reste , il y a des preuves évidentes que c'est Néhémie qui l'a composé (l à VII ; XII, 27-43 ; XIII, 6-31).

Le livre de Néhémie reprend l'histoire des Juifs environ douze ans après la fin du livre d'Esdras. Il raconte les améliorations qui ont été introduites dans la ville de Jérusalem et les progrès de la réformation parmi le peuple sous son gouvernement.

Bien que le temple eût été reconstruit sous l'administration d'Esdras, les murailles et les portes de la ville étaient encore dans l'état de ruine dans lequel les Caldéens les avaient laissées, et les habitants étaient exposés aux attaques et aux invasions de tous leurs ennemis. Néhémie fut l'instrument choisi de Dieu pour travailler à la défense de la ville. Quoique Juif et captif, il avait été, par les soins de la vigilante providence de Dieu, nommé échanson du roi de Perse, l'une des fonctions les plus honorables de la cour , l'une de celles qui supposaient ou amenaient le plus d'intimité avec le roi. Mais au milieu des richesses et des honneurs temporels, son coeur était resté pur , et quand il entendit parler de la déplorable condition de ses compatriotes de la Judée , il ne put se défendre d'en être profondément affecté. Il en fit le sujet de ses sérieuses prières, et après quatre mois, rabattement de son visage ayant révélé au roi la tristesse de son coeur, il saisit cette occasion de demander un congé pour retourner à Jérusalem. Le roi , peut-être sous l'influence de la reine Ester son épouse, nomma Néhémie gouverneur de Jérusalem , avec mission spéciale de reconstruire les murailles et de mettre la ville en état de défense (I; Il , 1-8).

La reconstruction des murailles fut achevée en cinquante-deux jours, nonobstant toutes les difficultés suscitées par Sanballat et par Tobija , qui étaient les principaux chefs de la colonie rivale des Samaritains. Ils commencèrent par se moquer des travaux entrepris, puis ils essayèrent de les empêcher par la force ; ils cherchèrent, par divers stratagèmes, à affaiblir l'autorité morale de Néhémie, et finirent par attenter à ses jours ; mais tout fut inutile. A ces dangers du dehors se joignaient encore les difficultés intérieures , provenant de la misère générale qui était soigneusement entretenue et aggravée par les cruelles exactions des riches et des principaux. Les griefs du peuple étaient légitimes ; Néhémie résolut d'y faire droit; il adressa de sérieuses observations aux grands de la nation , et donna lui-même l'exemple de toutes les réformes en réduisant au strict nécessaire les dépenses de sa maison. Il paraît que vers cette époque les principaux de Jérusalem conspirèrent aussi avec Tobija contre le gouverneur (II, 9-20 ; III à VI). C'est ainsi que les brèches furent réparées « en un temps d'angoisse (Dan. , IX, 25). » Et l'achèvement des murailles fut joyeusement célébré par une fête solennelle sous la direction de Néhémie ( XII , 27-43).

Néhémie porta ensuite son attention sur diverses autres branches du service publie. Il nomma plusieurs fonctionnaires (VII, 1-3 ; XII, 44-47), et chercha à exciter et à ranimer l'intérêt général pour la religion , en faisant faire des lectures et des explications publiques de la loi, en faisant célébrer la fête des tabernacles avec une splendeur inaccoutumée, en proclamant un grand jeûne national, et en proposant au peuple de renouveler une alliance solennelle avec Dieu « pour marcher dans sa loi (VIII à X). »

Les habitants de Jérusalem étant trop peu nombreux pour la sûreté et la prospérité de la ville, Néhémie obligea , par la voie du sort , un dixième des colons du pays à se fixer dans leur ancienne capitale qui présentait si peu de ressources que « le peuple bénit tous ceux qui se présentèrent volontairement pour s'habituer à Jérusalem (VII, 4; XI, 1-19). » On peut croire que Néhémie fut secondé par Esdras dans l'accomplissement de toutes ces réformes religieuses et administratives.

Au bout de douze ans (V, 14) , Néhémie retourna en Babylonie. Plus tard il revint à Jérusalem , et continua de s'occuper activement de l'oeuvre de la réformation parmi ses compatriotes , particulièrement en corrigeant les abus qui s'étaient développés et fortifiés en son absence (chap. XIII). L'ensemble de l'administration de Néhémie doit avoir duré environ trente-six ans ; avec elle finit l'histoire de l'Ancien-Testament.

Néhémie présente un des plus nobles exemples du vrai patriotisme fondé sur la crainte de Dieu (V, 15) et se préoccupant du bien-être spirituel de son peuple. Son respect pour la loi divine, son observation scrupuleuse du sabbat (XIII, 18), sa pensée constamment dirigée vers Dieu en toutes choses (l , 11 ; II, 18), son intelligence pratique du caractère de Dieu (IV, 14 ; IX , 6-33) , son esprit de vigilance et de prière (IV, 9 , 20), son humilité en attribuant à la grâce de Dieu tout ce qu'il pouvait y avoir de bien en lui (II, 12; VII , 5), sont extrêmement remarquables. An chapitre IX , nous lisons un abrégé très-instructif de l'histoire des Juifs, qui nous montre , à la lumière de la révélation, ce qu'est Dieu et ce que sont les hommes. Peu de livres , même dans la Bible , contiennent de plus riches et de plus abondants exemples de philosophie religieuse , de religion appliquée.

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§ 102. Malachie (420-397 avant Christ). - Malachie (mon messager, mon ange) est le dernier des prophètes de l'Ancien-Testament, comme Néhémie est le dernier de ses historiens ; le temps de son ministère coïncide avec celui de l'administration de Néhémie. Le second temple est reconstruit, le service des autels , avec les offrandes et les sacrifices , est rétabli; mais partout, et surtout dans le clergé , règne un esprit profane et hypocrite , contre lequel le prophète réunit tous ses efforts. Il se plaint aussi de la fréquence des divorces et du grand nombre de mariages mixtes contractés avec des idolâtres, les mêmes maux que Néhémie condamne et combat si sévèrement (Cf. Mal., II, 11 avec Néh., XIII, 23-27. - Mal., II, 8 ; III , 8, 10. Néh. XIII , 10 , 11 , 29.) - II vécut entre 436 et 397 avant Christ.

Malachie commence son livre en rappelant aux Juifs comment Dieu les a préférés à Edom, Jacob à Esaü, et il leur reproche leur ingratitude pour une si grande grâce; il censure les prêtres ( I, 6 ; II, 1) et le peuple (II, 14). Il rappelle la sainteté de l'institution du mariage (verset 15). Il annonce qu'ils seront rejetés et maudits, et que Dieu se fera « un nom redouté parmi les nations , » parce qu'il est travaillé et fatigué de l'impiété d'Israël ( I et II).

Puis il prophétise la venue du Précurseur , l'avènement du Messie dans le temple, lequel purifiera le culte et, ceux qui le rendent , par sa doctrine, par ses jugements et par sa grâce ; le bonheur du petit ,nombre des élus qui, dans des temps de corruption, prendront conseil les uns des autres pour se fortifier par la pensée et la foi religieuse; Dieu les préservera, et fera comprendre enfin à tous les hommes qu'ils sont siens, et qu'ils doivent se convertir (III à IV, 1).

Il termine en annonçant que la délivrance est proche , que le précurseur du Soleil de justice va venir, et il recommande à tous, en attendant son arrivée, qu'ils aient à observer exactement la loi donnée en Horeb (Luc, I, 47).

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§ 103. Résumé. - Les dernières prophéties de l'Ecriture sont identiques avec les premières. Elles condamnent le mal et promettent la délivrance. Elles maintiennent l'autorité de la première révélation et laissent entrevoir la seconde. Le prophète est encore un docteur , et ses dernières paroles sont tout ensemble une proclamation de la loi , un appel à l'obéissance spirituelle, et l'annonce de l'Evangile et de sa gloire salutaire (Mal., IV, 2-6).


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